CA Aix-en-Provence, 1re ch. C, 26 novembre 2009, n° 08/21938
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Cesar (SARL)
Défendeur :
Le Perse (SARL), Faivre Duboz (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Falcone
Conseillers :
Mme Vidal, Mme Fenot
Avoués :
SCP Jourdan - Wattecamps, SCP Blanc-Cherfils
Avocats :
Me Bourguet-Maurice, Me Depo
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte d'huissier en date du 3 novembre 2008, Maître FAIVRE DUBOZ, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL LE PERSE, a fait assigner la SARL LE CESAR devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de Nice pour voir ordonner son expulsion comme occupante sans droit ni titre du fonds de commerce sis [...], sous astreinte de 500 euros par jour de retard et à lui verser une somme provisionnelle de 2.392 euros avec intérêts au taux de 15% l'an.
Par ordonnance en date du 9 décembre 2008, le juge des référés du Tribunal de Commerce de Nice a ordonné l'expulsion de la SARL LE CESAR, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance, et l'a condamnée à payer à Maître FAIVRE DUBOZ une somme de 2.392 euros assortie des intérêts au taux de 15% l'an à compter de l'assignation, ainsi qu'une indemnité de 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL LE CESAR a interjeté appel de cette décision suivant déclaration au greffe en date du 15 décembre 2008.
La SARL LE CESAR, aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 27 octobre 2009, soulève l'incompétence du juge des référés pour statuer sur son titre d'occupation, rappelant que, dans l'attente de la signature de l'acte de vente du fonds de commerce, elle a été autorisée à occuper le fonds par jugement du Tribunal de Commerce de Nice du 8 novembre 2007 ; qu'elle a respecté toutes les obligations mises à sa charge en qualité de cessionnaire et qu'elle occupe toujours en vertu du jugement du Tribunal de Commerce ; qu'elle ne peut être considérée comme occupante sans droit ni titre en raison d'une difficulté du contrat de location-gérance consenti par Maître FAIVRE DUBOZ, contrat dont l'interprétation relève uniquement du juge du fond. Elle demande donc à la Cour de rejeter la demande d'expulsion présentée par Maître FAIVRE DUBOZ.
Elle affirme qu'elle a réglé la somme qui correspondait à 4 mois d'occupation du contrat de location gérance, étant considéré que le loyer était fixé à 1.000 euros par mois par le Tribunal et qu'elle a réglé 2.392 euros pour la période du 6 août au 6 octobre 2008, puis à nouveau 2.392 euros pour la période du 6 octobre au 6 décembre, par un versement en espèces opéré avant l'audience du 18 novembre 2008 ; que dès lors, le jour de l'audience, elle n'était plus redevable d'aucune somme au titre du contrat de location gérance.
Elle soulève l'irrecevabilité de la demande présentée par Maître FAIVRE DUBOZ pour la première fois en cause d'appel tendant à la fixation d'une indemnité d'occupation, sur le fondement des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, et soutient que celle-ci ne peut invoquer à son bénéfice les dispositions de l'article 566. Elle ajoute que cette demande n'est en tout état de cause pas fondée, dès lors que la Cour a ordonné le transfert du bail au profit de la SARL LE CESAR et qu'elle est tenue de ce fait au paiement des loyers directement auprès du bailleur.
Maître FAIVRE DUBOZ, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL LE PERSE, en l'état de ses écritures en date du 1er octobre 2009, conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée et demande à la Cour d'ordonner l'expulsion sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance du 9 décembre 2008 et de condamner la SARL LE CESAR à lui verser une indemnité mensuelle d'occupation de 4.500 euros à compter du 5 octobre 2008 ainsi qu'une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que le titre d'occupation de la SARL LE CESAR n'est pas le jugement mais le contrat de location gérance signé par elle le 6 août 2008 pour une durée de 2 mois, non prorogée par le Tribunal de Commerce, et que cette société est donc sans droit ni titre depuis le 5 octobre 2008, de sorte que la demande d'expulsion est parfaitement justifiée.
Elle fait valoir que le loyer convenu était de 2.000 euros HT par mois et que la clause pénale prévoyait le versement d'intérêts au taux de 15% l'an au profit du loueur ; que le loyer a été payé en son temps pour le 1er mois (2.392 euros) mais que le mois de septembre/octobre 2008 n'a été réglé que le 5 décembre 2008.
Elle ajoute que la SARL LE CESAR se maintient dans les lieux, refuse de signer l'acte de cession du fonds de commerce et crée une dette locative à son préjudice puisque le loyer dû au CHU de Nice est de 2.347,27 euros par mois et qu'il est resté impayé ; que deux sociétés étrangères à la cession du fonds de commerce occupent les lieux sans droit et doivent également être expulsées.
Suivant note en délibéré en date du 2 novembre 2009 autorisée par la Cour pour permettre à l'intimée de répondre au moyen d'irrecevabilité de sa demande en paiement d'indemnité d'occupation soulevé par l'appelante dans ses dernières conclusions, Maître FAIVRE DUBOZ, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL LE PERSE, fait valoir que la demande en paiement d'une indemnité d'occupation présentée pour la première fois en appel constitue l'accessoire de l'action en résiliation de bail et expulsion, conformément aux termes des articles 564 et 565 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande d'expulsion :
Attendu que la SARL LE PERSE a été placée par jugement du Tribunal de Commerce de Nice du 8 novembre 2007 sous le régime du redressement judiciaire et Maître FAIVRE DUBOZ désignée en qualité d'administrateur judiciaire ;
Que le Tribunal de Commerce de Nice a, par jugement du 23 juillet 2008, adopté le plan de cession du fonds de commerce de la SARL LE PERSE tel que proposé par Maître FAIVRE DUBOZ au profit de Mme DEQUIRET, avec faculté de substitution au profit de la SARL LE CESAR en cours de formation ; que cette décision a été confirmée par un arrêt de la Cour d'appel du 19 février 2009 statuant sur l'appel formé par le bailleur, le CHU de Nice ; qu'elle a été complétée, pour les mentions qui y étaient omises, par un jugement du 11 juin 2009 qui a notamment ajouté au dispositif l'autorisation donnée à Maître FAIVRE DUBOZ de conclure avec le cessionnaire un contrat de location gérance du fonds de commerce, conformément aux dispositions de l'article L 642-13 du Code de Commerce, dans l'attente de la signature des actes de cession, moyennant une redevance mensuelle de 2.000 euros HT en sus des loyers et charges dus au titre du bail commercial au CHU de Nice ;
Que, par acte sous seing privé en date du 4 août 2008, Maître FAIVRE DUBOZ, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL LE PERSE, qui avait sollicité, dans le plan de cession adopté par le Tribunal de Commerce, l'autorisation de conclure une location gérance provisoire au profit du cessionnaire, moyennant une redevance de 2.000 euros par mois, a conclu avec la SARL LE CESAR un contrat de location gérance sur le fonds pour une durée de 2 mois, sauf prorogation par le Tribunal de Commerce saisi par la partie la plus diligente, moyennant le paiement d'un loyer de 2.000 euros HT chaque mois et d'avance, le non-respect de cette obligation étant sanctionné par un intérêt au taux de 15% l'an ;
Que force est de constater que le contrat de location gérance, à défaut de prorogation sollicitée auprès du Tribunal de Commerce de Nice, est arrivé à son terme le 5 octobre 2008 et que la SARL LE CESAR se trouve donc occupante du fonds sans droit ni titre depuis cette date ; que c'est en vain que cette société prétend qu'elle l'occuperait en vertu du jugement du Tribunal de Commerce du 23 juillet 2008, lequel, dans sa rectification opérée le 11 juin 2009, autorise seulement la conclusion d'un contrat de location gérance qui définit seul les droits et obligations des parties et dont les termes clairs ne nécessitent pas d'interprétation ;
Que c'est donc à juste titre que le premier juge a ordonné l'expulsion de la SARL LE CESAR comme occupante sans droit ni titre ;
Sur la demande en paiement d'une somme au titre du loyer :
Attendu que, tant le plan préparé par Maître FAIVRE DUBOZ et adopté par le Tribunal de Commerce le 23 juillet 2008 que le jugement rectificatif du 11 juin 2009 et le contrat de location gérance qui fait la loi des parties, mentionnent que la redevance due par la SARL LE CESAR est fixée à la somme mensuelle de 2.000 euros HT (et non de 1.000 euros comme mentionné par erreur dans l'ordonnance du juge des référés) ;
Qu'il y a lieu de constater que la SARL LE CESAR a régulièrement remis à Maître FAIVRE DUBOZ un premier chèque de 2.392 euros au titre de la période du 5 août au 5 septembre 2008, mais qu'elle a tardé à régler la redevance du deuxième mois de location, la somme de 2.392 euros, due pour la période du 5 septembre au 5 octobre 2008, n'ayant été finalement versée entre les mains de Maître FAIVRE DUBOZ que le 5 décembre 2008, ainsi qu'il ressort d'une déclaration de recettes de la Trésorerie Générale des Alpes Maritimes ; que le premier juge, qui a rendu son ordonnance le 9 décembre 2008, n'avait pas pu constater ce règlement et a prononcé la condamnation de la SARL LE CESAR à payer cette somme de 2.392 euros avec intérêts au taux de 15% l'an à compter de l'assignation ; qu'il y a lieu, à ce jour, de constater que le règlement de la redevance pour la période du 5 septembre au 5 octobre 2008 a bien eu lieu, mais de condamner la SARL LE CESAR à verser à Maître FAIVRE DUBOZ les intérêts sur cette somme entre le 3 novembre 2008, date de l'assignation, et le 5 décembre 2008, date de son paiement ;
Sur la demande en paiement d'une indemnité d'occupation :
Attendu que c'est en vain que la SARL LE CESAR soulève l'irrecevabilité de la demande présentée pour la première fois devant la Cour par Maître FAIVRE DUBOZ en paiement d'une indemnité d'occupation, alors qu'il apparaît que cette demande, qui n'est que l'accessoire de la demande en expulsion du locataire gérant et la conséquence du maintien dans les lieux de la SARL LE CESAR au-delà de la date d'expiration du contrat de location gérance et en dépit de l'ordonnance ayant ordonné son expulsion, répond aux conditions posées par l'article 566 du code de procédure civile ;
Que Maître FAIVRE DUBOZ, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL LE PERSE, est bien fondée à réclamer à la SARL LE CESAR le versement d'une indemnité d'occupation dont le montant peut être fixé à hauteur de la redevance contractuellement prévue ; qu'il n'y a pas lieu d'en porter le montant à une somme supérieure, pour y intégrer notamment le loyer et les charges dus au CHU de Nice, le contrat de location gérance prévoyant d'ores et déjà que le locataire-gérant paiera directement au bailleur les loyers et charges conformément aux stipulations du bail commercial ;
Vu les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Vu l'article 696 du Code de Procédure Civile,
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par défaut, en matière de référé et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné l'expulsion sous astreinte de la SARL LE CESAR de son occupation du fonds de commerce de la SARL LE PERSE, sauf à y ajouter que l'expulsion aura lieu à l'égard de tous occupants du fonds de commerce du chef de la SARL LE CESAR ;
La confirme en toutes ses autres dispositions, sauf à constater que la somme de 2.392 euros au paiement de laquelle la SARL LE CESAR a été condamnée a été versée entre les mains de Maître FAIVRE DUBOZ le 5 décembre 2008 et que les intérêts au taux de 15% sur cette somme sont donc dus du 3 novembre 2008 au 5 décembre 2008 ;
Y ajoutant,
Déclare la demande de Maître FAIVRE DUBOZ, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL LE PERSE, en paiement d'une indemnité d'occupation recevable et bien fondée et condamne la SARL LE CESAR à lui verser une indemnité mensuelle d'un montant égal à la redevance contractuellement prévue, soit 2.000 euros HT, à compter du 5 octobre 2008 jusqu'à la libération du fonds ;
Condamne la SARL LE CESAR à payer à Maître FAIVRE DUBOZ, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL LE PERSE, une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la SARL LE CESAR aux dépens d'appel ;
En autorise le recouvrement direct par la SCP BLANC, CHERFILS, avoué, dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.