Cass. 1re civ., 9 décembre 1986, n° 85-15.160
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ponsard
Rapporteur :
M. Barat
Avocat général :
Mme Flipo
Avocats :
SCP Boré et Xavier, Me Barbey
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mme Z... avait épousé, sous le régime de la séparation de biens, M. X... et qu'elle en a été divorcée par un jugement du 1er février 1963 ; que M. X... est décédé le 2 août 1979, en l'état de deux testaments en date des 25 octobre 1963 et 24 avril 1979, aux termes desquels il a institué légataire universelle Mme Marie-José A..., épouse Y... ; que cette dernière, envoyée en possession de son legs universel par ordonnance du président du tribunal de grande instance en date du 5 septembre 1979, a pris possession des meubles qui se trouvaient au domicile du testateur, parmi lesquels une commode d'époque Régence et un secrétaire d'époque Louis XV estampillé Migeon ; que Mme Z..., se prétendant propriétaire de ces deux meubles, a assigné Mme Y... en restitution ou, à défaut, en paiement d'une somme de 300 000 francs représentant leur valeur actuelle ; que l'arrêt infirmatif attaqué, considérant que Mme Z... justifiait de son droit de propriété sur les meubles revendiqués et que la possession de Mme Y... était précaire ou équivoque, a condamné cette dernière à restituer à Mme Z... les deux meubles litigieux et, faute par elle d'être en mesure d'effectuer cette restitution, à payer la somme de 280 000 francs, à titre de dommages-intérêts, et les intérêts légaux de cette somme à compter de la date de l'arrêt ;
Attendu que Mme Y... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, la cour d'appel ne se serait pas expliquée sur la possession exercée par M. X... sur les meubles litigieux demeurés à son domicile pendant la période ininterrompue de seize années qui s'est écoulée entre son divorce et son décès, et alors que, d'autre part, en déniant à M. X... la qualité de possesseur et donc de propriétaire au motif que Mme Z... avait été antérieurement propriétaire des meubles et que M. X... ne justifiait d'aucun acte qui lui en aurait transféré la propriété, la juridiction du second degré aurait violé, par refus d'application, l'article 2279 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt a constaté que Mme Z... avait acheté les meubles litigieux dans une vente aux enchères le 18 juin 1957, alors qu'elle était épouse séparée de biens de M. X... et qu'elle n'en avait jamais transféré la propriété à ce dernier par donation ou par tout autre moyen ; qu'en déduisant de ces constatations de fait que la possession de M. X... était précaire et équivoque et que cette possession s'était transmise, ainsi viciée, à la légataire universelle, la cour d'appel a fait une exacte application de l'article 2279 du Code civil ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses diverses branches :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme Y..., pour le cas où elle ne serait pas en mesure de restituer les meubles revendiqués, à payer à Mme Z... la somme de 280 000 francs, représentant leur valeur actuelle, alors que, d'une part, la cour d'appel ne pouvait fonder cette condamnation sur l'article 1142 du Code civil dont les dispositions ne s'appliquent, selon le moyen, qu'à l'inexécution d'une obligation contractuelle, alors que, d'autre part, elle ne pouvait condamner Mme Y... à payer des dommages-intérêts sans constater l'existence d'une faute à son encontre, et alors qu'enfin, elle ne pouvait pas davantage la condamner à payer la valeur actuelle des biens revendiqués sans constater sa mauvaise foi ;
Mais attendu que, suivant l'article 1142 du Code civil, toute obligation de faire se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur ; que, par une exacte application de ce texte, la cour d'appel a condamné Mme Y..., pour le cas où elle ne serait pas en mesure de restituer en nature les meubles revendiqués, à en payer la valeur actuelle à Mme Z... ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.