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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 29 juin 2017, n° 17/07746

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

France Business Travel (Sté)

Défendeur :

Amadeus (Sté), Back Roads/Travel and Co (Sté), Banque Palatine (Sté), Banque Populaire Rives de Paris (SA), BNP Paribas Lease Group (Sté), BNP Paribas Real Estate (Sté), Deka Immobien Investment GmbH (Sté), CGEA Ile-de-France Ouest, Boiloris (SARL), 73 Rue de Lourmel (SCI), Five Stratégie - Thalasso n° 1 (Sté), Ge Capital (Sté), Gestour (Sté), Groupama Gan Vie (Sté), Cabinet John Arthur et Tiffen (SA), Klima (Sté), Legros (SCI), Locam (SAS), Loison Immobilier (SCI), Madeleine Opera (SAS), N&F Voyages (SARL), Orchestra (Sté), 26 Bis de Montreuil (SCI), Paris Habitat-OPH (Epic), Parthena (SAS), Perial (Sté), Pitney Bowes (SAS), SN Agences (SAS), Corbert (SNC), Sophia GE (Sté), Thomas Cook (SAS), Vinci Cegelec Missenard (Sté), Martinez (ès qual.), Qualité BH Immobilier (Sté), 38 Avenue Charles de Gaulle (SCI), Actipierre 3 (Sté), Aineuil (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franchi

Conseillers :

Mme Picard, Mme Rossi

Avocats :

Me Guizard, Me Beulque, Me Dutreuilh, Me Lefèbvre, Me Hennequin, Me de la Mortière, Me Maubaret, Me Chiellein, Me Cordier Vasseur

T. com. Paris, du 31 mars 2017, n° 20170…

31 mars 2017

Par un jugement en date du 12 janvier 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert, suite à une déclaration de cessation des paiements, une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Boiloris, qui exploite un réseau de 17 agences de voyages sous les enseignes Jet Tours et Thomas Cook. Le tribunal a désigné la Selarl Bauland-Carboni-Martinez &Associés prise en la personne de Maître Martinez comme administrateur judiciaire et la Selarl EMJ prise en la personne de Maître Corre comme mandataire judiciaire.

Compte tenu de l'importance du passif (9.171.176 euros) et de l'absence de perspective d'un plan de continuation le tribunal a décidé de rechercher des repreneurs et a fixé au 30 janvier 2017 la date limite de dépôt des offres de reprise.

Plusieurs offres étaient déposées dont une offre de la société France Business Travel selon laquelle notamment "en sus du prix de cession, la société France Business Travel devrait reconstituer les dépôts de garantie se rattachant aux baux commerciaux repris pour une valeur de 98.489 euros" et mentionnait que "le cessionnaire prenait acte du fait que tout dépôt de garantie devrait être constitué par ses soins après son entrée en jouissance en cas de poursuite des relations contractuelles avec le cocontractant".

Par un courrier du 6 mars 2017 Maître Martinez attirait l'attention de la société France Business Travel sur le fait que les dépôts de garantie devaient se faire entre ses mains et non entre les mains des bailleurs.

Le tribunal de commerce de Paris par jugement en date du 31 mars 2017 a adopté un plan de cession des éléments constitutifs du fonds de commerce de la société Boiloris. Les offres complémentaires et conjointes présentées d'une part par la Sas SN Agences/Groupe Salaün et d'autre part par la Sarl France Business Travel/Groupe Sainte Claire ont été retenues. Le plan de cession prévoit la reprise de treize des dix-sept agences de la société, emporte le licenciement économique de onze salariés et stipule une inaliénabilité des biens d'une durée d'un an. Le plan prévoit également le remboursement par le cessionnaire "des dépôts de garanties afférents aux baux commerciaux attachés aux fonds de commerce aux organes de la procédure en sus du prix proposé".

Un appel a été interjeté par la Sarl France Business Travel à l'encontre de ce jugement le 12 avril 2017 et en vertu de la procédure à jour fixe prévue par les dispositions de l'article R. 661-6 du code de commerce une audience a été fixée pour le 8 juin 2017.

Par conclusions du 18 avril 2017 la société France Business Travel s'est partiellement désistée de son appel à l'encontre de A, B, C, D, E, F, la société Amadeus, la société Back Roads Travel and Co, la Banque Palatine, la Banque Populaire Rives de Paris, la BNP Paribas Lease Group, la BNP Paribas Real Estate, la société Deka Immobien Investment Gmbh, la Sci 73 rue de Lourmel, la société Five Strategie Thalasso nº 1, la société GE Capital, la société Gestour, la société Groupama Gan Vie, la société Klima, la Sci Legros, la société Locam, la société L&F Voyages, la société Orchestra, la société Paris Habitat, la société Parthena, la société Perial, la société Pitney Bowes, la société Sophia GE, la société Vinci Cegelec Missenard, la société Actipierre 3 et la Sci Aineuil.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 16 mai 2017 la Sarl France Business Travel demande à la cour, sur le fondement des articles L. 642-2 et suivants du code de commerce, de se libérer des dépôts de garantie repris par elle directement entre les mains des différents bailleurs concernés, à charge pour les organes de la procédure de se rapprocher des bailleurs pour en obtenir le remboursement, ainsi que l'autorisation, au visa de l'article L. 642-2 du code de commerce, de procéder à la cession des actifs repris uniquement au profit des autres sociétés du groupe Sainte-Claire.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 24 mai 2017 le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) Ile de France Ouest, contrôleur de la société Boiloris et intimé, demande à la Cour, sur le fondement des articles L. 642-2 V, L. 642-4, L. 642-9 et L. 642-10 du Code de commerce, de confirmer le jugement et de débouter la Sarl France Business Travel de l'ensemble de ses demandes ainsi que de condamner la société au paiement de la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le ministère public a rendu un avis le 30 mai 2017 demandant la confirmation sur tous points du jugement de première instance.

Par conclusions signifiées le 7 juin 2017 la société Snc Corbert demande à la cour d'appel de :

Statuer ce que de droit sur l'appel interjeté par la société France Business travel,

- Constater que la Snc Corbert, propriétaire des locaux sis à Paris 3, rue Claude Bernard, fait jouer la compensation connexe entre sa créance de loyer et de charges impayées et le dépôt de garantie en sa possession,

- Juger que la société France Business Travel devra reconstituer entre les mains de la Snc Corbert le dépôt de garantie qui s'élève au 1er trimestre 2017 à la somme de 7.054, 59 euros,

- Statuer ce que de droit sur les dépens.

SUR CE

Sur la reconstitution des dépôts de garantie

La Sarl France Business Travel soutient tout d'abord que l'obligation de reconstitution du dépôt de garanties par les cessionnaires est contraire aux stipulations de l'offre France Business Travel et aux engagements pris. En se référant à son offre, aux différents courriers ainsi qu'aux échanges intervenus, il ressortait, selon elle, sa volonté de verser les dépôts de garantie entre les mains des bailleurs.

Elle soutient ensuite que ce dépôt de garanties entre les mains des organes des procédures collectives emporte une différence de traitement des bailleurs des fonds de commerce Boiloris. En effet, sur les treize bailleurs, six d'entre eux verront leurs dépôts de garantie remboursés par le repreneur, la société SN Agences, tandis que sept bailleurs n'obtiendraient pas ce remboursement, ceux dont elle reprend les agences.

Enfin, la Sarl France Business Travel estime que cette disposition va au-delà de son offre et ajoute une charge augmentative du prix proposé. Le versement des dépôts de garantie entre les mains des organes de la procédure collective permettrait aux bailleurs de solliciter également, et nonobstant la compensation d'une partie des arriérés locatifs avec la créance connexe de dépôt de garantie, la reconstitution entre leurs mains du dépôt de garantie. Selon la société, le repreneur ne saurait se voir imposer un tel risque financier certain, non accepté et repris dans son offre.

Le CGEA fait valoir que le candidat, sur le fondement de l'article L. 642-2 V du Code de commerce, est lié par les termes de l'offre présentée. Le tribunal de commerce se prononce en faveur d'une offre de reprise au regard de l'ensemble des éléments énoncés à l'article L. 642-4 du code de commerce, y compris le prix et les charges augmentatives du prix.

En l'espèce, le CGEA met en exergue le fait que la Sarl France Business Travel n'aurait pas précisé explicitement le bénéficiaire de la reconstitution des dépôts de garantie. Maître Martinez aurait attiré l'attention de la société par courrier sur le fait que les dépôts de garantie devraient être reconstitués entre ses mains et non entre celles du bailleur. Demander la reconstitution du dépôt de garantie entre les mains des bailleurs serait dès lors contraire à l'article L. 642-2 V du code de commerce, puisque l'offre formulée ne précisait nullement envers qui le dépôt de garantie devait être reconstitué.

Par ailleurs, la reconstitution au profit des organes de la procédure aurait grandement amélioré l'offre de reprise présentée par la société France Business Travel. C'est en considération des conditions de cession, et notamment de cet élément, que le tribunal de commerce se serait prononcé en faveur de l'offre présentée par la société. Remettre en cause le bénéficiaire de la reconstitution conduirait à remettre en cause l'entière opération de cession au bénéfice de la société France Business Travel.

En outre, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le dépôt de garantie ne doit être restitué au bailleur qu'au moment de la fin du bail et aucune compensation ne peut être alléguée entre les différentes créances. Dès lors, le dépôt de garantie doit être nécessairement remboursé aux organes de la procédure et le risque de compensation évoqué par France Business Travel ne tiendrait pas.

Enfin aucune différence de traitement entre les agences reprises par la société SN Agences et celles reprises par la société Business Travel ne peut être invoquée, les dispositions devant être adaptées en fonction de chaque contrat de bail. Les situations ne sont dès lors pas incompatibles.

Le ministère public estime également que la société n'a pas précisé le bénéficiaire de la reconstitution des dépôts, et que le courrier de Maître Martinez lève toute incertitude. Le fait que le cessionnaire ait averti les bailleurs que les dépôts se feraient entre leurs mains est indifférent, puisque le cessionnaire est tenu par son offre.

Cette stipulation n'est pas incompatible avec l'offre de la société SN Agences qui a précisé la destination des dépôts de garantie et la compensation à raison des loyers et charges dus antérieurement n'étant pas possible, le double versement est exclu.

La cour relève en premier lieu qu'il est exact que la société France Business, Travel n'a pas précisé dans son offre que les dépôts de garantie seraient remboursés aux bailleurs mais qu' 'en sus du prix de cession, la société France Business Travel devra reconstituer les dépôts de garantie se rattachant aux baux commerciaux repris pour une valeur de 98.489 euros' *

La société France Business Travel fait une analyse sémantique des termes 'reconstitués' et remboursés' pour en tirer la conclusion que son offre était claire et ne stipulait pas le remboursement des dépôts de garantie entre les mains des mandataires.

La cour note cependant qu'avant l'adoption du plan de cession Maître Martinez a adressé un courrier recommandé très explicite à la société France Business Travel dans lequel elle l'invite à faire un effort conséquent sur le prix de cession proposé et qui attire son attention sur le fait que "les dépôts de garantie afférents aux baux repris (...) devront être remboursés entre nos mains et non celles des bailleurs". 

La société France Buisiness Travel n'a pas réagi à ce courrier et de fait le tribunal de commerce a résumé l'offre de France Business Travel en indiquant notamment que "les dépôts de garanties afférents aux baux repris seront remboursés aux organes de la procédure en sus du prix proposé".

Ainsi, en l'absence de réponse ou de réaction au courrier de Maître Martinez, et en l'absence de plus de précisions de la part du candidat repreneur dans son offre, il a été admis expressément que le périmètre de l'offre comprenait le remboursement des dépôts de garantie aux organes de la procédure, ce remboursement constituant une partie non négligeable du prix et un élément déterminant pour le tribunal dans le choix du repreneur.

La cour considère en conséquence que la société France Business Travel, en ne rectifiant à aucun moment maître Martinez et le tribunal lui-même a admis que son offre était telle que celle décrite et acceptée par le tribunal.

Il est par ailleurs indifférent que la société SN Agences n'ait pas les mêmes obligations, sa situation étant différente de celle de France Business Travel.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

Sur la demande de la Snc Corbert

La Snc Corbert est bailleresse de locaux rue Claude Bernard à Paris. Elle fait valoir qu'il convient de constater qu'elle a opéré compensation entre la créance de loyer antérieure à l'ouverture de la procédure collective et le dépôt de garantie et que celui-ci doit dès lors être reconstitué entre ses mains ainsi que le prévoit le contrat, soit la somme de 7.054, 59 euros. Elle demande à la cour de dire que la société France Business Travel devra donc reconstituer entre ses mains le dépôt de garantie.

La cour rappelle en premier lieu qu'elle tranche un conflit mais ne statue pas par constatation et en second lieu que cette demande n'est pas mentionnée dans le jugement déféré. Elle sera donc déclarée irrecevable car formulée pour la première fois en appel. La cour note au surplus qu'une telle demande concerne les rapports entre le bailleur et le locataire et ne porte pas sur l'appréciation des modalités du plan de cession de l'entreprise.

Sur l'inaliénabilité des fonds repris

La Sarl Business Travel soutient que le tribunal n'a pas accepté sa demande de possibilité d'aliénabilité au profit des sociétés appartenant au groupe Sainte-Claire, pourtant formulée dans son offre et rappelée dans le jugement rendu. Cela permettrait pourtant, à ses yeux, une meilleure organisation du groupe, et dès lors, une meilleure viabilité du plan instauré.

Le CGEA fait valoir que, selon l'article L. 642-10 du Code de commerce, le tribunal n'est pas tenu par les offres de reprise des candidats acquéreurs, en ce qui concerne l'inaliénabilité. En l'espèce, la Sarl Business Travel ne pourrait demander la réformation du jugement sur ce point au seul motif que le tribunal n'a pas accédé à sa demande.

Le ministère public estime que l'inaliénabilité peut être décidée discrétionnairement par le tribunal et que l'inaliénabilité d'une durée d'un an, même au sein du groupe de sociétés, semble ici nécessaire pour assurer la pérennité de l'entreprise et de ses emplois.

Aux termes de l'article L. 642-10 du code de commerce ' le tribunal peut prévoir dans le jugement arrêtant le plan de cession que tout ou partie des biens cédés ne pourront être aliénés, pour une durée qu'il fixe, sans son autorisation.'

Il découle de ce texte que le tribunal pouvait décider de l'inaliénabilité des actifs repris sans être tenu par les demandes de la société repreneuse qui souhaitait pouvoir en céder une partie dans les deux ans de la reprise à d'autres sociétés du groupe.

En l'espèce, c'est à juste titre que le tribunal a décidé de l'inaliénabilité des biens cédés pendant la durée très limitée de une année étant précisé que c'est la société France Business Travel qui est cessionnaire et non le groupe Sainte-Claire et en conséquence que la cession de certains actifs même au sein du groupe, pourrait modifier les engagements pris par France Business Travel quant à l'activité et à l'emploi en particulier.

La demande sera en conséquence rejetée.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Le CGEA demande enfin que la société France Business Travel soit condamnée au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il lui sera allouée la somme de 2.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 31 mars 2017,

Y ajoutant,

Dit que les demandes de la Snc Corbert sont irrecevables,

Condamne la société France Business Travel à payer au Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) Ile de France Ouest, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ,

Condamne la société France Business Travel aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.