CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 3 novembre 2016, n° 14/22717
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Conception et Aménagement de Bâtiments (SARL)
Défendeur :
GE Money Bank (SCA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roussel
Conseillers :
Mme Durand, Mme Chalbos
La SARL Conception et aménagement de bâtiments dite CAB a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Draguignan en date du 28 mai 2013 désignant Maître Anne D. en qualité de liquidateur.
La société GE Money Bank a déclaré le 10 juillet 2013 à titre chirographaire une créance de 9892 € en vertu d'un contrat de crédit-bail souscrit le 20 août 2011.
Le mandataire judiciaire a informé le créancier de la contestation de sa créance au motif qu'il n'était pas établi que le signataire de la déclaration de créance était titulaire d'un pouvoir et que l'indemnité de résiliation était manifestement excessive.
Par ordonnance du 26 novembre 2014, le juge commissaire saisi de la contestation a prononcé l'admission de la créance pour le montant déclaré.
La société CAB a interjeté appel de cette décision le 1er décembre 2014.
Par conclusions déposées et notifiées le 27 février 2015 elle demande à la cour, vu les articles 1152 et 1226 du code civil, de :
- dire et juger que la société GE Money Bank ne justifie pas d'une délégation de pouvoir complète,
- dire et juger que l'indemnité telle que calculée rompt l'égalité entre les créanciers,
- dire et juger que l'indemnité de résiliation s'analyse comme une clause pénale,
- réformer l'ordonnance déférée et statuant à nouveau,
- rejeter la créance déclarée par la société GE Money Bank pour un montant de 9892 €,
- condamner la société GE Money Bank à payer à la société CAB la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Gilles A..
Par conclusions déposées et notifiées le 11 avril 2015, la société GE Money Bank demande à la cour de débouter la SARL CAB de l'ensemble de ses demandes, de confirmer l'ordonnance du juge commissaire en date du 26 novembre 2014, de condamner la SARL CAB à verser à GE Money Bank la somme de 1000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens ainsi qu'à supporter le montant des sommes retenues par l'huissier au titre de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 en cas d'exécution forcée.
Maître D., citée par remise de l'acte à domicile, n'a pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée le 8 septembre 2016.
MOTIFS :
Maître D., intimée défaillante, n'ayant pas été citée à personne, il sera statué par défaut conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
Sur le pouvoir du signataire de la déclaration de créance :
La déclaration des créances au passif du redressement judiciaire du débiteur équivaut à une demande en justice que le créancier peut, selon les dispositions de l'article L622-24 du code de commerce, former lui-même ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Dans le cas où le créancier est une personne morale, cette déclaration, si elle n'émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, peut être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoir lui permettant d'accomplir un tel acte.
Le défaut de pouvoir constitue une irrégularité de fond affectant la validité de la déclaration.
Il peut être justifié de l'existence de la délégation de pouvoir jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance par la production des documents établissant la délégation, ayant acquis ou non date certaine.
En l'espèce, la déclaration de créance désigne le signataire comme étant Madame Véronique A. de V., 'dûment habilitée à cet effet'.
La société GE Money Bank, société en commandite par actions, produit la délégation de pouvoirs consentie le 25 janvier 2013 par Monsieur Gilles de L., gérant, déposée le 30 janvier 2013 au rang des minutes de la SCP M., notaire à Paris, conférant notamment à Madame A. de V. le pouvoir d'établir et signer tous bordereaux de déclarations de créances en cas de sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, ainsi que le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire des associés du 24 mai 2012 autorisant Monsieur Gilles de L., cogérant, à déléguer ses pouvoirs.
Le moyen tiré du défaut de pouvoir du signataire de la déclaration de créance sera en conséquence écarté, l'ordonnance déférée étant confirmée sur ce point.
Sur l'indemnité de résiliation :
Le contrat de crédit-bail liant les parties comporte un article 11 intitulé 'résiliation' et rédigé comme suit :
'La location peut être résiliée par le bailleur, par lettre recommandée, en cas d'inexécution du contrat, notamment en cas de : non-paiement d'un seul loyer, diminution des garanties et sûretés, saisie vente ou confiscation du véhicule loué, décès du locataire, liquidation judiciaire ou dissolution de la société, cession amiable ou forcée du fonds de commerce du locataire (...).
Outre les loyers impayés et leurs accessoires, la résiliation rend exigible une indemnité égale à la différence entre : - d'une part la valeur résiduelle hors taxes du bien stipulée au contrat augmentée de la valeur actualisée, à la date de résiliation du contrat, de la somme hors taxe des loyers non encore échus ; - et d'autre part la valeur vénale hors taxes du bien restitué. La valeur actualisée des loyers non encore échus est calculée selon la méthode des intérêts composés en prenant comme taux annuel de référence le taux moyen de rendement des obligations émises au cours du semestre civil précédant la date de conclusion du contrat majoré de moitié. La valeur vénale est celle obtenue par le bailleur s'il vend le véhicule restitué (...).
Les indemnités et intérêts de retard ci-dessus seront majorés de la TVA à reverser au Trésor (...).'
La société CAB prétend en premier lieu que cette clause a pour effet de majorer les obligations du débiteur envers son créancier en raison du prononcé de la liquidation judiciaire et entraîne une rupture d'égalité entre les créanciers de la procédure collective.
Ce moyen sera écarté dès lors que la clause ne vient pas sanctionner spécifiquement les conséquences de l'ouverture d'une liquidation judiciaire mais s'applique dans tous les cas de résiliation consécutive à une inexécution, et qu'une telle clause, qui peut être stipulée par tout créancier lors de la signature du contrat, n'est pas contraire à la règle d'égalité entre les créanciers de la procédure collective.
L'indemnité de résiliation a bien le caractère d'une clause pénale en ce qu'elle sanctionne l'inexécution du contrat par le preneur et évalue forfaitairement et d'avance l'indemnisation du préjudice subi par le bailleur.
Aux termes de l'article 1152 alinéa 2 du code civil, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Le caractère manifestement excessif de la peine peut notamment résulter de la comparaison de celle-ci avec le préjudice effectivement subi par le créancier, ou encore du cumul de l'indemnité avec d'autres charges majorant les coûts financiers supportés par le débiteur.
En l'espèce, l'indemnité réclamée est manifestement excessive en ce qu'elle comporte une majoration de 19,6% au titre de la TVA alors qu'elle ne constitue pas la contrepartie d'une prestation effective et ne saurait en conséquence y être assujettie.
La créance sera en conséquence admise pour son montant diminué de la TVA, soit pour une somme de 8270,90 €, l'ordonnance déférée étant réformée sur ce point.
La société CAB qui succombe au principal sera condamnée aux dépens qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire, sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ni de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'article 10 du tarif des huissiers de justice.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par défaut,
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté le moyen tiré du défaut de pouvoir du signataire de la déclaration de créance,
Réformant l'ordonnance entreprise quant au montant de l'admission prononcée,
Dit que l'indemnité de résiliation stipulée au contrat de crédit-bail conclu entre la société Conception et aménagement de bâtiments est valable et constitue une clause pénale susceptible de modération par le juge de la vérification des créances,
Prononce l'admission à titre chirographaire de la créance déclarée par la société GE Money Bank au passif de la société Conception et aménagement de bâtiments pour la somme de 8270,90 € après modération de la clause pénale,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective, sans qu'il y ait lieu de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'article 10 du tarif des huissiers de justice.