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Décisions

CA Paris, 3e ch. B, 18 mai 1989, n° 88/00394

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

SE des Docks de Combs la Ville (SARL)

Défendeur :

Brunet et Fils (SARL), Coudray (ès qual.), Cognet (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Montanier

Conseillers :

M. Serre, Mme Borra

Avoués :

SCP Bollet Baskal, SCP Fanet

Avocats :

Me François, Me Petit

T. com. Melun, 1re ch., du 29 déc. 1988

29 décembre 1988

La Cour statue sur l'appel interjeté par le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Melun d'un jugement rendu le 29.12.1988 par le Tribunal de Commerce de ce siège  qui, sur requête de la société d'exploitation des Docks de COMBS LA VILLE a modifié le plan de cession de l'entreprise BRUNET tel qu'arrêté par un précédent Jugement du 19 décembre 1988.

Faits et procédures

La société BRUNET, S.A.R.L. au capital social de 200.000 F dont le siège est situé 5 rue Saint Claude a PONTAULT COMBAULT où elle exploitait un fonds de "maçonnerie marbrerie matériaux", a déclaré la cessation de ses paiements le 18 novembre 1988.

Par Jugement du 21 novembre 1988, le Tribunal de Commerce de Melun a ouvert à son égard la procédure générale de redressement judiciaire, Me COGNET étant nommé en qualité d'administrateur avec la mission d'assistance prévue par la loi et Me COUDRAY en celle de représentant du créancier. Cette même décision a fixé à 6 mois la durée de la période d'observation en vue de I‘établissement par l'administrateur d'un bilan économique et social et des propositions tendant à la continuation ou à la cession de l'entreprise.

Me COGNET a reçu une offre de reprise de la société d'Exploitation DOCKS DE COMBS LA VILLE qui, par lettre du 25 novembre 1988, lui faisait connaitre "qu'elle se faisait fort d'acquérir ou de faire acquérir par toute personne de son choix les actifs de la société en redressement judiciaire" selon des modalités précisées par la suite et qui comprenaient notamment :

-  le rachat du fonds de commerce et du droit au bail payable comptant à hauteur de 100.000 F

- la reprise du stock à hauteur de 219.545 F payable à 90 jours à la date de signature de I‘acte,

-  du matériel pour 18.000 F. H. T.

-  la reprise de I‘ensemble du personnel et de la totalité des leasings.

Le tribunal, par jugement du 29 décembre 1980, la société a arrêté le plan de redressement organisant la cession totale de la SARL Brunet au profit de la société d'Exploitation des DOCKS DE COMBS LA VILLE.

Cette décision ne reproduisait cependant pas une modalité de l’offre c’est-à-dire la possibilité pour la société cessionnaire de "faire acquérir par toute personne de son choix les actifs de la société Brunet".

Par requête du 25 décembre 1988 la société d’exploitation DOCKS DE COMBS LA VILLE sollicitait par l’application de la loi 25 Janvier 1985, une modification du plan qui consistait, dans les termes du diapositif de ce document, à prévoir la "possibilité pour la société des DOCKS de COMBS LA VILLE de se substituer tout bénéficiaire dans le cadre de la cession de la société BRUNET étant bien évidement précisé que la société des DOCKS de COMBS LA VILLE restera garante de la bonne exécution du plan".

Par le Jugement attaqué, rendu en présence de toutes les parties dont la loi prévoit la convocation et qui est formellement régulier le Tribunal a constaté que rien ne s'opposait à ce que la société d'exploitation des DOCKS de COMBS LA VILLE se substitue M. X (son gérant) ou toute personne morale qu'il se substituera dans le bénéfice du plan de cession totale de la société BRUNET.

II a, en conséquence donné acte à celui-ci de ce qu'il se portait personnellement caution de la bonne exécution du plan arrêté par le jugement du 19 décembre 1988 et dit que la société d'exploitation des DOCKS de COMBS LA VILLE pourra se substituer dans le bénéfice dudit plan M. X ou toute personne morale qu'il se substituera lui-même étant entendu qu'il restera personnellement garant de la bonne exécution dudit plan.

Le Ministère Public, appelant, expose que le fondement de la requête est imprécis.

II reproche à la décision déférée de ne pas avoir répondu exactement à la demande faite par la requête du 28 décembre 1989 qui tendait à prévoir "pour la société cessionnaire" la possibilité de se substituer tout bénéficiaire de son choix, tout en restant garante de la bonne exécution du plan", clause qui figurait déjà dans son offre de reprise et sur laquelle le tribunal ne s'était pas prononcé dans son jugement arrêtant le plan.

II ajoute que le tribunal a statué "ultra petita" et par ailleurs de manière "ambigüe" en faisant de M. X, à titre personnel, un éventuel cessionnaire et en lui donnant la possibilité de se faire remplacer lui-même par toute personne morale.

II conclut en conséquence à la réformation du jugement déféré.

La société d'Exploitation des DOCKS de COMBS LA VILLE et M. X, intimés soutiennent que la détermination du cessionnaire et des modalités de son remplacement éventuel sont sans aucun doute un élément substantiel des objectifs ou des moyens du plan et que le tribunal avait le pouvoir de statuer à cet égard par application de l'article 68 de la loi du 25.1.1985.

Ils demandent donc à la cour :

- de dire que la société d'exploitation des DOCKS DE COMBS LA VILLE "pourra substituer dans le bénéfice du plan de cession de la société BRUNET toute personne physique ou morale qu'elle substituera, toute en restant garante de la bonne exécution du plan.

- de donner actes à M. X de ce qu’il se porte garant à titre personnel de la bonne exécution dudit plan.

Me COGNET et Me COUDRAY intimés, en leurs qualités respectives d’administrateur, commissaire à I‘exécution du plan et de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la société BRUNET concluant à I‘infirmation partielle du jugement, demandant que la société d’Exploitation des DOCKS DE COMBS LA VILLE demeure cessionnaire avec faculté de substitution sauf pour elle à garantir. M. Y représentant des salariés régulièrement assigné qui ne s’est pas présenté devant la Cour, n’étant pas partie il sera mis hors de cause.

Cela étant exposé, la Cour

Considérant que la requête présentée par la Société d’Exploitation des DOCKS DE COMBS LA VILLE cessionnaire, et relative à la possibilité pour I‘entreprise cessionnaire de se substituer toute personne physique ou morale de bon choix, possibilité qui ne figurait pas dans le jugement arrêtant le plan en constitue une modification substantielle ; 

Considérant ainsi que I’a souligné le Ministère Public dans ses conclusions que la modification apportée par le jugement attaqué est critiquable car elle autorise I’entreprise cessionnaire à se substituer une personne physique et ne fait nullement apparaitre que la société cessionnaire continuerait, dans cette hypothèse, à être garante de la bonne exécution du plan comme elle s'y engageait dans le dispositif de la requête ; que la décision déférée diminuait ainsi les garanties de bonne exécution du plan de cession ;

Considérant que dans leurs écritures devant la Cour la société cessionnaire et son gérant M. X précisent les termes de la modification sollicitée de telle manière qu'au cas de substitution au cessionnaire initial d'un autre cessionnaire personne physique ou morale la bonne exécution du plan sera garantie à la fois par la société cessionnaire personne morale et par son gérant M. X, à titre personnel ;

Qu’ainsi cette modification, qui n’est pas interdite par l'article 68 qui se borne à exclure, sauf en ce qui concerne le locataire-gérant, tout changement en ce qui concerne le prix de cession, à I‘égard de laquelle l'administrateur et le représentant des créanciers ne formulent aucune objection et qui ne diminue en rien les chances de réussite du plan peut être autorisée ;

PAR CES MOTIFS

Met hors de cause M. Y:

Réforme le jugement référé sauf en ce qui concerne les dépens et statuant à nouveau :

Dit que le plan arrêté par le jugement rendu Ie 19 décembre 1988 par le Tribunal de Commerce de Melun sera modifié ainsi qu’il suit : la cession totale de I‘entreprise BRUNET ET FILS dont le siège social est à PONTAULT COMBAULT (77 340) intervient au profil de la SARL Société d'Exploitation des DOCKS LE COMBS LA VILLE "avec la faculté de se substituer dans le bénéfice du plan toute personne physique ou morale de son choix tout en restant garante de la bonne exécution du plan" ;

M. Xse porte garant à titre personnel de la bonne exécution dudit plan ;

Dit que les dépens d'appel seront compris dans les frais privilégiés de redressement judiciaire et admet les avoués au bénéfice de l'article 699 du N.C.P.C.