CA Douai, 2e ch. sect. 2, 26 octobre 2017, n° 16/03165
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Resdida (SARL)
Défendeur :
Foncière de Paris SIIC (SA), Labis (ès qual.), Selas Bernard et Nicolas Soinne (ès qual.), Colombo (SCI), Galle (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme André, Mme Cordier
Avocats :
Me Congos, Me Cressard, Me Dutto, Me Desurmont, Me Pagliari, Me Deleforge, Me Cormont
FAITS ET PROCÉDURE
Par deux jugements en date du 31 juillet 2013, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SCI Colombo et de la SARL Galle, toutes deux filiales de la société la Compagnie des zincs.
La SELARL AJJIS et la SELAS Soinne ont été désignées, respectivement, administrateur judiciaire et mandataire judiciaire des deux sociétés.
La SCI Colombo, preneur à crédit-bail d'un immeuble sis à Lomme au terme d'un contrat conclu avec la société Cofitem-Cofimur, devenue la Foncière de Paris SIIC, avait donné ledit immeuble en sous-location à la SARL Galle pour l'exploitation par celle-ci, de son entreprise de restauration.
La SARL Galle était par ailleurs liée à Cofitem-Cofimur par un contrat de crédit-bail portant sur le mobilier d'exploitation.
Par un premier jugement en date du 02 janvier 2014, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a, notamment:
- arrêté, à l'effet du 03 janvier 2014, la cession du fonds de commerce de la SARL Galle au profit de la SARL Resdida ;
- dit que la cession s'organisera en tous points dans les conditions de son offre initiale et de ses compléments ;
- ordonné la poursuite, au profit de Resdida, du sous-bail commercial conclu avec la SCI Colombo et du contrat de crédit-bail mobilier conclu avec la société Cofitem-Cofimur.
Par un second jugement du même jour, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a notamment arrêté, à l'effet du 03 janvier 2014, le transfert au profit de Resdida du contrat de crédit-bail immobilier conclu entre la SCI Colombo et Cofitem-Cofimur.
Considérant que ces jugements ne reprenaient pas exactement les termes de son offre, dès lors qu'ils prévoyaient une cession à son profit des contrats de crédit-bail alors qu'elle avait proposé une reprise des liens contractuels avec Cofitem-Cofimur sous la forme d'un contrat de bail simple, la SARL Resdida a saisi le tribunal de commerce de Lille-Métropole d'une requête en interprétation des deux jugements de cession du 02 janvier 2014, ou à défaut en modification des plans de cession.
Par jugement du 17 décembre 2014, le tribunal de commerce a « constaté que les chefs du dispositif des jugements du 02 janvier 2014 n'étaient susceptibles d'aucune interprétation », débouté la SARL Resdida de sa demande de modification du plan de cession et débouté la société Foncière de Paris de ses demandes.
Par déclaration en date du 16 janvier 2015, la SARL Resdida a interjeté appel de ce jugement.
Cet appel a été formé contre:
- la SELARL AJJIS ès qualités de mandataire judiciaire de la société Galle,
- la SELARL AJJIS ès qualités de mandataire judiciaire de la SCI Colombo,
- la SCI Colombo ayant pour mandataire judiciaire la SELARL AJJIS,
- la SARL Galle ayant pour mandataire judiciaire la SELARL AJJIS.
Par arrêt du 26 mai 2016, sur déféré, la cour a infirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant constaté l'irrecevabilité de l'appel interjeté le 16 janvier 2015 par la SARL Resdida et a écarté la fin de non-recevoir soulevée à titre incident par la SELARL AJJIS ès qualités.
Par des conclusions d'appel déposées sur le RPVA le 1er avril 2015 et signifiées le 23 avril suivant à la SCI Colombo, le 24 avril 2015 à la SELARL AJJIS représentée par Me Labis ès qualités de mandataire judiciaire de la SCI Colombo et de mandataire judiciaire de la société Galle ainsi que le 29 avril 2015 à la SCI Colombo, la société Resdida prie la cour, au visa des articles 461 du code de procédure civile , L642-5 et L 642-6 du code de commerce, d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes d'interprétation et de modification, la condamnant à verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, d'interpréter les jugements du 2 janvier 2014 en ce que la reprise dans les conditions de l'ofrre rend inutile la conclusion d'un acte de cession pour les contrats de crédit-bail puisque ceux-ci ont été remplacés, en accord avec le créancier concerné, par un contrat de bail commercial simple.
A défaut, elle demande de procéder à une modification dans les moyens du plan en supprimant toute disposition qui emporterait la reprise des contrats de crédit-bail et , en toute hypothèse, de condamner AJJIS ès qualités à lui verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, à défaut, de mettre les frais et dépens à la charge du Trésor public.
Sur la requête en interprétation fondée sur l'article 461 du code de procédure civile, Resdida dit qu'il y a lieu à interprétation puisque Me Labis s'en tient à la lettre des dispositifs des deux jugements tandis qu'elle apprécie ceux-ci à la lumière de son offre et de ses compléments ainsi que des motifs des jugements eux-mêmes.
Elle ajoute que le tribunal ne peut retenir une offre qu'il déciderait de modifier sans l'accord de l'offrant ; que son offre prévoyait une reprise des contrats sous une forme différente puisqu'elle ne reprenait que le lien contractuel en l'intégrant dans un nouvel outil. A cet égard, elle invoque l'annexion à son offre du 12 décembre 2013 du protocole d'accord conclu avec Cofitem Cofimur, le contrat de bail qu'elle a conclu avec cette dernière le 20 décembre 2013 avant les jugements du 2 janvier 2014 ainsi que l'indication dans son offre que les contrats de crédit-bail seraient automatiquement résiliés par l'effet du jugement.
Elle soutient en conséquence que le tribunal de commerce a adopté une position incohérente en constatant l'existence d'un accord entre elle et un créancier tout en refusant d'en tenir compte pour interpréter les décisions.
Enfin, elle dit que n'est pas conforme à son offre, la résiliation par elle-même des contrats suite à la cession.
Subsidiairement, elle demande de modifier le plan en supprimant toutes dispositions prévoyant une reprise de ces deux contrats de crédit-bail pour le faire correspondre à la réalité du dossier Elle ajoute que cette reprise intervient au profit des sociétés Galle et Colombo qui se trouvent désengagées de leur contrat avec Cofitem Cofimur. Elle dénie également qu'une telle modification ait pour effet de mettre les droits d'enregistrement à la charge de la SCI Colombo.
Enfin, elle soutient que sa demande est opportune pour l'ensemble des intervenants au dossier.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2016, la SA Foncière de Paris SIIC demande à la cour de :
- de lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas aux demandes de la société Resdida et qu'elle en appuie les termes ;
- de l'exempter de tous frais et dépens au titre de la procédure qu'elle n'a pas initiée et à laquelle elle est citée dans le seul but de lui rendre la décision opposable.
La SA Foncière de Paris SIIC soutient :
- que la cession des contrats de crédit-bail n'était plus possible dans la mesure où les contrats avaient été résiliés ;
- que le jugement d'interprétation du 17 décembre 2014 ne tient compte ni de l'accord intervenu entre le crédit bailleur et la société Resdida, ni du contrat de bail commercial du 20 décembre 2013 conclu en substitution des contrats de crédit-bail ; qu'en effet, la société Resdida avait, au préalable, repris les liens contractuels qui unissaient les sociétés Galle et Colombo à la société Cofitem Cofimur dans le cadre d'un outil contractuel différent.
Par des conclusions d'appel notifiées par voie électronique le 3 mai 2017, la SELARL AJJIS ès qualités de mandataire judiciaire de la société Galle, et la SELAS Bernard et Nicolas Soinne, ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Galle et Colombo, demandent à la cour, au visa des articles 461 et 481 du code de procédure civile, L. 642-6 et R. 642-5 du code de commerce, de:
- confirmer le jugement dont appel, et en tout état de cause :
- constater que les chefs du dispositif des jugements du 2 janvier 2014 (société Galle et société Colombo) ne sont pas ambigus et ne sont susceptibles d'aucune interprétation ;
- constater en conséquence que les conditions de l'article 461 du code de procédure civile ne sont pas réunies et dire la SARL Resdida irrecevable et mal fondée en ses demandes ;
- constater que les conditions d'une requête aux fins de modification du plan ne sont pas davantage réunies et dire la SARL Resdida irrecevable et mal fondée en ses demandes de ce chef ;
- condamner à hauteur d'appel la SARL Resdida au versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SARL Resdida aux dépens de l'instance.
La SELARL AJJIS ès qualités, fait valoir :
- que la thèse de la société Resdida selon laquelle il résulterait du texte de la seconde mouture de son offre (dans sa version du 13 décembre 2013) qu'elle n'entendait pas poursuivre les contrats de crédit-bail immobilier et de crédit-bail mobilier souscrits par la SCI Colombo et la société Galle ne peut qu'être rejetée ;
- que si la société Resdida démontre que l'engagement de poursuite du contrat de sous-bail commercial avec la SCI Colombo et du contrat de crédit-bail mobilier avec la société Cofitem Cofimur excédait les engagements qu'elle avait pris dans le cadre de son offre du 13 décembre 2013, mettant ainsi à sa charge des engagements qu'elle n'avait pas pris, seul l'appel pouvait être exercé conformément aux dispositions de l'article L. 661-6 III du code de commerce;
- que le jugement de cession du 2 janvier 2014 n'a fait l'objet d'aucun appel de la société Resdida ni de la société Cofitem Cofimur, cocontractant concerné, de sorte que seule une requête en interprétation peut pallier cette carence ;
- que les jugements de cession du 2 janvier 2014 ne nécessitent aucune interprétation ; que les contrats en cause sont expressément transférés par le tribunal en application de l'article L. 642-7 du code de commerce ; que le débat soulevé par la société Resdida ne relève pas du domaine de l'interprétation ; que l'éventuelle contradiction entre le dispositif et les motifs de la décision n'ouvrent pas droit à une requête en interprétation de jugement ;
- que la demande subsidiaire formulée par la société Resdida tendant à la modification du plan doit être rejetée puisque la procédure applicable à l'examen d'une telle demande n'a pas été mise en œuvre, notamment pour ce qui concerne les convocations prévues à l'article L. 642-6 al 2 et R. 642-5 du code de commerce ; que les conditions de fond de nature à ouvrir droit à une requête en modification du plan ne sont pas réunies ; que l'allégation selon laquelle une telle modification n'affecterait pas les intérêts de la société Cofitem Cofimur qui a accepté que les contrats ne soient pas repris est sans incidence.
Sur ce
Resdida est bénéficiaire par deux jugements du 2 janvier 2014 du tribunal de commerce de Lille Métropole qui ont notamment arrêté à l'effet du 03 janvier 2014 à son profit d'une part, la cession du fonds de commerce de la SARL Galle, d'autre part, du contrat de crédit-bail immobilier conclu entre la SCI Colombo et Cofitem-Cofimur et qui a dit que la cession s'organisera en tous points dans les conditions de son offre initiale et de ses compléments ainsi qu'ordonné la poursuite, au profit de Resdida, du sous-bail commercial avec la SC I Colombo et du contrat de crédit-bail mobilier avec la société Cofitem-Cofimur, la SELARL AJJIS représentée par Me Vincent Labis en qualité d'administrateur judiciaire étant maintenu et la mission lui étant conférée de passer l'acte de cession ainsi que l'acte de cession du contrat de crédit-bail immobilier.
Resdida est appelante d'un jugement du 17 décembre 2014 qui a dit que les chefs du dispositif des jugements du 02 janvier 2014 n'étaient susceptibles d'aucune interprétation et qui a rejeté sa demande de modification du plan.
Sur la demande d'interprétation des jugements
Selon l'article 461 du code de procédure civile, il appartient à tout juge d'interpréter sa décision si elle n'est pas frappée d'appel.
Au soutien de sa demande d'interprétation des jugements du 2 janvier 2014, Resdida fait valoir que la reprise dans les conditions de l'offre rend inutile la conclusion d'un acte de cession pour les contrats de crédit-bail puisque ceux-ci ont été remplacés, en accord avec le créancier concerné, par un contrat de bail commercial.
En l'absence de contradiction entre des chefs du dispositif de ces jugements ou d'ambigüité des dispositions qu'ils comportent, et dès lors que le juge ne peut sous couvert d'interprétation apporter une quelconque modification aux dispositions précises de la décision, la demande d'interprétation des deux jugements du 2 janvier 2014 ne peut qu'être rejetée, peu important à cet égard les motifs des jugements ainsi que la non-conformité alléguée à l'offre de la résiliation des contrats de crédit-bail .
Sur la demande de modification du plan
Resdida entend obtenir une modification dans les moyens du plan en supprimant toute disposition qui emporterait la reprise des contrats de crédit-bail.
Selon l'article L 642-6 alinéa 1er du code commerce, une modification substantielle dans les objectifs et les moyens du plan ne peut être décidée que par le tribunal à la demande du cessionnaire.
Si la demande doit être présentée par le repreneur, elle doit être fondée sur une cause survenue depuis l'arrêté du plan.
Or, Resdida se prévaut de sa volonté de reprendre les liens contractuels qui unissaient Cofitem Cofimur dans le cadre d'instruments contractuels différents. Elle fait valoir ainsi qu'un contrat de bail commercial simple remplaçant les contrats de crédit-bail a été mis en place, en accord avec Cofitem Cofimur, de sorte que la cession des contrats de crédit-bail n'est pas nécessaire puisqu'ils ont été remplacés. Elle dit que les contrats de crédit-bail ne doivent pas lui être transférés et que leur résiliation doit être actée.
Elle produit à cet égard le protocole conclu le 12 décembre 2013 avec la Société Foncière de Paris (anciennement Cofitem-Cofimur) relativement aux contrats de crédit-bail mobilier conclu entre les sociétés Galle et Foncière de Paris et de crédit-bail immobilier conclu entre les SCI Colombo et Foncière de Paris prévoyant la mise en place d'un nouveau schéma contractuel. Elle produit aussi le contrat de bail commercial conclu avec la Société Foncière de Paris le 20 décembre 2013,
Force est de constater que la demande de modification du plan formée par Resdida ne portent pas sur des éléments nouveaux puisque ces éléments existaient antérieurement aux jugements rendus le 2 janvier 2014 par le tribunal de commerce de Lille-Métropole ayant notamment ordonné la poursuite au profit de Resdida du sous-bail commercial conclu avec la SCI Colombo et du contrat de crédit-bail mobilier conclu avec la société Cofitem-Cofimur ainsi que le transfert au profit de Resdida du contrat de crédit-bail immobilier conclu entre la SCI Colombo et Cofitem-Cofimur.
Il s'ensuit que la demande de modification de plan ne peut qu'être rejetée.
Sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu de répondre à la demande de donner acte de la société Foncière de Paris SIIC, une telle demande ne saisissant pas la juridiction.
Resdida qui succombe, est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et est condamnée à verser à la SELARL AJJIS représentée par Me Labis ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Galle et d'administrateur judiciaire de la SCI Colombo ainsi qu'à la SELAS Bernard et Nicolas Soinne (Roubaix) agissant ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Galle et Colombo la somme globale de 2 000 euros sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement;
Déboute la société Resdida de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
La condamne aux dépens et à payer à la SELARL AJJIS représentée par Me Labis ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Galle et d'administrateur judiciaire de la SCI Colombo ainsi qu'à la SELAS Bernard et Nicolas Soinne (Roubaix) agissant ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Galle et Colombo la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Rejette toute autre demande.