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Décisions

CA Rouen, 2e ch. civ., 27 avril 1989, n° 3642/88

ROUEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SDRN (SA)

Défendeur :

Blery (ès qual.), Homont (ès qual.), Société Nouvelle Isotherma (SA), Recette des Impots du Havre-Bassin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chesnelong

Conseillers :

Mme Bellamy, M. Bouche

Avoués :

SCP Couppey, SCP Gallibre et Lejeune, Me Reybel

Avocats :

Me Laporte, Me Brajeux, Me Roissard

CA Rouen n° 3642/88

26 avril 1989

Par jugement rendu le 21 novembre 1986, le Tribunal de Commerce du HAVRE a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la Société ISOTHERMA et désigné Me BLERY en qualité d'administrateur.

Par jugement rendu le 4 mai mai 1987 il a arrêté un plan de redressement organisant la cession partielle de l’entreprise et désigné Me BLERY en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement rendu le 24 juillet 1987 il a modifié ce plan en autorisant notamment le licenciement d'un certain nombre de cadres.

Par jugement rendu le 22 juillet 1988, dont appel, il a complété le plan de cession arrêté par ces précédents jugements et autorisé la vente à la Société Nouvelle ISOTHERMA ou à toute personne morale qu'elle se substituera, pour le prix forfaitaire de 2.000.000 de F HT, payable dans les mêmes conditions que les autres actifs définis dans les précédents jugements, des éléments suivants :

- immeuble sis à HARFLEUR : 900.000 F

- immeuble sis à PORT DE BOUC : 170.000 F

- immeuble sis à BREST : 70.000 F

- immeuble sis à SIX FOURS : 400.000 F

- éléments incorporels du fonds de SIX FOURS : 10.000 F

- matériel d’exploitation de SIX FOURS : 200.000 F

- stocks de SIX FOURS : 250.000 F

Il a précisé que ce rachat s'accompagnerait de la reprise des contrats de travail des 13 salariés du site de "SIX FOURS” dans les conditions prévues à l'article L. 122.12 du Code du Travail et dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure de redressement judiciaire.

Estimant que le Tribunal a excédé ses pouvoirs en permettant une cession immobilière sous la forme d’une modification de plan, qu'elle a intérêt à agir, étant créancière privilégiée, hypothécaire et gagiste, qu'elle a interjeté appel dans le délai légal, le jugement ne lui ayant pas été notifié, la SDRN demande à la Cour d'annuler le jugement et de renvoyer le commissaire au plan à procéder à la cession des biens non compris dans le plan de cession arrêté en mai 1987, conformément aux dispositions du titre 3 de la loi du 25 janvier 1985.

Répliquant que le jugement apportait une modification substantielle aux objectifs et moyens du plan de cession, qu'en toute hypothèse l'appel de la SDRN serait tardif pour ne pas avoir été interjeté dans les 10 jours de sa notification, que la décision du Tribunal était justifiée en fait et que la SDRN n'a aucun intérêt à agir, la Société Nouvelle ISOTHERMA SA demande à la Cour de déclarer la SDRN irrecevable et mal fondée en son appel, de l'en débouter et de la condamner à lui payer 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Soutenant que la SDRN n'a pas qualité pour relever appel du jugement modifiant le plan de cession, subsidiairement que son appel n'a pas été régularisé dans le délai de 10 jours, et qu'elle n'a aucun intérêt à agir, Me BLERY es-qualité conclut à l’irrecevabilité de l'appel ; soutenant à titre subsidiaire que ce plan est conforme à la défense des intérêts du plus grand nombre, il conclut à la confirmation du jugement et sollicite 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Me PASCUAL-HOMONT représentant des créanciers de la Société ISOTHERMA donne pleine et entière adjonction aux conclusions signifiées par Me BLERY es-qualité.

SUR CE :

Attendu que le jugement rendu le 4 mai 1987 par le Tribunal de Commerce du HAVRE, modifié le 24 juillet 1987, comportait la cession partielle à la Société Nouvelle ISOTHERMA en cours de formation, de l'entreprise ISOTHERMA, à l'exclusion de toute cession immobilière et de la cession de l'agence de "SIX FOURS" ;

Qu'il était prévu notamment que la Société Nouvelle ISOTHERMA prendrait les immeubles de HONFLEUR, BREST, PORT DE BOUC en location pour une période de 12 mois minimum et de 18 mois maximum, délai à l'expiration duquel la Société ISOTHERMA pourrait vendre les immeubles à qui bon lui semblerait, la Société Nouvelle bénéficiant toutefois à prix égal d'un droit prioritaire pendant 6 mois ; qu'en l'absence de tout acquéreur, cette société devrait acheter lesdits immeubles aux prix déterminés dans le jugement ; qu'à défaut d'acquisition les conditions de location pourraient être débattues selon la législation sur les baux ; que Me BLERY, désigné commissaire à l'exécution du plan devait réaliser les actifs non compris dans la cession partielle, à savoir l'agence de SIX F0URS, celle de PARIS (en partie), l’immeuble de SAINT AUBIN ROUTOT, le terrain de BEAUVAIS, l'immeuble de BREST, celui de HARFLEUR, celui de PORT DE BOUC et les véhicules et matériels gagés ;

Attendu que le jugement du 22 juillet 1988, en ce qu'il autorise la vente de l'ensemble du patrimoine immobilier non vendu par Me BLERY, à savoir celle des immeubles de HARFLEUR, PORT DB BOUC, BREST, SIX FOURS ainsi que celle des éléments incorporels du fonds de commerce, matériel d'exploitation et stock de SIX FOURS, et en ce qu'il prévoit que ce rachat s'accompagnera de la reprise des contrats de travail des 13 salariés de l’agence de SIX FOURS, ne peut s'analyser comme un jugement autorisant une vente d'immeuble mais comme un jugement autorisant une cession nouvelle portant sur des éléments du patrimoine de la Société ISOTHERMA, qui n'avaient pas été cédés dans la cession d'origine ;

Attendu que cette cession modifie de façon substantielle les objectifs et les moyens du plan d'origine adopté par le Tribunal, en augmentant le volume des actifs réalisés, le nombre des salariés maintenus dans leur emploi et en permettant à la Société Nouvelle d'acquérir tout l'actif industriel de la Société ISOTHERMA, ce qui augmentera son efficacité sur le plan économique ;

Attendu que cette modification du plan ne modifie en rien le prix fixé précédemment par le Tribunal puisqu'elle a pour effet d'entrainer la cession d'un ensemble d'éléments différent de celui faisant l'objet du plan initial, ce que la loi n'interdit pas ;

Que l'appel interjeté par la SDRN à l'encontre d'un jugement modifiant de façon substantielle le plan de cession initial, est donc irrecevable conformément aux dispositions de l'article 174 de [sic]

Qu’il n'y a pas lieu dans ces conditions de se prononcer sur le point de savoir si la SDRN avait ou non intérêt à agir et si son appel était ou non tardif ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Me BLERY es-qualité et de la Société Nouvelle ISOTHERMA les frais non compris dans les dépens ;

Qu'une somme de 3.000 F sera allouée à chacun sur le fondement de l’article 700 du NCPC ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Donne acte à Me PASCUAL-HOMONT es-qualité de ce qu'elle donne pleine et entière adjonction aux conclusions signifiées par Me BLERY es-qualité,

Déclare irrecevable l'appel de la SDRN,

Condamne cette dernière à payer à Me BLERY es-qualité et à la Société Nouvelle ISOTHERMA une indemnité de TROIS MILLE FRANCS (3.000 F) au titre de l'article 700 du NCPC,

La condamne aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause selon les modalités de l'article 699 du NCPC.