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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 27 juillet 2016, n° 16/02499

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Conform (SARL), GPS Copeaux (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Delmotte

Conseillers :

Mme Salmeron, Mme Pellarin

Avocat :

Me Albert

T. com. Castres, du 29 avr. 2016, n ° 20…

29 avril 2016

Exposé du litige

Par jugement du 25 octobre 2013, le tribunal de commerce de Castres a ouvert le redressement judiciaire de la société GPS et désigné la SCP X en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 8 novembre 2013, le tribunal a désigné M. Y en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assister le débiteur dans tous les actes concernant la gestion de l'entreprise.

Par jugement du 11 avril 2014, le tribunal a ordonné la cession de l'entreprise comprenant la cession des éléments corporels, incorporels et du stock (encours de production) à la société Conform ou toute personne morale substituée.

En ce qui concerne les encours, le dispositif du jugement dispose :

"Dit que les encours seront valorisés au prix de revient sur inventaire contradictoire établi sous le contrôle du cabinet Z, expert-comptable, déduction faite des acomptes perçus par GPS pour l'élaboration des encours ;

Dit que les encours seront payés à la facturation par le repreneur'

La prise de possession a été fixée au 15 avril 2014, avec engagement pour le repreneur d'exploiter sous sa responsabilité, dans l'attente de la régularisation des actes, en assumant toutes les conséquences. M. Y a été nommé commissaire à l'exécution du plan pour passer tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession.

L'acte de cession n'a pas encore été signé, une difficulté ayant surgi concernant les encours de production.

Par jugement du 3 décembre 2014, le tribunal, statuant au vu du rapport déposé le 9 octobre 2014 par M. Y, ès qualités, a pris acte, en l'état de la procédure, des difficultés d'application du jugement ayant homologué la cession, dit que le jugement doit être appliqué en toutes ses dispositions et l'acte de cession signé et "qu'il appartiendra aux parties et à M. Y d'en tirer toutes conséquences d'actions futures éventuelles".

Par requête du 12 février 2016, M. Y, ès qualités, a saisi le tribunal d'une demande en interprétation sur le fondement de l'article 461 du code de procédure civile, le jugement du 11 avril 2014 devant selon lui être interprété en ce sens

- que celui-ci n'a prévu la prise en compte des encours de production que dans l'hypothèse où ces derniers s'avéraient supérieurs aux acomptes perçus par la société GPS

- qu'en présence d'acomptes supérieurs aux encours de production repris par la société GPS Copeaux, substituée à la société Conform, aucun règlement ne peut être dû par la procédure collective au repreneur

- que la valorisation des encours de production ne peut résulter que de l'inventaire contradictoire réalisé sous le contrôle du cabinet Z, expert-comptable, à l'exclusion de toute régularisation postérieure

Il a en outre demandé au tribunal d'ordonner la passation de l'acte de cession, conforme à ces dispositions, en précisant que les sociétés GPS Copeaux et Conform seront redevables d'une astreinte de 1500€ par jour de retard en l'absence de régularisation de l'acte dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir.

Par jugement du 29 avril 2016, le tribunal

- a dit que le jugement du 11 avril 2014 n'a prévu la prise en compte des encours de production que dans l'hypothèse où ces derniers s'avéreraient supérieurs aux acomptes perçus par la société GPS

- a dit que la valorisation des encours de production ne peut résulter que de l'inventaire contradictoire réalisé sous le contrôle du cabinet Z, expert-comptable, à l'exclusion de toute régularisation postérieure

- a ordonné la passation de l'acte de cession conforme à ces dispositions, en précisant que les sociétés GPS Copeaux et Conform seront redevables d'une astreinte de 1000€ par jour de retard en l'absence de régularisation de l'acte dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir.

- a ordonné l'exécution provisoire

- a ordonné la réouverture des débats pour évoquer les règlements prétendument encaissés sur le compte RJ de la société GPS

Par déclaration du 18 mai 2016, les sociétés Conform et GPS Copeaux ont relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 23 mai 2016, le président de la chambre commerciale de cette cour a autorisé les sociétés appelantes à assigner à jour fixe les intimés pour l'audience du 27 juin 2016 à 10 h30.

Vu les conclusions des sociétés Conform et GPS Copeaux du 23 mai 2016 demandant à la cour

- d'infirmer le jugement

- de dire que le jugement du 11 avril 2014 a prévu la prise en charge des en cours de production négatifs s'élevant à la somme de 76 948, 02€ par la procédure collective de la société GPS en adéquation avec l'offre de reprise déposée par la société Conform

- de dire que la valorisation des encours de production réalisée par le cabinet Z doit faire l'objet d'une régularisation par suite des informations transmises par la société GPS Copeaux dans le strict respect du principe du contradictoire

- de dire que la procédure collective devra prendre en charge le montant corrigé "du reste à faire" s'élevant à la somme de 33 057,68 €

- d'ordonner la passation de l'acte de cession dans les conditions précitées dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, M. Y, ès qualités, étant redevable d'une astreinte de 1 000 € par jour de retard en l'absence de régularisation de l'acte à l'issue dudit délai

- de condamner M. Y, ès qualités, au paiement de la somme de 5.325,63 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu les conclusions de M. Y, ès qualités et de la SCP X, liquidateur de la Sté GPS du 24 juin 2016 demandant à la cour

- de confirmer le jugement

- y ajoutant, sur la question des encaissements au profit de la procédure collective

- de leur donner acte de ce qu'ils reconnaissent que le compte RJ a reçu les règlements suivants : facture Liné Machnie Outils de 4.356,35 € TTC encaissée le 27 juin 2014, facture Mécachrome de 774,24 € encaissée le 30 juin 2014, facture Imerys 71 de 747€ encaissée le 1er juillet 2014, facture Imerys 71 de 358,56 € encaissée le 1er juillet 2014

- de dire qu'à défaut de preuve contraire les règlements suivants n'ont pas été encaissés sur le compte RJ et n'ont pas à figurer dans l'acte de cession au titre des règlements encaissés par erreur par la procédure collective : facture Sonaca de 3 000 € et facture d'acompte Comau de 10 795,80 €

- de condamner solidairement les sociétés appelantes à leur payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Le Ministère public, qui a pris connaissance du dossier le 21 juin 2016, s'en est rapporté à justice, en observant que le dossier du tribunal n'avait pas été transmis alors que le jugement fait expressément référence au procès-verbal d'audience du 18 mars 2016.

Motifs

Attendu que sous couvert d'une requête en interprétation d'une décision de justice, une partie ne peut demander à la juridiction qui l'a rendue, de modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ; que réciproquement, la juridiction ne peut, sous couvert d'une interprétation, modifier le sens de la décision précédemment rendue et porter atteinte aux droits et obligations des parties reconnues par cette même décision.

Attendu qu'en l'espèce, le jugement du 11 avril 2014 n'a établi aucune distinction dans son dispositif selon que les encours de production sont négatifs et positifs de sorte que le tribunal ne pouvait ajouter à ce dispositif en décidant que le jugement n'avait prévu la prise en compte des encours de production que dans l'hypothèse où ces derniers s'avéreraient supérieurs aux acomptes perçus par la société GPS, modifiant ainsi, de manière substantielle, les droits et obligations de la société cessionnaire; qu'il n'entrait pas davantage dans l'office de la juridiction, saisie dans le cadre d'une requête en interprétation et non d'une demande en exécution forcée, formée par voie d'assignation, de prononcer une astreinte à l'égard de la société cessionnaire et de la société qui s'y est substituée.

Attendu qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de rejeter la requête en interprétation du commissaire à l'exécution du plan qui constitue en réalité une demande en modification du plan de cession ; que la cour n'a ni à prononcer des donner acte au profit de M. Y, ès qualités et du liquidateur, qui sont dénués de toute portée juridique, ni à statuer sur le sort de certains encaissements qui sont étrangers à une requête en interprétation de jugement ; que les demandes formées de ce chef par M. Y, ès qualités et le liquidateur seront donc rejetées

Attendu, réciproquement, que les demandes présentées devant la cour par les sociétés cessionnaires ne relèvent pas d'une interprétation du jugement du 11 avril 2014 mais conduisent à une modification substantielle des droits et obligations fixées par le jugement arrêtant le plan de cession ; qu'il leur appartient de présenter une telle demande, dans les conditions prévues par l'article L.642-6, alinéa 1, du code de commerce.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

Déboute M. Y, ès qualités, de sa demande en interprétation du jugement du 11 avril 2014 et de sa demande tendant à voir prononcer une astreinte contre les sociétés cessionnaires ;

Déboute les sociétés GPS Copeaux et Conform de leur demande en interprétation du jugement du 11 avril 2014 et fixation d'une créance à la charge de la société GPS ;

Les renvoie à saisir le tribunal de la procédure collective dans les conditions prévues par l'article L. 642-6, alinéa 1, du code de commerce, en modification du plan de cession ;

Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Conform, GPS Copeaux et de M. Y et de la SCP X ès qualités.