CA Amiens, ch. économique, 18 juin 2015, n° 14/03612
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
AGL (EURL)
Défendeur :
CGEA d'Amiens, AV (SCI), Hexabail (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gilibert
Conseillers :
Mme Blondeau, Mme Lapraye
DECISION
Créée en 2003, la SARL X avait une activité de déménagement de particuliers et d'industriels, garde-meubles et locations de véhicules ; elle disposait d'un siège à Crépy en Valois, et de plusieurs établissements, à Compiègne, Nogent sur Oise, Beauvais et Meaux, essentiellement dans des locaux pris à bail.
Par jugement du 28/02/12 le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de cette SARL X, et a désigné Maître Y en qualité d'administrateur judiciaire chargé d'assister la société pour les actes de gestion, ainsi que Maître Z en qualité de mandataire judiciaire.
Maître Y a préconisé la cession de l'entreprise en raison du nouveau passif généré par la poursuite de l'activité depuis le 28/02/12.
La SARL AJF, exerçant dans le même secteur d'activité, a adressé une proposition de reprise au prix de 125.000€.
Par jugement du 4/07/12 le tribunal de commerce de Compiègne a arrêté le plan de cession de la SARL X et ordonné la cession de l'entreprise au profit de la SARL AJF pour le compte d'une EURL AGL à constituer, au prix de 125.000€, avec notamment, conformément aux dispositions de l'article L 642-7 du code de commerce :
- reprise du bail commercial des locaux sis à Compiègne et à Nogent sur Oise,
- reprise en l'état des trois contrats de crédits-bails BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS et HEXABAIL BICS concernant les modules de self-stockage.
La SARL X a interjeté appel de ce jugement le jour-même.
Par courrier du 21/07/12 la SCI AV a adressé à la SARL AJF une facture de loyer - pour les locaux sis à NOGENT SUR OISE - d'un montant de 7.838,71€ HT au titre de la période du 6 au 31/07/12, sur la base d'un loyer mensuel de 9.000€ HT.
La SARL AJF a contacté téléphoniquement la SCI AV au sujet du montant du loyer, faisant observer que le bail porté à sa connaissance stipule un loyer annuel de 22.154€.
La SCI AV a alors par mail du 26/07/12 adressé à la SARL AJF copie d'un bail mentionnant en son article 6 un « loyer annuel de 22.154€ HT payable trimestriellement » et en son article 7 un dépôt de garantie « de 7.384,6€ correspondant à un mois de loyer », ainsi que la copie d'un avenant en date du 1/05/12 stipulant que le loyer, fixé à 88.616€ par an aux termes du bail en date du 12/10/12, est porté à 9 .000€ par mois soit 108.000€ HT par an.
Par mail du 27/07/12 la SARL AJF a transmis à la SCI AV « copie du bail qui était joint au dossier de reprise de Maître Y », ajoutant « l'avenant m'est inconnu ».
L'exemplaire de bail invoqué par la SARL AJF stipule en son article 6 un « loyer annuel mensuel de 22.154€ HT payable trimestriellement » et en son article 7 un dépôt de garantie « de 7.384,6€ correspondant à un mois de loyer »,
Par second mail du 31/07/12 la SCI AV a indiqué à la SARL AJF que le bail communiqué par erreur le 26/07/12 n'était qu'un projet de bail, que le bail applicable est celui en date du 12/10/10 joint à l'envoi, stipulant en son article 6 un « loyer trimestriel de 22.154€ HT payable trimestriellement » et en son article 7 un dépôt de garantie « de 7.384,6€ correspondant à un mois de loyer » ; la SCI AV ajoutait que le bail invoqué par la SARL AJF correspond à un autre projet de bail, plus ancien encore, et s'étonnait que ce document ait pu être, communiqué par Maître Y.
Par courrier de son Conseil en date du 2/08/12 la SARL AGL a répondu à la SCI AV que le bail stipule un loyer annuel de 22.154€, soit 1.846,17€ par mois, a fait observer que l'avenant n'est pas signé par Maître Y chargé d'assister la SARL X pour les actes de gestion, et lui a transmis sur cette base de 1.846,17€ par mois un chèque de 6.267,92€ TTC, soit 5.240,74€ HT pour la période du 6/07/12 au 30/09/12.
La SCI AV a répondu considérer ce versement comme un acompte, ajoutant : « dans le brouillon non daté dont vous vous êtes contenté pour présenter votre plan, l'article 6 évoque un loyer mensuel annuel (sic) de 22.154€ HT, mais l'article 7 précise clairement que le loyer mensuel est de 7.384,6€. Il est donc de 8.831,98€ TTC ainsi que nous vous l'avons facturé. Vous auriez pu nous interroger devant l'incohérence du brouillon, ce dont vous vous êtes dispensé (...) Nous lançons immédiatement la mise en demeure prévue dans la clause résolutoire ».
Le 9/08/12 l'EURL AGL a signé avec la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS des avenants à trois contrats de crédit-bail relatifs à des modules de self-stockage et un contrat de crédit-bail relatif à un camion Renault Premium.
Le 23/10/12 la SCI AV a fait signifier à l'EURL AGL venant aux droits de la SARL AJF un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail concernant les locaux de Nogent sur Oise, et portant sur la somme de 26.188,41€ au titre des loyers impayés du 6/07/12 au 30/09/12.
Le 14/11/12 la société AGL a assigné la SCI AV devant le tribunal de grande instance de Senlis en nullité de commandement ; Maître Y a été attrait en la cause.
Par jugement contradictoire du 18/02/14 le tribunal de grande instance de Senlis a débouté la société AGL de sa demande de nullité de commandement, a constaté la résiliation au 23/11/12 du bail portant sur ces locaux de Nogent sur Oise, et a condamné la société AGL à payer à la SCI AV la somme de 34.112,66€ au titre des loyers échus impayés au 22/11/12, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer conventionnel et des charges à compter du 23/11/12 et jusqu'à libération des lieux.
Il est indiqué qu'un appel est pendant quant à ce jugement de résiliation de bail du 18/02/14.
Par arrêt du 31/01/13 la cour d'appel d'Amiens a confirmé en toutes ses dispositions le jugement de cession d'entreprise rendu le 4/07/12 par le tribunal de commerce de Compiègne.
Il est indiqué que la SARL X a formé un pourvoi contre cet arrêt
Par jugement du 13/02/13 - confirmé par arrêt de cette cour en date du 9/01/14 - le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL X et a nommé la SCP W en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte sous seing privé du 25/03/13 la SARL X représentée par Maître Y (ès qualités d'administrateur judiciaire spécialement habilité à cet effet par le jugement du 4/07/12) et la SARL AGL ont signé l'acte de cession d'entreprise.
Cet acte mentionne au sujet du bail des locaux de Nogent sur Oise :
« Ce bail a été conclu moyennant un louer mensuel annuel (sic) de 22.154€ HT payable trimestriellement et d'avance les 1er janvier, avril, juillet et octobre de chaque année.
Un dépôt de garantie de 7.383,60€ a été versé entre les mains du bailleur.
(...) Les parties précisent cependant que la SCI AV prétend que le loyer aurait été porté à la somme de 9.000€ HT par mois et que le dépôt de garantie antérieurement versé aurait été compensé avec les loyers impayés avant le 4/07/12 et que le preneur serait tenu d'en verser un nouveau de 18.000€ HT en vertu d'un avenant du 1/05/12 signé entre d'une part la SCI AV représentée par Monsieur XX et d'autre part la société X également représentée par Monsieur XX mais sans l'intervention de Maître Y ès qualités.
Deux commandements de payer visant la clause résolutoire du en date des 16 et 23/10/12 ont été signifiés à la société AGL à la requête de la SCI AV. Par acte en date du 6/11/12 la société AGL a donc assigné d'une part la SCI AV afin que le tribunal déclare nul le commandement susvisé, et d'autre part Maître Y ès qualités aux fins de déclaration de jugement commun.
Cette procédure est toujours pendante devant le tribunal de grande instance de Senlis.
L'acte stipule par ailleurs au paragraphe « Charges et conditions » que la société AGL « fera son affaire de la poursuite des contrats cédés et notamment des baux et en conséquence remet à Maître Y un chèque de 7.384,60€ correspondant au dépôt de garantie de 7.384,60€ versé entre les mains de la société AV au titre du bail visé à l'article 2.2.1 (NB : locaux de Nogent sur Oise) (...). Cette somme sera séquestrée par Maître Y ès qualités, ou à défaut Maître Z ès qualités, jusqu'à ce que le tribunal ou la cour d'appel en cas de recours ait statué de façon définitive sur cette question ».
Sur requête de la SARL AGL Maître A, Huissier de justice, a établi le 23/12/13 un procès-verbal de constat établissant qu'à l'arrière du terrain sis à Nogent sur Oise, derrière le bâtiment principal, se trouve un mobile-home entouré d'une clôture formant jardinet, un câble électrique étant tiré depuis le tableau électrique général pour alimenter ce mobile-home
Par acte d'huissier du 16/05/14 la société SF2S (Société Française de Self Stockage) a assigné le SARL AGL devant le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer en paiement essentiellement de 20.272,20€ au titre du contrat de franchisage de la marque «Stockeuse» signé le 2/08/10 pour une durée de cinq ans par la société AKACIA (NB : société faisant partie du même groupe que la SARL X) , et de l'avenant de janvier 2011 portant transfert de ce contrat par la société AKACIA à la SARL X.
La décision de première instance :
Par requête du 26/03/14 la SARL AGL a sollicité du tribunal de commerce de Compiègne la rectification du plan de cession au visa de l'article 642-6 du code de commerce, demandant que soient exclus du périmètre des contrats repris par elle :
1°) le bail commercial consenti par la SCI AV portant sur les locaux de Nogent sur Oise ;
2°) les trois contrats de crédits-bails portant sur les modules de self-stockage, souscrits auprès de la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS et EXABAIL BICS.
A l'appui de sa requête la SARL AGL faisait essentiellement valoir qu'avant de faire sa proposition de reprise elle a consulté les documents mis en ligne sur Dataroom par Maître Y, a vu que le bail concernant les locaux de Nogent sur Oise mentionnait un loyer annuel de 22.154€ HT, a chiffré son offre de rachat en fonction notamment de cet élément, s'est ensuite vue réclamer un loyer non pas annuel mais trimestriel de 22.154€, s'est vue privée de la jouissance d'une partie du terrain (correspondant à l'emplacement du mobile-home objet du constat du 23/12/13, donné à bail par la SARL X à ses ex-salariés Monsieur et Madame A.) ; enfin, le déplacement des 53 caissons de stockage sur un autre site serait extrêmement onéreux (en raison de la nécessité de vider ces 53 containers, de les transporter, de les réinstaller en site sécurisé et d'y replacer leur contenu), de telle sorte que la résiliation des contrats de crédits-bails en cours s'imposera, l'exposant à devoir régler 82.952€ d'indemnité de résiliation, et par ailleurs la conduira à cesser l'activité de stockage qui représente 9% de son chiffre d'affaires.
Par jugement du 9/07/04 le tribunal de commerce de Compiègne a débouté la SARL AGL de sa demande et l'a condamnée aux dépens, considérant essentiellement que :
le contrat de bail portant sur les locaux de Nogent sur Oise et les trois crédits-bails portant sur les modules de stockage font partie intégrante du plan de cession;
le bail stipulant en son article 7 que la somme de 7.384,60€ correspond à un mois de loyer, il est évident que le loyer mensuel de référence est de 7.384,60€;
Monsieur M., gérant de l'EURL AGL, est un professionnel dans l'activité reprise, et savait que les locaux et contrats font partie des éléments majeurs dans l'activité de déménagement : il lui était loisible de s'interroger sur le prix du marché, d'autant que l'écart entre un loyer mensuel de 7.384,60€ et un loyer mensuel de 1.846,16€ ne saurait passer inaperçu pour un professionnel ; il se devait de vérifier les contrats en cours faisant partie de la cession ;
il ne saurait à présent prétendre se soustraire à ses engagements souscrits conformément aux dispositions de l'article L 642-1 du code de commerce.
L'appel :
Par déclaration transmise par voie électronique le 18/07/14 l'EURL AGL, exploitant sous l'enseigne « Les déménageurs bretons », a interjeté appel de ce jugement du 9/07/14, à l'encontre de Monsieur XX, de la SARL X, de la SCP W ès qualités de liquidateur de la SARL X, de Maître Y ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL X, de la société BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS, de l'UNEDIC AGS NORD EST, de la SA HEXABAIL, de Madame N. ès qualités de représentante des salariés de la société X et de la SCI AV.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 9/01/15 l'EURL AGL demande à la cour de :
Donner acte à la société AGL de ce qu'elle se désiste partiellement de son appel, mais seulement en ce qu'il est dirigé à l'égard de Madame N. et de Monsieur G.;
Infirmer la décision du Tribunal de Commerce de Compiègne en date du 9 juillet 2014 ;
Vu les dispositions de l'article L 642-6 du Code de commerce :
Ordonner la modification du plan de cession arrêté par le Tribunal de Commerce de Compiègne dans sa décision du 4 juillet 2012, entre la société AJF, aux droits de laquelle vient AGL, et la société X, représentée par Maître Y, administrateur judiciaire ;
En conséquence, exclure du périmètre des contrats repris par la société AGL :
* le bail commercial consenti par la SCI AV portant sur les locaux de Nogent sur Oise,
* les 3 contrats de crédits-bails de modules de self-stockage souscrits auprès de la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS et HEXABAIL BICS (contrat n° 067631, contrat n° 068037 et contrat n° 069012) ;
Condamner la liquidation judiciaire X en tous les dépens.
Elle fait essentiellement valoir que :
en ce qui concerne les locaux de Nogent sur Oise :
en vue de formuler une offre, la SARL AJF a pris attache avec l'administrateur de la SARL X afin d'obtenir des informations notamment sur les contrats relatifs aux moyens d'exploitation ; elle a été invitée à se connecter sur la Dataroom, site dédié de l'étude; elle a ainsi téléchargé le bail relatif aux locaux de Nogent sur Oise, lequel mentionnait un loyer annuel de 22.154 € ; il était certes indiqué que le dépôt de garantie s'élevait à 7.384,60 € représentant un mois de loyer: mais dans la mesure où le montant des dépôts de garantie dans les baux commerciaux équivalent très souvent à 3 ou 6 mois de loyer, Monsieur M. a pensé que l'erreur se situait dans l'article 7 et que les 7.384,60 € correspondaient en réalité à un trimestre de loyer; le jugement entrepris considère qu'il était aisé de se rendre compte de l'erreur contenue dans le bail: il est cependant difficilement concevable d'admettre que ce qui n'a pas été relevé par Maître Y - professionnel spécialisé dans la cession des entreprises en difficulté sous la responsabilité duquel l'information a été portée à la connaissance des candidats ' aurait dû l'être par Monsieur M., professionnel du déménagement; Maître Y fait valoir que dans la Dataroom se trouvaient des éléments financiers avec un compte 613-211 laissant apparaître au titre du bail des locaux de Nogent sur Oise un coût annuel de 82.163 €, à rapprocher du montant mensuel de 7.384,60 € : or Monsieur M. ne s'est pas livré à une lecture détaillée des documents financiers qui lui ont été transmis, il s'est principalement intéressé aux grandes masses de charges, au résultat d'exploitation, au résultat fiscal, et surtout à l'excédent brut d'exploitation, car cette information financière permet d'apprécier la valeur de l'entreprise ; il ne saurait donc lui être reproché de ne pas avoir décelé dans la masse des informations comptables le chiffre permettant de mettre l'erreur en exergue ; Monsieur M. pouvait légitimement penser que la qualité de professionnel de Maître Y était une garantie suffisante quant à la fiabilité des informations transmises dans la Dataroom ; il ne lui appartenait donc pas d'effectuer des vérifications par recoupement avec des informations comptables destinées juste à apprécier la valeur de l'entreprise ; Maître Y a d'ailleurs lui-même considéré qu'il convenait de relativiser la sincérité des informations comptables transmises par Monsieur G., puisqu'il a demandé à Monsieur G. de justifier que le loyer payé lorsque la société était in bonis était bien du montant que revendiquait la SCI AV, dont il était par ailleurs le dirigeant, et a demandé à la société d'expertise comptable EXAFI ' désignée pour l'assister dans ses opérations ' d'effectuer des vérifications dans les documents comptables de l'entreprise antérieurs au redressement judiciaire ; même si les locaux étaient d'une superficie de 3.000 m², un loyer annuel de 22.000€ n'apparaissait pas une hérésie dans la mesure où d'une part certains bâtiments n'étaient pas adaptés à l'activité en raison de leur hauteur au faîtage, et où d'autre part il doit être tenu compte du niveau d'activité dans l'agglomération creilloise et du fait que les locaux sont excentrés par rapport aux nouvelles zones d'activité (CORA, le Parc Alata, la Zac des fenêtres); le prix proposé n'avait rien d'anormal, alors qu'un loyer trimestriel de plus de 22.000 € est manifestement excessif; le poste relatif à ce loyer dans les pièces comptables pouvait parfaitement inclure un arriéré; la SARL AGL se trouve en conséquence avec un loyer multiplié par 4, et avec une surface mise à disposition moindre qu'indiquée en raison de la présence du mobile-home sur le terrain, alors-même que le bail ne signalait aucune restriction particulière quant aux conditions de jouissance des lieux;
en ce qui concerne le contrat de franchise : la SARL AGL n'a jamais été informée de ce que l'activité de stockage sous l'enseigne «STOCKERSEUL» était exercée dans le cadre d'un contrat de franchise, et ne l'a découvert qu'a posteriori; ceci modifie là encore les conditions financières, puisque la poursuite de l'activité de stockage nécessite de supporter les frais de franchise ; n'ayant pas cette capacité financière elle va être contrainte d'interrompre l'activité de stockage, qui participait au chiffre d'affaires dans le cadre du fonds cédé, et n'aura plus la même utilité des containers de self-stockage dont elle s'est engagée à poursuivre l'exécution des contrats de crédits-bails.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 13/02/15 Maître Y ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL X demande à la cour de :
Donner acte à Maître Y de ses observations ;
Donner acte à Maître Y de ce qu'il s'en rapporte à justice sur le bien-fondé de la requête en modification du plan présenté par la société AGL ;
Condamner tout succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP DRYE, avocat aux offres de droit.
Il fait essentiellement valoir que :
en ce qui concerne le bail:
l'erreur matérielle contenue à l'article 6 du bail était parfaitement décelable par les candidats à la reprise de la SARL X, puisque l'article 7 mentionnait que la somme de 7.384,6€ correspondait à un mois de loyer ; la comptabilité consultable sur la Dataroom mentionnait un coût annuel de 88.652€ au titre de ce bail, soit un coût trimestriel de 22.163€ ; un loyer annuel de 22.163€ pour une telle surface ne serait pas sérieux; Maître Y n'a jamais eu connaissance du bail consenti par la SARL X à Monsieur et Madame A. ;
en ce qui concerne les containers :
la société AGL en jouit, en vertu des trois contrats de crédits-bails qui lui ont été cédés ; le coût de leur déménagement n'avait pas à être chiffré et indiqué dans la Dataroom; la société AGL devait savoir qu'elle pouvait être amenée à déplacer ces containers, et pouvait elle-même faire estimer ce coût ;
en ce qui concerne le contrat de franchise :
ni la marque « STOCKER SEUL » ni le contrat de franchise conclu entre la SARL X et la société SF2S ne font partie des éléments cédés à la société AGL ; si cette dernière a néanmoins fait usage de la marque « STOCKER SEUL », elle ne peut en faire le reproche aux organes de la procédure.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 15/10/14 la SCP W ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL X demande à la cour de :
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 9/07/14 ;
Condamner tout succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP DRYE, avocat aux offres de droit.
Elle fait essentiellement valoir que :
en ce qui concerne le bail :
l'erreur contenue dans l'article 6 du bail était aisément décelable compte-tenu des termes de l'article 7 de ce bail mentionnant un loyer mensuel de 7.384,6€, ainsi que des documents comptables mis à disposition dans la Dataroom mentionnant un coût annuel de 88.652€ à la rubrique « 613211 IMMON NOGENT », d'autant qu'un loyer annuel de 22.154€ ne serait pas sérieux pour un bâtiment d'une telle surface ; l'acte de cession rappelle qu'un litige existe avec la SCI AV au sujet du bail, et que le cessionnaire déclare en faire son affaire; si les lieux sont pour partie occupés par Monsieur A., l'administrateur judiciaire de la SARL X apparaît n'avoir jamais eu connaissance du bail ainsi accordé à Monsieur A.;
en ce qui concerne les containers :
la société AGL en jouit, puisque les trois contrats de crédits-bails lui ont été cédés; le coût de leur déplacement n'avait pas à être chiffré et à figurer dans la Dataroom ; que ces containers fassent l'objet d'un achat ou d'un crédit-bail, la société AGL savait qu'elle pourrait être amenée à les déplacer, et pouvait par elle-même estimer le coût d'un éventuel déplacement;
en ce qui concerne la franchise :
le contrat de franchise conclu entre la SARL X et la société SF2S n'a pas été cédé à la société AGL, non plus que la marque «STOCKER SEUL »; la société AGL, qui aurait néanmoins utilisé cette marque sans régulariser de nouveau contrat avec la société SF2S, ne peut en faire le reproche aux organes de la procédure.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 23/02/15 la SA BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS demande à la cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 9/07/14 ;
Débouter l'EURL AGL de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
Condamner l'EURL AGL à payer à la SA BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner l'EURL AGL aux entiers frais et dépens.
Elle fait essentiellement valoir que :
en ce qui concerne le bail:
l'erreur relative au montant trimestriel du loyer était aisément décelable par un professionnel tel que la société AGL; cette dernière ne pouvait se méprendre quant au montant du loyer, puisque d'une part les documents comptables de la SARL X mentionnent un coût annuel de 88.652€ soit 22.163€ par trimestre, et que d'autre part un loyer annuel de 22.163€ pour un site d'une telle surface n'est pas sérieux ; la résiliation du bail du site sur lequel sont entreposés les containers est entièrement imputable à la société AGL, qui depuis le 6/07/12 n'a réglé que 6.267,92€, et n'a sollicité aucun délai dans le cadre de la procédure en résiliation de bail;
en ce qui concerne les containers :
il appartient à la société AGL d'assumer le coût du déménagement des containers, conséquence de la résiliation du bail ; au demeurant, que ces containers fassent l'objet d'un achat ou d'un crédit-bail, la société AGL savait qu'elle pourrait être amenée à les déplacer, et il n'appartenait pas aux organes de la procédure de chiffrer le coût un éventuel déplacement ;
en ce qui concerne la franchise :
les arguments de la société AGL quant au contrat de franchise (et quant à l'existence du mobile-home sur le terrain) sont sans incidence sur les contrats de crédits-bails, qui doivent demeurer inclus dans le plan de cession, d'autant que ces containers sont utilisés par la société AGL pour l'exercice de son activité.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 3/03/15 le centre de gestion et d'études (CGEA d'Amiens) de l'AGS, unité déconcentrée de l'UNEDIC, demande à la cour de :
Donner acte au CGEA d'Amiens, gestionnaire de l'AGS de ce qu'il s'oppose à la modification du plan tel que sollicité par la société AGL ;
Confirmer le jugement déféré ;
Condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Sandrine R., Avocat aux offres de droit.
Il fait essentiellement valoir que :
en ce qui concerne le bail:
à la lecture du bail consultable sur la Dataroom de Maître Y il était évident qu'il existait une contradiction entre les articles 6 et 7; la comptabilité de la société X également consultable laissait apparaître un coût annuel locatif de 88.652€, soit 22.163€ par trimestre; compte-tenu de la superficie des lieux loués, le cessionnaire ne pouvait être trompé sur le montant du loyer ; surabondamment l'acte de cession signé par le cessionnaire rappelle l'existence d'un litige avec la société AV à propos du bail, et mentionne que le cessionnaire déclare faire son affaire de la poursuite des contrats cédés : il appartenait donc au cessionnaire de ne pas s'engager puisqu'il avait une parfaite connaissance de la situation ; s'agissant de la présence du mobile-home sur le terrain, le cessionnaire a sans aucun doute visité les lieux ou en tout état de cause pris connaissance de l'existence du bail concernant cet élément ;
en ce qui concerne les containers :
la société AGL a la jouissance des containers situés sur le terrain, puisqu'ils font l'objet de crédits-bails qui lui ont été cédés; le coût de déménagement de ces containers, invoqué par ce repreneur, est inhérent à la résiliation du bail, intervenue de son seul fait, et ne relève pas de la responsabilité de la procédure collective, mais du seul fait du cessionnaire ;
en ce qui concerne le contrat de franchise :
le contrat de franchise portant sur la marque «STOCKER SEUL » n'a pas été cédé à la société AGL; la société AGL, qui a néanmoins utilisé cette marque, ne peut en faire le reproche aux organes de la procédure à défaut d'avoir revu le contrat de franchise cédé.
La SCI AV ne s'est pas manifestée, non plus que la SA HEXABAIL et Madame N. (représentante des salariés de la SARL G.).
Le Ministère Public, auquel le dossier a été transmis, a requis le 24/02/15 la confirmation de la décision entreprise, et a maintenu ces réquisitions à l'audience du 12/03/15.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12/03/15.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L 642-6 du code de commerce une modification substantielle dans les objectifs et les moyens du plan de cession ne peut être décidée que par le tribunal, à la demande du cessionnaire, et n'emporte aucune modification du montant du prix de cession tel qu'il a été fixé dans le jugement ;
Qu'aux termes de la jurisprudence subséquente la modification peut porter sur le périmètre de la cession, notamment par exclusion de contrats initialement cédés ;
Qu'en raison de l'autorité de chose jugée attachée à la décision arrêtant le plan, seul pourra motiver la modification de ce plan un élément nouveau par rapport aux éléments existant au jour de l'arrêté du plan et alors imprévisible ;
Attendu qu'en l'espèce la demande de l'EURL AGL tendant à exclure du périmètre du plan de cession le contrat de bail relatif aux locaux de Nogent sur Oise, ainsi que les trois contrats de crédit-bail relatifs aux nombreux containers de stockage, s'analyse comme une demande de modification substantielle dans les moyens du plan de cession, le jugement en date du 6/07/12 confirmé par arrêt du 31/01/13 ayant expressément inclus ces contrats dans la cession ;
Attendu cependant que le montant du loyer concernant les locaux de Nogent sur Oise ne constitue pas un élément nouveau par rapport aux éléments existant au jour de l'arrêté du plan ;
Qu'en effet, le contrat de bail consultable sur la Dataroom par les tiers intéressés à la reprise de la SARL X mentionnait en son article 6 : «la présente location est consentie et acceptée moyennant un loyer mensuel annuel de 22.154€ HT payable trimestriellement d'avance les 1ers janviers, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année » ;
Qu'à elle seule pareille rédaction ne permettait aucunement de conclure avec certitude à un loyer de 22.154€ HT par an ;
Que l'article immédiatement suivant, N°7, mentionnait quant à lui : « le bailleur reconnaît avoir reçu du preneur la somme de 7.384,6€ correspondant à un mois de loyer »;
Qu'à la lumière de cet article 7 la somme de 22.154€ correspondait nécessairement au montant trimestriel du loyer HT ;
Que les documents comptables de la SARL X également consultables sur la Dataroom mentionnent au titre de la location des locaux de Nogent sur Oise, sous la rubrique « 613211 Loc. Immob. Nogent », la somme de 88.652€, ce qui là encore correspond à un loyer mensuel de 7.387,6€ ;
Que la SARL AJF ne pouvait donc sensément conclure à un loyer annuel de 22.154€ HT, d'autant qu'un tel prix n'est aucunement en rapport avec la désignation des lieux mentionnée à l'article 1 du bail, constitués de « deux bâtiments respectivement de 1.175 M2+ 975M2 soit 2.000 M2, et de 1.020M2, et l'ensemble des terrains au pourtour », quand bien même ils ne seraient pas situés en pleine zone d'activité de Nogent sur Oise ;
Qu'il ne saurait non plus être soutenu que la SARL AJF a pu conclure à une erreur dans l'article 7 du bail et considérer que la somme de 7.387,6€ correspondait à un loyer trimestriel, puisque sur la base d'un loyer annuel de 22.154€ le montant d'un dépôt de garantie équivalent à trois mois de loyer aurait été de 5.538,49€ ;
Que par ailleurs le fait que la consistance des terrains au pourtour des bâtiments excluait l'emprise du mobile-home en fond de parcelle, objet d'un bail consenti le 30/12/11 par la SCI AV à Monsieur et Madame A., n'est pas de nature à exclure de la cession le bail dont disposait la SARL X, dès lors que d'une part la superficie exacte des terrains au pourtour des bâtiments n'était pas mentionnée dans le bail, et que d'autre part la faible superficie correspondant à ce mobile home n'apparaît pas de nature à influer sur l'activité de l'EURL AGL;
Attendu ensuite que le contrat de franchise qui liait la SA SF2S et la SARL X n'apparaît pas non plus constituer un élément nouveau par rapport aux éléments existant au jour de l'arrêté du plan justifiant d'exclure du périmètre de la cession les trois contrats de crédit-bail portant sur les containers de stockage ;
Qu'en effet, ce contrat de franchise ne fait clairement pas partie des contrats cédés, et n'est pas une condition de l'utilisation des caissons de stockage ;
Que le fait que l'EURL AGL puisse être amenée à exposer des frais de déplacement de ces containers en cas d'acquisition de la clause résolutoire du bail est sans incidence sur ce point ;
Attendu qu'au bénéfice de ces observations il convient de confirmer le jugement entrepris ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser les frais irrépétibles à la charge des parties qui les ont exposés ;
Attendu que les dépens d'appel seront à la charge de l'EURL AGL ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par jugement réputé contradictoire en dernier ressort, mis à disposition par le greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Compiègne le 9 juillet 2014 ;
Et y ajoutant :
Déboute la SA BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l'EURL AGL aux dépens d'appel, et autorise la SCP DRYE et Maître R. à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante.