Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 2 juillet 2009, n° 09/01418

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SGM (SAS)

Défendeur :

du Buit (ès qual.), Igol Picardie Ile-de-France (Sté), L'Sports Garage (SAS), Tulier (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monin-Hersant

Conseillers :

M. Loos, M. Picque

Avoués :

SCP Naboudet-Vogel-Hatet-Sauval, SCP Petit-Lesénéchal, SCP Fanet-Serra

Avocats :

Me Joyeux, Me Couvrat-Desvergnes, Me Boccalini

T. com. Evry, 5e ch., du 19 janv. 2009, …

19 janvier 2009

Le redressement judiciaire de la S.A.S L'SPORTS GARAGE ayant été convertie en liquidation judiciaire avec autorisation de poursuite d'activité durant un mois, le tribunal de commerce d'Evry a arrêté le plan de cession totale de l'entreprise, par jugement du 22 octobre 2007, au profit de Monsieur Jean-Luc X..., agissant pour le compte de la S.A.S. SGM, moyennant le prix de 199.000 . La même décision a ordonné le transfert de dix contrats en cours nécessaires à la poursuite d'activité, dont le contrat de partenariat avec la société IGOL PICARDIE IDF (société IGOL) stipulant notamment un engagement exclusif d'approvisionnement en lubrifiants selon un minimum annuel de 7.022 litres.

Le 10 juillet 2008, Monsieur X... et la S.A.S. SGM ont saisi le tribunal de commerce d'Evry d'une demande de modification du plan, sur le fondement de l'article L 624-6 du code de commerce, laquelle a été rejetée par les premiers juges par décision du 19 janvier 2009.

Vu l'appel interjeté le 21 janvier 2009 par Monsieur X... et la S.A.S. SGM et leurs ultimes écritures signifiées le 26 mai suivant, réclamant 5.000 ?de frais irrépétibles et poursuivant notamment l'infirmation du jugement en sollicitant à nouveau la modification du plan par suppression du contrat IGOL ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 22 mai 2009 par la société IGOL réclamant 2.000 euros de frais non compris dans les dépens et poursuivant essentiellement la confirmation du jugement et, subsidiairement, si la demande de modification était accueillie, priant la cour de dire que celle-ci n'est pas rétroactive de sorte que la société SGM demeurerait débitrice de 714.585,50 euros par l'effet de la résiliation du contrat entre temps contractuellement prononcée ;

Vu les ultimes écritures signifiées le 20 mai 2009 par Maître DU BUIT, Maître TULIER et la S.A.S. L'SPORTS GARAGE réclamant 4.000 euros de frais irrépétibles et poursuivant la confirmation du jugement ;

Le Ministère public entendu en ses réquisitions orales à l'audience,

SUR CE, la cour :

Considérant que Monsieur X... et la S.A.S. SGM estiment que le contrat IGOL de fournitures de lubrifiants n'est pas nécessaire à la poursuite de l'exploitation, en soutenant avoir été trompés sur son intérêt pour le fonds repris ;

Que les appelants, invoquent aussi 'la modification brutale du marché du motocycle', postérieurement au plan de cession ;

Qu'ils estiment que :

- l'obligation d'approvisionnement était uniquement une modalité de remboursement d'une avance consentie à l'ancienne société, aujourd'hui en liquidation judiciaire, et qualifient le contrat litigieux de 'contrat de prêt' dont les fonds avaient été remis à la société L'SPORTS GARAGE dès avant l'ouverture du redressement judiciaire initial,

- dans le jugement antérieur du 22 octobre 2007, le tribunal n'aurait pas dû, selon eux, en ordonner le transfert en ce qu'un tel contrat n'entre pas, selon leur analyse, dans les prévisions de l'article L 642-7 du code de commerce déterminant les contrats susceptibles d'être transmis ;

Qu'ils prétendent aussi qu'ils ne savaient pas, au moment de l'élaboration du plan, que la société BMW cesserait définitivement les relations contractuelles et soutiennent en outre, que la modification sollicitée est justifiée :

- tant par la diminution corrélative des besoins en lubrifiants,

- que par la baisse brutale de l'activité économique du secteur considéré, non prévisible selon eux, rendant nécessaire l'adaptation du plan dans le but de permettre la poursuite de l'exploitation cédée, laquelle se trouverait obérée si le contrat de fournitures IGOL était poursuivi ;

Qu'ils indiquent que 'personne intéressée', la société IGOL n'en est pas pour autant partie à l'instance ayant conduit à l'adoption du plan, ce qui la rend irrecevable à en demander la résolution, laquelle demande est, en tout état de cause, mal fondée sur le fond ;

Que plus subsidiairement, ils invoquent la nullité du contrat sur le fondement de l'article L 511-5 du code monétaire et financier ;

Considérant que pour sa part, la société IGOL reconnaît que le contrat est un prêt 'par avances sur ristournes assorti d'un engagement d'approvisionnement', les deux éléments étant indissociables selon son analyse, et invoque l'article L 571-3 du code monétaire et financier permettant à une entreprise de consentir à ses co-contractants, dans l'exercice de son activité, des délais ou avances de paiement ;

Qu'elle estime que la société SGM a pris l'engagement de régler une dette personnelle du cédant en contractant une obligation personnelle vis-à-vis de la société IGOL, ledit engagement ayant été entériné par le jugement d'homologation du plan de cession qui a aujourd'hui autorité de chose jugée ;

Qu'elle en déduise qu'au regard de cet engagement, la demande de modification du plan 'est sans objet' ;

Que subsidiairement, elle soutient qu'à défaut de démontrer la réunion cumulative des conditions de l'article L 642-6 du code de commerce, la demande de modification du plan est 'irrecevable', ce dernier n'ayant pas substantiellement été modifié par rapport à la proposition du repreneur ;

Qu'en revanche, si la demande de modification du plan était accueillie, elle estime que celle-ci ne pourrait valoir que pour l'avenir et que, compte tenu des violations antérieures du contrat, la société IGOL a constaté la résiliation de celui-ci, en application des stipulations contractuelles, laissant la société SGM débitrice de 714.585,50 ?par application des clauses du contrat lesquelles, selon la société IGOL, ne constituent pas une clause pénale, l'indemnité de 'litrage' étant en relation avec les quantités de lubrifiants que la société SGM aurait dû commander et qu'en ne le faisant pas, elle a causé un préjudice à la société IGOL ;

Considérant que Maître DU BUIT ès qualités, Maître TULIER ès qualités et la S.A.S. L'SPORTS GARAGE font valoir que la détermination des contrats nécessaires au maintien de l'activité relève de la seule appréciation du tribunal et que le jugement du 22 octobre 2007 est aujourd'hui définitif et passé en force de chose jugée ;

Qu'ils en déduisent que la modification du plan ne permet pas la suppression de la cession d'un contrat initialement ordonnée, ni davantage la cession judiciaire ultérieure d'un contrat qui ne l'aurait pas été dans le plan initialement arrêté ;

Qu'ils soutiennent que les seules modifications envisageables concernent l'inclusion d'un bien qui ne l'aurait pas été, la substitution d'une personne à une autre ou des licenciements à opérer postérieurement au plan ;

Qu'ils soulèvent par ailleurs, l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société IGOL en résolution du plan, en ce qu'une telle demande, devant être formulée selon la procédure définie par l'article R 642-18 du code de commerce, ne peut pas être formulée par voie de simples conclusions, le cessionnaire n'ayant pas, dans ce cadre, été convoqué par le greffier par lettre recommandée avec AR ;

Ceci ayant été rappelé,

Sur la demande de modification du plan de cession

Considérant qu'aux termes de l'article L 642-1 du code de commerce, la cession de l'entreprise a pour but d'assurer le maintien d'activités, de tout ou partie des emplois y attachés et d'apurer le passif ;

Que l'article L 642-6 du même code permet à la juridiction de modifier les objectifs et les moyens du plan ;

Qu'il ne résulte pas des termes de la proposition initiale de reprise, que Monsieur X... et la S.A.S. SGM, pour le compte de laquelle il agissait, ont expressément repris un engagement financier de l'ancienne société L'SPORTS GARAGE, la société IGOL ne rapportant pas la démonstration, qui lui incombe, que le cessionnaire aurait souscrit une obligation personnelle vis-à-vis d'elle ;

Qu'au jour de l'arrêté du plan, le 22 octobre 2007, les discussions du cessionnaire sur la poursuite des relations avec la société BMW étaient en cours et que la rupture postérieure des relations avec ce fabricant de motos a substantiellement modifié les conditions d'exploitation de l'entité économique cédée, dans des proportions qui n'étaient pas décelables à l'époque de l'homologation du plan, concernant la baisse considérable des besoins en lubrifiants, rendant le contrat de fournitures IGOL sans utilité réelle au maintien de l'activité ;

Qu'il convient dès lors de faire droit à la demande de modification du plan de cession et de supprimer le contrat de fournitures IGOL du nombre des contrats cédés avec la cession de l'entreprise, à effet du jour de la demande initiale de modification du plan de cession devant le tribunal, soit le 10 juillet 2008 ;

Sur les effets de la suppression du contrat IGOL

Considérant qu'initialement, le contrat a été repris à partir du 22 octobre 2007 et qu'il résulte de la lettre du 11 juin 2008 de la société IGOL que durant la période s'étendant de la date de la reprise au 1er juillet 2008, celle-ci avait accepté de suspendre les effets du contrat, de sorte qu'elle est mal fondée aujourd'hui à en demander l'exécution jusqu'au jour de sa suppression de la liste des contrats cédés, laquelle suppression est fixée ci-après à effet du 10 juillet 2008 ;

Qu'elle est tout autant mal fondée à demander le paiement des indemnités résultant de la résiliation du contrat qu'elle n'a prononcé que par sa lettre du 18 mai 2009, soit postérieurement à la demande de modification du plan de cession par suppression du contrat litigieux de la liste des contrats cédés ;

Que compte tenu de la décision à intervenir les demandes subsidiaires des appelants et de la société IGOL deviennent sans objet ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Considérant que, succombant pour l'essentiel, dans leurs prétentions, les demandes des intimés au titre des frais irrépétibles ne sauraient prospérer ;

Qu'il apparaît équitable de laisser aux appelants la charge des frais irrépétibles qu'ils ont exposés tant en première instance qu'en appel et que les dépens des deux degrés de juridiction seront mis à la charge de la société IGOL ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Accueille la demande de modification du plan de cession de la SAS L'SPORTS GARAGE initialement ordonnée par jugement du 22 octobre 2007 du tribunal de commerce d'Evry au profit de

Monsieur Jean-Luc X..., agissant pour le compte de la S.A.S. SGM,

Dit que le le contrat de partenariat avec la société IGOL PICARDIE IDF (stipulant notamment un engagement exclusif d'approvisionnement en lubrifiants selon un minimum annuel de 7.022 litres) est supprimé, à compter du 10 juillet 2008, de la liste des contrats cédés nécessaires au maintien de l'activité,

Dit que les demandes subsidiaires des appelants et de la société IGOL sont devenues sans objet,

Condamne la société IGOL PICARDIE IDF aux dépens de première instance et d'appel,

Admet les avoués de la cause, chacun pour ce qui le concerne, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.