Livv
Décisions

CA Versailles, 13e ch., 10 mars 2020, n° 18/06884

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Solorec (SC)

Défendeur :

Selafa Mandataires Judiciaires Associés (èq qual.), Alliance (ès qual.), Selarl FHB (ès qual.), Société de Participations industrielles et commerciales (SARL), Decs (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay-Brière

Conseillers :

Mme Baumann, Mme Bonnet

T. com. Nanterre, du 2 août 2018, n° 201…

2 août 2018

Par acte sous-seing privé du 28 décembre 2009, la société civile pour la location du centre commercial régional de Créteil SOLOREC (la SOLOREC) a donné à bail un local commercial au sein de ce centre, pour une durée de douze années, à la société DECS qui exploite des fonds de commerce de lingerie sous l'enseigne Soleil Sucré.

Selon jugement du 25 novembre 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société DECS et désigné la société BTSG mission conduite par maître B. en qualité de mandataire judiciaire et la Selarl Bauland, C., Martinez & associés, agissant par maître C., en qualité d'administrateur judiciaire.

La SOLOREC a déclaré sa créance d'un montant de 50 620,29 euros à titre privilégié au passif de la société DECS.

Par jugement du 15 juin 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté le plan de cession des actifs relatifs à l'exploitation de la société DECS au profit de M. Charles S., ce dernier étant autorisé à se substituer la société SPIC, alors en cours de formation. Puis, par jugement du 24 juin 2015, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société DECS.

Les actifs relatifs à l'exploitation de la société DECS ont ainsi été cédés à la société SPIC aux conditions précisées dans l'offre de reprise, laquelle prévoyait notamment la reprise de vingt-quatre fonds de commerce comprenant notamment les baux des magasins. L'acte de cession a été signé le 13 juillet 2016.

Par jugement du 28 juillet 2016, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SPIC et désigné maître B. en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP Jacques M., mission conduite par maître M., en qualité de mandataire judiciaire.

La SOLOREC a déclaré sa créance au passif de la société SPIC à titre privilégié pour un montant de 44 209,49 euros.

Par jugement du 7 novembre 2016, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire de la société SPIC en liquidation judiciaire avec maintien de l'activité pour une période de 45 jours et désigné la SCP Jacques M., mission conduite par maître M., en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 22 novembre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi par requête de la société BTSG ès qualités, a notamment :

- prononcé la résolution du plan de cession des actifs de la société DECS, adopté au profit de M. Charles S. avec faculté de substitution, par jugement du 15 juin 2015,

- dit que le prix de cession des actifs de la société DECS restera acquis à la liquidation judiciaire de cette dernière,

- prononcé la résiliation, au jour du prononcé du jugement, des actes de cession des fonds de commerce, à l'exception de ceux qui auraient été déjà résiliés à cette date,

- dit que les contrats transférés à la société SPIC conformément aux dispositions de l'article L. 642-7 du code de commerce seront rétrocédés à la société DECS du fait de la résolution du plan de cession,

- précisé que la liquidation judiciaire de la société SPIC restera débitrice des dettes d'exploitation nées entre le jugement adoptant le plan de cession des actifs de la société DECS et le jugement prononçant la résolution du plan.

Par un second jugement du même jour, le même tribunal a autorisé la poursuite d'activité de cette société jusqu'au 20 janvier 2017 afin de mettre en place un nouveau plan de cession et désigné la Selarl FHB, mission conduite par maître Gaël C., en qualité d'administrateur judiciaire de la société DECS et maintenu la SCP BTSG en qualité de liquidateur judiciaire.

Puis, par jugement du 16 décembre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a ordonné la cession de l'activité et des actifs de la société DECS au profit de M. T., lequel a été autorisé à se substituer deux sociétés pour la reprise des actifs.

La société SPIC d'une part et la société Rosny Beauséjour, créancier-bailleur de la société SPIC, d'autre part, ont respectivement relevé appel et appel-nullité du premier jugement du 22 novembre 2016 ayant résolu le premier plan de cession. Par arrêt du 13 juillet 2017, la cour d'appel de Versailles a déclaré la société SPIC irrecevable en son appel et la société Rosny Beauséjour irrecevable en son appel-nullité.

Par déclaration du 9 décembre 2016, la société Solorec a formé tierce-opposition à l'encontre du premier jugement du 22 novembre 2016 ayant résolu le premier plan de cession.

Par ordonnance du 30 juin 2017, la Selas Alliance mission conduite par maître B. a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société DECS en remplacement de la SCP BTSG.

Par ordonnance du 31 décembre 2017, maître Axel C. a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la société SPIC en remplacement du liquidateur précédemment désigné.

Selon jugement contradictoire du 2 août 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit recevable la Selas Alliance en son intervention volontaire aux lieu et place de la SCP BTSG en qualité de liquidateur judiciaire de la société DECS,

- débouté la Selas Alliance, ès qualités, et la Selarl FHB, ès qualités, de leur demande de jonction des instances initiées par la société du centre commercial de la Défense, la société civile du Forum des Halles de Paris, la société Lyon Garibaldi, la SCI du centre commercial de Lyon la Part Dieu, la SNC Centre commercial Francilia, la SCI Rosny Beausejour, la SCI Portes de Claye, ainsi que les sociétés SCOO, SECAR et SOLOREC,

- débouté la Selarl FHB, ès qualités, de sa demande de mise hors de cause,

- déclaré irrecevable la tierce opposition formée par la SOLOREC à l'encontre du jugement rendu le 22 novembre 2016 par le tribunal de commerce de Nanterre,

- débouté la SOLOREC de toutes ses demandes,

- condamné, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la SOLOREC à payer à la Selas Alliance, ès qualités, la somme de 5 000 euros, et à la Selarl FHB, ès qualités, la somme de 5 000 euros,

- condamné la SOLOREC aux entiers dépens.

La SOLOREC a interjeté appel de cette décision le 8 octobre 2018. La déclaration d'appel a été signifiée le 14 décembre 2018 à la Selafa MJA prise en la personne de maître Axel C., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SPIC, par signification de l'acte à tiers présent, laquelle n'a pas constitué avocat.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 3 juin 2019 et signifiées à la Selafa MJA, ès qualités, le 14 juin 2019 par signification de l'acte à tiers présent, la SOLOREC demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable sa tierce opposition à l'encontre du jugement du 22 novembre 2016 du tribunal de commerce de Nanterre, l'a déboutée de toutes ses demandes, l'a condamnée en application de l'article 700 du code de procédure civile à payer à la Selas Alliance, ès qualités, la somme de 5 000 euros et à la Selarl FHB, ès qualités, la somme de 5 000 euros, et l'a condamnée aux entiers dépens, statuant à nouveau,

- constater que le recours exercé devant le tribunal de commerce de Nanterre portait sur une décision susceptible de tierce opposition nullité et qu'il a été formé dans le délai légal,

- la juger recevable et bien fondée en ses demandes,

- prononcer la nullité du jugement rendu le 22 novembre 2016 en ce qu'il ne fait pas expressément mention de ce que les dettes d'exploitation nées entre le jugement adoptant le plan de cession des actifs de la société DECS et le jugement prononçant la résolution du plan resteront à la charge de la liquidation judiciaire de la société SPIC, sans préjudice de la solidarité existant entre le cédant et le cessionnaire, telle que prévue à l'article 34 ' Cession ' du contrat de bail conclu entre elle-même et la société DECS,

- condamner la Selarl Alliance, ès qualités, au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure, en tout état de cause,

- débouter la Selas Alliance, ès qualités, et la Selarl FHB, ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 mars 2019, la société Alliance, ès qualités, demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement, y ajoutant,

- constater le caractère abusif de l'appel interjeté par la SOLOREC,

- condamner la SOLOREC à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la SOLOREC à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la la SOLOREC aux entiers dépens de l'instance et autoriser maître D., avocat au barreau de Versailles, à en recouvrer le montant pour ceux le concernant, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 mars 2019, la Selarl FHB, ès qualités, demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement, et statuant à nouveau,

- condamner la société SOLOLREC à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux dépens.

L'ordonnance de clôture rendue le 6 janvier 2020 a été révoquée avant l'ouverture des débats et la clôture a été prononcée à l'audience le 20 janvier 2020.

Le dossier a été communiqué au ministère public le 20 janvier 2020 lequel a donné oralement son avis à l'audience demandant à la cour de confirmer le jugement au motif que la tierce opposition de la SOLOREC n'est pas recevable en l'absence d'excès de pouvoir du tribunal qui n'a fait qu'exercer son pouvoir d'appréciation.

L'appelante et les intimées, à qui la possibilité de lui répliquer a été donnée, n'ont formulé aucune observation supplémentaire.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1) sur la recevabilité de la tierce opposition

La SOLOREC prétend que le tribunal en prononçant la résiliation des actes de cession des fonds de commerce, à l'exception de ceux déjà résiliés, tout en indiquant que « la liquidation judiciaire de la société SPIC restera débitrice des dettes d'exploitation nées entre le jugement adoptant le plan de cession des actifs de la société DECS et le jugement prononçant la résolution du plan », a commis un excès de pouvoir négatif puisqu'il aurait expressément dû préciser dans le jugement que la clause de solidarité convenue par les parties et insérée aux baux à l'article 34 avait vocation à s'appliquer.

Après avoir rappelé les dispositions des articles L. 661-6 et L. 661-7 du code de commerce, celles de l'article 583 du code de procédure civile et la construction jurisprudentielle relative aux voies de recours-nullité, la SOLOREC soutient qu'en qualité de bailleur, tiers à la procédure, elle a intérêt à agir dans la mesure où le jugement rendu le 22 novembre 2016 l'a été en fraude de ses droits et où, en sa qualité de créancier du débiteur, elle dispose de moyens propres de nature à justifier le bien-fondé de sa demande.

Elle estime que ses droits ont été atteints à raison d'une fraude par le fait que le jugement qui prévoit que « la liquidation judiciaire de la société SPIC restera débitrice des dettes d'exploitation nées entre le jugement adoptant le plan de cession des actifs de la société DECS et le jugement prononçant la résolution du plan », a fait fi de l'article 34 inséré dans le bail conclu le 28 décembre 2009 qui prévoit expressément que 'le cédant sera responsable solidairement avec le cessionnaire du paiement des loyers et de l'exécution du bail' portant ainsi une atteinte manifeste à l'intégrité dudit contrat de bail et créant, de facto, une situation de déséquilibre financier manifeste dans la mesure où elle se voit désormais privée de toute possibilité de recouvrer sa créance de loyer.

Puis, rappelant les dispositions des articles L. 621-30 et L. 622-13 du code de commerce et leurs effets sur la clause de solidarité, elle affirme que si la clause de solidarité insérée dans le bail la liant à la société DECS a été privée d'effet entre le 15 juin 2015, date à laquelle le plan de cession des actifs de la société DECS a été arrêté au profit de la société SPIC, et le 22 novembre 2016, date à laquelle la résolution dudit plan a été prononcée par le tribunal, cette clause a de nouveau vocation à produire pleinement ses effets du fait de la résolution du plan de cession prononcée par le tribunal. Elle prétend que si le tribunal peut, aux termes du jugement prononçant la résolution du plan, aménager les effets de celle-ci, il ne peut, sans excéder ses pouvoirs, faire fi de l'application d'une clause contractuelle qui a pourtant vocation à produire pleinement ses effets.

Elle souligne par ailleurs que la cession du bail ne procède que de la cession des fonds de commerce ordonné en application des dispositions de l'article L. 642-2 du code de commerce et non d'une cession ordonnée en application de l'article L 642-7 du code de commerce en sorte que les clauses insérées dans le bail, dès lors qu'elle n'ont pas pour effet d'empêcher la cession, doivent être respectées.

Elle prétend enfin que le jugement crée une rupture d'égalité entre les différents créanciers et affirme que les organes de la procédure ont ignoré la situation des bailleurs.

La société Alliance, ès qualités, sur l'intérêt à agir de la SOLOREC, fait valoir que la tierce opposition de celle-ci ne tend pas à préserver son droit de créance à l'égard de la société SPIC, qui résulte de l'inexécution des baux par ladite société durant la période considérée, mais s'inscrit dans la volonté d'invoquer sa créance également à l'égard de la liquidation judiciaire de la société DECS qui est pourtant étrangère aux difficultés rencontrées par la SOLOREC avec la société SPIC et soutient que les recours des anciens bailleurs ont eu vocation à fragiliser la seconde cession des actifs dépendant de la procédure collective afin de faire porter sur la procédure collective de la société DECS et/ou sur le nouveau repreneur la charge du coût des loyers échus durant la période intercalaire.

Pour conclure à l'absence d'excès de pouvoir par le tribunal, elle fait valoir que l'objectif, en cas de résolution d'un plan de cession, de replacer les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient antérieurement à la signature de l'acte de cession conduit la liquidation judiciaire de la société dont l'entreprise a été cédée, à ne supporter aucun passif supplémentaire né postérieurement à la date de cession, que la formulation générale de l'article L.642-11 alinéa 3 du code de commerce qui évoque la possibilité pour le tribunal de « prononcer la résolution ou la résiliation des actes passés en exécution du plan résolu » interdit toute distinction selon que l'acte est un contrat à exécution successive ou un contrat à exécution immédiate, que le tribunal dispose du pouvoir d'aménager les effets de la résolution du plan de cession selon l'attitude du cessionnaire et l'intérêt de la procédure collective cédante qui a été victime des actes du cessionnaire, que c'est dans l'exercice de ses pouvoirs juridictionnels que le tribunal a décidé « la résiliation, au jour du prononcé du présent jugement, des actes de cession des fonds de commerce, à l'exception de ceux qui auraient déjà été résiliés à cette date » et, afin d'éviter toute ambiguïté, a précisé que « la liquidation judiciaire de la société SPIC restera débitrice des dettes d'exploitation nées entre le jugement adoptant le plan de cession des actifs de la société DECS et le jugement prononçant la résolution du plan », qui en constitue la conséquence incontestable. Elle affirme que le tribunal de commerce de Nanterre n'a commis aucun excès de pouvoir en faisant usage de ceux que lui confère expressément l'article L. 642-11 du code de commerce.

La Selarl FHB ès qualités fait valoir en premier lieu que l'argument de l'appelante selon lequel le jugement aurait été rendu en fraude de ses droits est inopérant s'agissant d'un recours nullité pour lequel seul l'excès de pouvoir permet de constater la recevabilité, observant qu'en tout état de cause cette affirmation est fausse puisque le tribunal a sollicité l'avis des contrôleurs représentant les bailleurs. En second lieu, elle relève que contrairement à ce que soutient la SOLOREC le jugement prononçant la résolution du plan ne fait aucune distinction entre les créanciers en sorte qu'elle n'est pas placée dans une situation différente de l'ensemble des créanciers et qu'elle ne peut donc justifier d'un intérêt propre.

Ensuite, après avoir rappelé les pouvoirs du tribunal en matière de résolution du plan de cession et la définition de l'excès de pouvoir dont l'existence est la condition de la recevabilité d'un recours-nullité, elle soutient que la décision rendue par le tribunal n'est pas entachée d'excès de pouvoir puisque celui-ci a exercé sa faculté de moduler les effets attachés à la résolution du plan conférée par l'article L. 642-11 du code de commerce. Elle estime que c'est en parfaite logique avec la résiliation des actes de cession, que le tribunal a précisé que la liquidation judiciaire de la société SPIC restera débitrice des dettes d'exploitation nées au cours de la période pendant laquelle elle a exploité le fonds, soit entre le jugement adoptant le plan de cession des actifs de la société DECS à son profit et le jugement prononçant la résolution du plan de cession.

Elle soutient enfin que le tribunal n'a pas davantage commis d'excès de pouvoir en ne se prononçant pas dans le jugement de résolution du plan sur l'applicabilité de la clause de solidarité prévue dans le contrat de bail, soulignant que le tribunal en prononçant la résiliation des actes de cession, a précisément exclu d'annuler rétroactivement l'ensemble des actes intervenus en exécution du plan de cession résolu, faisant application de son pouvoir de modulation des effets de la résolution du plan de cession en décidant que le passif né au cours de la période d'exploitation de la société SPIC resterait à la charge de sa liquidation judiciaire. Elle ajoute par ailleurs qu'il n'entre nullement dans le pouvoir juridictionnel du tribunal saisi d'une demande de résolution de se prononcer à cette occasion sur l'applicabilité d'une clause particulière d'un contrat conclu par le débiteur. Enfin, elle souligne le caractère incohérent de l'argumentation de la SOLOREC puisque tout en soutenant que le tribunal dispose bien du pouvoir de moduler les effets de la résolution du plan de cession, laquelle a pour effet selon elle de replacer le cédant (DECS) dans la situation antérieure à la date à laquelle le plan de cession a été arrêté, elle prétend que ce cédant devrait être reconnu codébiteur solidaire du cessionnaire (SPIC) pour les dettes nées postérieurement à la date à laquelle le plan de cession a été arrêté, donc au cours de la période d'exploitation du cessionnaire.

Selon les articles L.661-6 V et L.661-7 du code de commerce ne sont susceptibles que d'un appel de la part du débiteur, de l'administrateur, du liquidateur, du cessionnaire et du ministère public les jugements statuant sur la résolution du plan de cession et il ne peut être exercé de tierce opposition ou de recours en cassation contre ces jugements.

Seule la tierce opposition nullité est ouverte en cas d'excès de pouvoir. Il y a excès de pouvoir lorsque le juge méconnaît l'étendue de son pouvoir de juger, soit lorsque le juge fait usage d'un pouvoir qu'il ne détient pas (excès de pouvoir positif) soit lors que le juge refuse de faire usage d'un pouvoir qu'il détient (excès de pouvoir négatif).

L'article L. 642-11 du code de commerce prévoit que si le cessionnaire n'exécute pas ses engagements, le tribunal peut, à la demande du ministère public d'une part, du liquidateur, d'un créancier, de tout intéressé ou d'office, après avoir recueilli l'avis du ministère public, d'autre part, prononcer la résolution du plan sans préjudice de dommages et intérêts.

Le tribunal peut prononcer la résolution ou la résiliation des actes passés en exécution du plan résolu. Le prix payé par le cessionnaire reste acquis.

Il est constant que le tribunal, conformément au pouvoir d'aménager les effets de la résolution du plan de cession que lui confère l'article L.642-11 du code de commerce, après avoir prononcé la résolution du plan de cession des actifs de la société DECS arrêté aux termes du jugement rendu le 15 juin 2015, a prononcé la résiliation des actes de cession et ce, après avoir recueilli l'avis des contrôleurs représentant les bailleurs dont la SOLOREC, qui avaient fait alors valoir que pour préserver les droits des créanciers une résiliation des actes de cession des baux était préférable à leur résolution.

En précisant que la liquidation judiciaire de la société SPIC restera débitrice des dettes d'exploitation nées entre le jugement adoptant le plan de cession des actifs de la société DECS et le jugement prononçant la résolution du plan, le tribunal n'a fait que tirer les conséquences du prononcé de la résiliation des actes de cession qui ne vaut que pour l'avenir et n'anéantit pas les actes intervenus entre l'adoption du plan de cession et la résolution de celui-ci.

Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient l'appelante, le tribunal qui n'a fait qu'user de son pouvoir de modulation des effets de la résolution du plan de cession en prononçant la résiliation des actes n'avait pas à se prononcer sur l'application de la clause de solidarité entre cédant et cessionnaire prévue à l'article 34 du contrat de bail, étant constaté que la SOLOREC admet elle-même dans ses écritures que la clause de solidarité insérée dans le bail conclu entre elle et la société DECS a été privée d'effet entre le 15 juin 2015, date à laquelle le plan de cession des actifs de la société DECS a été arrêté au profit de la société SPIC, et le 22 novembre 2016, date à laquelle la résolution dudit plan a été prononcée par le tribunal, peu important que la cession du bail ne procède que de la cession du fonds de commerce en cause et non pas d'une cession ordonnée en application de l'article L. 642-7 du code de commerce.

Enfin, l'aménagement des effets de la résolution du plan de cession des actifs n'a provoqué aucune rupture d'égalité entre les créanciers.

Aucun excès de pouvoir ne peut donc être reproché au tribunal dans son jugement du 22 novembre 2016 en sorte que c'est à juste titre que celui-ci a déclaré irrecevable la tierce opposition formée par la SOLOREC. Il convient en conséquence de confirmer le jugement, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si celle-ci justifie d'un intérêt propre à faire valoir.

2) sur l'article 700 du code de procédure civile

L'appelante conclut au caractère manifestement excessif et injustifié de la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle relève son caractère disproportionné au regard des diligences accomplies par les organes de la procédure et estime qu'une telle somme tend à être assimilée à une véritable sanction de nature à dissuader les tiers opposants d'exercer leur droit d'agir en justice. Elle précise que dix décisions sur les dix tierces oppositions ont été rendues le même jour par le tribunal en sorte que les intimées ont vocation à percevoir une somme totale de 100 000 euros. Elle demande l'infirmation du jugement de ce chef.

La société Alliance ès qualités rappelle que l'application de l'article 700 du code de procédure civile qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge ne nécessite pas de motivation. Puis elle détaille les différentes diligences accomplies dans le cadre des tierces oppositions et les nombreux renvois dont les affaires ont fait l'objet.

La Selarl FHB ès qualités fait valoir que le présent appel semble n'avoir été engagé que pour contester les sommes mises à la charge de l'appelante sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, observant que celle-ci n'a aucunement fait évoluer son argumentation entre la première instance et le présent appel. Elle relève que l'appelante, qui a été condamnée au paiement de la somme totale de 10 000 euros, méconnaît le principe selon lequel « nul ne plaide par procureur » puisqu'elle reproche au tribunal des condamnations mises à la charge d'autres sociétés en prétendant que les organes de la procédure ont vocation à percevoir une somme de totale de 100 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'application de l'article 700 du code de procédure civile relève du pouvoir discrétionnaire des juges, lequel pouvoir discrétionnaire se caractérise notamment par une dispense de motivation.

Rien ne justifie de remettre en cause l'appréciation des premiers juges. La décision en ce qu'elle a condamné la SOLOREC à payer à chacun des organes de la procédure une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile est confirmée.

3) sur la demande de dommages et intérêts pour abus du droit d'appel

La société Alliance ès qualités prétend que l'appel interjeté par la SOLOREC présente un caractère abusif justifiant qu'il soit fait application de l'article 559 du code de procédure civile. Elle soutient que la SOLOREC qui ne semble animée par d'autre intention que d'empêcher le bon déroulement de la procédure collective de la société DECS, ne peut ignorer que son appel n'a aucune chance de prospérer, caractérisant un abus du droit d'appel, au préjudice de l'ensemble des créanciers de la procédure collective de la société DECS qui doit supporter la multiplication des procédures rendues indispensables par la défense de l'intérêt collectif des créanciers du fait du comportement des sociétés du groupe Klepierre dont la SOLOREC lesquelles ont tenté de faire obstacle à toute nouvelle cession des contrats de bail.

L'appelante relève que la société Alliance ne démontre pas qu'elle aurait commis une faute en relevant appel du jugement, réfutant avoir fait obstacle à toute nouvelle cession des contrats de bail et rappelant la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle le fait pour une partie de réitérer purement et simplement en appel ses moyens de première instance ne sont pas de nature à constituer une faute caractérisant un abus de procédure.

Le fait pour la SOLOREC d'avoir repris devant la cour d'appel les mêmes moyens que ceux présentés en première instance, alors même que le jugement avait répondu à ces moyens d'une manière claire, n'est pas constitutif en soi d'un abus du droit d'appel.

Cet appel n'est pas davantage dilatoire dès lors que les actes de cession résultant du jugement du 16 décembre 2016 arrêtant le nouveau plan de cession de la société DECS ont été passés les 27 et 28 juin 2017 en sorte que l'appel de la SOLOREC à l'encontre du jugement déclarant irrecevable sa tierce opposition au jugement du 22 juin 2016 n'a pas retardé la cession des actifs de la société DECS. Enfin, la délivrance le 9 décembre 2016 d'un commandement visant la clause résolutoire du bail est sans lien avec l'appel interjeté par la SOLOREC.

La demande de dommages et intérêts pour appel abusif n'est donc pas fondée ; elle est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par défaut,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Déboute la Selas Alliance ès qualités de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamne la société civile pour la location du centre commercial régional de Créteil SOLOREC aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la société civile pour la location du centre commercial régional de Créteil SOLOREC à payer à la Selas Alliance, ès qualités, et à la Selarl FHB, ès qualités, la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.