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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 4 avril 2017, n° 16/00211

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Micnat (SCI), Norma (SCI), Sarah Martinique (SCI), Double M (SCI), BMN (SCI)

Défendeur :

Bred Banque Populaire (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruyère

Conseillers :

Mme Deryckère, Mme Martinez

TGI Fort-de-France, du 22 mars 2016, n° …

22 mars 2016

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La BRED BANQUE POPULAIRE a confié à Me Y, Huissier de justice l’exécution d'une saisie conservatoire des parts sociales que détient M. Michel X dans ses diverses SCI et EURL, autorisée par ordonnance sur requête du juge de l’exécution de Fort de France en date du 3 juin 2014, pour garantir le paiement d'une créance qu'elle estime justifiée en son principe contre M. X, ce dernier pris en sa qualité de caution.

L'huissier instrumentaire a saisi le juge de l’exécution d'une difficulté d’exécution au visa de l'article R151-1 du code des procédures civiles d’exécution.

Par décision du 22 mars 2016, le juge de l’exécution a constaté la difficulté d’exécution rencontrée par l'huissier de justice pour signifier les saisies conservatoires de parts sociales aux sociétés concernées, débouté M. X de sa demande de caducité de l'ordonnance du 3 juin 2014, déclaré irrecevables les demandes formulées par la BRED BANQUE POPULAIRE tenant à l'autorisation de recourir à la force publique et au prononcé d'une astreinte. M. X es qualité de représentant légal des sociétés a été condamné à payer à Me Y la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Par déclaration du 6 avril 2016, M. X, ainsi que la SCI MICNAT, la SCI NORMA, la SCI SARAH MARTINIQUE, la SCI DOUBLE M, la SCI Y., l'EURL R., ont formé appel de la décision, en intimant Me Y et la SA BRED BANQUE POPULAIRE.

L'affaire a fait l'objet d'un renvoi direct à l'audience du 10 février 2017, par application de l'article 905 du code de procédure civile. Par courrier du 8 février 2017, les appelants ont été avertis que la question de la recevabilité de l'appel immédiat de ce type de décision pourrait être soulevée d'office par la cour, et invités à présenter leurs observations sur ce point, ce qu'ils ont fait en précisant que leurs conclusions évoquaient cette question, et que la décision ayant rejeté leur demande de caducité de la mesure était nécessairement appelable. A l'audience, la procédure a été clôturée et retenue sur le champ les parties ayant été informées que l'arrêt serait mis à leur disposition le 4 avril 2017.

Les appelants ont conclu en dernier lieux le 1er juillet 2016. Ils soutiennent qu'ils ont appris par le hasard de l'assistance de leur conseil à la première audience du juge de l' exécution à laquelle la requête de l'huissier avait été fixée soit le 16 septembre 2014, que la BRED avait obtenu une ordonnance non contradictoire du juge de l' exécution le 3 juin 2014 autorisant une mesure conservatoire au préjudice de M. X, alors que la banque savait que les cautionnements étaient contestés de sorte que selon eux, c'est en méconnaissance de leurs objections légitimes et des règles de transparence et de loyauté que l'ordonnance a été rendue. Ils contestent qu'il y ait eu une quelconque difficulté d’exécution, l'huissier ayant officié dans des circonstances inacceptables qui n'ont pas permis la délivrance du moindre acte. Ils plaident que l'article R151-1 du code des procédures civiles d’exécution n'est pas applicable, et que les significations aux personnes morales doivent se faire au lieu de l'établissement de la personne morale, sans avoir à rechercher le domicile personnel du dirigeant social. Et à défaut de personne susceptible de recevoir l'acte, il suffisait de se reporter à l'article 656 du code de procédure civile. Les « portes closes » ne correspondent pas à une absence de siège social, et les sociétés ont bien chacune leur boite aux lettres. Les appelants réitèrent leur demande de caducité de l'ordonnance du 3 juin 2014 qui n'a pas été exécutée dans les 3 mois impartis par le juge de l’exécution.

Puisqu'au 3 septembre 2014, aucun acte de saisie n'a été dénoncé à M. X. Cette dernière demande in fine pour lui-même une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par la voie électronique le 24 août 2016, Me Y demande à titre principal la radiation de la procédure sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile. Il expose que l'impossibilité à laquelle il s'est trouvé confronté de signifier les actes de saisie conservatoire aux sociétés détentrices des parts sociales de M. X constitue bien une difficulté d’exécution dont il a légitimement dressé procès-verbal, et saisi régulièrement le juge de l’exécution . Il rappelle que les informations consignées à son procès-verbal font foi jusqu'à inscription de faux. En vertu de l’article 654 du code de procédure civile la signification d'un acte doit être faite à personne, soit, en cas de personne morale, à son représentant légal. Il ne saurait dès lors lui être reproché d'avoir tenté de rencontrer M. X en personne en sa qualité de gérant, puisque faute de boites aux lettres des société destinataires, les dispositions de l’article 656 ne pouvaient recevoir application. Il ajoute que tant Michel X que son frère Bernard se sont montrés menaçants à son égard, ce qui rendait la signification dangereuse. Il n'a donc pas été en mesure, de par l'attitude de M. X de réaliser la saisie de parts sociales pour laquelle il avait été mandaté. Il demande 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions transmises au greffe par la voie électronique le 28 juillet 2018, la société BRED BANQUE POPULAIRE demande la confirmation du jugement et 2000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi que 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir en substance que le procès-verbal de Me Y suffit à se convaincre de la difficulté d’exécution à laquelle il s'est trouvé confronté, et que la mesure conservatoire n'encourt pas la caducité tant que cette difficulté soulevée à temps par l'huissier, n'aura pas été levée.

MOTIFS

La demande de radiation fondée sur l'article 526 du code de procédure civile relève du conseiller de la mise en état en cas d'orientation de la procédure en circuit long, ou du Premier Président dans les autres cas, mais pas de la cour d'appel saisie dans le cadre des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile. Cette demande est irrecevable.

Sur la recevabilité de l'appel :

Il importe de rappeler que le créancier justifiant d'une créance paraissant fondée en son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, peut se prémunir contre l'insolvabilité de son débiteur en pratiquant une mesure conservatoire. C'est précisément cette menace pesant sur le recouvrement qui commande le recours à la procédure de l'ordonnance sur requête qui par nature est rendue non contradictoirement. Une fois la mesure conservatoire dûment exécutée, et dénoncée au débiteur, ce dernier est fondé à la contester devant le juge de l’exécution dans le cadre d'une procédure ordinaire devant cette juridiction, le débat devenant alors contradictoire. C'est dans le cadre de ce débat, qu'il peut opposer des moyens de forme, telle la caducité si les délais d’exécution et de saisine de la juridiction du fond en vue de l'obtention d'un titre exécutoire n'ont pas été respectés, ou des moyens de fond tenant au défaut des conditions prescrites par l'article L 511-1 du code des procédures civiles d' exécution pour permettre d'exécuter des voies d' exécution à titre conservatoire.

Par ailleurs, l'huissier instrumentaire, dans le cadre de l' exécution de sa mission propre, détient un certain nombre de pouvoirs, pour se faire assister de la force publique, ou recueillir des informations destinées à optimiser le recouvrement des créances dont il est saisi, et également celui de dresser procès-verbal de difficulté lorsqu'il se heurte à une impossibilité matérielle de diligenter un acte, procès-verbal dont il peut saisir le juge de l' exécution par requête dans les conditions posées par les articles R151-1 à R151-4 du code des procédures civiles d' exécution . Cette procédure particulière ne permet pas au juge de connaître des contestations des parties relativement au choix des mesures d’exécution, à leurs régimes juridiques respectifs, ou au titre exécutoire. Elle vise exclusivement à cerner et éventuellement lever les difficultés d’exécution propres à l'office de l'huissier de Justice.

Ainsi, la demande de caducité de la mesure opposée par M. X était tout autant irrecevable dans le cadre de cette procédure que les demandes de la BRED relatives à la force publique ou au prononcer d'une astreinte. C'est par abus de langage que le dispositif de la décision contestée mentionne un débouté de la demande de caducité. Mais cette formulation inadaptée, contrairement à l'affirmation faite par le conseil de M. X dont les observations ont été provoquées dans le respect de l’article 16 du code de procédure civile, ne prête à aucune conséquence puisque les décisions rendues par le juge de l’exécution en application de l’article R151-1 précité n'ont pas autorité de la chose jugée, en vertu de l'article R151-4 du code des procédures civiles d’exécution.

Cette décision fait d'autant moins grief à M. X que la mesure conservatoire n'apparaît toujours pas avoir été exécutée. L'exception de caducité ne pourra être opposée que devant le juge de l’exécution saisi en contestation de mesure conservatoire par voie d'assignation selon la procédure ordinaire devant cette juridiction, une fois la mesure dûment dénoncée selon les règles qui lui sont propres.

Quoi qu'il en soit, à ce stade de la procédure, en application des articles 544 et 545 du code de procédure civile, la voie de l'appel n'est pas ouverte contre la décision du juge de l’exécution du 22 mars 2016. La cour doit en soulever d'office l'irrecevabilité.

M. X, en son nom personnel comme es qualité de représentant des sociétés qui figurent comme appelantes dans la déclaration d'appel supportera les dépens d'appel. Et aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque dans cette affaire.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la demande de radiation fondée sur l'article 526 du code de procédure civile ;

Vu les articles R151-1, R151-4 du code des procédures civiles d’exécution, et les articles 544, 545, et 16 du code de procédure civile ;

Déclare d'office l'appel irrecevable ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X, en son nom personnel comme es qualité de représentant des sociétés qui figurent comme appelantes dans la déclaration d'appel aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les timbres de procédure.