Cass. 1re civ., 5 décembre 1973, n° 72-11.931
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bellet
Rapporteur :
M. Vigneron
Avocat général :
M. Schmelck
Avocat :
Me Célice
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU, SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET PARTIELLEMENT CONFIRMATIF ATTAQUE QUE, PAR ARRETE CONJOINT PRIS LE 28 MAI 1965 PAR LES PREFETS DES DEPARTEMENTS DES LANDES ET DES BASSES-PYRENEES, LA SOCIETE "LES CIMENTS DE L'ADOUR" A ETE AUTORISEE SOUS CERTAINES CONDITIONS A CREER ET A EXPLOITER UNE CIMENTERIE, ETABLISSEMENT INCOMMODE ET INSALUBRE DE LA DEUXIEME CATEGORIE SOUMIS A LA LOI DU 19 DECEMBRE 1917, DANS LA COMMUNE DU BOUCAU ;
QU'EN 1969 PLUSIEURS HABITANTS DE CETTE LOCALITE, ESTIMANT QUE LES EMANATIONS DE FUMEES ET DE POUSSIERES PROVENANT DE LA CIMENTERIE DEPASSAIENT LES TROUBLES NORMAUX DU VOISINAGE, ONT ASSIGNE LA SOCIETE EN CESSATION DU TROUBLE ET EN REPARATION DU PREJUDICE ;
QUE LES JUGES DU FOND ONT DESIGNE UN EXPERT, QUI A CONCLU A L'EXISTENCE DU TROUBLE INVOQUE ET A LA POSSIBILITE DE LE REDUIRE DANS D'APPRECIABLES PROPORTIONS PAR L'EXECUTION DE DEUX SERIES DE MESURES, LES PREMIERES QUI SERAIENT D'UN RESULTAT IMMEDIAT ET D'UN COUT RELATIVEMENT PEU ELEVE, LES SECONDES DEVANT ENTRAINER DES FRAIS CONSIDERABLES POUR UN RESULTAT PLUS ALEATOIRE ;
QUE L'ARRET ATTAQUE A FAIT DROIT AU PRINCIPE DE LA DEMANDE RENVOYE APRES NOUVELLE EXPERTISE LA DETERMINATION ET LA REPARATION DU PREJUDICE SUBI ET, EN CE QUI CONCERNE LA SUPPRESSION DES TROUBLES POUR L'AVENIR, A CONDAMNE LA SOCIETE SOUS ASTREINTE A EFFECTUER DANS UN DELAI D'UN AN ET SOUS LE CONTROLE DE L'EXPERT Y... PRECONISES PAR CE DERNIER ET RANGES PAR LUI DANS LA PREMIERE CATEGORIE ;
ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR AINSI STATUE, ALORS, D'UNE PART, QUE L'EXECUTION DE CES MESURES SERAIT INCOMPATIBLE AVEC L'ARRETE PREFECTORAL AUTORISANT L'OUVERTURE ET LE FONCTIONNEMENT DE L'ETABLISSEMENT ET SUBORDONNANT EN PARTICULIER A UN NOUVEL ARRETE TOUTE TRANSFORMATION DANS L'ETAT DES LIEUX, DANS LA NATURE DE L'OUTILLAGE OU DU TRAVAIL, ET QU'AINSI LA COUR D'APPEL N'AURAIT PU, SANS MECONNAITRE CE TEXTE OU L'INTERPRETER ABUSIVEMENT, CE QUI EXCEDERAIT LA COMPETENCE DES TRIBUNAUX JUDICIAIRES PUISQU'IL S'AGISSAIT D'UN ACTE ADMINISTRATIF INDIVIDUEL, ORDONNER A LA SOCIETE D'EFFECTUER DES TRAVAUX QUI EXIGEAIENT L'AUTORISATION PREALABLE DE L'AUTORITE ADMINISTRATIVE, ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'A SUPPOSER QUE L'OBLIGATION MISE A LA CHARGE DE LA SOCIETE SOIT REALISABLE APRES UNE EVENTUELLE OBTENTION DES AUTORISATIONS ADMINISTRATIVES NECESSAIRES, LES JUGES DU SECOND DEGRE N'AURAIENT PU LA RENDRE EXECUTOIRE QU'A DATER DE LA SURVENANCE D'UNE EVENTUELLE AUTORISATION ;
QU'EN L'ETAT , LE RECOURS A UNE ASTREINTE AU TERME D'UN DELAI D'UN AN MECONNAITRAIT LA COMPETENCE DE L'AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI NE SAURAIT ETRE SOUMISE A L'APPLICATION D'UN DELAI IMPOSE PAR L'AUTORITE JUDICIAIRE ET QUI EXIGERAIT LA RESPONSABILITE DE L'ADMINISTRE ;
MAIS ATTENDU QUE LA SOCIETE "LES CIMENTS DE L'ADOUR" N'A PAS SOUTENU DEVANT LES JUGES DU FOND QUE LES MESURES SUGGEREES PAR L'EXPERT, NI L'ASTREINTE DONT LES PREMIERS JUGES AVAIENT ASSORTI LEUR CONDAMNATION A L'EXECUTION DESDITES MESURES ETAIENT INCOMPATIBLES AVEC LES CONDITIONS AUXQUELLES L'ARRETE PREFECTORAL AVAIT SUBORDONNE L'EXPLOITATION DE L'ENTREPRISE ET QU'AINSI CET ARRETE AURAIT ETE SINON MECONNU, DU MOINS INTERPRETE ;
QUE CE MOYEN EST NOUVEAU ET QUE, MELANGE DE FAIT ET DE DROIT, IL ES IRRECEVABLE ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR OBLIGE LA SOCIETE A REPARER LES NUISANCES INVOQUEES ET REJETE TOUTE NOUVELLE EXPERTISE, ALORS, D'UNE PART, QU'IL SE CONTREDISAIT EN AFFIRMANT QUE "LES HAUTES SUPERSTRUCTURES DE LA CIMENTERIE... CONSTITUENT UN ECRAN PROTECTEUR TRES EFFICACE CONTRE LES POLLUTIONS VENANT DE L'AVAL", ET EN RETENANT CEPENDANT LE FAIT UNIQUE DE LA SOCIETE DANS LES TROUBLES CONSTATES, DENATURANT EN CELA LE RAPPORT D'EXPERTISE EN RETENANT UNIQUEMENT LES RETOMBEES PROVENANT DE LA CIMENTERIE, CEPENDANT QUE CE RAPPORT SE BORNAIT A ATTRIBUER LES NUISANCES ESSENTIELLEMENT A LA CIMENTERIE ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'EN SE CONTENTANT DE MINIMISER LES AUTRES POLLUTIONS SANS NIER LEUR EXISTENCE ET EN REFUSANT COMME INUTILE TOUTE MESURE D'EXPERTISE SUR CE POINT, L'ARRET ATTAQUE N'AURAIT PAS REPONDU AUX CONCLUSIONS FAISANT VALOIR QUE LA CORROSION DES METAUX CONSTATEE PAR L'EXPERT NE POUVAIT EN AUCUN CAS ETRE LE FAIT DE POUSSIERES DE CIMENTS OU DE "CLINKER", MAIS PROVENAIENT UNIQUEMENT D'AGENTS CHIMIQUES RESTANT A DETERMINER DANS LE CADRE DE LA RECHERCHE D'AUTRES RESPONSABILITES ;
MAIS ATTENDU QUE, SANS DENIER L'EXISTENCE EVENTUELLE D'AUTRES FACTEURS DE POLLUTION QUE CEUX QUI ETAIENT PRODUITS PAR LA CIMENTERIE, LA COUR D'APPEL, SAISIE SEULEMENT DU TROUBLE OCCASIONNE AUX DEMANDEURS A L'ACTION, COMPTE TENU DE LEUR RESIDENCE PAR RAPPORT A L'IMPLANTATION DE L'ETABLISSEMENT INCRIMINE, S'EST BORNEE A CONSIDERER QUE "LES NUISANCES DONT SE PLAIGNENT LES DEMANDEURS PROVIENNENT UNIQUEMENT DES RETOMBEES DE POUSSIERES EMANANT DE LA CIMENTERIE ET QUE LES POUSSIERES OU FUMEES PROVENANT D'AUTRES INDUSTRIES SONT PRATIQUEMENT NEGLIGEABLES DANS LEUR VOLUME, DANS LEUR FREQUENCE ET DANS LEURS EFFETS" ;
QU'ELLE A PAR LA REPONDU AU MOYEN INVOQUE PAR LA SOCIETE POUR OBTENIR UNE NOUVELLE MESURE D'INSTRUCTION SUR L'ORIGINE DES TROUBLES ALLEGUES ET AINSI, SANS CONTRADICTION NI DENATURATION DU RAPPORT DE L'EXPERT, LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ;
QUE LE MOYEN NE SAURAIT DONC ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;
SUR LE TROISIEME MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU, ENFIN, QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR CONDAMNE LA SOCIETE "LES CIMENTS DE L'ADOUR" A EFFECTUER CERTAINS TRAVAUX DESTINES A FAIRE CESSER LES TROUBLES DONT SE PLAIGNAIENT LES VOISINS, ALORS, D'UNE PART, QUE LA COUR D'APPEL, QUI AURAIT CONSTATE LE CARACTERE ALEATOIRE DES MESURES ORDONNEES, N'AURAIT PU SE DESSAISIR DU CONTROLE DES TRAVAUX POUR ABANDONNER CELUI-CI A L'EXPERT ;
QU'ELLE N'AURAIT PAS DAVANTAGE PU LUI LAISSER L'INITIATIVE DE PROLONGER L'INSTANCE EN FAISANT REVENIR L'AFFAIRE DEVANT LE TRIBUNAL SANS CONDITION DE DELAI ET EN DEHORS DE TOUTE INTERVENTION DES PARTIES ;
QU'EN EFFET, L'ARTICLE 304 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE IMPOSE AU JUGE DE FIXER A L'EXPERT X... UN DELAI POUR EXECCUTER SA MISSION ET DEPOSER SON RAPPORT ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE LA COUR D'APPEL N'AURAIT PU SE DESSAISIR EN ORDONNANT UN EVENTUEL RENVOI DE L'AFFAIRE DEVANT LES PREMIERS JUGES, PUISQU'IL S'AGISSAIT DE MESURES QU'ELLE AVAIT ELLE-MEME PRESCRITES DANS LE CADRE DE SON ARRET PARTIELLEMENT INFIRMATIF ;
MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QUE LA COUR D'APPEL RELEVE QUE L'EXPERT A CLASSE LES AMELIORATIONS QU'IL A ENVISAGEES POUR FAIRE CESSER LES NUISANCES EN DEUX CATEGORIES, CONSTITUEES, LA PREMIERE, PAR CERTAINS MESURES REALISABLES SANS EXIGER DES INVESTISSEMENTS TRES IMPORTANTS ET, LA SECONDE, PAR D'AUTRES SOUHAITABLES MAIS COMPORTANT DES INCIDENCES FINANCIERES LOURDES ;
QU'ELLE A ESTIME QUE LES AMELIORATIONS DE LA PREMIERE CATEGORIE, LOIN DE PRESENTER UN CARACTERE ALEATOIRE, ETAIENT PROPRES A REDUIRE DANS UNE GRANDE PROPORTION LES NUISANCES CONSTATEES ET EN A PRESCRIT L'EXECUTION ;
QU'EN DONNANT MISSION A L'EXPERT DE CONTROLER CETTE EXECUTION AINSI QUE LES RESULTATS, ELLE NE LUI A CONFIE QU'UNE MISSION PUREMENT TECHNIQUE ;
ATTENDU, D'AUTRE PART, QU'EN AJOUTANT QUE L'EXPERT Z... SAISI DE SA MISSION CONSISTANT A RECHERCHER LES MOYENS PROPRES A ELIMINER LES NUISANCES TANT QUE CELLES-CI DEPASSERONT LES INCONVENIENTS NORMAUX DU VOISINAGE, ET QU'AU CAS OU IL CONSTATERAIT QUE, MALGRE L'EXECUTION DESDITS TRAVAUX, DE TELLES NUISANCES SUBSISTERONT, IL DEPOSERA UN NOUVEAU RAPPORT QUI INDIQUERA S'IL CONVIENT D'ENVISAGER LA REALISATION D'AUTRES MESURES ET AU VU DUQUEL LE TRIBUNAL STATUERA A NOUVEAU CE QUE DE DROIT, LA COUR D'APPEL, QUI NE POUVAIT IMPARTIR A L'EXPERT UN DELAI POUR LA CONSTATATION DE L'EFFICACITE DE TRAVAUX QUI ETAIENT ENCORE A EFFECTUER, N'EN A PAS MOINS FIXE LA DUREE DE SA MISSION EN LA LIANT A LA PERSISTANCE EVENTUELLE DES NUISANCES DONT S'AGIT ET N'A AUCUNEMENT EXCLU QU'APRES DEPOT DE SON RAPPORT EVENTUEL L'AUDIENCE SERA POURSUIVIE SUR LA SEULE INITIATIVE DE LA PARTIE LA PLUS DILIGENTE, AINSI QUE LE PREVOIT L'ARTICLE 321 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE ALORS APPLICABLE ;
ATTENDU, ENFIN, QUE LA COUR D'APPEL QUI N'A INFIRME QUE PARTIELLEMENT LE JUGEMENT ENTREPRIS, DECLARANT MEME LE CONFIRMER EN SON PRINCIPE, A, EN PRESCRIVANT LE DEPOT DU NOUVEAU RAPPORT DE L'EXPERT AU GREFFE DU TRIBUNAL, REGULIEREMENT USE DE LA FACULTE DE RENVOYER L'AFFAIRE A CETTE JURIDICTION, CONFORMEMENT A LA DISPOSITION DE L'ARTICLE 472, ALINEA 3, DU CODE DE PROCEDURE CIVILE ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 29 FEVRIER 1972, PAR LA COUR D'APPEL DE PAU.