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Décisions

Cass. 1re civ., 28 avril 1998, n° 96-11.637

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Cottin

Avocat général :

M. Roehrich

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 11 déc. 1995

11 décembre 1995

Attendu que M. X..., avocat au barreau de Nice, alors qu'il faisait l'objet d'une procédure disciplinaire, a présenté une requête en récusation contre deux des membres du conseil de l'ordre, M. Y..., bâtonnier en exercice et M. Z..., désigné en qualité de rapporteur dans une autre affaire le concernant ; que le conseil de l'Ordre a transmis cette récusation à la cour d'appel qui a débouté M. X... de ses demandes de récusation ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... fait grief à la cour d'appel d'avoir, d'une part, en statuant en chambre du conseil, violé le principe de la publicité des débats et l'article 351 du nouveau Code de procédure civile, et, d'autre part, faussement appliqué l'article 359 du même Code, la récusation de deux juges d'une formation disciplinaire ne pouvant être assimilée à une récusation de tous les juges d'une juridiction ;

Mais attendu que si la publicité des débats est un principe général du droit, la loi peut en limiter la portée en exigeant ou en permettant que ces débats aient lieu en chambre du conseil ; que tel est le cas en l'espèce, l'article 364 du nouveau Code de procédure civile disposant qu'en cas de récusation contre plusieurs juges de la juridiction saisie, il doit être procédé comme en matière de renvoi pour suspicion légitime ; que la cour d'appel devait donc, sur la demande de récusation de deux des membres de la juridiction disciplinaire, statuer en chambre du conseil conformément à l'article 359, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches :

Vu l'article 6.1°, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que l'exigence d'impartialité doit s'apprécier objectivement ;

Attendu que M. X.... avait fondé ses demandes de récusation contre deux de ses juges, à titre principal sur les dispositions du texte susvisé, et, à titre subsidiaire, sur celles de l'article 341 du nouveau Code de procédure civile ; que la cour d'appel a écarté l'examen de la requête sur le fondement de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme en considérant que le droit français assurait le respect de l'impartialité des juridictions ;

Attendu qu'en se déterminant par ces motifs alors que l'article 341 précité, qui prévoit limitativement huit cas de récusation, n'épuise pas nécessairement l'exigence d'impartialité requise de toute juridiction, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du deuxième moyen et les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.