Cass. com., 8 juillet 2014, n° 13-19.395
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocats :
SCP Boullez, SCP Le Bret-Desaché
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 11 avril 2013), que la société Touraine immobilier, qui exerçait l'activité d'agence immobilière, ayant été mise en liquidation judiciaire le 3 avril 2012, une ordonnance du juge-commissaire a autorisé la cession de gré à gré du fichier de sa clientèle à la société Cabinet Guesdon pour le prix de 2 500 euros ; que la société Touraine immobilier a formé un recours contre cette décision devant la cour d'appel ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Vu les articles L. 642-19-1 et R. 642-37-3, alinéa 2, du code de commerce, issus respectivement de l'ordonnance du 18 décembre 2008 et du décret du 12 février 2009 ;
Attendu que le liquidateur soutient que le pourvoi en cassation en matière de réalisation d'actifs de la liquidation judiciaire est réservé au ministère public et n'est recevable de la part du débiteur qu'en cas d'excès de pouvoir, lequel n'est pas établi par la société Touraine immobilier ;
Mais attendu qu'en application des textes susvisés, s'agissant d'une procédure collective ouverte à compter du 15 février 2009, date de leur entrée en vigueur, l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente de biens mobiliers du débiteur est susceptible d'un recours devant la cour d'appel et qu'en raison de l'abrogation de l'article L. 661-5 du code de commerce par l'ordonnance du 18 décembre 2008, le pourvoi en cassation contre l'arrêt statuant sur ce recours n'est plus réservé au ministère public ni subordonné à la justification d'un excès de pouvoir ;
D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Touraine immobilier fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance du juge-commissaire, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient au juge d'autoriser la cession de gré à gré de meubles lors de la liquidation judiciaire aux prix et conditions qu'il détermine en vue d'assurer le paiement des créanciers ; qu'il s'ensuit qu'il est de son office de déterminer lui-même le prix réel et sérieux sans pouvoir se retrancher derrière la carence du débiteur qui n'aurait pas fourni les documents nécessaires à la fixation ; qu'en décidant que la société Touraine immobilier ne pouvait pas se faire un grief de ce que le fichier clientèle n'avait pas été vendu au juste prix, dès lors que le débiteur en portait l'entière responsabilité, à défaut d'avoir fourni au liquidateur les documents dont la tenue lui incombait, qu'elle a transféré une partie de sa clientèle vers une autre agence, et que le mandataire-liquidateur n'était pas tenu de suppléer à sa propre carence, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir, en violation des articles L. 642-19 du code de commerce et 1591 du code civil ;
2°/ qu'à l'occasion de la réalisation judiciaire d'actifs mobiliers d'un débiteur en liquidation judiciaire, la détermination du prix par le juge lui impose de vérifier que les prestations promises par le cessionnaire constituent une contrepartie réelle et sérieuse ; qu'en décidant que le cessionnaire devait procéder au pointage des comptes réglementés ainsi qu'à la répartition des sommes devant revenir aux propriétaires, au titre de la gestion locative, et à la société Touraine immobilier, au titre de ses honoraires de gestion, sans expliquer en quoi les prestations attendues du cessionnaire constituaient une contrepartie réelle et sérieuse, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir, en violation des articles L. 642-19 du code de commerce et 1591 du code civil ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 642-19, alinéa 1er, du code de commerce, le juge-commissaire détermine les conditions de la vente des biens qu'il autorise et son prix, lequel doit être réel ; qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que plusieurs mandats de gestion locative ou de copropriété confiés à la société Touraine immobilier avaient été transférés par elle à une autre agence, que le registre des mandats n'était pas produit et qu'en l'absence de toute garantie sur la consistance du fichier « clientèle », une seule offre d'acquisition avait été reçue, le cessionnaire faisant son affaire personnelle de la reconstitution des dossiers, du pointage des comptes et du paiement des loyers, charges et honoraires encore dus, la cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge-commissaire, a pu fixer le prix réel de la cession du fichier à la somme de 2 500 euros ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.