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Décisions

Cass. com., 3 avril 2012, n° 10-21.084

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Colmar, du 27 oct. 2009

27 octobre 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 octobre 2009), que M. X... est titulaire du brevet européen n° EP 0 106 997 désignant la France, déposé le 8 septembre 1983, dont la délivrance a été publiée le 21 février 1996, et qui a pour objet un procédé pour le traitement des déchets métalliques en vue de la récupération des métaux qui y sont contenus ; qu'estimant que la société Rolanfer recyclage (société Rolanfer) utilisait un procédé de recyclage des déchets métalliques qui reproduirait les caractéristiques de son brevet, M. X... l'a assignée en contrefaçon ainsi que la société Broyeurs Becker, présentée comme étant le fabricant de l'installation litigieuse ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en contrefaçon alors, selon le moyen :

1°/ que pour la détermination de l'étendue de la protection conférée par le brevet européen, il est dûment tenu compte de tout élément équivalent à un élément indiqué dans les revendications ; qu'un moyen peut être considéré comme équivalent à un autre si, bien que de forme différente, il remplit la même fonction en vue d'un résultat de même nature ; que la cour d'appel a constaté que " la SA Rolanfer recyclage ne conteste pas que le produit fini obtenu par elle à l'issue du traitement est très similaire à celui décrit dans le brevet européen " ; qu'en retenant qu'il ne pourrait y avoir contrefaçon que si le procédé utilisé par la société Rolanfer comportait " les mêmes étapes, dans le même ordre temporel " que celles décrites dans le brevet de M. X..., cependant que la contrefaçon de brevet européen portant sur un procédé ne suppose pas la reprise à l'identique de toutes les étapes du procédé, mais peut être caractérisée par l'emploi d'un moyen équivalent, la cour d'appel a violé les articles 2 du protocole interprétatif de l'article 69 de la convention de Munich du 5 octobre 1973, L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle et 1er du premier protocole additionnel à la convention EDH (CEDH) ;

2°/ qu'un moyen peut être considéré comme équivalent à un autre si, bien que de forme différente, il remplit la même fonction en vue d'un résultat de même nature, sinon de même degré ; que la cour d'appel a constaté que " la SA Rolanfer recyclage ne conteste pas que le produit fini obtenu par elle à l'issue du traitement est très similaire à celui décrit dans le brevet européen " ; que la très grande similarité de nature des produits obtenus, à savoir l'obtention d'un taux de métal de plus de 90 %, suffisait à faire peser sur la société Rolanfer la charge de la preuve qu'elle n'avait pas contrefait le procédé breveté ; qu'en retenant qu'il existerait une incertitude sur la condition de poids du produit obtenu, fixé à 1 t/ m3 dans la revendication n° 1 du brevet européen, pour en déduire qu'il existerait " un doute sur l'aspect strictement " identique " des produits respectivement obtenus et sur l'applicabilité de l'article L. 615-5-1 " du code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 2 du protocole interprétatif de l'article 69 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 et de l'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ que le motif dubitatif équivaut au défaut de motifs ; qu'en se bornant à retenir qu'il existerait " un doute sur l'aspect strictement " identique " des produits respectivement obtenus et sur l'applicabilité de l'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle ", quand il lui appartenait de statuer après avoir levé ce doute, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu''une décision d'une chambre de recours de l'OEB accordant un brevet sous une forme amendée a autorité de chose jugée ; que la cour d'appel a constaté qu'il ressort de la décision de la chambre de recours de l'OEB du 5 mai 1995, " dont les parties ne contestent en rien l'autorité relativement à la portée du brevet ", que les opérations de " séchage " et de " purification préalable " peuvent être menées, soit en tant qu'opérations indépendantes, soit sous forme d'une exécution simultanée ; qu'en exigeant que la société Rolanfer ait, elle-même, reproduit l'étape initiale de séchage et de purification, cependant que cette étape pouvait être exécutée de façon autonome, par un tiers, pourvu qu'elle permette à la société Rolanfer d'obtenir in fine un produit similaire à celui décrit par le brevet européen, la cour d'appel a violé l'article 69 de la convention de Munich du 5 octobre 1973, l'article 2 du protocole interprétatif de l'article précité et l'article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

5°/ que pour la détermination de l'étendue de la protection conférée par le brevet européen, il est dûment tenu compte de tout élément équivalent à un élément indiqué dans les revendications ; qu'un moyen peut être considéré comme équivalent à un autre si, bien que de forme différente, il remplit la même fonction en vue d'un résultat de même nature ; qu'en exigeant que la société Rolanfer ait eu recours à des mesures " absolument volontaires " et à un processus de " séchage actif par apport d'énergie ", c'est-à-dire à un procédé identique ou similaire à celui décrit par le brevet, cependant qu'il lui appartenait seulement de rechercher si, par un moyen équivalent, les déchets traités par cette société avaient dans un premier temps été séchés et purifiés, la cour d'appel a violé l'article 2 du protocole interprétatif de l'article 69 de la convention de Munich du 5 octobre 1973, ensemble l'article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

6°/ que pour la détermination de l'étendue de la protection conférée par le brevet européen, il est dûment tenu compte de tout élément équivalent à un élément indiqué dans les revendications ; qu'un moyen peut être considéré comme équivalent à un autre si, bien que de forme différente, il remplit la même fonction en vue d'un résultat de même nature ; que l'étape initiale de séchage et de purification avait pour but de concentrer la teneur en métal des déchets ; qu'en retenant que le stockage des déchets à l'air libre sur le site de la société Rolanfer n'aurait pu être qualifié de " séchage " car les déchets se trouvaient ainsi soumis aux intempéries, quand il lui appartenait seulement de rechercher si l'entreposage des déchets n'avait pas néanmoins eu pour conséquence d'entraîner leur séchage et leur purification, c'est-à-dire une concentration de la teneur en métal du mélange destiné à subir les étapes subséquentes du procédé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du protocole interprétatif de l'article 69 de la convention de Munich du 5 octobre 1973, ensemble l'article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

7°/ que M. X... faisait valoir dans ses écritures d'appel que l'expert avait constaté, lors de sa visite des installations industrielles de la société Rolanfer le 6 juin 2000, que l'installation se composait " d'une unité de broyage, d'une unité de dépoussiérage, d'une unité de séparation magnétique et d'une unité de triage " ; qu'il ajoutait que les agissements contrefaisants sont établis par le simple fait que des moyens techniques sont disponibles sur un outillage industriel, même si ces moyens ne sont pas utilisés ou momentanément mis hors service par le contrefacteur, de sorte que la reprise de l'étape dite de " triage à vent " était bien établie ; qu'en se bornant à retenir que l'expert aurait constaté " l'absence d'un triage à vent ", sans s'expliquer sur le moyen soulevé par M. X... dans ses écritures d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;


Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que la revendication n° 1 du brevet porte sur un procédé qui comporte nécessairement quatre étapes successives dont une étape essentielle de séchage et de purification préalable dans un tambour rotatif, une cascade ou un tamis vibrant afin d'amener la teneur en métal des déchets métalliques à au moins 70 %, la cour d'appel a pu en déduire que la contrefaçon ne pouvait être constituée que si ces quatre étapes étaient reproduites ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le procédé breveté est destiné à s'appliquer à des déchets métalliques incinérés ou non incinérés et que la première phase de séchage et de purification préalable qui n'existait pas dans l'art antérieur présente un caractère essentiel ; qu'il relève qu'il n'est pas établi que des mesures de purification équivalentes à celles décrites dans le brevet aient été mises en oeuvre par la société Rolanfer ; qu'après avoir constaté que cette société prélève directement les déchets métalliques, issus des ordures ménagères préalablement incinérées, et les stocke à l'air libre autour de ses installations avant de les broyer, l'arrêt en déduit que la matière première ne peut être considérée comme ayant fait l'objet d'un séchage actif par apport d'énergie ; qu'il relève enfin qu'il n'est pas établi que la condition de poids du produit obtenu, fixé à 1 t/ m3 par la revendication 1, soit remplie dans l'installation de la société Rolanfer ; qu'ayant fait ainsi ressortir que la société Rolanfer ne mettait pas en oeuvre une première étape ayant pour fonction de sécher et de purifier préalablement les déchets et qu'il n'était pas établi que les caractéristiques du produit fini étaient reproduites, la cour d'appel, qui n'était pas liée par la décision de la chambre de recours de l'Office européen des brevets et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et de répondre au moyen inopérant visé par la septième branche, a pu, abstraction faite du motif surabondant visé par la troisième branche, statuer comme elle a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que les premier et deuxième moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Rolanfer recyclage la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du trois avril deux mille douze.