Livv
Décisions

Cass. com., 13 septembre 2017, n° 15-25.950

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Ohl et Vexliard

Aix-en-Provence, du 16 juill. 2015

16 juillet 2015

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SARL Française de travaux publics terrestres maritimes et fluviaux (la société Frabeltra) était détenue notamment par MM. Michel et Jean-Georges X... ; que M. Michel X... a assigné la société Frabeltra et M. Jean-Georges X..., son gérant, en désignation d'un ou plusieurs experts de gestion ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. Jean-Georges X... et la société Frabeltra font grief à l'arrêt de désigner un expert judiciaire, avec notamment pour sixième chef de mission de contrôler la régularité de la vente survenue le 17 juillet 1999 entre la société Frabeltra et la SCI La Tourterelle, dont le gérant est M. Jean-Georges X..., alors, selon le moyen, que seule une opération de gestion est susceptible de faire l'objet d'une expertise de gestion ; qu'en ordonnant une expertise de gestion portant sur « la vente de l'ensemble immobilier la Tourterelle », cependant qu'en vertu de l'article 15 des statuts de la société Frabeltra, les « ventes d'établissements commerciaux ou immeubles (…) ne peuvent être réalisés ou consentis qu'avec l'autorisation des associés aux conditions de majorité ordinaire (…) », ce dont il résultait que la vente de l'ensemble immobilier susvisé relevait des attributions de l'assemblée des associés et ne constituait pas une opération de gestion, la cour d'appel a violé l'article L. 223-37 du code de commerce ;

Mais attendu que si la décision de l'assemblée des associés d'une société à responsabilité limitée décidant de la vente d'un immeuble appartenant à cette dernière ne constitue pas une opération de gestion au sens des dispositions de l'article L. 223-37 du code de commerce, le moyen est inopérant en ce qu'il ne soutient pas que la vente du 17 juillet 1999 avait été effectivement décidée par l'assemblée générale ;

Sur le premier moyen, pris en ses troisième à sixième branches, le deuxième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, le troisième moyen et le quatrième moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour désigner un expert judiciaire, avec notamment pour premier chef de mission de contrôler l'opportunité de la vente projetée de la quasi-intégralité de l'actif immobilier de la société Frabeltra, l'arrêt retient que le gérant de cette dernière propose, dans le rapport qu'il a établi, de céder les biens immobiliers situés en Seine-Maritime, en l'état de leur faible rentabilité, avec faculté de négociation de 30 % à la baisse, sans fournir aucune information sur le remploi du produit de la vente et son impact sur le résultat d'exploitation ainsi que sur l'incidence de la cession sur la valorisation des parts sociales et que cette cession proposée par le gérant est en conséquence susceptible de porter atteinte à l'intérêt social de la société Frabeltra ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Jean-Georges X... et de la société Frabeltra qui faisaient valoir que la décision envisagée de céder un bien immobilier appartenant à cette même société relevait, en application des statuts, des attributions de l'assemblée des associés et ne constituait pas une opération de gestion, ce qui excluait toute expertise de gestion portant sur un tel projet de cession, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour désigner un expert judiciaire, avec notamment pour cinquième chef de mission de contrôler l'affectation des bénéfices de la société Frabeltra depuis l'exercice clos le 30 septembre 2001 et notamment l'opportunité d'une mise en réserve systématique des bénéfices de la société Frabeltra dans la réserve légale, l'arrêt retient qu'au regard de l'importance des réserves, la demande d'expertise de gestion présente un caractère sérieux afin de déterminer quelle est la politique d'investissement de la société, quelle est l'incidence de l'importance de ces réserves sur la valorisation des parts sociales, et si cette situation est conforme à l'intérêt social ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Jean-Georges X... et de la société Frabeltra qui faisaient valoir que les décisions d'affectation des bénéfices ne constituaient pas des opérations de gestion, et qu'en conséquence, une expertise de gestion ne pouvait être ordonnée au sujet de ces affectations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne une expertise de gestion et désigne un expert avec pour mission, en premier point, de contrôler l'opportunité de la vente projetée de la quasi-intégralité de l'actif immobilier de la société Frabeltra, la faculté de la société de faire face à ses charges d'exploitation et l'adéquation du prix de vente projeté par rapport aux prix de vente constatés dans l'état actuel du marché et, en cinquième point, de contrôler l'affectation des bénéfices de la société Frabeltra depuis l'exercice clos le 30 septembre 2001 et notamment l'opportunité d'une mise en réserve systématique des bénéfices de la société Frabeltra dans la réserve légale, les autres réserves et le compte report à nouveau, et vérifier le cas échéant si cette mise en réserve a permis à la société en contrepartie, de réaliser des investissements qu'elle n'aurait pas pu réaliser sans cette mise en réserve des bénéfices, l'arrêt rendu le 16 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.