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Décisions

Cass. com., 16 décembre 2020, n° 18-25.630

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Didier et Pinet

Versailles, du 11 oct. 2018

11 octobre 2018


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 octobre 2018), le capital de la société à responsabilité limitée Seti ingénierie conseil (la société) est réparti entre MM. I..., A... et G....

2. Après avoir dirigé la société aux côtés de M. I..., M. A... a été révoqué de ses fonctions de gérant et remplacé par M. G....

3. Soutenant avoir constaté l'existence d'opérations présentant un caractère suspect et contraire à l'intérêt de la société, M. A... a assigné celle-ci, ainsi que MM. I... et G..., devant le président d'un tribunal de commerce aux fins de voir ordonner une expertise de gestion.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. M. A... fait grief à l'arrêt de dire mal fondée cette demande et de le condamner au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, alors « que l'expertise de gestion a pour objectif de contrôler tout acte de gestion suspect de nature à porter atteinte à l'intérêt social de la société ; que tel est le cas de l'acte par lequel le gérant décide, à son bénéfice, de mettre à la charge de la société le paiement d'une somme indue peu important le montant de ladite somme ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer, pour rejeter l'expertise sur les remboursements forfaitaires accordés aux cogérants, le remboursement du loyer personnel de M. G... ou sur le supplément d'intéressement perçu par M. G..., que les sommes en cause étaient peu importantes ou n'étaient pas significativement préjudiciables sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si ces actes de gestion n'étaient pas suspects et notamment si l'augmentation de 912 % des dépenses d'hôtel et de 488 % des dépenses de train et d'avion constatée par le bilan comptable de l'exercice 2016-2017 et dénoncée par M. A... ne laissait pas présumer certaines irrégularités de gestion au détriment de l'intérêt social de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-37 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 225-37, alinéa 1, du code de commerce :

5. Aux termes de cet article, un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

6. La juridiction saisie d'une demande d'expertise de gestion est tenue de l'ordonner dès lors qu'elle relève des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées, indépendamment de leur montant.

7. Pour rejeter la demande d'expertise de M. A..., la cour d'appel a retenu que les remboursements forfaitaires de frais intervenus en mai et juin 2016 portaient sur des sommes peu importantes et que le trop-perçu du supplément d'intéressement reçu par M. G... n'était pas significativement préjudiciable à l'intérêt social.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure le caractère suspect des opérations litigieuses, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation de l'arrêt sur le moyen, pris en sa deuxième branche, n'atteint pas le chef de dispositif rejetant les demandes reconventionnelles de MM. I... et G....

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance de référé, il rejette la demande d'expertise de gestion de M. A... et en ce qu'il statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 11 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.