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Décisions

Cass. com., 23 juin 2015, n° 14-14.156

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocat :

SCP Gatineau et Fattaccini

Aix-en-Provence, du 12 déc. 2013

12 décembre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Gephi a donné à bail à la société Brasserie nouvelle Le Mansard (la société Le Mansard) des locaux à usage commercial ; que celle-ci a été mise en liquidation judiciaire le 9 mars 2010, Mme X... étant nommé liquidateur ; que par ordonnance du 31 mai 2010, le juge-commissaire a autorisé Mme X..., ès qualités, à céder de gré à gré le fonds de commerce de la société Le Mansard à M. Y..., qui s'engageait à s'acquitter du paiement des loyers directement auprès du propriétaire des murs dès le prononcé de cette décision ; que M. Y... s'est substitué la société Le Phénix ; que le tribunal a rejeté l'opposition de la société Gephi à cette ordonnance et le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel de cette société contre le jugement ; que l'acte de cession du fonds a été conclu le 1er juin 2011 ; que la société Gephi a délivré à la société Le Phénix un commandement de payer les loyers indexés depuis le 1er juin 2010, puis l'a assignée en constatation de la résiliation du bail, expulsion, et paiement des causes du commandement ainsi que d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux ; que la société Le Phénix a été mise en redressement judiciaire, Mme X... étant nommé mandataire judiciaire ; que ces dernières ont reconventionnellement demandé des dommages-intérêts à la société Gephi pour avoir empêché, par de multiples procédures, l'exploitation du fonds cédé ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société Le Phénix et Mme X..., ès qualités, font grief à l'arrêt de faire droit aux demandes de la société Gephi et de rejeter la demande de délais de celle-là alors, selon le moyen, que si, dans le cadre d'une cession de fonds de commerce décidée par le juge-commissaire, les contrats sont transférés à la date de sa décision, le transfert des droits et obligations résultant de ces contrats cédés ne prend effet qu'à la date de passation de l'acte de cession ; qu'en cas de cession de contrats à exécution successive, le cessionnaire-repreneur est tenu des créances correspondant à la période de jouissance postérieure à la date ainsi fixée, peu important l'exigibilité de ces créances antérieures à cette date ; qu'en l'espèce, il a été constaté que si, par ordonnance du 31 mai 2010, le juge-commissaire a ordonné la cession du fonds de commerce, en ce compris le droit au bail, l'acte de cession n'a été conclu que le 1er juin 2011 ; qu'en décidant cependant que « la société Gephi », dont il n'a jamais été soutenu qu'elle soit entrée en jouissance avant cette date, devait acquitter le loyer afférent au contrat de location cédé dès le 1er juin 2010, au motif inopérant que le juge-commissaire, dans son ordonnance, exposant seulement le principe du transfert immédiat du contrat de bail, avait dit que l'acquéreur devait acquitter les loyers directement auprès du propriétaire dès le prononcé de son ordonnance, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 642-7 du code de commerce ;

Mais attendu que l'autorisation de cession donnée par le juge-commissaire a été arrêtée lors du plan de cession du fonds de commerce de la société Le Mansard comprenant son bail commercial, en application de l'article L. 642-19, alinéa 1er, du code de commerce, et non lors d'un plan de cession du bail dont elle était titulaire en application de l'article L. 642-7 du même code ; qu'ayant constaté que, dans l'acte de cession du fonds du 1er juin 2011, figurait l'engagement du repreneur de payer les loyers dès le prononcé de l'ordonnance du 31 mai 2010, laquelle avait été confirmée sans qu'aucune modification n'ait été demandée sur ce point par les parties, la cour d'appel en a exactement déduit que la société Le Phénix, substituée à M. Y... qui avait souscrit cet engagement contractuel personnel et direct à l'égard du bailleur dans son offre, était, en sa qualité de cessionnaire du fonds, redevable des loyers envers la société Gephi à compter du 1er juin 2010 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et sur le second moyen, pris en sa première branche, réunis :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que pour accorder à la société Le Phénix des dommages-intérêts au titre de l'impossibilité d'exploiter le fonds de commerce entre le 28 septembre 2010 et le 10 mai 2011, l'arrêt retient que le préjudice en résultant doit être évalué à la somme globale et forfaitaire de 20 000 euros ;

Qu'en statuant ainsi, en fixant à une somme forfaitaire le préjudice de la société Le Phénix, la cour d'appel a violé les texte et principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Gephi à payer à la société Le Phénix la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité d'exploiter le fonds de commerce entre le 28 septembre 2010 et le 10 mai 2011, l'arrêt rendu le 12 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.