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Décisions

Cass. com., 20 octobre 1998, n° 96-15.107

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Blanc, Me Capron

Paris, du 1er févr. 1996

1 février 1996

Sur le moyen unique, commun aux demandeurs, pris en ses six branches :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 1er février 1996) que M. X... avait donné à bail aux époux Z... des locaux dans lesquels ils exploitaient un fonds de commerce de bar-restaurant ; qu'en 1990, les époux Z... ont été mis en liquidation judiciaire ; que, peu après, un incendie a détruit l'immeuble ; que le liquidateur, M. Y..., a estimé que le bail était résilié et qu'il ne restait du fonds que la licence de 4e catégorie qu'il a cédée à M. X... au prix de 40 000 francs, avec l'autorisation du juge-commissaire ; que la société Union bancaire du Nord (UBN), créancier titulaire d'un nantissement sur le fonds de commerce, a fait opposition au paiement du prix et requis la mise aux enchères publiques du fonds au prix majoré du dixième en application de l'article 23 de la loi du 17 mars 1909 ; que M. X... s'y est opposé ;

Attendu que M. X... et M. Y... font grief à l'arrêt d'avoir donné acte à la société UBN de sa surenchère et d'avoir ordonné la vente aux enchères publiques du fonds de commerce, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la licence d'exploitation d'un débit de boissons peut être cédée isolément, nonobstant la consistance des autres éléments du fonds de commerce ; que cette cession de la seule licence ne donne aucun droit de suite aux créanciers inscrits sur le fonds et, partant, ne leur permet pas d'exercer une surenchère du dixième en application de l'article 23 de la loi du 17 mars 1909, sauf à démontrer que la vente de la licence dissimulerait celle d'un véritable fonds de commerce ; que, dès lors, en se bornant, pour ordonner l'adjudication sur surenchère, à énoncer que le fonds de commerce n'aurait pas disparu et que la résiliation du bail serait irrégulière et, partant, inopposable aux créanciers inscrits, sans constater que, sous couvert de cession de la seule licence, c'est le fonds de commerce qui aurait été cédé à M. X..., la cour d'appel a violé les articles 1 et 23 de la loi du 17 mars 1909 ; alors, d'autre part, que la destruction totale, par cas fortuit, de la chose louée entraîne la résiliation de plein droit du bail, et le bailleur n'a pas l'obligation de reconstruire l'immeuble ; que la cour d'appel, qui a constaté que l'immeuble dans lequel le fonds de commerce était exploité a été intégralement détruit par un incendie ne pouvait, sans violer l'article 1722 du Code civil, par refus d'application, estimer que le droit au bail aurait subsisté après cet incendie qui n'aurait, dès lors, pas porté atteinte au fonds de commerce ; alors, au surplus, que la résiliation du bail par suite de la destruction totale de la chose louée par cas fortuit intervient de plein droit et par le seul effet de la loi ; qu'elle ne suppose aucune démarche amiable ou judiciaire des parties au contrat de bail ; que le bailleur n'a donc pas à notifier une telle résiliation aux créanciers inscrits sur le fonds pour qu'elle leur soit opposable ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1722 du Code civil et 14 de la loi du 17 mars 1909 ; alors, en outre, que le droit au bail commercial supposant l'existence matérielle d'un immeuble, la destruction de l'immeuble loué, que le bailleur n'avait pas l'obligation de reconstruire en faveur du preneur, excluait qu'une cession d'un fonds de commerce avec un droit au bail et une clientèle puisse être matériellement envisagée ; que, dès lors, à supposer même que la résiliation du droit au bail puisse être déclarée inopposable aux créanciers inscrits, il n'en demeure pas moins que la vente, au surplus autorisée par le juge commissaire, quant à elle, ne pouvait porter et n'a porté que sur la licence et était, dès lors, exclusive d'une surenchère du dixième ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 23 de la loi du 17 mars 1909 ; alors, de surcroît, qu'en ne recherchant pas s'il était démontré par la société UBN qui alléguait la subsistance du fonds de commerce et avait, en conséquence, la charge de cette preuve que la clientèle aurait effectivement subsisté malgré la liquidation de l'entreprise et l'incendie des locaux interdisant toute exploitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 23 de la loi du 17 mars 1909 ; et alors, enfin, que la vente amiable de la licence seule à M. X... ayant été autorisée par ordonnance du juge-commissaire rendue dans le cadre d'une liquidation judiciaire, toute contestation portant sur le bien-fondé du démembrement du fonds de commerce et sur la disparition de ses éléments devait faire l'objet d'une opposition devant le Tribunal, en application de l'article 25 du décret du 27 décembre 1985 ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a donc, en toute hypothèse, violé les articles 156 de la loi du 25 janvier 1985, 25 du décret du 27 décembre 1985 et 1351 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que la disparition de l'immeuble n'a pas entraîné celle du fonds de commerce, la clientèle liée à l'emplacement et à l'enseigne demeurant, de sorte que la cession de la licence, présentée comme seul élément d'actif subsistant, était de nature à porter atteinte aux droits des créanciers ; que, par ce seul motif, abstraction faite de ceux, surabondants, visés par les deuxième et troisième branches du moyen, la cour d'appel, justifiant par là même sa décision, a pu décider que la société UBN, à qui M. X... avait notifié la cession intervenue conformément à l'article 22 de la loi du 17 mars 1909, était fondée à former une surenchère sur la vente du fonds de commerce, pris en ses éléments incorporels subsistants, en application de l'article 23 de la même loi ;

Attendu, en second lieu, que c'est sans remettre en cause l'autorisation de cession de gré à gré de la licence donnée par le juge-commissaire que la cour d'appel a décidé que, dès lors que subsistait le fonds dont la licence constituait un élément, la cession était soumise à la procédure instituée par les articles 22 et suivants de la loi du 17 mars 1909 ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses six branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.