CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 20 janvier 2015, n° 14/14363
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
CORELEC EQUIPEMENTS (SA)
Défendeur :
BECOAT (SAS), BEWAP (SAS), GIE ALLIANCE POUR LA PRODUCTION DES MACHINES A LAQUER (APML), ENTREPRISE DE CHAUDRONNERIE ET METALLERIE INDUSTRIELLE (ECMI) (SARL), HUGUET INGÉNIERIE (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. RAJBAUT
Conseillers :
Mme GABER, Mme AUROY
Vu l'ordonnance rendue contradictoirement le 19 juin 2014 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris.
Vu l'appel interjeté le 07 juillet 2014 par la SA CORELEC Équipements.
Vu la fixation de l'affaire à l'audience tenue en conseiller rapporteur du Lundi 24 novembre 2014 à 14 h.
Vu les dernières conclusions de la SA CORELEC Équipements, transmises le 26 septembre 2014.
Vu les dernières conclusions n° 2 des sociétés BEWAP, BECOAT et Entreprise de Chaudronnerie et Métallerie Industrielle (ci-après ECMI) et du GIE Alliance pour la Production des Machines à Laquer (ci-après APML), transmises le 30 octobre 2014 et signifiées à nouveau le 21 novembre 2014 pour rectification d'une erreur matérielle.
Vu les dernières conclusions de la SAS Huguet Ingénierie, transmises le 30 octobre 2014.
M O T I F S D E L ' A R R Ê T
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé à l'ordonnance déférée et aux écritures des parties ;
Considérant qu'il suffit de rappeler que la SA CORELEC Équipements a fait assigner les 02 et 05 août 2013 les sociétés BEWAP, BECOAT et ECMI et le GIE APML, ainsi que la SAS Huguet Ingénierie devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de son brevet numéro FR 2 906 262 et en concurrence déloyale ;
Que les sociétés défenderesses ont invoqué devant le juge de la mise en état la nullité de l'assignation sur le fondement des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile au motif qu'elle ne contient pas les moyens de fait et de droit sur lesquels elle se fonde ;
Considérant que l'ordonnance entreprise a, en substance :
- déclaré nulles les assignations en justice délivrées aux sociétés BEWAP, BECOAT, ECMI et au GIE APLM ainsi qu'à la SAS Huguet Ingénierie,
- condamné la SA CORELEC Équipements à payer aux sociétés BEWAP, BECOAT, ECMI et au GIE APLM la somme de 500 € chacune et à la SAS Huguet Ingénierie la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
Considérant que la SA CORELEC Équipements fait valoir que la régularité de l'assignation en matière d'action en contrefaçon a été retenue lorsque sont mentionnées les revendications alléguées de contrefaçon et que le défendeur ne pouvait se méprendre sur la portée des demandes dès lors que l'assignation contient les références du brevet et reprend les éléments des revendications ;
Qu'elle ajoute que l'article 115 du code de procédure civile permet de couvrir la nullité par une régularisation ultérieure de l'acte s'il ne subsiste aucun grief ;
Qu'elle soutient que l'assignation vise bien le titre de propriété industrielle contrefait et les revendications reproduites, les reproductions litigieuses, les actes de contrefaçon reprochés à chacune des intimées et les agissements constitutifs de concurrence déloyale ;
Considérant que les sociétés BEWAP, BECOAT et ECMI et le GIE APML répliquent que l'assignation ne détaille pas les revendications du brevet invoqué et ne précise pas les caractéristiques des produits argués de contrefaçon, ni en quoi elles auraient commis des actes de contrefaçon ; qu'il en résulte qu'elles ne sont pas en mesure de répondre aux demandes en contrefaçon formées à leur encontre ; qu'elles concluent à la confirmation de l'ordonnance entreprise ;
Considérant que la SAS Huguet Ingénierie conclut également à la confirmation de l'ordonnance entreprise, réclamant en outre la somme de 5.000 € pour procédure abusive en soutenant que les termes de l'assignation et des actes ultérieurs ne permettent toujours pas de déterminer les actes de contrefaçon qui lui sont reprochés ;
Considérant ceci exposé, que selon l'article 56, 2° du code de procédure civile, l'assignation contient à peine de nullité l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ; qu'il s'ensuit que le demandeur à une action en contrefaçon de brevet doit définir sa demande en désignant, d'une part les revendications du brevet qu'il invoque et, d'autre part, les faits argués de contrefaçon, de manière à mettre ainsi le défendeur en état de savoir ce qui lui est reproché et de présenter sa défense ;
Que s'agissant d'une nullité pour vice de forme, l'article 114 du code de procédure civile dispose qu'elle ne peut être prononcée sans la preuve d'un préjudice causé au défendeur dans la préparation de sa défense ;
Qu'enfin il résulte des dispositions des articles 115 et 121 dudit code que le demandeur en contrefaçon peut réparer l'irrégularité en précisant dans des conclusions postérieures l'objet de sa demande, tant en ce qui concerne l'invention qu'il revendique que les faits qu'il incrimine à condition que ces conclusions ne soient pas elles aussi trop imprécises ;
Considérant dès lors qu'il convient d'examiner non seulement l'assignation introductive d'instance mais également les conclusions signifiées postérieurement par la SA CORELEC Équipements comme l'a fait à juste titre le premier juge ;
Considérant que l'article L 613-2, 1er alinéa du code de la propriété intellectuelle dispose que 'l'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par les revendications' ; que dès lors le demandeur définit suffisamment le monopole qu'il revendique lorsqu'il précise dans l'assignation quelles sont celles des revendications du brevet qui sont invoquées ;
Considérant qu'en l'espèce l'assignation mentionne que la SA CORELEC Équipements est titulaire du brevet français n° FR 2 906 262 et qu'elle invoque à l'encontre des sociétés BECOAT, BEWAP, ECMI et Huguet Ingénierie l'intégralité des 27 revendications de son brevet ; que ces revendications sont énoncées dans ses conclusions postérieures ;
Qu'elle affirme ensuite dans son assignation que les installations de traitement de surfaces trouvées lors des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux des sociétés France Fermetures, Provelis et ECMI reproduisent les revendications 1 à 27 de son brevet, que la SAS BECOAT a commis des actes de contrefaçon de brevet en étant chargée de la conception, la planification, la coordination, la mise en oeuvre, l'installation, la documentation, la commercialisation de ces installations de traitement de surfaces ; que la SARL BEWAP a commis des actes de contrefaçon en étant chargée de l'ingénierie et de la fourniture de matériel pour les cuves, les pompes, les cabines et les laboratoires de ces installations de traitement de surfaces ; que la SARLU ECMI a commis des actes de contrefaçon en fabriquant, assemblant ces installations de traitement de surfaces et en fournissant des cabines de traitement, les cuves et équipements de gestion des fluides pour le traitement des surfaces ainsi que la tuyauterie ; que la SAS Huguet Ingénierie a commis des actes de contrefaçon en intervenant dans le processus de câblage électrique et pneumatique pour les installations de traitement de surfaces ainsi que dans la programmation d'automates ; que ces sociétés sont membres du GIE APML dont l'objet est la fabrication et la commercialisation de machines à laquer et d'installations de traitement de surfaces ;
Qu'elle retient encore des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la SAS BECOAT par ses offres techniques et commerciales des solutions de traitement de surfaces et en utilisant la marque 'Machcoat' dont la SA CORELEC Équipements est titulaire ;
Considérant que la contrefaçon s'appréciant par les ressemblances et consistant dans la reproduction des caractéristiques essentielles des revendications de l'invention, le demandeur à l'action en contrefaçon doit pour chacune des parties défenderesses, clairement identifier les produits argués de contrefaçon et en préciser en quoi ils constituent la contrefaçon des revendications du brevet ;
Considérant que force est de constater que l'assignation, par ses termes extrêmement généraux tels qu'analysés plus haut, ne précise pas les caractéristiques des produits argués de contrefaçon, ne mettant pas les sociétés assignées à même de se défendre utilement ;
Que les conclusions au fond signifiées ultérieurement ne sont pas de nature à régulariser cette insuffisance faisant grief aux intimées puisqu'elles se bornent à regrouper les revendications du brevet dans plusieurs tableaux pour chacune des installations de traitement de surfaces ayant fait l'objet des saisies-contrefaçon et à renvoyer, en regard de chacune des revendications, aux pages, plans et/ou photographies des procès-verbaux de saisie-contrefaçon sans autre commentaire ;
Qu'ainsi pour les installations de traitement de surfaces des sociétés France Fermetures et Provelis il est le plus souvent, en regard de chaque revendication, simplement renvoyé aux plans de la pièce 27 sans autre précision, étant relevé que cette pièce contient l'ensemble des plans, factures, offres et courriers concernant ces deux sociétés, remises par les sociétés BEWAP et BECOAT à l'issue d'un procès-verbal d'interpellation du 22 juillet 2013, ou encore aux photographies annexées aux procès-verbaux de saisie-contrefaçon ;
Qu'il en est de même pour l'installation de traitement de surfaces de la SARLU ECMI où en outre le tableau ne procède même pas à l'identification des caractéristiques arguées de contrefaçon pour les revendications 5 à 12 et 21 à 27 pour lesquelles aucun renvoi n'est effectué ;
Considérant, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, que cette manière de procéder oblige les sociétés défenderesses à rechercher elles-mêmes dans les pièces invoquées les éléments des installations incriminées qui constitueraient la contrefaçon des revendications du brevet qui leur est opposé ;
Considérant par ailleurs qu'en ce qui concerne la SAS Huguet Ingénierie, la SA CORELEC Équipements se contente de mentionner 'qu'elle est intervenue dans le processus d'installation électrique, câblage électrique et pneumatique pour les installations de traitement de surfaces retrouvées dans les sociétés PROVELIS, FRANCE FERMETURES et ECMI8 ainsi que dans la programmation d'automates et ce, en parfaite connaissance de l'existence du brevet n°FR2906262' pour en conclure que les actes de contrefaçon qui lui sont reprochés 'sont la livraison ou l'offre de livraison de moyens pour la mise en oeuvre des produits objets d'un brevet sans le consentement de son titulaire des installations de traitement de surfaces retrouvées dans les sociétés PROVELIS, FRANCE FERMETURES et ECMI8 en violation du brevet protégé' en se contentant de rappeler les dispositions de l'article L 613-3 du code de la propriété intellectuelle sans détailler les moyens fournis par cette société pouvant constituer une contrefaçon par fourniture de moyens ;
Considérant que l'imprécision de l'assignation et des conclusions ultérieures cause un grief aux sociétés défenderesses en ne leur permettent pas de connaître précisément ce qui leur est reproché et de se défendre utilement ;
Considérant dès lors que l'ordonnance entreprise qui a annulé les assignations en justice délivrées aux sociétés BEWAP, BECOAT, ECMI et au GIE APLM ainsi qu'à la SAS Huguet Ingénierie, sera confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant que la SAS Huguet Ingénierie ne justifie pas d'un comportement fautif de la SA CORELEC Équipements à son encontre de nature à faire dégénérer en abus son droit d'ester en justice et d'user des voies de recours prévues par la loi, qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Considérant qu'il est équitable d'allouer à la SAS Huguet Ingénierie la somme complémentaire de 10.000 € au titre des frais par elle exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ;
Qu'il est également équitable d'allouer à chacune des sociétés BECOAT, BEWAP, ECMI et au GIE APML la somme complémentaire de 1.500 € au titre des frais par elles exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, l'ordonnance entreprise étant par ailleurs confirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;
Considérant que la SA CORELEC Équipements sera pour sa part, déboutée de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la SA CORELEC Équipements, partie perdante en son appel, sera condamnée au paiement des dépens d'appel, l'ordonnance entreprise étant par ailleurs confirmée en ce qu'elle a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
Y ajoutant :
Déboute la SAS Huguet Ingénierie de sa demande en dommages et intérêts à l'encontre de la SA CORELEC Équipements pour procédure abusive ;
Condamne la SA CORELEC Équipements à payer les sommes complémentaires suivantes au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens :
- à chacune des sociétés BECOAT, BEWAP, ECMI et au GIE APML, la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €),
- à la SAS Huguet Ingénierie, la somme de DIX MILLE EUROS (10.000 €) ;
Déboute la SA CORELEC Équipements de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA CORELEC Équipements aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.