CA Reims, ch. civ. sect. 1, 9 novembre 2009, n° 08/01024
REIMS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Association pour la Gestion du Régime d'Assurance des Créances des Salaries, Centre de Gestion et d'Etudes AGS d’Amiens
Défendeur :
Groupe Crit (SA), Maser Manutention Automatisme et Servitudes (SARL), La Pierre de Vitrolles (SCI), Genta SpA (SA), Prodecq Trading GmbH (Sté), CR Presse Srl (Sté), Goindustry (Sté), Nuova Stame SpA (Sté), Europe Machine Company (Sté), Altead (SAS), Ville de Reims
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Maunand
Conseillers :
Mme Souciet, Mme Hussenet
Avoués :
SCP Six-Guillaume-Six, SCP Thoma Delaveau Gaudeaux, Me Pierangeli
Avocats :
Me Fossier, Me Duczynski Leschesne
Par jugement du 6 février 2007, le Tribunal de commerce de Reims, saisi par une déclaration de cessation des paiements effectuée le 2 février 2007, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Chausson Outillage et désigné Me François Deltour en qualité de représentant des créanciers et Me Jean Luc Mercier en qualité d'administrateur judiciaire.
L'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS) et le Centre de gestion et d'études - AGS d'Amiens (CGEA d'Amiens) ont été désignés en qualité de contrôleurs.
Par jugement du 26 mars 2007, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Chausson Outillage et autorisé la poursuite de l'exploitation jusqu'au 25 avril 2007. Me Deltour a été nommé en qualité de liquidateur et Me Mercier maintenu en qualité d'administrateur.
Le tribunal a, par la suite, autorisé la poursuite de l'exploitation jusqu'au 31 mai 2007 afin de permettre l'examen des éventuelles offres de reprise.
Par ordonnance du 5 juin 2007, Me Mercier a été désigné en qualité de mandataire ad hoc dans le cadre des offres de réalisation des actifs.
Par requête du 12 décembre 2007, présentée au visa des articles L. 642-18 et L. 642-19 du code de commerce, Me Deltour, ès qualités, exposait que la société Chausson Outillage présentait :
- un actif matériel, mobilier et stocks, inventorié pour une valeur de 799.061 euros ;
- un actif immobilier d'une valeur estimée à 7.600.000 euros.
Le mandataire judiciaire indiquait, par ailleurs, qu'il avait reçu diverses offres de reprises de l'actif matériel, mobilier et stocks et du patrimoine immobilier.
Tous les proposants ont été entendus par le tribunal et le juge commissaire a rendu le 9 janvier 2008 une ordonnance par laquelle il :
- ordonnait la cession des mobiliers et matériels au profit du groupe Crit en sa qualité de porte fort de la Sarl Maser Manutention Automatisme & Servitudes moyennant la somme d'un million d'euros ;
- ordonnait la cession des actifs immobiliers au profit du groupe Crit en sa qualité de porte fort de la SCI La Pierre de Vitrolles moyennant la somme de deux millions d'euros ;
- disait qu'il ne pourrait être procédé à la cession de tout ou partie du patrimoine immobilier avant un délai de deux ans.
Ont formé opposition par déclaration au greffe du tribunal de commerce la société Genta Settimo Torinese le 14 janvier 2008, la société C. R. Presse le 16 janvier 2008, l'AGS et le CGEA d'Amiens le 18 janvier 2008. Ont également formé opposition la société Prodeq Trading par lettre recommandée adressée le 10 janvier 2008 et reçue au greffe le 14 et la société Harry Vraets W. par lettre recommandée du 17 janvier 2008 reçue au greffe le 21.
Par jugement du 15 avril 2008, le Tribunal de commerce de Reims a :
- prononcé la jonction des instances introduites par les oppositions ;
- dit les oppositions recevables, mais non fondées ;
- débouté les sociétés Genta S., Prodeq Trading, C. R. Presse, Harry Vraets W. et le CGEA d'Amiens de leurs oppositions ;
- reçu les sociétés du groupe Crit en leurs demandes et débouté les autres intervenants de leurs prétentions ;
- confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
- ordonné la notification du jugement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au liquidateur et par lettre simple aux avocats des parties, à défaut aux parties elles-mêmes, et sa communication à Mme le procureur de la République ;
- laissé les dépens à la charge des opposants.
Par déclaration du 28 avril 2008, l'AGS et le CGEA d'Amiens ont formé un appel nullité contre ce jugement.
Par acte du 7 novembre 2008, la S. A. Groupe Crit, la Sarl Maser et la SCI La Pierre de Vitrolles ont appelé en intervention forcée la ville de Reims.
Par arrêt du 7 juillet 2009, la chambre civile - 1ère section de la Cour d'appel de Reims a :
- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats ;
- fait injonction aux parties de conclure sur la recevabilité de l'appel nullité formé par l'AGS et le CGEA d'Amiens, contrôleurs, au regard des dispositions des articles L. 622-20 et R. 622-18 du code de commerce et sur la recevabilité de l'appel nullité incident formé par Me Deltour, ès qualités ;
- fait injonction à Me Deltour, ès qualités, de communiquer copie de la notification qui lui a été faite de la décision entreprise ;
- réservé le surplus des demandes et les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 22 septembre 2009, l'AGS et le CGEA d'Amiens demandent à la Cour de :
- déclarer recevable et fondé leur appel nullité et, y faisant droit, annuler le jugement rendu le 15 avril 2008 par le Tribunal de commerce de Reims ;
- les dire bien fondés en leur opposition et, y faisant droit, annuler l'ordonnance rendue le 9 janvier 2008 par le juge commissaire à la procédure collective de la société Chausson Outillage ;
- subsidiairement, infirmer l'ordonnance et statuant à nouveau ;
- autoriser la vente de gré à gré des actifs mobiliers et immobiliers de la liquidation, exclusion faite de celui objet du litige entre la ville de Reims et la liquidation judiciaire, après avoir analysé les offres présentées au tribunal ;
- dire que la vente aura pour but de désintéresser les créanciers ;
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2009, la S. A. Groupe Crit, la Sarl Maser et la SCI La Pierre de Vitrolles demandent à la Cour de :
- déclarer l'appel nullité formé par l'AGS et le CGEA d'Amiens irrecevable ;
- constater que Me Deltour, ès qualités, a sollicité l’autorisation de procéder à la vente de gré à gré des biens mobiliers de la société Chausson Outillage et éventuellement des biens mobiliers' ;
- constater que Me Deltour ne faisait aucune observation en ce qui concerne la propriété de l'immeuble B 2 ;
- constater qu'au-delà de la demande de nullité de l'ordonnance et du jugement, la ville de Reims sollicite qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle est toujours propriétaire de l'ensemble immobilier 13 et 15 rue du Colonel Charbonneaux cadastré section AC n° 166 pour 2ha 26a 16ca et section AC n° 167 pour 38a 24ca ;
- donner acte au groupe Crit de ce qu'elle entend réitérer son offre ;
- faisant droit à la demande reconventionnelle à l'égard de Me Deltour, constater que ce dernier a commis une faute en proposant à la vente un bien immobilier n'appartenant pas à l'actif de la liquidation judiciaire causant ainsi un préjudice ;
- dire que l'ensemble des frais de gardiennage ne sont que la conséquence de l'affirmation fautive de Me Deltour et qu'ils demeureront à sa charge tant ès noms qu'ès qualités ;
- condamner en conséquence Me Deltour au paiement de la somme de 45.000 euros en réparation de son préjudice ;
- condamner Me Deltour, tant ès noms qu'ès qualités, au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
La S.A.S. AltéAd n'a pas conclu après l'arrêt du 7 juillet 2009. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 mai 2009, elle demandait à la Cour de :
- déclarer recevable son intervention volontaire ;
- lui donner acte de son offre de reprise par toute société qu'elle se substituera et dont elle demeurera garante de l'ensemble des actifs mobiliers de la liquidation judiciaire de la société Chausson Outillage et des actifs immobiliers, à l'exception du bâtiment 2, dénommé ancien lease back ville de Reims pour la somme de 3.700.000 euros, outre les frais de gardiennage limités à la somme forfaitaire de 100.000 euros ;
- dire cette offre satisfactoire et la retenir ;
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
La Ville de Reims n'a pas conclu après l'arrêt du 7 juillet 2009. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 avril 2009, elle demandait à la Cour de :
- prendre acte de ce qu'elle est toujours propriétaire de l'ensemble immobilier sis 13 et 15 rue du Colonel Charbonneaux à Reims (51) cadastré section AC n° 166 pour 2ha 26a 16ca et section AC n° 167 pour 38a 24ca ;
- constater que cet ensemble immobilier n'a jamais été vendu à la société Chausson Outillage et qu'il ne fait pas partie de la liquidation judiciaire de cette société ;
- constater que tant le juge commissaire que le tribunal ont commis un excès de pouvoir en ordonnant la vente d'un immeuble n'appartenant pas à la liquidation judiciaire ;
- annuler le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Reims le 15 avril 2008 et l'ordonnance rendue le 9 janvier 2008 par le juge commissaire ;
- dire que l'immeuble litigieux sera mis à la disposition de l'entreprise qui sera déclarée cessionnaire par la Cour d'appel de Reims sous une forme à déterminer entre la ville de Reims et le cessionnaire ;
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Par dernières conclusions notifiées le 24 septembre 2009, Me Deltour, pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Chausson Outillage, demande à la Cour de :
- constater que la demande de dommages intérêts formulée par la S. A. Groupe Crit, la Sarl Maser et la SCI La Pierre de Vitrolles a été formée à l'encontre de Me Deltour en personne, lequel n'a pas été appelé dans la cause ;
- déclarer cette demande irrecevable ;
- en toute hypothèse, se déclarer incompétente au profit du Tribunal de grande instance de Reims, seul compétent pour connaître d'une action en responsabilité contre un mandataire de justice ;
- à titre infiniment subsidiaire, rejeter cette demande ;
- déclarer l'appel nullité recevable et bien fondé ;
- annuler en conséquence le jugement rendu le 15 avril 2008 par le Tribunal de commerce de Reims ;
- autoriser la vente des actifs, mobiliers et immobiliers, dépendant de la liquidation judiciaire de la société Chausson Outillage, exclusion faite de l'immeuble objet du litige entre la Ville de Reims et la liquidation judiciaire, au profit du candidat ayant émis l'offre la plus disante ;
- dire que le cessionnaire qui sera désigné par la Cour aura l'obligation de prendre en charge l'ensemble des frais de gardiennage qu'il a exposés pour assurer la sécurité du site pour la période comprise entre le 9 janvier 2008, date de l'ordonnance du juge commissaire, et l'arrêt à intervenir ;
- dire que les dépens qu'il a exposés seront passés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Me Mercier, ès qualités, les sociétés Genta S., Prodeq Trading Gmbh, C. R. Presse, Harry Vraets W., Goindustry, Nuova Stame S., Europe Machine Company et M. Antonio C. n'ont pas constitué avoué.
Le ministère public conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition des AGS CGEA et en conséquence à l'irrecevabilité de l'appel nullité subséquent et des autres appels incidents.
SUR CE, LA COUR,
Attendu que la société Europe Machine Company a été assignée le 28 août 2008 en la personne de son représentant légal ; que Me Mercier, ès qualités, l'a été le 27 août 2008 à personne présente à domicile ;
Que les assignations destinées à la société de droit suisse Prodeq Trading Gmbh, aux sociétés Harry Vraets W., Nuova Stame S., C. R. Presse, Genta S., Goindustry et à M. Antonio C. ont été transmises le 20 février 2009 selon les modalités prévues par la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 pour la première et par le règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement et du Conseil du 13 novembre 2007 pour les autres ;
Que les assignations ont été délivrées le 18 mars 2009 à la société Prodeq Trading Gmbh, le 24 mars 2009 à la société Genta S., le 30 mars 2009 à M. C. et le 31 mars 2009 à la société C. R. Presse ;
Qu'il n'est pas établi que les assignations aient pu être délivrées aux sociétés Harry Vraets W., Nuova Stame S. et Goindustry ;
Que le présent arrêt sera rendu par défaut par application des articles 474, alinéa 2, et 688 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il sera donné acte à la S. A.S. Altéad de son intervention volontaire ;
Attendu que l'article L. 622-20 du code de commerce a reconnu au contrôleur qualité à exercer, en cas de carence du mandataire judiciaire, les actions tendant à la défense de l'intérêt collectif des créanciers ; que ces dispositions ont été rendues applicables à la liquidation judiciaire par le sixième alinéa de l'article L. 641-1 du code de commerce ;
Que les conditions dans lesquelles le contrôleur peut agir sont déterminées par l'article R. 622-18 du code de commerce dont les dispositions sont rendues applicables à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-11 et qui prévoit que l'action du contrôleur dans l'intérêt collectif des créanciers n'est recevable qu'après une mise en demeure adressée au mandataire judiciaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception restée infructueuse pendant deux mois à compter de la réception de celle-ci ;
Attendu qu'en l'espèce, tant l'opposition formée le 18 janvier 2008 par l'AGS et le CGEA d'Amiens que l'appel nullité qu'ils ont relevé le 28 avril 2008 n'ont été précédé d'aucune mise en demeure adressée à Me Deltour, ès qualités ; que le délai de dix jours prévu, d'une part, par les articles R. 621-21 et R. 641-11 du code de commerce et, d'autre part, par l'article R. 661-3, n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article R. 622-18 dès lors que, en application de l'article 126 du code de procédure civile, le juge commissaire, puis le tribunal, statuant après l'expiration du délai de deux mois et constatant la régularisation de la fin de non-recevoir, ne peuvent qu'écarter l'irrecevabilité dans la mesure où sa cause a disparu ; que l'application de ces dispositions ne conduit donc pas, contrairement aux affirmations du mandataire judiciaire, à une violation du droit d'accès au juge garanti par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'AGS et le CGEA d'Amiens ne sont pas recevables dans leur opposition à l'ordonnance du juge commissaire et à leur appel nullité dès lors qu'ils agissent en qualité de contrôleurs à la liquidation judiciaire de la société Chausson Outillage ; que la question n'est, en effet, pas celle de savoir si le contrôleur a ou non la qualité de partie à l'instance, mais celle des limites et conditions dans lesquelles il peut agir pour la défense de l'intérêt collectif des créanciers en cas de carence du mandataire judiciaire ;
Attendu, en revanche, que l'AGS et le CGEA d'Amiens n'ont, à aucun moment, entendu limiter leur intervention dans le cadre cette procédure à leur seule qualité de contrôleurs et sont bien fondés à se prévaloir d'un intérêt personnel caractérisé par un préjudice propre distinct de celui des autres créanciers ;
Qu'en ce qui concerne le premier point, force est de constater que ni dans l'opposition qu'ils ont formée le 18 janvier 2008 à l'encontre de l'ordonnance du juge commissaire du 9 janvier 2008, ni dans les conclusions qu'ils ont soutenues devant le tribunal de commerce, l'AGS et le CGEA d'Amiens n'ont, à un moment quelconque, mentionné qu'ils n'agissaient qu'en qualité de contrôleurs à la liquidation judiciaire pour la défense de l'intérêt collectif des créanciers ; que dans leurs conclusions, l'AGS et le CGEA d'Amiens reprochaient à l'ordonnance du 9 janvier 2008 de ne pas permettre le désintéressement des créanciers en rappelant que les seules avances de l AGS représentent dans la liquidation judiciaire de Chausson Outillage une somme supérieure à 7.000.000 € alors même que le passif de Chausson Outlllage, tous créanciers confondus, est approchant de 20.000.000 € ; que, dans leur déclaration d’appel nullité, l AGS et le CGEA d’Amiens n’ont pas davantage indiqué qu ils n’intervenaient qu’en qualité de contrôleurs à la liquidation judiciaire de la société Chausson Outillage ;
Que les appelants justifient, en effet, d'un préjudice propre à former opposition contre l'ordonnance du juge commissaire et à relever un appel nullité contre le jugement rejetant cette opposition ; que l'AGS est en effet un créancier privilégié dont la créance ne pourra pas être honorée par le produit de la cession consentie au groupe Crit ; que, dans la note de synthèse qu'il a adressée le 9 janvier 2008 au juge commissaire, Me Deltour, ès qualités, indiquait que la créance de l'AGS se montait à la somme de 5.132.473,58 euros, dont 2.135.527,35 euros à titre super privilégié et 1.648.670,37 euros à titre privilégié ; qu'il précisait qu'à cette somme il convenait d'ajouter une somme de 2.135.003,63 euros au titre du solde des congés payés, des indemnités de préavis et des indemnités de licenciement et chiffrait en conséquence la créance totale de l'AGS à la somme de 7.267.477,21 euros ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'AGS et le CGEA d'Amiens doivent être déclarés recevables en leur opposition à l'ordonnance du juge commissaire et en leur appel nullité ;
Attendu qu'en vertu de l'article L. 661-5 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, seul le ministère public peut relever appel des jugements statuant sur les recours formés contre les ordonnances du juge commissaire rendues en application des articles L. 642-18 et L. 642-19 du code de commerce ;
Attendu qu'il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir, lequel consiste pour le juge à méconnaître l'étendue de son pouvoir de juger ;
Attendu qu'un excès de pouvoir est consacré lorsque le tribunal confirme une ordonnance du juge commissaire autorisant la vente de biens qui ne sont pas la propriété du débiteur ;
Qu'en l'espèce, une partie des biens visés dans l'ordonnance du 9 janvier 2008, à savoir le bâtiment 2, avait fait l'objet d'un contrat de crédit-bail entre la Commune de Reims et la société Chausson Outillage le 28 mai 1999 ; que l'acte contenait une promesse unilatérale de vente au profit du crédit preneur qui devait lever cette dernière au plus tard douze mois avant l'expiration du bail sous peine de déchéance du droit de demander la réalisation de la vente ; que le contrat de crédit-bail prenant fin le 31 mars 2007, la promesse devait être levée avant le 30 mars 2006 ; qu'elle ne l'a de toute évidence été que par un courrier de la société Chausson Outillage du 7 avril 2006, reçu le 13 avril 2006 ; que la Commune de Reims considère en conséquence qu'elle est toujours propriétaire du bâtiment litigieux, tout en précisant qu'elle accepte de le mettre à la disposition du repreneur ;
Que le tribunal ne pût pas passer outre la difficulté au motif qu'il est prévisible qu une municipalité ne saurait s'opposer à un transfert de propriété en faveur d'un acquéreur s'engageant à revitaliser le site' ;
Qu'il convient, dès lors, d'annuler le jugement entrepris et de statuer à nouveau par l'effet dévolutif de l'appel ;
Attendu que l'ordonnance rendue le 9 janvier 2008 par le juge commissaire doit également être annulée au motif de l'excès de pouvoir qu'il a commis en autorisant la cession d'un bien qui n'appartenait pas au débiteur ;
Attendu que la cession des actifs immobiliers et mobiliers du débiteur ordonnée ou autorisée par le juge commissaire en application des articles L. 642-18 et L. 642-19 du code de commerce a pour but exclusif le désintéressement des créanciers ; que, contrairement à la cession de l'entreprise prévue par l'article L. 642-1 du code de commerce, le législateur n'a pas entendu faire du maintien des activités sur le site et de la création d'emplois des critères d'appréciation de la pertinence des offres ; que c'est donc à tort que le juge commissaire a retenu l'offre moins disant du groupe Crit au motif que ce dernier était le seul assurant une reprise d'activité et la création d'emplois et que le montant de cette offre pouvait se justifier par les travaux nécessaires à la remise en état de l'exploitation, la mise aux normes et les risques liés à la reprise d'activité ;
Attendu qu'en cause d'appel, la Cour n'est saisie que de deux offres de reprise, à savoir celle présentée par la S. A. Groupe Crit, la Sarl Maser et la SCI La Pierre de Vitrolles et celle présentée par la S. A.S. Altéad ;
Que la première porte sur la reprise des mobiliers et matériels moyennant la somme de 1.000.000 euros et sur le reprise des actifs immobiliers moyennant la somme de 2.000.000 euros ;
Que la seconde se propose de racheter l'ensemble des actifs mobiliers de la liquidation judiciaire de la société Chausson Outillage et des actifs immobiliers, à l'exception du bâtiment 2, dénommé ancien lease back ville de Reims', pour la somme de 3.700.000 euros ; que la S. A.S. Altéad offre également de prendre en charge les frais de gardiennage dans la limite forfaitaire de 100.000 euros ;
Attendu qu'il convient, dès lors, de retenir l'offre de la S. A.S. Altéad dans les termes de ses conclusions ; qu'il appartiendra cependant à la S. A.S. Altéad de ventiler le prix de vente des actifs mobiliers de celui des actifs immobiliers ;
Attendu qu'il sera donné acte à la Commune de Reims de ce qu'elle propose de mettre l'immeuble litigieux à la disposition du cessionnaire sous une forme à déterminer entre la commune et ce dernier ;
Attendu que Me Deltour, ès qualités, n'indique pas sur quel fondement la Cour pourrait imposer à la S. A.S. Altéad de prendre en charge la totalité des frais de gardiennage qu'il a engagés depuis le prononcé de l'ordonnance entreprise ; que cette demande ne peut pas prospérer au-delà de la somme que la S. A.S. Altéad se propose de payer ;
Attendu que c'est à juste titre que Me Deltour oppose, au visa de l'article 14 du code de procédure civile, une fin de non-recevoir aux prétentions de la S. A. Groupe Crit, de la Sarl Maser et de la SCI La Pierre de Vitrolles tendant à le voir condamner au paiement de dommages intérêts au motif qu'il avait proposé à la vente des biens sur lesquels le débiteur n'avait aucune disposition ; que Me Deltour n'a jamais été appelé dans la cause à titre personnel, mais seulement en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Chausson Outillage ; que, si incidemment dans l'avant dernière ligne de l'avant dernier paragraphe de la page 10 de leurs conclusions, les sociétés du Groupe Crit sollicitent la condamnation de Maître Deltour tant ès noms qu ès qualités à assurer le règlement du préjudice subi', force est de constater qu'elles n'indiquent pas quelle faute aurait pu commettre la liquidation judiciaire de la société Chausson Outillage à l'origine du préjudice qu'elles allèguent ;
Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;
Qu'aucune considération d'équité ne commande l'application aux parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et par arrêt de défaut ;
Donne acte à la S. A.S. Altéad de son intervention volontaire ;
Déclare l'AGS et le CGEA d'Amiens recevables en leur opposition à l'ordonnance du juge commissaire du 9 janvier 2008 et en leur appel nullité contre le jugement prononcé le 15 avril 2008 par le Tribunal de commerce de Reims ;
Annule le jugement prononcé le 15 avril 2008 par Tribunal de commerce de Reims et l'ordonnance rendue le 9 janvier 2008 par le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Chausson Outillage ;
Statuant à nouveau ;
Autorise Me François Deltour, ès qualités, à céder à la S. A.S. Altéad ou à toute société qu'elle se substituera et dont elle demeurera garante l'ensemble des actifs mobiliers de la liquidation judiciaire de la société Chausson Outillage et des actifs immobiliers, à l'exception du bâtiment 2, dénommé ancien lease back ville de Reims, pour la somme de 3.700.000 euros (trois millions sept cent mille euros) ;
Dit qu'il appartiendra à la S. A.S. Altéad de ventiler le prix entre les actifs mobiliers et les actifs immobiliers ;
Dit que la S. A.S. Altéad prendra en charge, comme elle le propose, les frais de gardiennage dans la limite de la somme forfaitaire de 100.000 euros (cent mille euros) ;
Donne acte à la Commune de Reims de ce qu'elle propose de mettre l'immeuble litigieux à la disposition du cessionnaire sous une forme à déterminer entre la commune et ce dernier ;
Déclare irrecevable la demande de dommages intérêts formée par la S. A. Groupe Crit, la Sarl Maser et la SCI La Pierre de Vitrolles contre Me François Deltour, pris en son nom personnel ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions et de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de procédure collective.