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Décisions

Cass. 3e civ., 17 décembre 2020, n° 19-12.183

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

M. Nivôse

Avocats :

SCP Gadiou et Chevallier, SCP Krivine et Viaud

Colmar, du 2 oct. 2017

2 octobre 2017


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 2 octobre 2017), M. M... a confié à la société Voltaria des travaux d'installation électrique et de ventilation.

2. Les relations entre les parties se sont interrompues en cours de chantier.

3. La société Voltaria a obtenu deux ordonnances d'injonction de payer contre M. M... au titre des travaux réalisés, auxquelles celui-ci a formé opposition.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Voltaria fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité du rapport d'expertise, alors :

« 1°/ qu'en énonçant qu'il n'était pas démontré que la société Voltaria avait transmis à l'expert un dire le 3 décembre 2015, dernier jour du délai pour ce faire, cependant que celle-ci produisait une copie du courriel adressé par son conseil à l'expert, qui indiquait : "envoyé : jeudi 3 décembre 2015 22h51", puis : "Monsieur, l'Expert, / Je vous prie de trouver ci-joint un dire établi pour le compte de la Sarl Voltaria accompagné de 14 pièces annexes", et, en "Pièces jointes", deux fichiers intitulés "Dire Voltaria" et "Pièces annexes 1 à 14", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet écrit, partant a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de lacause et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ qu'en énonçant qu'il n'était pas démontré que la société Voltaria avait transmis à l'expert un dire le 3 décembre 2015, dernier jour du délai pour ce faire, sans s'expliquer sur la copie du courriel adressé par le conseil de la société Voltaria à l'expert, qui indiquait : "envoyé : jeudi 3 décembre 2015 22h51", puis : "Monsieur, l'Expert, / Je vous prie de trouver ci-joint un dire établi pour le compte de la Sarl Voltaria accompagné de 14 pièces annexes", et en "Pièces jointes", deux fichiers intitulés "Dire Voltaria" et "Pièces annexes 1 à 14", la cour d'appel, qui n'a pas suffisamment motivé sa décision, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent ; que toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge ; que l'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées par les parties ; qu'en énonçant qu'il était indifférent que l'expert n'ait pas répondu dans son rapport au dire déposé par la société Voltaria le 3 décembre 2015, dès lors que, dans une note n° 2, accompagnant la transmission de son rapport, l'expert avait "répondu aux points soulevés par ces dires", la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant dès lors que l'expert devait répondre au dire dans son rapport et le joindre à celui-ci, a violé l'article 276 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en énonçant qu'il était indifférent que l'expert n'ait pas répondu dans son rapport au dire déposé par la société Voltaria le 3 décembre 2015, dès lors que, dans une note n° 2, accompagnant la transmission de son rapport, l'expert avait "répondu aux points soulevés par ces dires", cependant que dans la note n° 2, il n'est aucunement répondu à plusieurs moyens soulevés dans le dire et tendant à démontrer, pièces à l'appui, les erreurs du pré-rapport s'agissant des modifications entraînées par le déplacement de la cloison du cellier, des modifications du plan de travail de la cuisine et de la hotte, de la pose de la ventilation hygroréglable, de l'usage fait par l'expert des factures de l'entreprise [...] en date du 22 mai 2012 et du 9 octobre 2012, ainsi que les prix unitaires retenus dans le pré-rapport pour le calcul des moins-values, la cour d'appel a dénaturé la note n° 2, partant a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

5°/ qu'en énonçant qu'il était indifférent que l'expert n'ait pas répondu dans son rapport au dire déposé par la société Voltaria le 3 décembre 2015, dès lors que, dans une note n° 2, accompagnant la transmission de son rapport, l'expert avait "répondu aux points soulevés par ces dires", cependant que dans la note n° 2, il n'est aucunement répondu à plusieurs moyens soulevés dans le dire et tendant à démontrer, pièces à l'appui, les erreurs du pré-rapport s'agissant de la double facturation liée au câble d'alimentation, des modifications entraînées par le déplacement de la cloison du cellier, des modifications du plan de travail de la cuisine et de la hotte, de la pose de la ventilation hygroréglable, de l'usage fait par l'expert des factures de l'entreprise [...] en date du 22 mai 2012 et du 9 octobre 2012, ainsi que les prix unitaires retenus dans le pré-rapport pour le calcul des moins-values, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du dire, partant a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

6°/ qu'en cas d'insuffisance de la provision allouée, l'expert en fait rapport au juge qui peut ordonner la consignation d'une provision complémentaire à la charge de la partie qu'il détermine ; qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, et sauf prorogation de ce délai, l'expert dépose son rapport en l'état ; qu'il doit toutefois répondre aux dires dont il a été saisi avant l'expiration du délai pour consigner la provision complémentaire, et, à tout le moins, annexer ces dires à son rapport ; qu'à supposer qu'en rappelant que le rapport définitif avait été déposé en l'état faute de consignation complémentaire, la cour d'appel ait entendu justifier le fait que, dans ce rapport, l'expert n'avait pas répondu au dire de la société Voltaria qui lui avait été adressé le 3 décembre 2015 et ne l'avait pas non plus joint au rapport définitif, en statuant de la sorte, cependant que, dans son pré-rapport, l'expert avait accordé aux parties un délai expirant le 3 décembre 2015 pour déposer des dires, tandis que la consignation devait être complétée avant le 30 décembre 2015, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 276 du code de procédure civile ;

7°/ qu'en cas d'insuffisance de la provision allouée, l'expert en fait rapport au juge qui peut ordonner la consignation d'une provision complémentaire à la charge de la partie qu'il détermine ; qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, et sauf prorogation de ce délai, l'expert dépose son rapport en l'état ; qu'à supposer qu'en rappelant que le rapport définitif avait été déposé en l'état faute de consignation complémentaire, la cour d'appel ait entendu justifier le fait que, dans son rapport, l'expert n'avait pas répondu au dire de la société Voltaria adressé le 3 décembre 2015 et ne l'avait pas non plus joint à ce rapport, en énonçant que la société Voltaria ne pouvait pas soutenir n'avoir pas été informée de son obligation de compléter la consignation avant le 30 décembre 2015, car l'ordonnance du 10 novembre 2015, qui mettait cette obligation à sa charge, avait été communiquée à son avocat, cependant qu'elle aurait dû aussi l'être à la société Voltaria, la cour d'appel a violé l'article 280 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. L'inobservation des formalités prescrites par l'article 276 du code de procédure civile n'entraîne la nullité du rapport d'expertise qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité.

6. Devant la cour d'appel, la société Voltaria n'a pas soutenu que l'irrégularité tirée de l'absence de jonction de son dire du 3 décembre 2015 au rapport d'expertise et de l'absence de réponse de l'expert, dans sa note n° 2 accompagnant la transmission de son rapport, à l'ensemble des observations contenues dans ce dire lui avait causé un grief.

7. Le moyen est donc inopérant.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société Voltaria fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une somme à M. M... au titre du compte entre les parties, alors :

« 1°/ que sur les prestations facturées au titre de la réalisation du câble d'alimentation et du raccordement au fournisseur d'électricité, en énonçant que ces prestations avaient été facturées deux fois par la société Voltaria alors que "l'expert met[tait] en évidence une erreur de conception et de réalisation dans cette façon de procéder et ret[enai]t qu'une seule prestation [étai] à facturer", cependant que l'expert, dans sa note n° 2 accompagnant le rapport, n'avait pas répondu au moyen soulevé, plan et photographie à l'appui, dans le dire du 3 décembre 2015, selon lequel la société Voltaria avait été contrainte, pour pallier la carence de l'entreprise chargée du gros-oeuvre, de réaliser une prestation supplémentaire, non prévue au contrat, consistant, d'une part, à tirer un câble entre le coffret de chantier et le coffret de comptage pour permettre l'alimentation électrique de la maison, d'autre part, à insérer ce câble dans une colonne, pour le protéger, la cour d'appel, saisie de ce moyen, et qui, pour y répondre ne pouvait se référer uniquement aux conclusions de l'expert, puisque celui-ci n'y avait pas répondu, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en énonçant qu'il était "constant" que "le déplacement de la cloison du cellier, effectivement demandé par M. M..., n'a[vait] pas entraîné une modification du passage des gaines et n'avait en conséquence pas donner lieu à facturation", cependant que la société Voltaria soutenait, au contraire et clairement, qu'il résultait de photographies et de plans modifiés, annotés par M. M... lui-même, et produits avec le dire et les conclusions, que des modifications avaient été apportées dans le passage des gaines, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, partant a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en reprenant les conclusions de l'expert, pour affirmer qu'il était "constant" que "le déplacement de la cloison du cellier, effectivement demandé par M. M..., n'a[vait] pas entraîné une modification du passage des gaines et n'avait en conséquence pas donner lieu à facturation", sans répondre au moyen soulevé par la société Voltaria dans son dire du 3 décembre 2015, repris dans ses conclusions et auquel l'expert n'avait pas répondu dans sa note n° 2, selon lequel il résultait de photographies et de plans modifiés, annotés par M. M... lui-même, et produits avec le dire et les conclusions, que des modifications avaient été apportées dans le passage des gaines, ce qui justifiait la facturation d'un supplément, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en ne répondant pas au moyen soulevé par la société Voltaria dans son dire du 3 décembre 2015, repris dans ses conclusions et dont l'expert n'avait rien dit dans sa note n° 2, selon lequel c'est à tort que, pour le calcul des moins-values, l'expert avait retenu les prix unitaires du matériel employé par la société [...],au lieu de retenir les prix unitaires, moins élevés, correspondant au matériel utilisé par la société Voltaria, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel, a, sans modifier l'objet du litige, retenu que la société Voltaria ne produisait aucune pièce de nature à remettre en cause les constatations de l'expert relatives aux moins-values à appliquer à la facturation par celle-ci des prestations exécutées.

10. Le moyen, qui, sous le couvert de griefs non fondés de défaut de motif ou de défaut de réponse à conclusions, ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation des éléments de fait et de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond, ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.