Livv
Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 2, 3 juillet 2018, n° 17/05485

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guengard

Conseillers :

M. Poirel, M. Duchac

TGI Perpignan, du 20 mai 2008

20 mai 2008

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. Daniel X est décédé le 25 octobre 2004 à Perpignan (66) en laissant pour lui succéder son épouse, Mme Marie Y, avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens, et ses quatre enfants issus d'une première union avec Mme Marguerite XX prédécédée, à savoir :

- M. Marc X,

- Mme Françoise X épouse Z,

- M. Bernard X,

- Mme Martine X épouse W.

Par actes d'huissier en date des 7 et 30 août 2006, Mme Marie Y a fait assigner les quatre enfants de son époux devant le Tribunal de Grande Instance de Perpignan en vue d'obtenir, au visa des articles 815 et suivants du Code civil, le partage de la succession de ce dernier avec le bénéfice de l'attribution à titre préférentiel de l'appartement type F3 situé au <localité>, dans lequel elle vivait avec le défunt.

Par jugement en date du 20 mai 2008, le tribunal de grande instance de Perpignan a notamment ordonné le partage des successions des époux décédés à savoir Mme Marguerite XX épouse en premières noces de M. Daniel X d'une part, et M. Daniel X d'autre part, attribué à titre préférentiel à Mme Marie Y veuve de M. Daniel X l'appartement situé à <localité> et, préalablement à ces opérations, désigné M. A en qualité d'expert immobilier aux fins de déterminer la valeur des biens immeubles et Mme B, commissaire-priseur, pour l'évaluation des biens meubles composant la succession.

M. A a déposé son rapport le 6 octobre 2010 et Mme B a déposé le sien le 27 janvier 2010.

Par jugement contradictoire en date du 27 juin 2013 le tribunal de grande instance de Perpignan a :

- dit que les deux lettres écrites par M. Daniel X datées du 23 septembre 1999 ne constituent pas un testament olographe exprimant les dernières volontés du défunt,

en conséquence :

- dit que Mme Marie Y, veuve X, peut prétendre à l'attribution d'un quart en pleine propriété des biens dépendant de la succession du défunt,

- constaté que la demande d'ouverture des opérations de partage et de désignation d'un notaire formulée par Mme Martine X épouse W est sans objet,

- dit que les parts sociales d'attribution donnant droit aux appartements de Colombes, Clichy-sous-Bois et Nanterre constituent un bien propre du défunt,

- dit que Mme Marie Y, veuve X, ne peut prétendre à aucune part sur les trois parcelles de terre situées à Murviel les Montpellier (cadastrées Section A 1402 d'une surface de 8.764 m², Section A 531 d'une surface de 3.450 m², et Section B 706, n° 2.590 m²) en ce qu'elles appartenaient en propre à Mme Marguerite XX,

- fixé la valeur vénale de l'immeuble à usage d'habitation situé <localité>, d'une surface totale de 59 a 70 ca, à 380.000 €, étant précisé que seule la moitié indivise en pleine propriété de cet immeuble dépend de la succession de M. X,

- fixé la valeur vénale de la moitié en nue-propriété de l'immeuble situé <localité>, d'une surface totale de 06 ha à 69.275, 51 €,

- fixé la valeur vénale de la moitié en nue-propriété d'un jardin situé à <localité>, d'une surface de 505 m², à 19.483, 73 €,

- fixé la valeur vénale de la moitié en nue-propriété des lots n° 11, 22 et 4 dans un ensemble immobilier situé <localité>, cadastré Section BE, n° 388, <localité>, d'une surface de 08 à 20 ca, à 31.173, 98 €,

- fixé la valeur vénale de la totalité en pleine propriété des lots n° 13, 23, et 3 dans un ensemble immobilier situé <localité>, cadastré Section BE, n° 388, Lieudit <localité>, d'une surface de 08 à 20 ca, à 72.000 €,

- fixé la valeur vénale de la totalité en nue-propriété des lots n° 14, 17 et 7 dans un ensemble immobilier situé <localité>, cadastré Section BE, n° 388, Lieudit <localité>, d'une surface de 08 à 20 ca, à 27.362, 84 €,

- fixé la valeur vénale de la totalité en pleine propriété des lots n° 1013 et 209 dans un ensemble immobilier situé <localité>, cadastré Section AM, n° 46, Lieudit <localité>, d'une surface de 01 ha 99 à 32 ca, à 160.000 €,

- fixé la valeur vénale de la totalité en pleine propriété des lots n° 1077 et 2073 dans un ensemble immobilier situé <localité>, cadastré Section AM, n° 46, Lieudit <localité>, d'une surface de 01 ha 99 a 32 ca, à 140.000 €,

- fait droit à la demande d'attribution préférentielle formulée par Mme Marie Y, veuve X, des lots n° 14, 17 et 7 dans l'ensemble immobilier situé <localité>, cadastré Section BE, n° 388, <localité>, d'une surface de 08 a 20 ca, et sur le mobilier garnissant cet appartement,

- dit que cette attribution préférentielle se fera pour la valeur de 27.362, 84 €, correspondant à la valeur vénale de la nue-propriété de ce bien,

- rejeté la demande de licitation formulée par Mme Marie Y, veuve X,

- fixé le montant total des valeurs mobilières et des comptes bancaires à la somme totale de 229.722, 73 €,

- fixé l'indemnité d'occupation due par Mme Marie Y, veuve X, à l'indivision successorale au titre de la jouissance privative de l'appartement F2, situé <localité>, (lot n° 13, 23 et 3) à la somme de 48.410 €, à parfaire au jour du partage,

- fixé l'indemnité d'occupation due par Mme Marie Y, veuve X, à l'indivision successorale au titre de la jouissance privative du véhicule Peugeot 306, immatriculé 2499 XM 34, à la somme de 3.090 €, à parfaire au jour du partage,

- rejeté les demandes formulées à l'encontre de Mme Marie Y, veuve X, au titre du remboursement de la taxe d'habitation,

- ordonné le partage en nature,

- renvoyé les parties devant la SCP T., Notaire à Perpignan (66), poursuivre leurs opérations de liquidation, comptes et partage des successions de M. Daniel X et de Mme Marguerite XX,

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que les dépens, en ceux compris les frais d'expertise judiciaire, seront employés en frais privilégiés de partage et autorisé leur distraction au profit des avocats,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 3 janvier 2014, M. Marc X et Mme Françoise X ont relevé appel de cette décision.

Par arrêt en date du 24 mars 2016, la Cour d'appel de Montpellier a :

- fait droit partiellement à l'appel principal et, partiellement, aux appels incidents,

- fixé l'indemnité d'occupation due par Mme Z à l'indivision successorale, au titre de la jouissance privative de l'appartement F2 situé <localité> à la somme de 26 320 euros depuis le 7 juillet 2011 jusqu'au 7 mars 2016, somme à parfaire au jour du partage,

- dit que Mme Z doit rapporter à l'actif successoral une somme de

1 450 €, montant d'un dégrèvement fiscal ayant bénéficié à son époux et qui a été encaissé par elle,

- confirmé pour le surplus les dispositions du jugement de premier ressort,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les entiers dépens seront frais privilégiés de partage.

M. Marc X a formé un pourvoi contre l'arrêt rendu le 24 mars 2016 par la cour d'appel de Montpellier.

Par arrêt en date du 12 juillet 2017, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé mais seulement en ce qu'il dit que les parts sociales d'attribution donnant droit aux appartements de Colombes, Clichy-Sous-Bois et Nanterre constituent un bien propre du défunt, l'arrêt rendu le 24 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier et remis, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel de Toulouse ;

- condamné Mme Z aux dépens ;

- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté sa demande et l'a condamné à payer à M. Marc X la somme de 3 000 euros ;

- dit que, sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

Par déclaration de saisine en date du 10 novembre 2017, M. Marc X a saisi la cour d'appel de Toulouse.

Par ses dernières écritures reçues le 10 janvier 2018, M. Marc X demande à la cour de :

- dire que les parts sociales d'attribution donnant droits aux appartements de Colombes, Clichy-sous-Bois et Nanterre constituent un bien commun de la communauté ayant existé entre Marguerite XX, d'une part, et Daniel X, d'autre part,

- dire que seule la moitié de ces parts entre dans l'actif successoral de M. Daniel X,

- renvoyer la cause et les parties devant tel notaire qu’il appartiendra pour procéder à la liquidation successorale,

- condamner Mme Marie Y au paiement de la somme de 2000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par ses dernières écritures reçues le 26 février 2018, Mme Marie Y veuve X demande à la Cour de :

- rejetant toutes conclusions contraires comme étant injustes et mal fondées,

- tenant les dispositions légales rappelées,

- tenant l'appréciation juridique portée par la haute juridiction,

- dire que les parts sociales d'attribution donnant droit aux appartements de Colombes-Clichy-sous-Bois et Nanterre constitue des biens communs de la communauté ayant existé entre Mme Marguerite XX d'une part et M. Daniel X d'autre part,

- tirer toutes conséquences juridiques de la qualification des dites parts d'attribution,

- constater par ailleurs que les autres dispositions de l'arrêt du 24 mars 2016 rendu par la cour d'appel de Montpellier doivent être appliquées au partage,

- renvoyer les parties devant tel notaire qu'il plaira afin qu'il soit procédé aux opérations de comptes liquidations et partages successorales,

- dire que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles,

- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Par ses dernières écritures reçues le 5 février 2018, M. Bernard X demande à la Cour de :

- dire que les parts sociales d'attribution donnant droit aux appartements de Colombes, Nanterre et Clichy-Sous-Bois sont des biens meubles,

- dire que les parts sociales d'attribution donnant aux droits aux appartements de Colombes, Nanterre et Clichy-Sous-Bois constituent un bien commun dépendant de la communauté ayant existée entre M. Daniel X et Mme Marguerite XX,

En conséquence,

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 27 juin 2013 sur ce point,

- dire que seule la moitié des parts sociales d'attribution donnant droit aux appartements de Colombes, Nanterre et Clichy-Sous-Bois entre dans l'actif de la succession de M. Daniel X,

- renvoyer les parties devant le notaire liquidateur désigné pour qu'il soit procédé au partage,

- condamner Mme Z à payer à M. Bernard X la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Mme Françoise X épouse Z a été assignée par acte du 12 janvier 2018. Elle n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

Mme Martine X épouse W a été assignée par acte du 30 janvier 2018. Elle n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 14 mai 2018.

MOTIFS DE LA DECISION :

En cas de cassation partielle la compétence de la cour de renvoi est strictement limitée à la portée du moyen qui a servi de base à la décision de la Cour de cassation, les autres parties de la décision étant passées en force de chose jugée.

Ainsi à la suite de l'arrêt de cassation partielle prononcée le 12 juillet 2017 par la Cour de cassation le débat porte désormais exclusivement sur le caractère commun ou propre des parts sociales d'attribution donnant droit aux appartements de Colombes, Clichy-sous-Bois et Nanterre.

M. Daniel X et Mme Marguerite XX s'étaient mariés le 3 juin 1955 sans contrat de mariage préalable et se trouvaient, de ce fait, soumis au régime légal alors en vigueur qui était le régime de communauté de meubles et d'acquêts.

Lors de l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965 qui a substitué à ce régime légal le régime de communauté réduite aux acquêts les mariages célébrés antérieurement à cette date sont restés soumis à la communauté de meubles et acquêts sauf en cas de déclaration conjointe des époux tel que prévu à l'article 16 de la loi de 1965.

Aucune déclaration n'a été effectuée par les époux C.-X qui sont donc restés soumis au régime de communauté de meubles et d'acquêts.

L'article 58 de la loi du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs a précisé que les époux mariés avant le 1er février 1966 sans avoir fait de contrat de mariage continueront d'avoir pour régime matrimonial la communauté de meubles et acquêts et que celle-ci sera entièrement soumise aux règles applicables au régime conventionnel de la communauté de meubles et acquêts prévu par les articles 1498 à 1501 du code civil.

L'article 1498 du code civil prévoit que lorsque les époux conviennent qu'il y aura entre eux communauté de meubles et acquêts, l'actif commun comprend, outre les biens qui en feraient partie sous le régime de la communauté légale, les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur n'ait stipulé le contraire.

Selon les dispositions de l'article 529 du code civil sont meubles par la détermination de la loi, les obligations et actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers, les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d'industrie, encore que des immeubles dépendant de ces entreprises appartiennent aux compagnies.

Dès lors les parts ou actions d'intérêts dans une société ont donc un caractère mobilier même si la société est propriétaire d'immeubles.

Il n'est pas contesté que les parts sociales litigieuses ont été acquises par M. Daniel X durant son mariage avec Mme Z par voie de succession lors du décès de son père.

Dès lors elles constituent un actif de communauté et le jugement rendu le 27 juin 2013 par le tribunal de grande instance de Perpignan sera infirmé en ce qu'il a déclaré que ces parts sociales d'attribution donnant droit aux appartements de Colombes, Clichy-sous-Bois et Nanterre constituaient un bien propre du défunt,

il appartiendra au notaire désigné d'en tirer toutes conséquences et notamment de considérer que dès lors qu'elles constituent un actif de la communauté ayant existé entre M. Daniel X et Mme Z seule la moitié de ces parts entre dans l'actif successoral de M. Daniel X,

Les parties seront renvoyées devant la SCP T., notaire à Perpignan (66) désigné dans le jugement rendu le 27 juin 2013 par le tribunal de grande instance de Perpignan, afin de poursuivre les opérations de liquidation, comptes et partage des successions de M. Daniel X et de Mme Marguerite XX.

Mme Marie Y sera condamnée aux dépens de la présente instance.

Nulle raison d'équité ne commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les demandes formées à ce titre seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement en date du 27 juin 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Perpignan en ce qu'il a déclaré que ces parts sociales d'attribution donnant droit aux appartements de Colombes, Clichy-sous-Bois et Nanterre constituaient un bien propre du défunt,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé :

Dit que les parts sociales d'attribution donnant droit aux appartements de Colombes, Clichy-sous-Bois et Nanterre constituent des biens communs de la communauté ayant existé entre Mme Marguerite XX et M. Daniel X,

Renvoie en conséquence les parties devant la SCP T., notaire à Perpignan (66) désigné dans le jugement rendu le 27 juin 2013 par le tribunal de grande instance de Perpignan, afin de poursuivre les opérations de liquidation, comptes et partage des successions de M. Daniel X et de Mme Marguerite XX.

Rejette le surplus des demandes,

Condamne Mme Marie Y aux dépens de la présente instance.