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Décisions

Cass. com., 20 avril 2017, n° 14-29.505

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 25 sept. 2014

25 septembre 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme [H] ont acquis un immeuble, demeuré en indivision après leur divorce ; que les 21 février 1992 et 10 juillet 1992, M. [H] a été mis en redressement puis liquidation judiciaires, M. [W] étant désigné liquidateur (le liquidateur) ; que par un acte du 1er août 2003, reçu par devant M. [T], notaire, M. [H] a cédé à son ex-épouse, Mme [P], sa part dans l'immeuble indivis ; que le liquidateur a assigné M. [H] et Mme [P] afin de voir ordonner le partage de leur indivision et la licitation de cet immeuble ; qu'ayant découvert l'existence de la vente du 1er août 2003, le liquidateur a assigné M. [H] et Mme [P] afin de voir dire cet acte inopposable à la procédure collective et ordonner la licitation-partage de l'immeuble indivis ; que Mme [P] a assigné le liquidateur en responsabilité civile personnelle et la SCP de notaires [Y]-[T]-[U] ; que l'instance en inopposabilité de l'acte et en liquidation-partage de l'indivision, et celle en responsabilité ont été jointes ; qu'en cause d'appel, Mme [G], administrateur ad hoc de M. [H] (l'administrateur ad hoc), est intervenue volontairement à l'instance en demandant, reconventionnellement, la condamnation du liquidateur à indemniser le préjudice de M. [H] résultant de l'allongement excessif de la procédure du fait des carences du liquidateur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. [H] et son administrateur ad hoc font grief à l'arrêt de déclarer l'acte du 1er août 2003 inopposable à la liquidation judiciaire, d'ordonner la liquidation-partage de l'indivision existant entre M. [H] et son ex-épouse sur l'immeuble indivis et d'ordonner la vente de ce bien alors, selon le moyen :

1°/ que l'action en justice n'étant ouverte qu'à la partie qui a un intérêt légitime, le liquidateur, prétendant obtenir, sur le fondement des articles L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, applicable en la cause, et 815 du code civil, la liquidation-partage de l'indivision conventionnelle existant entre le débiteur et son ex-épouse sur un immeuble, ne peut valablement agir que s'il a un intérêt légitime dans le partage de l'indivision, lequel s'induit de la justification d'une créance ; qu'en énonçant, pour dire recevable l'action de M. [W], ès qualités, que la recevabilité de son action n'était pas subordonnée à la justification d'une créance et qu'elle découlait de la seule qualité d'indivisaire, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, applicable en la cause, et 815 du code civil ;

2°/ que Mme [G], ès qualités, soutenait, dans ses écritures d'appel, que l'état des créances de l'article 103 de la loi du 25 janvier 1985 n'existait pas et que la publication effectuée au Bodacc le 16 mai 2013, après le jugement de première instance et aux seules fins de voir réformer celui-ci, était sans effet puisqu'elle comportait des indications erronées et ne portait pas sur l'état des créances de l'article précité ; qu'en énonçant, pour dire recevable l'action de M. [W], ès qualités, que l'état des créances avait finalement été publié au Bodacc le 16 mai 2013 et n'avait fait l'objet d'aucun recours, la cour d'appel n'a ainsi pas répondu au moyen précité, qui était pourtant de nature à établir que cette publication était sans effet, et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le liquidateur d'un débiteur en liquidation judiciaire propriétaire indivis d'un immeuble, qui exerce l'action en partage du débiteur dessaisi sur le fondement de l'article 815 du code civil, n'est pas tenu de justifier de l'existence d'une créance ; qu'ayant relevé que la liquidation judiciaire de M. [H], ouverte le 10 juillet 1992, n'était pas clôturée au 1er août 2003 et retenu que la cession de ses droits indivis effectuée à cette date par M. [H] était inopposable à la procédure collective, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes invoquées par la seconde branche, en a exactement déduit que, ce liquidateur étant fondé à poursuivre le partage de l'indivision, la recevabilité de son action fondée sur l'article 815 du code civil, qui découlait de la seule qualité d'indivisaire du débiteur dessaisi qu'il représentait, n'était pas subordonnée à la justification d'une créance ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994, applicable en la cause, ensemble les articles 1382, devenu 1240, du code civil, 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention ;

Attendu que pour rejeter l'action en responsabilité du liquidateur tendant à voir condamner M. [W], pris en son nom personnel, à payer à M. [H] la somme de 80 000 euros, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que la cession par M. [H] de ses droits indivis, en violation des règles du dessaisissement, est la conséquence directe de la longueur de la procédure de liquidation judiciaire et qu'aussi longue qu'ait pu être cette procédure, M. [H] ne pouvait taire son existence à l'occasion de la vente de ses droits indivis ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'inaction du liquidateur à faire procéder à la licitation de l'immeuble indivis pendant la période allant du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le 10 juillet 1992, à sa demande de licitation de ce bien, intervenue le 5 juillet 2005, ne constituait pas, à elle seule, une faute de ce dernier à l'origine de la durée excessive de cette procédure susceptible d'engager sa responsabilité professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait de lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.