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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 13 octobre 2009, n° 08/10258

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Segui (ès qual.), Selarl Gauthier-Sohm (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Degrandi

Conseillers :

Mme Moracchini, Mme Vonfelt

Avoués :

SCP Taze-Bernard - Belfayol-Broquet, SCP Petit Lesenechal

Avocats :

Me Sapin, Me Torrente

T. com. Créteil, 1re ch., du 1er avr. 20…

1 avril 2008

Vu le jugement du 1er avril 2008 du tribunal de commerce de Créteil qui a constaté la résolution aux torts de M. Jérôme T. de la vente du droit au bail de la société Claude Dorphin, condamné M. Jérôme T. à payer à Me Segui, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Claude Dorphin, la somme de 85 500 € , débouté M. Jérôme T. de sa demande en dommages et intérêts et de l'ensemble de ses demandes, ordonné l'exécution provisoire de ce jugement sous réserve qu'en cas d'appel il soit fourni par Me Segui, ès qualités, une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit, condamné M. Jérôme T. à payer à Me Segui, ès qualités, la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu la déclaration d'appel et les conclusions déposées le 13 février 2009 par M. T. qui demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de constater la résolution aux torts de Me Segui, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Claude Dorphin, de la vente du droit au bail de la société Claude Dorphin, de condamner Me Segui, ès qualités, à lui restituer la somme de 9 500 € , ainsi qu'à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les écritures déposées le 17 juin 2009, par la Selarl G. et Me Segui qui sollicitent de la recevoir en qualité de liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de la société Claude Dorphin, désignée en remplacement de Me Segui en sa reprise d'instance, ce faisant, de prononcer la mise hors de cause de Me Segui, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, en conséquence de fixer le montant du préjudice subi par la liquidation judiciaire de la société Claude Dorphin à 95 000 € puisque la somme de 9 500 € remise à Me Segui, ès qualités, lui restera acquise, et de condamner M. T. au paiement du solde, soit 85 500 € , de débouter M. T. de l'ensemble de ses demandes, et de le condamner au paiement d'une somme supplémentaire de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu'il y a lieu de donner acte à la S. Gauthier - Sohm de ce qu'elle a été désignée liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la SA Claude Dorphin, en remplacement de Maître Segui, par jugement du 3 juin 2009 ; qu'il convient, dès lors, de mettre hors de cause Maître Segui, ès qualités ;

Considérant qu'il doit être rappelé que par jugement du 27 avril 2005, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société Claude Dorphin et désigné Me Segui en qualité de mandataire liquidateur ; que le 2 août 2005, les loyers de mai, juin, juillet et août 2005 étant impayés, Mme F., qui avait donné à bail à la société Claude Dorphin les locaux commerciaux situés 26-28 avenue Foch à Saint Maur des Fossés, a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire ; que la procédure de référé subséquente a fait l'objet d'un retrait du rôle ; que par courrier du 22 août 2005, M. T. a formulé une première offre ; que par lettre du 14 septembre 2005, il a offert d'acquérir le droit au bail de ces locaux pour le prix de 95 000 € ; qu'il a remis à Me Segui la somme de 9 500 € à valoir sur ce prix au moyen de deux chèques ; que par ordonnance du 21 septembre 2005, le juge commissaire a ordonné la vente du droit au bail des locaux de la société à M. T. ; que le 6 décembre 2005, Mme F., propriétaire des lieux, a fait délivrer un second commandement de payer visant la clause résolutoire représentant les loyers impayés de mai à décembre 2005 ; que le 17 janvier 2006, la bailleresse a fait assigner Me Segui, ès-qualités, en référé aux fins de voir ordonner son expulsion des locaux ; que par ordonnance du 21 février 2006, le juge des référés a constaté que la clause résolutoire était acquise et a ordonné l'expulsion de Me Segui, ès qualités ; que par acte du 23 mai 2006, ce dernier a fait assigner M. T., notamment aux fins de constater la résolution de la vente du droit au bail de la société Claude Dorphin aux torts de M. T. ;

Considérant que M. T. soutient à l'appui de son appel que l'acte de cession du droit au bail concerné ne pouvait être établi avant le 28 décembre 2005, l'ordonnance du juge commissaire n'ayant pas avant cette date force de chose jugée ; qu'il précise que pendant cette période courait le délai du commandement aux fins de résiliation du droit au bail, sans qu'il en ait été informé avant le 17 janvier 2006 ; qu'il indique qu'à la date de la première convocation pour la signature des actes prévue le 19 janvier 2006, la cession du bail proposée ne correspondait plus à celle ordonnée par le juge commissaire ; que d'une part, la consistance des lieux loués était différente, en raison d'une servitude de passage restreignant l'usage des lieux loués ; que d'autre part, il existait un trouble portant sur le risque d'éviction lié à la délivrance d'un second commandement de payer visant la clause résolutoire ; qu'il fait valoir que ces deux éléments nouveaux constituaient des motifs légitimes pour refuser de signer l'acte de cession et demander la résolution de la vente aux torts de Me Segui, ès qualités ; qu'il souligne que la disparition du droit au bail entraîne la résolution de la cession du droit au bail de la société Claude Dorphin ; qu'il invoque que la responsabilité de Me Segui est entière en ce qui concerne tant la perte de la chose vendue que la non réalisation des ventes ; qu'il ajoute que l'absence de diligences du liquidateur est la cause exclusive de la disparition de la chose vendue et de son refus de signer ; qu'il demande le paiement d'une somme de 10 000 € pour le préjudice subi et la restitution de la somme de 9 500 € , versée lors de l'offre d'achat ;

Considérant que le liquidateur judiciaire réplique que M T. était parfaitement informé de la consistance des locaux et de leur disposition, et qu'il appartenait au cessionnaire de prendre toutes les informations utiles avant de présenter son offre ; qu'il précise que l'ordonnance du 21 septembre 2005 du juge commissaire ayant acquis force de chose jugée, M. T. ne pouvait plus retirer son

offre et avait l'obligation de régulariser la cession du droit au bail ; qu'il ajoute que malgré les mises en demeure d'avoir à signer l'acte de vente de ce droit de bail, M. T. a refusé de le signer ; qu'il souligne que le droit de passage était évoqué dans le contrat de bail et que les emplacements de parking litigieux appartenant à la société Claude Dorphin ont été acquis par la bailleresse ; qu'il expose, en ce qui concerne la résiliation du bail, qu'à la suite du premier commandement de payer visant la clause résolutoire, il a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil et que, du fait de l'accord intervenu avec la bailleresse, ayant accepté le report du paiement dès loyers jusqu'à la cession, il a sollicité le retrait du rôle de cette affaire ; qu'il fait observer que la seconde procédure était liée au refus de M. T., qui n'a pas régularisé la cession et aurait pu intervenir dans cette procédure pour demander des délais de paiements ; qu'il soutient que le comportement fautif de M. T. est à l'origine de la perte du droit au bail ; qu'il sollicite la résolution de la cession et une indemnisation pour le préjudice ainsi subi par les créanciers de la société Claude Dorphin ; qu'il conclut au débouté de la demande en dommages-intérêts présentée par M. T. ;

SUR LA RÉSOLUTION DE LA CESSION DU DROIT AU BAIL

Considérant que, si la cession du droit au bail compris dans l'actif du débiteur en liquidation judiciaire n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui ordonne, sur le fondement de l'article L. 622-18 du code de commerce, la cession de ce bien, celle-ci n'en est pas moins parfaite dès l'ordonnance, sous la condition suspensive que la décision acquière force de chose jugée ; que le cessionnaire ne peut ensuite refuser de procéder à la vente ordonnée en retirant l'offre retenue par le juge commissaire, sauf à justifier d'un motif légitime tiré de la non réalisation des conditions dont elle était assortie ;

Sur le commandement visant la clause résolutoire

Considérant que, par ordonnance du 21 septembre 2005, le juge commissaire a ordonné la vente du droit au bail de la société Claude Dorphin à M. T. ; que cette ordonnance n'a été notifiée à la débitrice, que le 5 décembre 2005 ; qu'il est constant que M. T. n'a été informé du commandement visant la clause résolutoire du 2 août 2005 délivré par Mme F., que par lettre du 12 janvier 2006 de Me Chene, conseil de Me Segui ; que si, la procédure de référé concernant ce commandement a fait l'objet d'un retrait du rôle, Mme F. se désistant de sa demande et acceptant le report du paiement des loyers, un deuxième commandement visant la clause résolutoire a été délivré le 6 décembre 2005 ;

Considérant que, par ordonnance de référé du 21 février 2006, le tribunal de grande instance de Créteil a constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail et la résiliation de plein droit de celui-ci ; que toutefois, M. T. n'a été informé de ce deuxième commandement et de la procédure de référé que le 26 janvier 2006 ; que si, à cette date la clause résolutoire n'était pas acquise, il n'en demeure pas moins que M. T. n'était pas assuré de pouvoir obtenir le droit au bail, objet du présent litige ; que dans ces conditions, la transmission du droit au bail demeurant aléatoire du fait du non-paiement des loyers, le mandataire liquidateur n'est pas fondé à reprocher une quelconque défaillance à M. T., à l'origine de la perte du bail ;

Sur la consistance des lieux loués

Considérant que selon les termes de l'article L.622-13 du code du commerce, «le liquidateur ou l'administrateur peut continuer le bail ou le céder dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent » ;

Considérant qu'en l'espèce, le contrat de bail prévoit « (la) jouissance exclusive de la cour située entre les bâtiments ... avec autorisation de ranger des voitures sur un seul rang le long du mur du garage, à charge de laisser un passage suffisant pour l'accès à la porte donnant dans un immeuble 87 avenue Victor Hugo » ; qu'il en résulte qu'il n'est aucunement fait mention

d'une servitude de passage à la charge du cessionnaire concernant l'accès à deux emplacements de stationnement situés au fond de la cour, limitant l'usage des lieux loués ; qu'il n'est nullement établi que M. T. ait été informé de cette situation, avant l'ordonnance du 21 septembre 2005 du juge commissaire ayant ordonné la vente du droit au bail ; que par conséquent, il est ainsi démontré qu'ultérieurement à cette ordonnance du 21 septembre 2005, dont le caractère définitif n'est pas contesté, M. T. a découvert, d'une part, que la consistance des lieux loués ne correspondait pas au contrat de bail prévoyant une jouissance exclusive de la cour, d'autre part, que l'acquisition du droit au bail était incertaine en raison de deux commandements visant la clause résolutoire ;

Considérant que, bien que la vente soit parfaite entre les parties dès l'ordonnance du 21 septembre 2005 du juge commissaire, M. T. avait des motifs légitimes de s'opposer à la signature de l'acte de vente du droit au bail et qu'aucune faute ne peut être retenue à son encontre ; que par suite, la résolution de la vente du droit au bail est imputable au mandataire liquidateur qui n'a pas transmis des informations essentielles à la vente ; qu'il convient d'infirmer le jugement, et de prononcer la résolution de la vente du droit au bail aux torts de celui-ci ;

Considérant que M. T. est en droit d'obtenir la restitution de la somme de 9 500 €, par la S.G., ès qualités, les dispositions de l'ordonnance du 21 septembre 2005 du juge commissaire n'étant pas applicables ; qu'il y a lieu de faire droit à la restitution de cette somme ;

SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTÉRÊTS

Considérant que M. T. fait valoir qu'il a effectué de nombreuses demandes et

études pour le projet de création d'une salle de sport pour enfants sous la franchise « The Little Gym » et qu'il a conclu un contrat de franchise en versant une somme de 5000 € ; qu'il sollicite, en raison l'ensemble de ses frais, le paiement d'une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts ; que force est de constater qu'il ne rapporte pas la preuve du paiement des dépenses prétendues ; que dès lors, le préjudice n'étant pas certain, sa demande en dommages-intérêts ne peut prospérer ; que le jugement sera confirmé quant à ce ;

Considérant que la S.G. en qualité de liquidateur judiciaire de la société Claude Dorphin désignée en remplacement de Me Segui, qui succombe, devra verser à M. T. la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Donne acte à la S.G. de ce qu'elle vient aux droits de Maître Segui, ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Claude Dorphin ;

Met hors de cause Maître Segui, ès qualités ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. T. de sa demande de dommages-intérêts ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Prononce la résolution de la vente du droit au bail aux torts de Me Segui, en qualité de mandataire liquidateur de la SA Claude Dorphin ;

Condamne la S.G., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Claude

Dorphin, à restituer à M. T. la somme de 9 500 € ;

La condamne à payer à M. T. la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui, pour ceux d'appel, seront recouvrés par les avoués de la cause dans les conditions de l'article 699 dudit code.