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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B com., 23 novembre 2001, n° 97/07590

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Mme Chauvet, Mme Arnaud

Défendeur :

La Cave des Maures (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ellul

Conseillers :

M. Stern, M. Gagnaux

Avoués :

SCP Blanc - Amsellem - Mimran, SCP De Saint Ferreol - Touboul

T. com. Saint-Tropez, du 11 mars 1997

11 mars 1997

FAITS ET PROCEDURE

Le capital de la SARL "CAVE DES MAURES" était initialement reparti entre :

- Serge ARNAUD (gérant), détenteur de 125 parts sociales, en communauté avec son épouse née Josiane CHAUVET,

- Helene CHAUVET, détentrice de 125 parts,

- Roger ARNAUD, détenteur de 250 parts.

Josiane ARNAUD a initié une procédure en divorce dans le cadre de cette procédure :

- un jugement rendu le 10 janvier 1990 a prononcé le divorce des époux ARNAUD-CHAUVET,

- un arrêt rendu le 27 mars 1992 a confirmé ce jugement, sauf à l'émender en ce qui concerne la prestation compensatoire,

- un arrêt rendu le 19 janvier 1994 par la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi forme par Serge ARNAUD en ce qui concerne la prestation compensatoire.

Le 8 mars 1993 s'est tenue une Assemblée Générale Extraordinaire (A.G.E.) des associes de la S.A.R.L. CAVE DES MAURES réunissant Serge ARNAUD, Roger ARNAUD et Helene CHAUVET.

Au cours de cette A.G.E. :

- il a été décidé d'une augmentation du capital social,

- il a été constate par les majorités des associes que l'integralite des parts nouvelles était des a présent souscrite, 

- il a été décidé de compléter l'article 6 et de modifier l'article 7 des statuts,

- il a été décidé d'une augmentation du capital social par incorporation d'une partie de.la prime d'émission,

- M. Serge ARNAUD a reçu tous pouvoirs pour accomplir les formalités de publicité des résolutions précédemment adoptées,

Ces différentes décisions ont été adoptées à la majorité, Madame CHAUVET ayant voté contre.

Par exploit du 23 Novembre 1993 Mesdames Helene et Josiane CHAUVET ont fait assigner la S.A.R.L. CAVES DES MAURES et Messieurs Serge et Roger ARNAUD en nullité de l'A.G.E. du 8 Mars 1993 et en paiement par Monsieur Serge ARNAUD de dommages et intérêts compensatoires.

Par jugement du 29 Mai 1994 le Tribunal de Commerce de ST TROPEZ a institué une mesure d'expertise M. ALFONSI, commis pour procéder à cette expertise a établi un rapport de ses opérations le 27 mars 1996.

Par jugement du 11 Mars 1997 le Tribunal de Commerce de ST TROPEZ a :

- homologue le rapport d'expertise,

- déboute les dames CHAUVET de leurs demandes,

- condamné les dames CHAUVET à payer la somme de 7000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Helene et Josiane CHAUVET ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs conclusions déposées le 28 juillet 1997 les dames CHAUVET ont soutenu :

- que I'A.G.E. du 18 Mars 1993 était nulle,

- qu'en conséquence de cette nullité la structure du capital social de la société CAVE DES MAURES doit correspondre à celle qui existait avant l'opération d'augmentation du capital social,

- que M. Serge ARNAUD, a eu fin sa qualité de gérant de la S.A.R.L. CAVE DES MAURES un comportement préjudiciable à l'égard de Helene CHAUVET ; que le préjudice subi doit être indemnise à concurrence de la somme de 120.000 F,

- qu'en l'absence de toute "affectio societatis", la dissolution de la société doit être prononcée,

Les appelantes ont formalisé comme suit leurs demandes : "PAR CES MOTIFS,

Recevoir Mesdames Helene et Josiane CHAUVET dans leur appel,

VU le rapport d'expertise de Monsieur ALFONSI du 27 Mars 1996,

Reformer le jugement du Tribunal de Commerce de ST TROPEZ du 11 Mars 1997,

En conséquence :

Prononcer la nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 18 Mars 1996,

Dire et juger que la nouvelle répartition du capital devra être conforme à celle de l'assemblée générale du 18 Mars 1993, soit :

- pour Monsieur Serge ARNAUD  125 parts

- pour Monsieur Roger ARNAUD  250 parts

- pour Madame Helene CHAUVET 125 parts

Condamner la S.A.R.L. CAVE DES MAURES a rerembourser à Madame Helene CHAUVET le montant de la souscription, soit en principal la somme de 39.520 F majorée d'un intérêt au taux légal à compter du versement de cette somme avec capitalisation annuelle dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code Civil.

VU le comportement de Monsieur Serge ARNAUD,

Le condamner au paiement de la somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts au bénéfice de Madame Helene CHAUVET.

Constater l'absence de tout affectio societatis entre les associes de CAVE DES MAURES.

En conséquence, prononcer la dissolution de la S.A.R.L. CAVE DES MAURES.

Condamner solidairement la S.A.R.L. CAVE DES MAURES, Monsieur Serge ARNAUD et Monsieur Roger ARNAUD au paiement de la somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SCP BLANC, sur son affirmation de droit".

Dans leurs conclusions déposées le 7 novembre 1997 les intimes ont demandé à la Cour :

- de débouter les appelantes de leurs prétentions,

- de confirmer le jugement entrepris,

- de condamner solidairement les appelantes à payer aux concluants la somme de 15.000 F au titre de 1'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 Ils ont fait valoir

- qua les moyens soulevés par les dames CHAUVET à l'appui de leur demande en nullité d'A.G.E. étaient injustifiés et infondes,

- que les griefs formulés par Helene CHAUVET a l'encontre du gérant de la sociétés LA CAVE DES MAURES sont infondes en l’état du rapport d'expertise,

- que l'affectio societatis n'a pas disparu ; qu'il ne saurait y avoir lieu de prononcer la dissolution de la sociétés CAVE DES MAURES.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR LA RE6ULARITE DE L'APPEL

ATTENDU que sa recevabilité n'est pas discutée ; que les éléments soumis à la Cour ne permettent pas d'en relever d'office l'irrégularité.

SUR LA NULLITE DE L’A.G. E

ATTENDU qu'au regard des dispositions des articles L 223-32 du Code de Commerce et 22 du Décret du 23 Mars 1967 il apparait que, concernant les augmentations de capital des S.A.R.L, deux assemblées générales extraordinaires sont nécessaires à cet effet, la première pour décider de l'augmentation du capital, la seconds, après dépôt des fonds pour constater l'accomplissement des formalités légales ;

ATTENDU en l'espèce qu'il ne s'est tenue qu'une seule A.G.E. le 8 Mars 1993, pour décider d'une augmentation de capital en numéraire et pour constater la réalisation de cette opération alors que les fonds provenant de la souscription n'avaient pas fait l'objet d'un dépôt ;

ATTENDU que cette façon de procéder n'est pas conforme aux dispositions susvisées ; que cette irrégularité ne saurait être couverte des lors que tous les associent n'étaient pas d'accord pour procéder à l'augmentation de capital, Madame Helene CHAUVET ayant voté contre ;

ATTENDU au surplus que la tenue d'une seule A.G.E. est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article 8 des statuts qui prévoit, en cas d'augmentation de capital par voie d'apports en numéraire que le droit de préférence des associes "sera exercé dans les formes et délais détermines par décision extraordinaire des associes » ;

Qu’en l'espèce aucune décision de cet ordre n'a été prise avant l'A.G.E. du 8 Mars 1993 ayant constaté la réalisation de l'augmentation du capital social ;

ATTENDU d'autre part et surtout que lors de 1'A.G.E. litigieuse les associes majoritaires :

- ont constaté la souscription de 1'integrality des 416 parts nouvelles, par Serge ARNAUD, à concurrence de 312 parts et par Helene CHAUVET à concurrence de 104 parts,

- on constate que la participation de M. Serge ARNAUD se fait par compte courant ouvert à son nom pour un montant de 118.560 F,

ATTENDU cependant qu'il résulte du rapport d'expertise, non discute sur ce point :

- qu'a la date du 8 Mars 1993 la situation du compte courant de Serge ARNAUD ne lui permettait pas de libérer sa souscription par voie de compensation avec le montant de son compte courant,

- que ce n'est que le 16 mars 1993, que le compte courant de Serge ARNAUD a été alimenté du montant lui permettant de libérer sa souscription par voie de compensation,

ATTENDU ainsi qu'à la date du 8 Mars 1993 les associes majoritaires ne pouvaient constater la réalisation de l'augmentation de capital que les décisions prises en ce sens, qui n'ont pas été confirmées par la tenue d'une nouvelle assemblée général extraordinaire ne sauraient être valables.

ATTENDU dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité soulevés par les appelantes, que les délibérations prises le 8 mars 1993 seront annulées.

SUR LES CONSEQUENCES DE CETTE NULLITE

ATTENDU que, les décisions ayant prévu l'augmentation de capital et celles qui ont constaté la réalisation de cette augmentation de capital étant nulles, cette opération n'a pu valablement se réaliser

ATTENDU en conséquence de ces annulations, que la structure du capital social de la S.A.R.L. CAVE DES MAURES doit être remise en son état antérieur a la tenue de l'A.G.E. du 8 Octobre 1993, soit :

- 125 parts sociales détenues par Serge ARNAUD,

- 250 parts sociales détenues par Roger ARNAUD, -125 parts sociales détenues par Helene CHAUVET,

ATTENDU d'autre part que pour ces mêmes raisons il sera fait droit à la demande de Madame CHAUVET en restitution de la somme de 39.520 F correspondent au montant de sa souscription ;

Que cependant les intérêts sur les sommes soumises à restitution ne sauraient courir qu'à compter de la date à laquelle Madame CHAUVET en a fait la demande ;

 Qu'en l'espèce, le point de départ desdits intérêts sera fixe du 28 Juillet 1997 (date du dépôt des conclusions d'appel par Madame CHAUVET), les éléments soumis à la Cour n'établissant pas gue Madame CHAUVET avait antérieurement forme une demande en restitution ;

Qu'il soit fait droit à sa demande en capitalisation des intérêts, dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code Civil et avec effet à compter du 28 Juillet 1997 date à laquelle elle a forme cette demande ;

SUR LES DEMANDES DE MADAME HELENE CHAUVET A L'ENCONTRE DE MONSIEUR SERGE ARNAUD

ATTENDU que Madame CHAUVET soutient que M. ARNAUD en sa qualité de gérant de la S.A.R.L. CAVE DES MAURES, a eu, a son égard, un comportement préjudiciable et que le dommage qu'il lui a cause doit être indemnise à concurrence de 100.000 F ;

ATTENDU sur le mérite des griefs formulèrent par Madame CHAUVET à l'encontre de M. ARNAUD :

Que Madame CHAUVET ne justifie nullement de son affirmation suivant laquelle M. ARNAUD fixe unilatéralement sa rémunération ; qu'il apparait au regard des procès-verbaux d'assemblées générales verses aux débats que le montant de sa rémunération a été fixe par l'assemblée générale; qu'au surplus il résulte du rapport d'expertise que le montant de sa rémunération ne présents aucun caractère excessif,

- que le refus de distribuer des dividendes résulte non d'une décision du gérant, mais de délibérations des assemblées générales de la S.A.R.L. CAVE DES MAURES; que d'autre part le refus de distribuer des dividendes ne saurait par lui-même constituer une faute; qu'en l'espèce l'expert a estimé que l'absence de distribution de bénéfices ne présentait aucun caractère anormal, tant au regard de la richesse de l'entreprise exploitée par la sociétés, qu'au regard du montant de la rémunération versée au gérant;

Que Madame CHAUVET ne produise aucun élément tendant à remettre en cause l'avis de l’expert que dans les conditions, le refus de distribuer des dividendes ne saurait être constitutif d'un abus de majorité,

- que la constatation erronée de la libération de la souscription de Serge ARNAUD par compensation avec le montant de son compte courant résulte d'une délibération de I’A. -E.G. du 8 Octobre 1993, et non du fait du gérant ; que Madame CHAUVET, qui obtient l'annulation des délibérations de l'A.E.G. du 8 Octobre 1993 et la restitution du montant de sa souscription ne justifie d'aucun préjudice particulier complémentaire, subi en sa qualité d’associée ;

- qu'aucune disposition concernant les S.A.R.L ne fait obligation au gérant de répondre aux questions d'un associe en dehors de l'Assemblée; que l'article L 221-8 du Code de Commerce invoque par Mine CHAUVET, concerne exclusivement les sociétés en nom collectif que d'autre part, si lors de l'Assemblée Générale du 30 Juin 1994, Mme CHAUVET n'a pu obtenir des réponses suffisantes aux questions qu'elle a posées au gérant dans un courrier du 28 Juin 1994, elle ne justifie d'aucune protestation a l'issue de cette assemblée générale; qu'il convient enfin d'observer qu'a la date à laquelle Mme CHAUVET avait posé des questions au gérant l'expert judiciaire avait déjà été désigné avec pour mission d'apprécier les agissements du gérant et de rechercher s'ils étaient ou non constitutifs d'un abus de majorité

Qu'en cet état, il n'est établi aucun préjudice tangible qu'aurait subi Madame CHAUVET en rapport avec un éventuel défaut de réponse du gérant, lors de l'Assemblée Générale du 30 Juin 1994, aux questions qu'elle lui aurait posées le 28 juin 1994,

ATTENDU ainsi que Madame CHAUVET ne fait pas suffisamment la preuve de fautes préjudiciables à son égard commis par Serge ARNAUD dans ses fonctions de gérant ;

Que Madame CHAUVET sera déboutée de sa demandes en paiement de dommages et intérêts formée centre lui ;

SUR LA DISSOLUTION DE LA SOCIETE

ATTENDU que s'il apparait que jusqu'en 1997 la mésentente existait entre Madame CHAUVET et les consorts ARNAUD, Madame CHAUVET n'établit pas que cette mésentente a perdure depuis ;

ATTENDU d'autre part que Madame CHAUVET :

Ne justifie pas de la disparition de l'affectio societatis, alors que la volonté de raster en sociétés subsiste entre les associes majoritaires,

- ne démontre aucunement que sa mésentente avec les associes majoritaires a paralyse le fonctionnement de la société,

ATTENDU dans ces conditions que Madame CHAUVET sera déboutée de sa demande en dissolution de sociétés ;

ATTENDU que l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de l'une ou l'autre des parties ;

ATTENDU sur les dépens qu'ils seront supportés a concurrence des deux tiers par les consorts ARNAUD et à concurrence d'un tiers par Helene CHAUVET,

PAR CES MOTIFS LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Reçoit l'appel de Mesdames Helene et Josiane CHAUVET, 

Reforme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau, prononce la nullité des délibérations prises au cours de l'Assemblée Générale Extraordinaire du 8 Mars 1993.

Dit qu'en conséquence de cette annulation, le capital social de la S.A.R.L. CAVE DES MAURES (50.000 F - CINQUANTE MILLS FRANCS) reste reparti comme suit :

- 125 parts détenues par Serge ARNAUD,

- 250 parts détenues par Roger ARNAUD,

- 125 parts détenues par Helene CHAUVET,

Condamne la S.A.R.L. LA CAVE DES MAURES à restituer à Madame Helene CHAUVET la somme de 39.520 (TRENTE NEUF MILLE CINQ CENT VINGT FRANCS) outre intérêts au taux légal à compter du 28 Juillet 1997,

Prononce la capitalisation de ces intérêts, dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil et avec effet à compter du 28 Juillet 1997,

Déboute Mesdames Josiane et Helene CHAUVET du surplus de leurs prétentions.

Déboute les intimes de leur demande formée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Rejette toutes autres demandes,

Dit que les dépens seront supportés pour 2/3 par Roger et Serge ARNAUD et pour 1/3 par Helene CHAUVET, ceux d'appel recouvres par les avoues de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.