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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 3 décembre 2009, n° 08/22422

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jacques

Conseillers :

Mme Giudicelli, Mme Aimar

Avoués :

SCP Tollinchi Perret-Vigneron Baradat-Bujoli-Tollinchi, SCP de Saint Ferreol - Touboul

Avocats :

Me Coutelier, Me Recotillet, Me Delsad-Battesti

T. com. Toulon, du 27 nov. 2008, n° 08L2…

27 novembre 2008

1. FAITS , PROCEDURE, MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

M. D. et Mme Chantal M. Y JIMENEZ, mariés sous le régime de la communauté légale, ont acquis le 1er mars 1999, un bien immobilier situé à TOULON.

Par acte notarié du 30 avril 2005, Monsieur D. a procédé, en application des articles L. 526-1 à L. 526-3 du code de commerce, à une déclaration d'insaisissabilité publiée à la conservation des hypothèques le 4 mai 2005.

Par jugement du tribunal de commerce de Toulon en date du 2 mai 2006, la liquidation judiciaire de M. Jean-Claude D. qui avait une activité d''entretien et de réparation de véhicules automobiles depuis le 11 septembre 2001, a été ouverte sur sa déclaration de cessation des paiements.

Me Simon LAURE es qualités de liquidateur judiciaire, a présenté le 1er décembre 2006 une requête aux fins d'être autorisé à procéder à la vente du bien immobilier commun suivant la forme des saisies immobilières.

Par ordonnance du 19 juin 2007, le juge-commissaire a fait droit à sa demande.

Les époux D. ont , le 6 juillet 2007, formé opposition à cette ordonnance, invoquant l'existence de la déclaration d'insaisissabilité effectuée en 2005 .

Par jugement en date du 27 novembre 2008, le tribunal de Commerce de Toulon a déclaré nulle et de nul effet l'ordonnance rendue le 19 Juin 2007, et a condamné Me Simon LAURE, hors procédure collective, à payer aux époux D. la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens.

Me Simon LAURE a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe de la cour, enregistrée le 17 décembre 2008.

Le ministère public en a relevé appel le 25 février 2009. 

Ces deux procédures ont été jointes par ordonnance du 1er juillet 2009.

Me Simon LAURE es qualités de liquidateur judiciaire de M. D. sollicite l'annulation du jugement et subsidiairement sa réformation et le rejet de l'opposition formée par les époux D. dont il réclame la condamnation au paiement de la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civil. 

Il fait valoir qu'il existait une créance professionnelle antérieure à la publication de la déclaration d'insaisissabilité du bien commun à la conservation des hypothèques ainsi que des créances personnelles en vertu desquelles le liquidateur était fondé à agir, et que le fait que les échéances du prêt consenti pour l'acquisition de ce bien par le CREDIT AGRICOLE qui a déclaré une créance de 68 541, 74 € , soient payées (en violation de l'article L. 621-24 du code de commerce), n'empêche pas le liquidateur d'agir. 

Le ministère public demande à la cour d'annuler le jugement en ce qu'il a condamné le liquidateur judiciaire hors procédure collective à payer aux époux D. une somme de 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme Chantal D. née M. Y JIMENEZ et M. Jean-Claude D. s'en rapportent à justice concernant la demande d'annulation du jugement du tribunal de commerce de Toulon rendu le 27 novembre 2008.

Ils en sollicitent la confirmation en ce qu'il a déclaré leur opposition recevable et justifiée , et demandent la condamnation de Me LAURE à leur payer une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que l'immeuble litigieux constitue leur résidence principale et qu'il a fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité en date du 30 avril 2005; que la totalité des créances déclarées sont postérieures à cette déclaration à l'exception d'une facture DELHPI en date du 29 avril 2005 d'un montant de 133,06 euros et du prêt accordé par le Crédit agricole pour l'acquisition de l'immeuble litigieux; que Madame D. qui n'est pas commerçante n'est pas frappée de dessaisissement et peut valablement procéder au remboursement des échéances du prêt; que de surcroît Monsieur D. lui-même peut effectuer des actes de gestion courante concernant ce bien insaisissable; que donc en l'absence de créance antérieure exigible, le liquidateur ne peut procéder à la vente du bien dont le prix ne pourrait en tout état de cause qu'être affecté au remboursement de la créance du Crédit Agricole, lequel étant réglé ne se prévaut pas de la déchéance du terme et n'a donc pas de créance antérieure à faire valoir.

Vu les conclusions auxquelles la cour se réfère expressément déposées par Maître LAURE le 12 mars 2009 , par le Ministère Public le 23 juillet 2009 et par les intimés le 25 septembre 2009;

Vu la clôture de la procédure le 1° octobre 2009;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité:

Attendu que les dispositions du jugement qui prononcent condamnation contre Maître LAURE hors procédure collective, sont nulles, le tribunal de commerce ayant outrepassé ses pouvoirs et statué dans un domaine réservé au tribunal de grande instance;

Sur le fond:

Attendu que les époux D. sont mariés sous le régime de la communauté légale, et que le bien litigieux acquis le 1er mars 1999, au cours du mariage, est un bien commun;

Attendu que du fait de l'ouverture d'une procédure collective, les biens communs tombent dans le périmètre de la procédure collective; que dès lors, dans le cadre d'une liquidation judiciaire, les règles du dessaisissement conduisent à décider que les biens communs inclus dans l'actif de la procédure collective sont administrés par le liquidateur qui exerce pendant la liquidation judiciaire les droits et actions du débiteur dessaisi ; qu'en conséquence, les pouvoirs de gestion des biens communs normalement dévolus au conjoint in bonis en vertu des articles 1421 et suivants du Code civil ne peuvent plus s'exercer;

Attendu que la déclaration d'insaisissabilité effectuée en vertu des dispositions de l'article L. 526-1 du code de commerce, qui n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant, ne permet pas de déroger au principe de dessaisissement à l'égard du bien concerné;

Attendu qu'il en résulte que ni Monsieur D., ni Madame D. ne pouvait utiliser des revenus communs (prestations familiales selon les déclarations effectuées à l'audience) au paiement du crédit consenti sur ce bien, et désintéresser ainsi un créancier au détriment des autres, et que le créancier qui a accepté ces paiements en violation de l'article L. 622-7 du code de commerce applicable à la procédure en cours, a commis une faute;

Attendu que la déclaration d'insaisissabilité ne pouvant avoir d'effet à l'égard des créances nées antérieurement à la publication de la déclaration ou qui ne sont pas nées à l'occasion de l'activité professionnelle de Monsieur D., et de telles créances existant au passif de Monsieur D., notamment la créance du Crédit Agricole d'un montant de 68 541, 74 € , celle du bailleur éventuellement pour la partie de sa créance née antérieurement, et celle de la société DELHPI pour la facture du 29 avril 2005, cette énumération n'étant pas limitative, la déclaration d'incessibilité ne peut empêcher la vente du bien;

Attendu en effet que la procédure de liquidation judiciaire doit permettre, dans la mesure du possible, le désintéressement de tous les créanciers en fonction de leur rang, et que dès lors la vente des actifs s'impose afin de recueillir des liquidités permettant de solder en tout ou partie le passif ;

Attendu que la vente n'étant pas effectuée en vertu d'une saisie, mais en application des règles de la procédure collective, l'éventuelle disproportion entre le montant de la somme à recouvrer et les mesures d'exécution préconisées pour parvenir au recouvrement, ne constitue pas un motif de rejet de la demande d'autorisation de vente; que la seule conséquence de la déclaration d'insaisissabilité sera l'affectation du produit de la vente au paiement des seuls créanciers auxquels la déclaration est inopposable ;

Attendu que le jugement sera en conséquence infirmé et l'ordonnance qui a fait droit à la demande de Maître LAURE es qualités, confirmée ;

Attendu que les dépens seront à la charge des époux D. ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

LA COUR , statuant publiquement et par arrêt contradictoire ,

Annule les dispositions du jugement prononçant condamnation à l'encontre de Maître LAURE hors procédure collective;

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré l'opposition recevable,

Infirme le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau:

Confirme l'ordonnance du juge commissaire en date du 19 juin 2007 autorisant Me Simon LAURE es qualités de liquidateur judiciaire, à procéder à la vente suivant la forme des saisies immobilières du bien immobilier commun des époux D.,

Condamne les époux D. aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Autorise la SCP TOLLINCHI PARRET-VIGNERON BARADATBUJOLI-TOLLINCHI, avoués associés , à en recouvrer le montant aux formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.