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Décisions

Cass. com., 12 avril 2018, n° 18-40.004

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

T. com. Pontoise, du 18 janv. 2018

18 janvier 2018

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi 2015-990 du 6 août 2015, protégeant la résidence principale du débiteur en liquidation judiciaire, sont-elles contraires au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, en ce qu'elles semblent introduire une discrimination entre les débiteurs en liquidation judiciaire selon qu'ils se trouvent dans une situation procédurale antérieure ou postérieure à la publication de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, en ce qu'elles privent les débiteurs en liquidation judiciaire au moment de la promulgation de la loi du 6 août 2015 du principe de l'application immédiate de la loi dans le temps et introduisent ainsi une discrimination entre les débiteurs en état de liquidation judiciaire, et en ce qu'elles introduisent un principe discriminatoire entre les débiteurs en liquidation judiciaire dont les créanciers ont des droits nés avant la promulgation de ladite loi du 6 août 2015 ? » ;

Attendu que l'article L. 526, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, énonce que, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits qu'a une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne ; que l'article 206 IV de la même loi dispose que ce texte n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la loi ;

Attendu que cette disposition est applicable au litige, en ce qu'il concerne la vente forcée, ordonnée par le juge-commissaire, de l'immeuble appartenant à Mme Y..., débitrice en liquidation judiciaire répondant aux critères légaux ; qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, d'autre part, que le principe constitutionnel d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que la question n'est pas sérieuse en ce que, d'abord, l'entrepreneur individuel mis en liquidation judiciaire avant la publication de la loi du 6 août 2015, et qui n'avait pas estimé nécessaire de déclarer insaisissables ses droits sur sa résidence principale, n'est pas dans la même situation que celui qui s'endette, après cette date, pour les besoins de son activité professionnelle, et qui bénéficie de plein droit de cette insaisissabilité, et en ce que, ensuite, les dispositions critiquées résultant d'une loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ont pour objet de promouvoir la création d'entreprises individuelles tout en assurant la protection de la résidence principale des entrepreneurs et que la différence de traitement ainsi instituée est donc en rapport direct avec cet objet ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.