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Décisions

CA Paris, 15e ch. B, 9 avril 2009, n° 06/22892

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Crédit Industriel de l’Ouest (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fossier

Conseillers :

Mme David, Mme Delbes

Avoué :

Me Teytaud

Avocats :

Me Chas, Me Pairaud

TGI Tours, du 10 avr. 2003, n° 03/02118

10 avril 2003

Au début de I ‘année 2000, les associés de la SARL DGV-PVC ont décidé de procéder à une augmentation de capital au moyen de compensation avec leur propres créances sur la société (méthode de l’incorporation de créances). Ces créances étaient constituées, par un biais factuel qui n’a pas été indiqué à la cour, d’apports en compte courant effectues tant par certains des associés fondateurs que par de nouveaux associés.

Messieurs Jacques et Yann Goudeau, Dravert, Dupuy et Morineau, et Madame Lesage-Maremanni. Souhaitant souscrire à cette augmentation de capital, ont déposé des fonds

- entre 5.000 et 25.000 euros environ chacun monnaie du jour

- a cet effet sur un compte ouvert au nom de la société DGV-PVC dans les livres du Crédit Industriel de l’Ouest.

L’augmentation de capital n’a pas été réalisée. Faute d'obtenir la restitution des fonds utilises a d'autres fins par le gérant, lequel a d’ailleurs été juge pour abus de confiance, et la société étant finalement liquidée judiciairement avec un passif tel qu'il rendait leur créance irrecouvrable les candidats à la souscription ont assigne la banque afin d'obtenir sa condamnation à leur rembourser le montant des sommes versées à la société DGV-PVC.

Par jugement du 10 avril 2003, le T.G.I. de Tours a estimé que la banque aurait dû faire preuve d'une vigilance particulière dans l’exercice de son devoir général de précaution et de prudence ; que les fonds étaient grevés d'une affectation dont ['augmentation de capital constituait la cause, de sorte que la banque se devait de ne pas rendre disponibles les fonds affectes avant que tous les souscripteurs soient agrées en qualité d’associes, d'autant qu’ils ne bénéficiaient d'aucun mécanisme légal de restitution en cas de défaillance de l'opérations. Le tribunal en a déduit que la banque avait commis une faute en lien avec la perte de chance des associés de récupérer leur argent, et a évalué les préjudices au montant exact des apports de chacun.

Ce jugement a été intégralement confirme par arrêt rendu à Orleans le 30 septembre 2004. La cour a notamment énoncé que même si la banque n'était pas tenue par les régies de l’incorporation de créances telles qu'édictées par le Code de commerce à propos des seules S.A., il lui appartenait de donner aux fonds remis en vue de l’augmentation de capital l’affectation spéciale qu'ils devaient recevoir et ne pas laisser le gérant de la SARL en disposer immédiatement et librement, sans s’être assurée de la réalisation de l‘augmentation.

Par arrêt du 20 juin 2006, la Cour de cassation (chambre CFE) a cassé la décision du 30 septembre 2004, au motif principal que les fonds litigieux n’avaient pas été verses au compte courant de la société pour une augmentation de capital en numéraire mais afin de constituer au profit des dépositaires des créances liquides certaines et exigibles en vue de permettre leur incorporation ultérieure par voie de compensation dans le capital social de la société. La Cour d'appel de Paris a été désignée pour juger à nouveau le fond.

La déclaration de saisine après renvoi de cassation a été faite par le Crédit industriel de l'Ouest le 28 décembre 2006.

Dans ses dernières écritures, au sens de l’article 954 du Code de procédure civile, déposées le 13 janvier 2009, la SA Crédit Industriel de I ’Ouest demande à la Cour, adoptant le raisonnement de la Cour de cassation, d’infirmer le jugement rendu à Tours le 10 avril 2003 et de débouter les intimes de toutes leurs prétentions. L'appelante réclame 5000 euros pour ses frais de procédure.

Subsidiairement, la banque rappelée que la faute principale a consisté dans le détournement des fonds par le gérant de la SARL, que secondairement la liquidation judiciaire est survenue et aurait de toute façon prive les associes du montant de leurs apports, qu'enfin ceux-ci n'ont pas et6 correctement évalués au cours des phases antérieures de la procédure.

Messieurs Goudeau Jacques et Yann, Dupuy et Morineau ont conclu le 13 octobre 2008.11s exposent que la banque a toujours eu une parfaite connaissance de la destination des fonds, en soi qu'elle s'est montrée négligente, en ne requérant ni la preuve de I ‘augmentation de capital avant de se défaire des fonds, ni la preuve qu’une résolution avait opté pour la voie de compensation. Des lors, ces intimes demandent la confirmation du jugement entrepris et la condamnation du C.I.O. à leur payer les intérêts, capitalises, et 800 euros chacun pour frais de procédure.

Monsieur Dravert par son liquidateur judiciaire Maitre VILLA, désigné a cette fonction par jugement du 15 novembre 2005, s'est constitué mais n'a pas conclu au fond.

Messieurs Christophe et Bernardo MAREMMANI, venant aux droits de Madame Lesage-Maremmani, leur mère décédée, ont été assignes selon les régies de l’article 659 Code de procédure civile, le premier le 22 octobre 2008, le second le 7 septembre 2007.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR.

Considérant pour user des mots d'un commentateur de 1'arret de cassation qui a suscité la présente instance, que lorsque I ‘augmentation de capital en numéraire doit être libérée par compensation, les apporteurs sont d’abord des créanciers de la société, a raison des créances qui peuvent résulter de contrats d’affaires ou encore de prêts d’argent ;

Que les fonds ainsi prêtés en vue d'une augmentation ultérieure de capital se mêlent aux autres actifs sociaux et sont exposés au risque d’entreprise ;

Qu'ils sont portes au crédit du compte courant de la société auprès de la banque, qui n'assume aucune garantie de représentation à l'égard des apporteurs ;

Considérant que cette règle, qui conforte l’égalité des créanciers notamment en cas de cessation des paiements, ne saurait recevoir d'exception que dans un cas prévu par la loi (celui des sociétés anonymes), étranger à l’hypothèse de I‘espèce ;

Considérant des lors que les premiers juges n’ont pu faire valablement reproche à la banque d’avoir respecté cette égalité, et que leur décision doit être infirmée ;

Considérant que la partie qui succombe répètera à l'autre les dépens et les frais irrépétibles ; 

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Statuant à nouveau.

Déboute les intimes de toutes leurs prétentions et les condamne, in solidum, à payer à la SA CREDIT INDUSTRIE DE L’OUEST la somme de cinq mille (5000) euros pour frais irrépétibles de procédure ;

Condamne les mêmes aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci étant recouvres conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.