CA Montpellier, 1re ch. D, 20 décembre 2018, n° 18/00620
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Muller
Conseillers :
Mme Gregori, Mme Sarret
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte du 6 janvier 2011 enregistré le 11 février 2011, Madame Elisabete M. a cédé à Madame Rachel G. épouse M. B. le fonds de commerce 'Casa Portugaise' sis [...] pour la somme de 60 000 € payable en 84 mensualités.
Par arrêt en date du 13 octobre 2015, la Cour d'Appel de Montpellier a confirmé l'ensemble des dispositions du jugement du Tribunal de Grande Instance de Béziers du 24 mars 2014 qui a condamné Madame Rachel G. épouse M. B. à payer à Madame Elisabete M. la somme de 60 000 € au titre du prix de vente demeuré impayé, ainsi que celles de 5000 € à titre de dommages et intérêts et 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , la Cour condamnant également Madame Rachel G. épouse M. B. au paiement en cause d'appel d'une somme de 1000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 24 octobre 2016, le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Perpignan, saisi de contestations relatives à un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de deux véhicules a :
- débouté Madame Rachel G. épouse M. B. de sa demande de mainlevée de la saisie concernant le véhicule automobile de marque AUDI et dit que les actes d'exécution doivent produire leurs pleins effets
- ordonné la mainlevée de la saisie concernant le véhicule de marque PEUGEOT 307, les frais relatifs à cette saisie et à sa mainlevée restant à la charge de Madame Elisabete M.
- débouté Madame Rachel G. épouse M. B. de sa demande de délais de grâce
- condamné Madame Rachel G. épouse M. B. au versement d'une somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Le 13 juin 2017, Madame Elisabete M. a fait pratiquer à l'encontre de Madame Rachel G. épouse M. B. une saisie-vente portant sur la somme globale de 71 896, 31 euros en exécution des décisions précitées et signifiées le même jour à Madame Rachel G. épouse M. B. à domicile.
A la suite de la contestation de Madame Rachel G. épouse M. B. , le juge de l'exécution de Perpignan a, par jugement du 18 décembre 2017 :
- débouté Madame Rachel G. épouse M. B. de l'ensemble de ses prétentions
- déclaré valable le procès-verbal de saisie-vente signifié le 13 juin 2017
- autorisé le créancier pousuivant à continuer la procédure de saisie
- condamné Madame Rachel G. épouse M. B. à payer à Madame Elisabete M. la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné Madame Rachel G. épouse M. B. aux dépens, en ceux inclus les frais d'exécution.
Ce jugement a été notifié à Madame Rachel G. épouse M. B. par le greffe du juge de l'exécution par lettre recommandée avec demande d'avis de réception revenu non réclamé.
Madame Rachel G. épouse M. B. a interjeté appel de cette décision par déclaration du 5 février 2018.
Par conclusions signifiée par la voie électronique le 15 mai 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Madame Rachel G. épouse M. B. demande à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions la décision dont appel,
- et, statuant à nouveau :
- constater que M. Luis M. B. est propriétaire de la machine à bière BEER DRAFT, de la télévision TOSHIBA, du siège HIFI noir et du siège HIFI rouge, de la télévision TOSHIBA, de deux tabourets haut assise noire, d'une chaise de bureau, du lot de trois chaises, de la machine à café TASSIMO,
- constater que Mme Pauline M. est propriétaire du
buffet 4 portes noir et blanc, de la cave à vin CAVISS, de la table rectangulaire et de 6 chaises simili cuir, du canapé cuir 3 places et de deux fauteuils, du téléviseur grand écran plat THOMSON, du buffet 2 portes / 2 portes vitrée, de la télévision écran plat THOMSON, de la tablette IPAD, de la machine à coudre SIRUBA, d'une chaise de bureau, d'un siège de bureau à roulette rouge et noir et du four à micro ondes SAMSUNG, du réfrigérateur AMERICAN LG,
- constater que M. Romain M. est propriétaire du véhicule BMW CM 903 VF, de la centrale vapeur LAURASTAR S4, de la table basse noire/blanche, du tapis de marque SPACE SAVER, du billard tapis rouge, du vélo d'appartement, d'appareil de musculation LONGWAY, de l'écran plat PANASONIC DS 500, de deux écrans plats ordinateurs « ESSENTIEL '' et «ASUS '', du clavier STRIKE + Unité centrale STRIKE, carabine AIR SOFT, de l'appareil électroménager COOKEO, de la machine à café DELONGHI, de l'appareil « T '' KRUPS, QUAD
POLARIS 330 CX 869 YS,
- constater que M. Frederick G. est propriétaire de la barre de son SOUNDVISION, de l'ordinateur MAC APPLE avec écran et clavier, de l'overboard rouge, du robot à pâtisser CONTINENTAL EDISSON,
- constater que M. Vincent G. est propriétaire de l'enceinte ESSENTIEL «déclarée appartenir à un tiers ''
- constater que la société B. RENOV SARL est propriétaire de l'ímprimante HP OFFICE JET PRO 7740
- dire et juger nulle la saisie vente pratiquée par procès verbal en date du 13 juin 2017 en ce qu'elle concerne tous les biens précités
- laisser à la charge du créancier poursuivant les frais d'exécution de la saisie vente,
- condamner Mme Elisabete M. aux entiers dépens et à la somme de 2.500 euros au titre de Particle 700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions signifiée par la voie électronique le 30 mars 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Madame Elisabete M. demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris
- débouter Madame Rachel G. épouse M. B. de ses demandes en nullité
- condamner Madame Rachel G. épouse M. B. à lui payer la somme de 2000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens.
MOTIVATION
Sur la demande de nullité de la saisie-vente
Aux termes de l'article R. 221-9 du code de procédure civile d'exécution, les opérations de saisie-vente peuvent se dérouler en tout lieu où se trouvent les biens mobiliers appartenant au débiteur, même s'ils sont détenus par un tiers.
En l'espèce, la saisie-vente du 13 juin 2017 s'est déroulée au domicile habituel de Madame Rachel G. épouse M. B. situé [...], cette dernière ne contestant pas résider à cette adresse avec son époux. Peu importe que seul son conjoint soit titulaire du bail de ce logement, comme le soutient l'appelante pour invoquer la nullité de la saisie, dés lors que ce lieu est susceptible de contenir des biens mobiliers appartenant à cette dernière.
Par ailleurs, aucune disposition du code de procédure civile d'exécution n'exige la présence du débiteur lors des opérations de saisie, l'huissier de justice devant néanmoins respecter les formalités prévues par les articles L.142-1 à L.142-3 du code de procédure civile d'exécution.
En l'espèce, le seul fait que Mme Rachel G. épouse M. B. n'ait pas été présente lors des opérations de saisie-vente ne saurait donc constituer un motif de nullité de la saisie, alors qu'il n'est pas invoqué que les formalités prescrites par les articles précités n'auraient pas été respectées.
Enfin, le débiteur peut demander la nullité de la saisie portant sur un bien dont il n'est pas propriétaire en application de l'article R 221-50 du code de procédure civile d'exécution.
Il convient de relever que ces dispositions n'exigent pas que le tiers, propriétaire prétendu soit appelé en la cause, ni que celui-ci ait parallèlement saisi le juge de l'exécution aux fins d'obtenir la distraction des biens dont il est propriétaire. En conséquence, Mme Elisabete M. ne saurait conclure , en l'espèce, au rejet de la demande formée par Madame Rachel G. épouse M. B. au seul motif que les tiers désignés par elle aux termes de ses conclusions comme propriétaires des biens saisis n'aient pas agi en distraction devant le juge de l'exécution sur le fondement de l'article R221-51 du code de procédure civile d'exécution.
Madame Rachel G. épouse M. B. invoque ne pas être propriétaire d'un certain nombre de biens ayant fait l'objet de la saisie, tels que résultant de ses conclusions susvisées.
Lorsque les biens saisis sont en possession du débiteur parce qu'ils se trouvent dans un local lui appartenant ou occupé par lui, il incombe au débiteur qui prétend ne pas en être le propriétaire malgré les apparences de faire échec aux termes de l'article 2276 du code civil selon lequel 'en fait de meubles, la possession vaut titre'. Si le débiteur établit que les biens saisis ou certains d'entre eux ne lui appartiennent pas, la saisie doit être totalement ou partiellement annulée.
En l'espèce, Madame Rachel G. épouse M. B. établit par la production de factures qu'elle n'est pas propriétaire des biens suivants figurant au procès-verbal de saisie-vente :
* au titre des factures établies au nom de Romain M.
- une centrale vapeur 'Laur Astar S4" ( facture du 16 septembre 2016)
- un billard tapis rouge (facture du 4 avril 2014)
- un écran Panasonic DS (facture du 11 mars 2017)
- un écran plat ordinateur Essentiel (facture du 25 mars 2014)
- un écran plat ordinateur Asus (facture du 14 juin 2017 qui fait état d'un achat effectué le 30 avril 2016, soit antérieurement à la saisie)
- une unité centrale Strike (facture du 15 février 2014)
- un appareil électroménager Moulinex Cookéo (facture du 5 novembre 2016)
- une machine à café Delonghi (facture du 1er septembre 2015)
- un appareil T de marque Krups (facture du 28 décembre 2016)
* au titre des factures établies au nom de Pauline M.,
- un buffet 4 portes noir et blanc (facture du 23 mars 2014)
-une cave à vins 'Caviss' (facture du 16 novembre 2015)
- un buffet deux portes, deux portes vitrées (facture du 23 mars 2014)
- une télévision écran plat Thomson (facture du 17 septembre 2014)
- un siège de bureau à roulettes rouge et noir (facture du 21 mars 2014)
- un réfrigérateur américain de marque LG (facture du 14 août 2014)
- un four micro-onde Samsung (facture du 5 août 2014), lequel figure dans l'exemplaire du procès-verbal de saisie-vente remis à la débitrice (pièce n° 1) et qui ne figure pas dans l'exemplaire produit par la créancière (pièce n° 5), certainement à la suite d'une omission purement matérielle
* au titre des factures établies au nom de Frédéric G.
- une basse de son 'Sound Vision' (facture du 28 février 2016)
- un ordinateur 'Apple' MAC avec écran et souris (facture du 27 octobre 2015)
- un overboard rouge (facture du 13 décembre 2016)
- un robot à pâtisser 'Continental Edison' (facture du 15 décembre 2016)
* au titre des factures établies au nom de Luis M. B.
- deux télévisions Toshiba (factures du 2 avril et 14 novembre 2012)
* au titre des factures établies au nom de la SARL B. RENOV
- une imprimante HP Office Jet Pro 7740 (facture du 15 avril 2017)
Ces factures ne sauraient être écartées, comme le demande Madame Elisabete M., au seul motif qu'il ne serait pas justifié de leur paiement par la personne au nom de qui elles sont établies, alors d'une part que pour certaines d'entre elles, Madame Rachel G. épouse M. B. justifie au moyen de relevés de compte versées aux débats qu'elles ont bien été acquittées par ces personnes ( c'est le cas pour la centrale vapeur, l'appareil Cookéo et l'écran plat Thomson) et d'autre part qu'en tout état de cause, de telles factures suffisent à établir la preuve d'une propriété mobilière sans qu'il soit besoin d'apporter la preuve de leur règlement, sauf au créancier saisissant à apporter des éléments de preuve de nature à contredire les factures en question. En l'espèce, Madame Elisabete M. n'invoque aucun élément de fait ou ne verse aux débats aucun document établissant que les tiers en question n'ont pas acquis les biens figurant sur ces factures à titre personnel. A cet égard le seul fait qu'il s'agisse de personnes vivant ou ayant vécu au domicile de Madame Rachel G. épouse M. B. ne suffit pas à apporter cette preuve. De même, le seul fait que les parties soient en litige depuis plusieurs années ne suffit pas à établir que la débitrice tenterait de faire échapper ses biens à toute mesure d'exécution par l'établissement de factures au nom de tiers.
En ce qui concerne le bien acquis par Luis M. B., conjoint de la débitrice, il n'est pas contesté que les époux sont mariés depuis le 23 mai 2015. Il n'est pas invoqué par Madame Rachel G. épouse M. B. qu'ils seraient mariés sous le régime de la séparation de biens. Tous les biens acquis depuis le mariage sont donc réputés être acquis pour le compte de la communauté en application de l'article 1401 du code civil. Cependant les biens dont il est justifié de l'acquisition par Luis M. B. ont été achetés les 2 avril et 14 novembre 2012, soit avant le mariage et appartiennent en propre à ce dernier, conformément à l'article 1405 du code civil, peu important que Madame Rachel G. épouse M. B. ait été non sa concubine à l'époque de ces achats, dés lors que la facture est bien établie au nom de Luis M. B..
En revanche, Madame Rachel G. épouse M. B. ne démontre pas que les autres biens invoqués appartiennent à des tiers :
- soit en l'absence de toutes pièces justificatives d'acquisition (c'est le cas de la machine à bière, des sièges Hifi noir et rouge, des tabourets en assise noire, d'une chaise de bureau, d'un lot de trois chaises, de la machine à café Tassimo, de la carabine Air Soft et du clavier Strike, la facture du 15 février 2014 faisant état uniquement de l'unité centrale)
- soit en l'absence de pièce justificative suffisament probante pour déterminer si le bien, objet de la facture est bien celui correspondant au bien saisi (c'est le cas de la table basse, de deux fauteuils, des 6 chaises simili cuir, d'une chaise de bureau, tels que visés par le procès-verbal de saisie dont il est impossible de savoir s'ils sont ceux figurant sur les factures produites, en l'absence de caractérisques particulières permettant de les reconnaître)
- soit en l'absence de pièce justificative suffisamment probante pour établir si l'acquisition a été faite au nom du tiers ( c'est le cas du véhicule BMW pour lequel il n'est produit qu'un acte de cession, qui même s'il est établi au nom de Romain M., ne suffit pas à apporter la preuve de cette acquisition en son nom, en l'absence d'autres documents, tel que la carte grise du véhicule ou le certificat d'assurance, les retraits d'argent effectués sur le compte de ce dernier n'étant pas davantage probants à ce titre ; c'est le cas également de la tablette IPAD, la pièce n° 16 étant illisible et du Quad Polaris, la facture produite en date du 27 août 2014 constituant une facture de réparation et d'entretien mais non une facture d'achat )
- soit en raison de l'irrecevabilité des attestations produites aux débats lesquelles ne répondent pas aux conditions de forme exigées par l'article 202 du code de procédure civile ( c'est le cas pour le canapé cuir 3 places, l'enceinte 'Essentiel', le tapis de marche Space Saver, le vélo d'appartement , l'appareil de musculation Longway et la machine à coudre , les attestations établies à ce titre par M. T., M. G., M. C. et Mme R. ne comportant notamment aucune pièce d'identité, aucune mention de ce que leur témoignage est produit en justice et est susceptible d'entraîner des sanctions pénales en cas de fausses déclarations, l'attestation de M. G. n'étant, en outre, ni datée, ni signée)
Il y a lieu en conséquence d'infirmer partiellement le jugement du 24 octobre 2016 en ce qu'il a débouté Madame Rachel G. épouse M. B. de l'ensemble de ses contestations et validé la saisie-vente en son intégralité (en l'absence de comparution de la débitrice) et statuant à nouveau de dire que la saisie-vente du 13 juin 2017 est annulée partiellement pour les biens déterminés par le présent arrêt comme étant la propriété de tiers, ainsi qu'il est statué plus haut et reste valable pour le reste du mobilier saisi.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont dû exposer en cause d'appel dans le cadre de la présente instance. Elles seront déboutés de leur demande à ce titre.
La saisie-vente étant déclarée valable pour partie et Madame Rachel G. épouse M. B. succombant partiellement à ses contestations, il y a lieu de laisser à sa charge les dépens de première instance et d'appel, qui comprendront notamment les frais de la procédure de saisie-vente.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoire,
- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame Rachel G. épouse M. B. de l'ensemble de ses contestations et validé la saisie-vente en son intégralité
- et statuant à nouveau, prononce la nullité de la saisie-vente du 13 juin 2017 mais uniquement en ce qui concerne les biens suivants :
- la centrale vapeur 'Laur Astar S4"
- le billard tapis rouge
- l'écran Panasonic DS
- l'écran plat ordinateur Essentiel
- l'écran plat ordinateur Asus
- l'unité centrale Strike
- l'appareil électroménager Moulinex Cookéo
- la machine à café Delonghi
- l'appareil T de marque Krups
- le buffet 4 portes noir et blanc
- la cave à vins 'Caviss'
- le buffet deux portes, deux portes vitrées
- la télévision écran plat Thomson
- le siège de bureau à roulettes rouge et noir
- le réfrigérateur américain de marque LG
- le four micro-onde Samsung
- la basse de son 'Sound Vision'
- l'ordinateur 'Apple' MAC avec écran et souris
- l'overboard rouge
- le robot à pâtisser 'Continental Edison'
- deux télévisions Toshiba
- l'imprimante HP Office Jet Pro 7740.
En conséquence, déclare valable la saisie-vente du 13 juin 2017 en ce qui concerne les autres biens,
- Confirme le surplus des dispositions du jugement déféré,
- Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne Madame Rachel G. épouse M. B. aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront notamment les frais de la procédure de saisie-vente.