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Décisions

Cass. com., 13 mars 2012, n° 11-13.983

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Laugier et Caston, Me Copper-Royer

Limoges, du 20 janv. 2011

20 janvier 2011

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 20 janvier 2011), que le 29 avril 2008 la société A... Euro Link (la société CEL) a été mise en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 28 août 2008, M. X... étant désigné liquidateur ; que, le 1er août 2008, la société Y... finances (la société TF) a présenté, pour le compte de sa filiale TCEL, une offre de reprise partielle de la société CEL dans le cadre d'un plan de cession ; que, le 12 septembre 2008, le juge-commissaire a ordonné la vente à forfait partielle du fonds de commerce de la société CEL à la société TF ; que l'arrêt confirmatif du 3 décembre 2009 a donné lieu à un arrêt d'irrecevabilité le 17 mai 2011 de la chambre commerciale, financière et économique ; que le 3 avril 2009, le tribunal, saisi par M. X..., a constaté que la vente était parfaite à la date du 12 septembre 2008 et que son jugement valait acte authentique de cette vente ; que Mme Z..., liquidateur de la société TECL, et la société TF avaient, le même jour, saisi le tribunal en nullité de l'offre de cession ;

Attendu que Mme Z..., ès qualités, et la société TF font grief à l'arrêt, d'avoir rejeté leurs demandes en nullité et résolution de la " vente à forfait partiel du fonds de commerce " de la société CEL à la société TF ou à toute autre personne qui viendrait à la substituer, ordonnée par le juge-commissaire le 12 septembre 2008, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu du principe de l'intangibilité de son offre, le cessionnaire est en droit de demander l'annulation d'une vente faute pour celle-ci d'avoir été ordonnée conformément aux termes de son offre ; qu'il ressortait des termes de l'offre de reprise présentée par la société TF, relative à une branche d'activité de la société CEL, soit l'exploitation de lignes de transport régulières, la clientèle de ces lignes et les conducteurs y travaillant, qu'elle portait sur une cession partielle d'entreprise, expressément fondée sur les termes de l'article L. 642-1 du code de commerce ainsi que le faisaient valoir la société TF et Mme Z..., ès qualités, dans leurs conclusions d'appel que la cour d'appel a elle-même constaté, par motifs adoptés, que l'ordonnance du juge-commissaire en date du 12 septembre 2008 et rendue au vu l'article L. 642-19 du code de commerce, ordonne la vente à forfait partielle ; qu'en refusant cependant d'annuler la vente ordonnée alors que seules deux lignes de transport étaient en réalité susceptibles d'exploitation sur les dix lignes annoncées motifs pris de ce qu'était en cause non une vente de droit commun mais une opération dont le caractère forfaitaire impliquait l'existence d'un aléa exclusif de l'application des règles de droit commun de la vente, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 642-1 et L. 642-2 du code de commerce, ensemble les dispositions des articles 1108 et suivants du code civil ;

2°/ qu'après avoir communiqué à M. Y... un tableau récapitulatif de dix-neuf lignes de transport, dix-huit existantes et une en création, la société CEL, par l'intermédiaire de M. A... a, le 9 septembre 2008, soit postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire du 28 août 2010 avec maintien de l'activité jusqu'au 31 août, adressé à M. Y... la liste du personnel correspondant à seulement dix lignes ; que sur la base de ce document, le conseil de la société TF a, par lettre du 10 septembre 2008 adressée au tribunal de commerce, au ministère public, et à M. X..., indiqué qu'" en conséquence, la société TF n'a plus la capacité, compte tenu de la diminution du trafic marchandises, de maintenir son offre sur l'ensemble des dix-huit lignes proposées, mais seulement sur dix d'entre elles … " ; qu'en considérant cependant que " le cessionnaire ne peut sérieusement soutenir (…) que la poursuite de l'exploitation des dix lignes visées dans le courrier de son conseil daté du 10 septembre 2008 était une condition de son engagement alors que la cessation d'activité de la société liquidée dès le 31 août avait nécessairement conduit à l'arrêt de l'exploitation de toutes les lignes de transport à cette date ", la cour d'appel a purement et simplement dénaturé les termes clairs et précis de ladite lettre du 10 septembre 2008, en méconnaissance des dispositions de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que la cession totale ou partielle de l'entreprise du débiteur en liquidation judiciaire telle qu'ordonnée par le juge-commissaire ne prive pas l'acquéreur de la possibilité de demander la résolution de la cession sur le fondement d'un défaut de délivrance de la chose vendue ; que l'obligation de délivrance subsiste nonobstant l'éventuelle exclusion des garanties de droit commun de la vente dans une cession présentant un caractère forfaitaire et aléatoire ; que la cour d'appel a pourtant affirmé que " la demande en résolution de la vente pour manquement du mandataire liquidateur à son obligation de délivrance ne peut utilement se fonder (…) sur la non-délivrance de lignes de transport exploités à la date de l'ordonnance du juge commissaire ", non sans avoir invoqué le " caractère forfaitaire de la vente impliquant l'existence d'un aléa exclusif de l'application des règles de droit commun de la vente " ; qu'en déboutant dès lors Mme Z..., ès qualités, et la société TF de leur demande en résolution de la vente pour non-délivrance des lignes de transport cédées, motifs pris du simple caractère aléatoire de la vente " à forfait partiel " telle qu'ordonnée par le juge commissaire le 12 septembre 2008, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 642-1 et L. 642-2 du code de commerce, ensemble celles des articles 1108 et suivants et 1603 et suivants du code civil ;

4°/ qu'en cas de cession partielle ou totale d'une société mise en liquidation judiciaire, il incombe au liquidateur, tenu comme tout vendeur de l'obligation de délivrance, de prouver que la chose vendue a été mise à la disposition du repreneur dans le délai convenu ; qu'en considérant dès lors " qu'aucune preuve n'était apportée de la non-délivrance des dix autres véhicules listés par le repreneur " cependant qu'il incombait précisément, ainsi que le faisaient valoir la société TF et Mme Z..., ès qualités, dans leurs conclusions récapitulatives d'appel, au liquidateur de rapporter la preuve de la bonne exécution de son obligation de délivrance du matériel vendu, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et méconnu les dispositions des articles 1315 et 1603 et suivants du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient, par motifs propres, que rien n'établit que M. X... avait garanti au cessionnaire la poursuite de l'exploitation des lignes de transport reprises, que le cessionnaire n'ignorait pas au jour de la décision du juge commissaire, le 12 septembre 2008, le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire avec maintien de l'activité jusqu'au 31 août 2008 seulement et qu'il ne pouvait donc soutenir que la poursuite de l'activité sur ces dix lignes était une condition de son engagement, cependant que la cessation d'activité avait nécessairement conduit à l'arrêt de l'exploitation de toutes les lignes de transport à cette date ; qu'en l'état de ses seules constatations et appréciations, la cour d'appel, a, sans encourir le grief de dénaturation, légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant, d'un côté, constaté que la cessation de l'activité ayant nécessairement conduit à l'arrêt de l'exploitation de toutes les lignes de transport, Mme Z..., ès qualités, et la société TF ne pouvaient se prévaloir de la non-délivrance des lignes de transport exploitées à la date de l'ordonnance du juge commissaire, et de l'autre, retenu que les repreneurs, qui tentaient de se désengager, n'avaient pas cherché à prendre possession des biens objets de la cession et qu'il n'était pas établi que le tracteur, ayant fait l'objet d'une revendication préalablement à la cession, ait fait partie des biens cédés, la cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;


D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.