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Décisions

Cass. com., 27 novembre 2012, n° 11-24.822

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Aix-en-Provence, du 11 mai 2011

11 mai 2011


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mai 2011), que, les 20 janvier et 20 octobre 2006, Mme Y..., exploitante d'un débit de tabacs, et la SCI CGRC ont été mises en liquidation judiciaire, M. Z... étant désigné liquidateur ; que, par ordonnance du 11 juillet 2007, le juge-commissaire a autorisé, au profit de la société Cataldo, la cession du fonds de commerce pour un prix de 110 000 euros et de l'immeuble dans lequel le fonds était exploité pour un prix de 180 000 euros ; que, par acte notarié du 11 février 2008, la cession du fonds de commerce a été convenue entre M. Z..., ès qualités, et la société Cataldo ; que, par lettre du 14 octobre 2008, la direction régionale des douanes a informé le conseil de la société Cataldo que l'agrément d'exploitation du débit de tabacs avait été définitivement perdu le 9 mai 2007, faute de présentation d'un successeur, et que toute nouvelle demande serait refusée ; que, le 15 février 2010, le tribunal a jugé que, le fonds de commerce ayant perdu une partie de sa valeur, son prix de vente devait être réduit ; que, le 4 novembre 2011, la société Cataldo a été mise en redressement judiciaire, M. X... étant désigné mandataire judiciaire ;

Attendu que la société Cataldo et M. X..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'acte notarié, dénommé "cession de fonds de commerce", établi le 11 février 2008 en application de l'ordonnance rendue le 11 juillet 2007 par le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de Mme Y..., a, sans la moindre ambiguïté, porté cession à la société Cataldo d'un "fonds de commerce de débit de boissons, bimbeloterie, articles de fumeurs, tabacs, presse, pompes à essence (deux pompes gasoil et ancien super), dépôt de gaz sis à Noves (13550) Hameau des Paludes, connu sous le nom de "Café des Arènes" pour lequel le propriétaire failli était immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Tarascon, sous le numéro 443.601.851" et n'a pas visé l'immeuble dans lequel était exploité le fonds ; qu'en retenant néanmoins que la cession avait porté sur l'"entreprise globale" du débiteur failli, savoir "le fonds de commerce … et l'immeuble dans lequel il était exploité", pour en déduire qu'elle n'aurait pas été une cession de droit commun permettant au cessionnaire de se prévaloir des garanties légales de droit commun, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

2°/ que, sous le régime de la loi du 26 juillet 2005, la vente de gré à gré d'un bien meuble du débiteur en liquidation judiciaire autorisée par le juge-commissaire est une vente de droit commun au titre de laquelle l'acquéreur peut se prévaloir des garanties légales, telles que la garantie d'éviction, celle des vices cachés ou la rescision pour lésion ; que la cour d'appel avait constaté, d'une part, que la procédure de liquidation judiciaire avait été ouverte à l'encontre de Mme Y... le 20 janvier 2006, ce dont il résultait que cette procédure collective était régie par les dispositions du code de commerce telles que modifiées par la loi du 26 juillet 2005, d'autre part, que la vente du fonds de commerce avait été autorisée de gré à gré par le juge-commissaire, ce dont il résultait que cette vente était une vente de droit commun au titre de laquelle le cessionnaire pouvait se prévaloir des garanties légales de droit commun ; qu'en retenant néanmoins, pour en déduire que le cessionnaire ne pouvait pas invoquer les garanties légales prévues pour les ventes de droit commun, que la vente était une vente faite par autorité de justice, la cour d'appel a violé l'article L. 642-19 du code de commerce, en sa rédaction applicable à la cause ;

3°/ qu'à supposer même que l'acquéreur d'un bien meuble du débiteur en liquidation judiciaire, vendu de gré à gré après autorisation du juge-commissaire, ne puisse pas se prévaloir des garanties légales applicables à la vente de droit commun, il lui demeure néanmoins toujours possible d'agir en nullité de la vente pour vice du consentement ; qu'en retenant néanmoins que dans un tel cas, l'action en nullité de la vente pour vice du consentement serait fermée au cessionnaire, la cour d'appel a violé l'article L. 642-19 du code de commerce, ensemble, par refus d'application, les articles 1109 et 1110 du code civil ;

4°/ que, selon les termes clairs et précis de l'acte notarié, le cessionnaire souhaitait faire son affaire personnelle, d'une part, des "agrément(s)" administratifs nécessaires à l'exercice des activités de vente de presse, de dépôt de gaz et de dépôt de carburant, d'autre part, de "la gérance" du débit de tabacs, activité à propos de laquelle il n'était pas fait mention d'éventuelles difficultés liées à l'agrément de l'administration ; qu'en déduisant néanmoins de cette clause que le cessionnaire du fonds de commerce aurait été clairement informé de la situation au regard de l'agrément nécessaire à l'exercice de l'activité de débit de tabacs, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

5°/ que la vente de gré à gré du fonds de commerce d'un débiteur soumis à une procédure de liquidation judiciaire comporte l'obligation pour le liquidateur, nonobstant toute éventuelle clause élusive de responsabilité stipulée à l'acte de vente, de délivrer la chose vendue et les éléments essentiels à son exploitation ; que le cessionnaire peut donc, nonobstant une clause élusive de responsabilité, se prévaloir d'une absence de délivrance s'il apparaît que, dès avant la signature de l'acte de vente, le bénéfice de l'agrément administratif nécessaire à l'exploitation du fonds de commerce avait été perdu par le débiteur failli dans des conditions rendant impossible la présentation à l'administration du cessionnaire en qualité de successeur ; que la cour d'appel avait constaté que le débiteur, dont le fonds avait été cédé, exploitait "un débit de boissons - tabacs - bimbeloterie - dépôt de presse - pompes à essence - dépôt de gaz - vente de bois de chauffage...", ce dont il résultait que, nonobstant toute clause élusive de responsabilité stipulée à l'acte de vente, le cessionnaire pouvait se prévaloir d'une absence de délivrance, dès lors que l'agrément administratif, nécessaire à l'exercice de l'activité de tabacs, avait été perdu par le débiteur failli dans des conditions qui rendaient impossible la présentation de ce cessionnaire à l'administration en qualité de successeur ; qu'en retenant néanmoins que la clause élusive de responsabilité stipulée à l'acte était opposable au cessionnaire, la cour d'appel a violé l'article L. 642-19 du code de commerce, ensemble, par refus d'application, l'article 1604 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé, par une interprétation que rendait nécessaire l'ambiguïté des termes de l'acte notarié du 11 février 2008, que le cessionnaire avait été parfaitement informé, dès avant la signature de l'offre, par le liquidateur des incertitudes relatives à l'obtention des agréments ou autorisations administratives relatives au fonds de commerce cédé, la cour d'appel, hors toute dénaturation et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première, deuxième et troisième branches, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de ses écritures que la société Cataldo a soutenu l'inopposabilité au cessionnaire du fonds de commerce de la clause élusive de responsabilité stipulée à cet acte notarié ;

D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa cinquième branche et ne peut être accueilli en ses première, deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.