CA Montpellier, ch. com., 24 novembre 2020, n° 18/00167
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Santana Holding (SA)
Défendeur :
Combastet Rene (SAS), Pergam (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Prouzat
Conseillers :
Mme Bourdon, Mme Rochette
Avocats :
Me Favre, Me Garrigue, Me Bremond
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
La SA Pergam, anciennement Pergam Finance, dont le siège social se trouve à Bages (Aude), ayant Olivier Combastet comme président et Y comme directrice générale déléguée, a principalement pour activité le service d'investissement de gestion pour le compte de tiers et le courtage d'assurances ; elle bénéficie pour cette activité d'un agrément délivré par l'autorité des marchés financiers (l'AMF) ; elle a notamment pour actionnaire la SAS Naghera, dont M. A est le président, laquelle est détenue à 44,35 % par la SAS René Combastet ancienne maison Gerbaud (la société AMG), société dont M. A est également le président et dont l'activité principale est la prise de participation dans toutes sociétés.
X, personne disposant d'une grande fortune personnelle et vivant alors au Paraguay, a signé, le 21 mai 2008, avec la société Pergam un mandat de conseil pour le choix des investissements à réaliser pour son compte et la gestion de ses actifs.
Le 12 mai 2011, Mme X a promis de souscrire 26 obligations de 50 000 euros chacune d'une émission d'un emprunt obligataire de 1 350 000 euros rémunéré à 4 % par an, que la société AMG se proposait de souscrire au plus tard le 13 juillet 2011, pour un remboursement fixé au 30 juin 2014 ; après que l'assemblée générale des associés de la société AMG eut décidé, le 26 mai 2011, de l'émission de l'emprunt obligataire selon les modalités prévues dans la promesse, Mme X a souscrit, le 3 juin 2011, à 26 obligations de cet emprunt pour un montant total de 1 300 000 euros.
Dans le cadre d'une restructuration des actifs de Mme X, une SAS de droit luxembourgeois Santana holding, dont elle était l'unique actionnaire, a été créée, et par acte sous seing privé du 28 décembre 2011, Mme X lui a cédé diverses valeurs mobilières et des participations dans des sociétés et autres fonds d'investissement moyennant un prix de cession de 8 983 243 euros ; parmi les actifs cédés figuraient une participation évaluée 572 519 euros dans le capital d'une société en commandite par actions de droit luxembourgeois Pergam Properties 2, des obligations valorisées à 1 265 267 euros d'un emprunt émis par cette société, ainsi les 26 obligations souscrites le 3 juin 2011 auprès de la société AMG.
Mme X est revenue en France en mars 2012 pour s'installer à D (Var) où elle est d'ailleurs décédée le 8 juillet 2015
La société AMG, qui ne disposait pas de la trésorerie nécessaire au remboursement de l'emprunt obligataire à son échéance du 30 juin 2014, a établi un document intitulé « promesses réciproques de prorogation d'emprunt obligataire et d'acceptation de la prorogation de l'emprunt obligataire » par lequel elle s'engageait à convoquer une assemblée générale extraordinaire, au plus tard le 14 août 2014, à l'effet d'arrêter les conditions et modalités de la prorogation de l'emprunt obligataire, la durée prévue de la prorogation étant de trois ans et expirant le 30 juin 2017 en contrepartie d'un taux d'intérêt porté à 4,25 % ; de son côté, la société Santana holding promettait irrévocablement, en cas de prorogation de l'emprunt obligataire décidé par l'assemblée générale de la société AMG, d'accepter cette prorogation, son engagement étant limité au 14 août (2014).
Cet acte, non daté, a été signé par M. Z et Mme B, deux des nouveaux administrateurs de la société Santana holding désignés le 20 juin 2014, après que Mme X eut approuvé le document en apposant sa signature sur l'un des exemplaires.
La propriété des actions de la société Santana holding a été cédée par Mme X à la société J&J Asset Sécurisation, société de titrisation de droit luxembourgeois, par acte signé à D en octobre 2014 et à Luxembourg le 4 novembre 2014.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 23 février 2015, réitérée par une sommation faite par acte d'huissier de justice du 25 février suivant, la société Santana holding, désormais détenue à 100% par la société J&J Asset Sécurisation, a mis en demeure la société AMG de procéder au remboursement du montant des 26 obligations souscrites le 3 juin 2011, soit la somme de 1 300 000 euros majorée des intérêts acquis depuis la date du 30 juin 2014, estimant caduque sa promesse de prorogation de l'emprunt.
Par exploit du 4 mai 2016, la société Santana holding a fait assigner la société AMG devant le tribunal de commerce de Narbonne en vue d'obtenir sa condamnation à lui payer, avec exécution provisoire, la somme de 1 300 000 euros correspondant au montant nominal des 26 obligations détenues par elle, majorées des intérêts acquis depuis le 30 juin 2014, date de l'échéance de l'emprunt obligataire.
Reprochant à la société Pergam et à Mme Y d'avoir commis des fautes dans la gestion des actifs de Mme X lui ayant ensuite été transférés, la société Santana holding a, par exploit du 24 octobre 2016, fait assigner ces dernières en intervention forcée pour les voir condamner, in solidum avec la société AMG, au paiement de la somme de 1 300 000 euros majorée des intérêts acquis depuis le 30 juin 2014, outre la somme de 110 500,01 euros en indemnisation de ses préjudices complémentaires en raison de l'impossibilité d'investir la somme non remboursée.
Après jonction des instances, le tribunal a, par un premier jugement du 21 mars 2017, rejeté la demande de Mme Y de nullité de l'assignation délivrée à son encontre, rejeté l'exception d'incompétence soulevée par celle ci et prescrit la réouverture des débats à une audience ultérieure pour qu'il soit statué sur le fond du litige.
Le tribunal, par un second jugement rendu le 7 novembre 2017 a notamment, au visa de l'article L. 228-65 du code de commerce et des articles 1134 et 1382 du code civil :
- dit que la prorogation de l'emprunt obligataire souscrite par la société Santana holding est valable,
- débouté la société Santana holding de toutes ses demandes visant à compenser le prétendu préjudice lié à la prorogation de l'emprunt obligataire,
- dit que la responsabilité de la société Pergam et de Mme Y n'est pas établie,
- rejeté les demandes de dommages et intérêts présentées par la société Santana holding contre la société Pergam et Mme Y,
- condamné la société Santana holding à payer à la société AMG la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Santana holding a régulièrement relevé appel, le 12 janvier 2018, de ce jugement en vue de sa réformation.
En l'état de ses dernières conclusions déposées le 13 septembre 2018 par le RPVA, elle demande à la cour de :
Concernant la demande principale l'opposant à la société AMG, vu notamment les articles L. 228-38 et suivants, les articles R. 228-57 et suivants, l'article L. 235-1 du code de commerce, l'article L. 213-5 du code monétaire et financier, les articles 1101 et suivants, les articles 1134 et suivants et les articles 1147 et suivants du code civil,
- dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,
- constater que la société AMG a réglé la somme de 1 300 000 euros correspondant au montant nominal des 26 obligations détenues par elle, avant le 30 juin 2017,
A titre principal,
- constater la survenance du terme de l'emprunt obligataire du 30 août 2014,
- constater l'impossibilité de proroger un contrat dont le terme est échu et qui est donc éteint,
- en conséquence, dire et juger que le remboursement des 26 obligations détenues par elle sur la société AMG constitue une créance certaine, liquide et exigible depuis le 30 juin 2014,
A titre subsidiaire si, par extraordinaire, la cour considérait que la prorogation de l'emprunt obligataire était possible,
- constater que la prorogation constitue une modification du contrat d'émission de l'emprunt obligataire,
- constater que la société AMG n'a pas rempli les conditions prévues à l'article L. 228-65 du code de commerce pour modifier le contrat d'émission d'un emprunt obligataire,
- en conséquence, dire et juger que la prorogation de l'emprunt obligataire est nulle dès lors que les conditions de l'article L. 228-65 du code de commerce n'ont pas été respectés,
- dire et juger que le remboursement des 26 obligations par elle détenues sur la société AMG constitue une créance certaine, liquide et exigible depuis le 30 juin 2014,
En tout état de cause,
- débouter la société AMG de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions et notamment de son appel incident selon conclusions signifiées le 13 juin 2018,
- ordonner l'exécution provisoire,
- condamner la société AMG à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société AMG aux entiers dépens,
Concernant l'appel en intervention forcée de la société Pergam et de Mme Y, vu notamment les articles L. 533- et L. 553-11 et suivants du code monétaire et financier, les articles 313-9 et 314-1 du règlement général de l'AFM et les articles 1134, 1147, 1371 et suivants du code civil,
- dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,
Concernant la faute de la société Pergam,
A titre principal, vu les articles L. 533- et L. 533-11 du code monétaire et financier, les articles 313-9 et 314-1 du règlement général de l'AFF et les articles 1134 et 1147 du code civil,
- dire et juger que la société Pergam était liée contractuellement à elle selon mandat de gestion du 21 juillet 2008 lui ayant été transféré le 28 décembre 2011,
- dire et juger que la société Pergam était en conflit d'intérêts en proposant la souscription d'obligations de la société AMG destinée au rachat de participation au sein de la société Pergam,
- dire et juger que la société Pergam a manqué à son obligation de loyauté contractuelle,
- dire et juger que la société Pergam n'a pas dûment conseillé Mme X sur les dangers de la souscription des obligations de la société AMG eu égard à sa situation en 2011,
A titre subsidiaire si, par extraordinaire, la cour considérait que le mandat de gestion conclu le 28 décembre 2011 ne la lie pas contractuellement, vu les articles 1371 et suivants du code civil,
- dire et juger que la société Pergam assurait la gestion des actifs de Mme X puis des siennes,
- dire et juger que la société Pergam a manqué à ses obligations de gérant,
A titre subsidiaire si, par extraordinaire, la cour considérait que le mandat de gestion conclu le 28 décembre 2011 ne la lie pas contractuellement et que la société Pergam n'a pas agi en qualité de gérant d'affaires, vu l'article 1382 du code civil,
- dire et juger que la société Pergam a commis des fautes délictuelles engageant sa responsabilité,
Concernant la faute de Mme Y, vu l'article 1382 du code civil,
- dire et juger que Mme Y a commis des fautes délictuelles en dehors de ses missions au sein de la société Pergam,
En tout état de cause,
- constater que la société AMG était en état de cessation de paiements au 30 juin 2014,
- condamner in solidum la société Pergam et Mme Y avec la société AMG à lui régler la somme de 123 630 euros au titre des préjudices complémentaires subis en raison de la perte de la chance d'investir les sommes non remboursées,
- condamner la société Pergam et Mme Y à lui payer la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :
- la prorogation de durée de l'emprunt obligataire n'est pas intervenue avant le terme fixé du 30 juin 2014 dès lors que la promesse réciproque de prorogation n'est pas datée, que M. A n'était pas habilité par l'assemblée générale à l'effet de signer l'acte, que l'assemblée générale de la société AMG, qui est du 14 août 2014, est donc postérieure au terme et que le bulletin de prorogation n'a pas été établi,
- ainsi, il était impossible de proroger un contrat d'emprunt obligataire dont le terme était échu et qui était éteint,
- la modification du contrat quant à la prorogation de la durée de l'emprunt n'a pas été votée par l'assemblée générale des obligataires à l'application du I de l'article L. 228-65 du code de commerce, ce dont il résulte que cette prorogation de l'emprunt est nulle,
- si la somme de 1 300 000 euros avait été perçue dès le 30 juin 2014, elle aurait pu effectuer un placement plus rentable, notamment sur le fond investissement X offrant une performance de 7,42 %, en sorte que son préjudice constitué par la perte de chance d'un meilleur investissement s'établit, par rapport aux intérêts effectivement versés par la société AMG, à 123 630 euros,
- le mandat de conseil initialement conclu entre Mme X et la société Pregam lui a été transféré et elle peut donc s'en prévaloir,
- or, la société Pregam a commis divers manquements contractuels, notamment en proposant à Mme X d'investir dans des obligations émises par la société AMG, dans laquelle elle détenait une participation via la société Naghera, en dépit du conflit d'intérêts existant entre les deux sociétés au sens de l'article 313-9 du règlement général de l'AFM et en ayant parfaitement conscience que la société AMG ne pourrait rembourser l'emprunt obligataire à terme, puis en proposant, par l'intermédiaire de Mme Y, la prorogation de l'emprunt, alors qu'elle n'ignorait pas que la société AMG se trouvait en état de cessation de paiements au 30 juin 2014,
- en toute hypothèse, l'administration fautive des actifs de Mme X eu égard aux conflits d'intérêts existant entre la société AMG et la société Pergam caractérise une faute de cette dernière, en tant que gérant d'affaire qui doit être sanctionnée,
- elle peut également invoquer la responsabilité délictuelle de la société Pergam en tant que tiers au mandat de gestion, auquel les manquements de cette société causent un préjudice direct et certain,
- Mme Y a commis, pour sa part, divers actes fautifs de nature à engager sa responsabilité délictuelle eu égard à sa participation à la fraude organisée par la société Pergam,
- en effet, elle a donné l'ordre de virement du bon de souscription des obligations de la société AMG du 3 juin 2011, a fait signer à Mme X, le 13 juin 2014, la promesse réciproque de prorogation, alors même qu'elle n'en avait pas reçu mandat, et a présidé, le 3 août 2016, l'assemblée générale des obligataires de la société AMG, prenant ainsi la qualité de représentant de M. A, dirigeant de droit de la société.
La société AMG, la société Pergam et Mme Y, dont les conclusions ont été déposées le 13 juin 2018 par le RPVA, sollicite, au visa des articles R. 123-108, L. 228-65 et L. 228-103 du code de commerce et des articles 1134, 1271 à 1273 et 1382 du code civil, de voir :
- dire et juger que la prorogation d'emprunt a eu lieu au plus tard le 30 juin 2014 par un échange de consentements autorisés,
- dire et juger que la société AMG a délibéré le 14 août 2014 sur cette prorogation d'emprunt obligataire,
- dire et juger, en conséquence, que l'emprunt obligataire n'était pas remboursable avant son terme, le 30 juin 2017,
- dire et juger que l'emprunt obligataire souscrit par la société Santana holding a été valablement prorogé,
- dire et juger, en conséquence, que la prorogation de cet emprunt n'a pu causer aucun préjudice à la société Santana holding, imputable à la société AMG,
- dire et juger qu'elles n'ont commis aucune faute contractuelle, quasi contractuelle ou délictuelle ayant pu causer quelque préjudice à la société Santana holding,
- dire et juger qu'elles n'ont commis aucune faute ayant causé un préjudice à la société Santana holding pour avoir conclu avec elle une prorogation d'emprunt obligataire à 4,25 % d'intérêts, qui ont été régulièrement payés,
- dire et juger que la société Santana holding n'a subi aucun préjudice,
- débouter, en conséquence, la société Santana holding de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- recevoir la société AMG en son appel incident,
- dire et juger que l'action à l'encontre de la société AMG a un caractère abusif et préjudiciable,
- condamner la société Santana holding à verser à la société AMG la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code,
- condamner la société Santana holding à verser à la société AMG la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 29 septembre 2020.
MOTIFS de la DECISION :
La société AMG, la société Pergam et Mme Y communiquent, en pièces n° 8 et 10, deux exemplaires du document intitulé « promesses réciproques de prorogation d'emprunt obligataire et d'acceptation de la prorogation de l'emprunt obligataire », l'un revêtu de la signature des administrateurs de la société Santana holding, Mme B et M. Y, qui venaient d'être désignés à de telles fonctions le 20 juin 2014, et de la signature de Mme X précédée de la mention « OK » apposée par elle, l'autre revêtu de la signature de Mme B et M. Y, les administrateurs de la société Santana holding, et de celle de M. A pour la société AMG .
Le document litigieux par lequel la société AMG s'engageait à convoquer une assemblée générale extraordinaire, au plus tard le 14 août 2014, à l'effet d'arrêter les conditions et modalités de la prorogation de l'emprunt obligataire, dont il était prévu qu'il soit remboursé en une seule fois le 30 juin 2017 en contrepartie d'un taux d'intérêt porté à 4,25% payable le 30 juin de chaque année et pour la première fois le 30 juin 2015, et par lequel la société Santana holding promettait irrévocablement, en cas de prorogation de l'emprunt obligataire décidée par la société AMG, d'accepter cette prorogation dans les termes indiqués, ne mentionne cependant pas de date de signature et aucun élément n'établit avec certitude la date à laquelle il a été effectivement signé, rien ne permettant à cet égard de corroborer les déclarations faites par Mme Y dans une attestation, produite aux débats, qui indique que Mme X l'a signé le 13 juin 2014 à son domicile de D et que les administrateurs de la société Santana holding ont confirmé leur accord lors d'un rendez vous à Luxembourg le 26 juin 2014 avant de retourner, signé, le document.
Pour autant, la société Santana holding n'est pas fondée à soutenir que la date du 30 juin 2014 à laquelle devaient être remboursées les 26 obligations de l'emprunt souscrites le 3 juin 2011 par Mme X constituait un terme extinctif mettant fin au contrat initial, qui ne pouvait plus dès lors être prorogé postérieurement à la survenance du terme ; cette date du 30 juin 2014 correspondait, en effet, à la date à compter de laquelle l'obligation de la société AMG de rembourser l'emprunt obligataire devenait exigible, sans emporter, évidemment, l'extinction à cette date de l'obligation contractée.
Il était donc loisible aux parties, même après le 30 juin 2014, de proroger la date de remboursement de l'emprunt obligataire en fixant celle ci, comme elles l'ont fait, au 30 juin 2017 en contrepartie d'un taux d'intérêt porté à 4,25 % l'an, quand bien même une telle modification des modalités de remboursement de l'emprunt n'emportait pas novation au sens de l'article 1271 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Il ne peut, non plus, être soutenu que la promesse réciproque de prorogation d'emprunt et d'acceptation de la prorogation serait nulle et non avenue au prétexte que M. A était dépourvu du pouvoir de signer un tel acte pour le compte de la société AMG, alors que seule celle ci pourrait se prévaloir d'un défaut de pouvoir de son président ; il importe peu également que l'assemblée générale extraordinaire de la société AMG décidant de la prorogation de l'emprunt obligataire et des modalités de cette prorogation ait eu lieu après le 30 juin 2014, dès lors que les parties avaient convenu que l'engagement de la société Santana holding d'accepter une prorogation de l'emprunt était limité au 14 août 2014, ce qui aurait alors rendu caduque sa promesse, et qu'en l'occurrence, l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société AMG a bien eu lieu le 14 août 2014 décidant de procéder à la prorogation de l'emprunt obligataire selon les modalités définies dans la promesse.
Pour soutenir que l'exercice du droit de souscription n'a jamais été exécuté et en déduire que la modification du contrat n'est pas valide, la société Santana holding ne peut davantage se prévaloir du défaut de remise du bulletin de prorogation prévu au paragraphe 10 « Exercice du droit de souscription » des conditions de la promesse de prorogation, selon lequel l'exercice du droit de prorogation des obligations déjà émises sera constaté par la remise d'un bulletin de prorogation qui devra être remis à la société dans les deux mois du présent engagement ; en effet, la promesse réciproque de prorogation emportait, de la part de la société Santana holding, l'engagement irrévocable de consentir à la prorogation de l'emprunt dès lors que celle ci était décidée par la société AMG avant le 14 août 2014, en sorte que la souscription d'un bulletin de prorogation était purement formelle, son absence n'étant pas susceptible de remettre en cause la validité de l'engagement contracté.
Aux termes du I de l'article L. 228-65 du code de commerce : « L'assemblée générale (des obligataires) délibère sur toutes mesures ayant pour objet d'assurer la défense des intérêts communs des obligataires ainsi que sur toute proposition tendant à la modification du contrat (...) » ; dans le cas présent, la société AMG, la société Pergam et Mme Y sont malvenues à prétendre que la prorogation du remboursement de l'emprunt ne nécessitait pas une délibération de l'assemblée générale des obligataires, alors que la mesure projetée tendait à la modification du contrat d'émission qui avait vocation à s'appliquer à l'ensemble des obligataires, même si la société Santana holding était titulaire, en l'occurrence, de 26 des 27 obligations souscrites ; toutefois, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que le non respect des dispositions de l'article L. 228-65, qui imposait notamment au dirigeant de la société AMG de convoquer une assemblée générale des obligataires appelée à délibérer sur la prorogation de la durée d'amortissement de l'emprunt obligataire, n'était pas sanctionné par la nullité de la modification ainsi apportée au contrat d'émission.
Surabondamment, le préjudice chiffré à 123 630 euros, qu'invoque la société Santana holding, lié à la perte de chance de mieux investir la somme de 1 300 000 euros à la date du 30 juin 2014 correspondant à la date initiale de remboursement de l'emprunt obligataire, ne se trouve nullement établi, qui procède de l'affirmation selon laquelle l'investissement de cette somme dans un fonds en Private Equity IPRV géré par X procurant un rendement annualisé de 7,42 % sur trois ans aurait pu lui procurer une performance de 289 380 euros au lieu de 165 750 euros ; en effet, le préjudice constitué par la perte de chance de mieux investir ses capitaux doit présenter pour l'investisseur un caractère direct et certain ; or, rien établit que si la société Santana holding, dont l'intégralité des actions était alors détenue par Mme X, avait pu disposer à la date du 30 juin 2014 de son capital de 1 300 000 euros, elle aurait nécessairement investi cette somme sur le fond X ou un fonds d'investissement similaire composé d'actions de sociétés cotées en bourse et comportant ainsi un élément de risque, sans garantie du montant de l'investissement, plutôt que dans la souscription d'un emprunt obligataire sans risque et lui procurant un intérêt garanti de 4,25 % sur la même période de trois ans ; le préjudice invoqué apparaît dès lors purement hypothétique et sans lien avec la prorogation au 30 juin 2017 de la date de remboursement de l'emprunt obligataire émis par la société AMG.
Même si le mandat de conseil du 21 mai 2008 a été conclu entre Mme X et la société Pergam, celle ci ne conteste pas être intervenue dans le cadre de la prorogation de l'emprunt obligataire à son terme initialement fixé au 30 juin 2014, objet des promesses réciproques de prorogation et d'acceptation régularisées entre la société AMG et la société Santana holding ; ce n'est qu'à compter de la cession par Mme X à la société J&J Asset Sécurisation, par acte signé à D en octobre 2014 et à Luxembourg le 4 novembre 2014, de l'intégralité des actions de la société Santana holding, que la société Pergam a estimé qu'un nouveau mandat de gestion devait se substituer à celui initialement conclu, comme l'exprimait Mme Y dans un courriel du 21 octobre 2014 (« Pour mémoire, tous ces actifs (...) sont aujourd'hui couverts par une convention de conseil large conclu entre H (Mme X) et Pergam. À partir du moment où H cède Santana, une autre convention doit se substituer ».)
L'emprunt obligataire auquel Mme X a souscrit, sur les conseils de la société Pergam, était précisément destiné à permettre à la société AMG de financer l'acquisition d'une participation dans la société Pergam, ainsi qu'il ressort du préambule des promesses réciproques d'émission et de souscription de l'emprunt du 12 mai 2011 ; dès lors que la société Pergam était détenue à concurrence de 29,26 %, via la société Naghera, par la société AMG, elle même détentrice de 44,35 % du capital de la société Naghera, et par M. A, détenteur personnellement de 20,97 % du capital de cette société, il en résultait une transaction personnelle au sens de l'article 313-9 du règlement général de l'autorité des marchés financiers (l'AMF), dans sa rédaction alors en vigueur, de nature à générer un conflit d'intérêts, dont l'existence pouvait être préjudiciable à sa cliente, puisque, d'après ce texte, relève d'une telle définition l'opération réalisée pour le compte de la personne concernée elle même ou pour le compte d'une personne avec laquelle celle ci a des liens étroits, comme le fait de détenir une participation, directement ou par le biais d'un lien de contrôle, à hauteur de 20 % ou plus des droits de vote ou du capital d'une entreprise.
Cependant, l'existence d'une transaction personnelle à laquelle le prestataire de services d'investissement a participé n'est susceptible d'engager la responsabilité civile de celui ci que si une atteinte effective a été portée aux intérêts de l'investisseur, dont il serait résulté pour lui un préjudice indemnisable ; or, force est de constater que la souscription à l'emprunt obligataire émis par la société AMG n'est à l'origine d'aucun préjudice particulier pour la société Santana holding, dès lors, d'une part, que les 26 obligations souscrites ont été normalement remboursées à la date d'échéance de l'emprunt prorogée au 30 juin 2017, y compris les intérêts versés annuellement, et, d'autre part, qu'aucun préjudice lié à la perte de chance de mieux investir le capital de 1 300 000 euros, objet de l'investissement réalisé en 2011, ne se trouve établi avec certitude.
Il ne peut davantage être soutenu que la société Pergam a engagé sa responsabilité pour avoir manqué à son obligation de conseil relativement aux risques que la prorogation de l'emprunt obligataire faisaient courir à la société Santana holding ; certes, la prorogation de l'emprunt obligataire a été motivée par le fait que la société AMG ne disposait pas au 30 juin 2014 de la trésorerie nécessaire au remboursement de l'emprunt, comme il est indiqué dans les promesses réciproques de prorogation et d'acceptation, mais il ne peut en être déduit que la société AMG se trouvait en état de cessation des paiements au 30 juin 2014 et que la perspective d'un défaut de remboursement de l'emprunt était alors inéluctable ; en toute hypothèse, il n'en est résulté aucun préjudice pour la société Santana holding puisque l'emprunt a été normalement remboursé par virement de la somme de 1 300 000 euros reçue le 29 juin 2017, les intérêts annuels au taux de 4 % les trois premières années et de 4,25 % les trois années suivantes ayant été eux aussi réglés, ce qui n'est pas contesté.
Enfin, il n'est pas établi en quoi Mme Y aurait engagé sa responsabilité sur un fondement délictuel en faisant signer à Mme X, le 9 juin 2011, l'ordre de virement de la somme de 1 300 000 euros correspondant aux 26 obligations souscrites, en faisant signer à celle ci le document intitulé « promesses réciproques de prorogation d'emprunt obligataire et d'acceptation de la prorogation de l'emprunt obligataire » pour le compte de la société AMG et en présidant, le 3 août 2016, une assemblée générale des obligataires au lieu et ..., président de la société AMG ; l'existence des fautes alléguées n'est nullement caractérisée et il n'est démontré aucun préjudice qui en serait résulté, sachant que la société Santana holding invoque comme préjudice la perte de chance de mieux investir le capital de 1 300 000 euros, montant des 26 obligations de l'emprunt obligataire souscrites en 2011, qu'il a été indiqué plus haut qu'un tel préjudice n'est pas avéré et qu'en toute hypothèse, le lien de causalité entre les fautes alléguées à l'encontre de Mme Y et le préjudice invoqué ne se trouve pas davantage démontré.
Pour solliciter la condamnation de la société Santana holding en paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la société AMG soutient que l'action initiée par cette dernière ne vise qu'à créer un contre feu destiné à protéger M. I représentant légal de la société J&J Asset Sécurisation, à l'origine des montages qui ont dépouillé Mme X de son patrimoine au profit d'une association sans but lucratif luxembourgeoise, intégralement contrôlé par lui ; toutefois, l'action engagée tendait à l'origine au remboursement des 26 obligations de l'emprunt souscrites en 2011, emprunt dont il était soutenu qu'il ne pouvait être prorogé au delà du 30 juin 2014, puis, après remboursement des obligations, à l'indemnisation du prétendu préjudice lié à la perte de chance de mieux investir le capital de 1 300 000 euros ; l'action de la société Santana holding ne procède pas dès lors d'un abus de droit caractérisé de sa part de nature à justifier que des dommages et intérêts soient alloués de ce chef à la société AMG.
Il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent que le jugement entrepris doit être confirmé dans toutes ses dispositions.
Succombant sur son appel, la société Santana holding doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société AMG, à la société Pergam et à Mme Y, ensemble, la somme de 5000 euros en remboursement des frais non taxables que ceux ci ont dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Narbonne en date du 7 novembre 2017,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société Santana holding aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société AMG, à la société Pergam et à Mme Y, ensemble, la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.