CA Reims, 1re ch. civ., 29 avril 2002, n° 2000/00012
REIMS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Administration des Impôts
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ruffier
Conseillers :
Mme Belaval, Mme Breton
Avoués :
SCP Delvincourt - Jacquemet, SCP Genet - Braibant
Avocat :
Me Abella
LA COUR FAITS ET PROCÉDURE
Selon arrêt rendu le 6 juin 2001, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des éléments de la cause, la Cour d'appel de céans a :
dit recevable et partiellement fondé l'appel formé par Madame X, .
confirmé le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Reims le 31 août 1999 en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrégularité de la procédure soulevée par Madame X,
l'infirmant pour le surplus en ce qu'il a confirmé la décision expresse de rejet du Directeur des services fiscaux de la Marne du 27 juillet 1998 relative aux fonds provenant de la vente de l'immeuble à Reims, 15 rue de l'Arbalète,
statuant à nouveau, dit que Madame X était fondée à inscrire au passif successoral la somme de 450 000 francs correspondant à la part d'usufruit détenue par feu Madame Y dans l'immeuble sis à Reims, 15 rue de l'Arbalète,
ordonné d'ores et déjà la décharge des impositions supplémentaires auxquelles Madame X a été assujettie au titre des droits d'enregistrement mis en recouvrement le 16 février 1998 à hauteur de la somme de 90.000 francs de droits, outre les intérêts de retard y afférents au taux de 0,75 % par mois pour la période du 1er janvier 1995 au 31 octobre 1997,
avant dire droit sur le bien-fondé de l'inscription au passif successoral de la somme de 648 708 francs représentant la part d'usufruit détenue par Madame Y dans le portefeuille de valeurs mobilières et sur les autres prétentions des parties, ordonné la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire devant le magistrat chargé de la mise en état, à l'audience du 6 septembre 2001, pour permettre aux parties de produire la déclaration de succession de Madame Y enregistrée à la Recette principale des impôts de Reims-Est le 16 décembre 1994,
réservé les dépens.
Ensuite de l'arrêt susvisé, l'Administration fiscale a produit la copie de la déclaration de succession de Madame Y.
Par conclusions signifiées le 23 janvier 2002, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de son argumentation en application des dispositions de l'article 455, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, Madame X sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu le 31 août 1998 par le Tribunal de grande instance de Reims et demande à la Cour d'annuler sur le fondement de l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales la décision de Monsieur le Directeur des Services Fiscaux en date du 27 juillet 1998.
Subsidiairement, elle demande la décharge totale des impositions supplémentaires auxquelles elle était assujettie au titre des droits d'enregistrement mis en recouvrement le 16 février 1998 par la Recette principale de Reims-Est tant en principal qu'en pénalités, y compris les pénalités de retard correspondant à la période de sursis au paiement.
Elle réclame la condamnation de l'Administration fiscale à lui verser la somme de 3048,98 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec droit des recouvrement direct des dépens de l'instance d'appel au profit de son avoué.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2002.
DISCUSSION
Il convient de relever en premier lieu que la question de la régularité de la seconde notification de redressement du 7 octobre 1997 et de la procédure d'imposition subséquente a déjà été tranchée par la Cour dans son arrêt du 6 juin 2001, de sorte que Madame X n'est pas recevable à tenter à nouveau de la remettre en cause ensuite de cette décision.
Conformément au prescrit de l'arrêt du 6 juin 2001, l'Administration fiscale a produit la copie intégrale de la déclaration de succession de feu Y enregistrée à la Recette principale des impôts de Reims-Est le 16 décembre 1994.
Il appert de cette déclaration de succession que la valeur du portefeuille titres rattaché au compte de chèques n° 408022/26 ouvert à la BNP, dont la Cour a déjà retenu dans l'arrêt susvisé qu'il était à la suite d'un virement intervenu en décembre 1988 la continuation du portefeuille de valeurs mobilières n° 018036/67 en dépôt à la société BNP PARIBAS figurant à la déclaration de succession de feu Y du 12 mai 1977 pour un montant de 572 812 francs et dont feu Y a recueilli 18/48es en usufruit et 30/48es en pleine propriété, s'élevait au décès de cette dernière, soit le 19 juin 1994, à la somme de 4 265 583 francs. Il échet de rappeler que les valeurs mobilières constituent des choses de genre fongibles entre elles dans leur catégorie, de sorte que l'usufruit en cause porte sur le portefeuille de titres transféré sur le compte n° 408022/26 par feu Y et non sur les valeurs in individuo comprises dans ce portefeuille. Il en résulte que portefeuille de valeurs mobilières n° 018036/67 a manifestement fait l'objet d'un remploi et qu'il se retrouve en nature dans la succession de feu Y. Il convient donc de considérer que l'usufruit de la de cujus portant sur 18/48es de la valeur de ce portefeuille s'est éteint avec son décès conformément aux dispositions de l'article 617 du Code civil. La valeur de l'usufruit de feu Y sur ce portefeuille de titres au jour du décès, qui s'élève à la somme non contestée de 98 894,90 euros (648 708 francs), aurait dû en conséquence être distraite de l'actif successoral dans la déclaration de succession effectuée par ses héritiers.
En l'occurrence, s'il est constant que les ayants droit de feu Y ont à tort inscrit la valeur de l'usufruit de cette dernière sur les valeurs mobilières au passif successoral pour la somme de 98 894,90 euros sans pouvoir justifier conformément aux dispositions de l'article 768 du Code général des impôts d'une dette correspondante de l'usufruitier compte tenu du remploi des fonds par ce dernier, il n'en reste pas moins qu'ils étaient cependant fondés à déduire la valeur de cet usufruit de l'actif de la succession, où figure pour l'intégralité de sa valeur le portefeuille de titres n° 408022/26. Il échet d'observer que la distraction de la valeur de l'usufruit de l'actif successoral ou son inscription, certes maladroite, au passif successoral conduisent rigoureusement au même résultat en ce qui concerne le montant des droits de succession exigible et qu'adopter la position purement formelle de l'Administration fiscale conduit à contraindre Madame X à payer une seconde fois de manière parfaitement injustifiée les droits qu'elle a déjà réglés en sa qualité de nue-propriétaire sur la transmission du portefeuille de titres faisant partie de la succession de feu Y.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a confirmé la décision expresse de rejet du Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de la Marne du 27 juillet 1998 relative au portefeuille de titres.
Compte tenu des éléments de la cause, il s'avère conforme à l'équité de laisser entièrement à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Vu l'arrêt avant dire droit rendu le 6 juin 2001,
Infirme le jugement rendu le 31 août 1999 par le Tribunal de grande instance de Reims en ce qu'il a confirmé la décision expresse de rejet du Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de la Marne du 27 juillet 1998 relative au portefeuille de titres ; ET, STATUANT A NOUVEAU,
Dit que Madame X était fondée à déduire de l'actif net successoral la somme de 98 894,90 euros correspondant à la valeur de la part d'usufruit sur le portefeuille de valeurs mobilières n° 018036/67 à la BNP détenue par feu Madame Y ;
Ordonne en conséquence la décharge des impositions supplémentaires auxquelles Madame X a été assujettie au titre des droits d'enregistrement mis en recouvrement le 16 février 1998 à hauteur de la somme de 19 778,98 euros de droits outre les intérêts de retard y afférents au taux de 0,75% par mois pour la période du 1er janvier 1995 au 31 octobre 1997 ;
Déboute les parties de toutes leurs prétentions contraires ou plus amples non afférentes aux dépens ;
Condamne Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de la Marne aux dépens de première instance et d'appel et autorise la société civile professionnelle DELVINCOURT JACQUEMET, Avoués, à procéder au recouvrement direct des dépens de l'instance d'appel dans les conditions fixées par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.