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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 20 mars 2014, n° 12/20583

PARIS

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franchi

Conseillers :

M. Picque, Mme Picard

Avocats :

Me Bodin Casalis, Me Charlery

CA Paris n° 12/20583

19 mars 2014

Le 31 octobre 2007, des investisseurs ont souscrit les obligations convertibles en actions (ORA) émises par la S.A. UNIROSS, remboursables en 3 tranches exigibles les 31 octobre 2008 et 2009 et 1er décembre 2010. Par jugement du 20 octobre 2008 du tribunal de commerce de Meaux, la société UNIROSS a été placée en sauvegarde. Le 2 janvier 2009, la Masse des obligataires a déclaré sa créance. Suite à la contestation élevée à l'initiative de la société UNIROSS, ladite créance a été admise à titre chirographaire par ordonnance du 5 mai 2010 du juge-commissaire.

Cependant, entre temps, par jugement du 15 juin 2009, le tribunal a arrêté le plan de sauvegarde de la société UNIROSS prévoyant notamment une réduction à zéro de son capital social, suivie d'une augmentation immédiate réservée à un nouvel actionnaire.

Monsieur Antoine BERNARD, ès qualités de représentant de la Masse des titulaires des ORA émises par la société UNIROSS a, le 17 juillet 2009, formé tierce opposition au jugement arrêtant le plan de sauvegarde en en demandant la rétractation au motif que ses dispositions, prévoyant la réduction du capital de la société UNIROSS, étaient irrégulières dès lors qu'elles n'avaient pas prévu l'obligation pour la société sous sauvegarde de l'obtention de l'autorisation préalable de la Masse des obligataires pour la réduction à zéro du capital, ayant pour conséquence de réduire à néant la créance obligataire dont la contre-partie était constituée de la remise d'actions.

La tierce-opposition a été rejetée par jugement du 27 septembre 2010.

Sur recours de la Masse des obligataires , la cour de céans (ch 5-8) a, par arrêt du 28 juin 2011, infirmé le jugement en prononçant la nullité des dispositions du plan entérinant les délibérations des conseils d'administration du 17 juin 2009 (ayant réduit le capital de la société UNIROSS à zéro) et 3 juillet 2009 (ayant constaté l'annulation consécutive de la totalité des ORA émises le 31 octobre 2007) en estimant essentiellement que ces délibérations violaient les articles L 228-103 et L 228-104 du code de commerce, la réduction de capital ayant été décidée sans consultation préalable de l' assemblée des obligataires alors que l'opération visait à l'anéantissement de la créance obligataire.

Sur pourvoi de la société UNIROSS et des commissaires à l'exécution du plan, la cour de cassation, par arrêt du 10 juillet 2012 de la Chambre commerciale et économique a cassé l'arrêt précité de la cour de Paris (sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société UNIROSS) pour défaut de réponse à conclusions au motif que la cour d'appel n'a pas répondu aux intimés qui l'interrogeaient sur l'impact sur le plan de sauvegarde d'une annulation de ses seules dispositions relatives à l'opération de réduction du capital à zéro et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Saisie par le représentant de la masse des obligataires , la présente cour de renvoi :

- après avoir relevé que le demandeur à la saisine avait précisé qu'entre-temps le plan de sauvegarde litigieux a été résolu par jugement du 3 septembre 2012 et la société UNIROSS a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 1er octobre suivant,

- a ré-ouvert les débats par arrêt avant dire droit du 28 novembre 2013, en enjoignant au demandeur ès qualités à la saisine de conclure sur l'éventuelle disparation de l'objet de la tierce opposition et de signifier aux défendeurs à la saisine le nouveau calendrier de procédure et ses éventuelles nouvelles conclusions.

Vu les ultimes conclusions télé-transmises le 13 février 2014, par Monsieur BERNARD demandeur à la saisine, ès qualités de représentant de la Masse des titulaires des ORA, poursuivant l'infirmation du jugement du 27 septembre 2010 en priant la cour d'accueillir la tierce-opposition de la Masse des obligataires et de rétracter le jugement du 15 juin 2009 ayant arrêté le plan de sauvegarde de la société UNIROSS et de dire n'y avoir lieu à statuer sur l'impact sur l'ensemble du plan de sauvegarde d'une annulation des dispositions dudit plan relatives à l'opération de réduction du capital à zéro de la société UNIROSS ;

Vu les dernières conclusions télé-transmises le 30 janvier 2014, par la SCP ANGEL-HAZANE, intimée ès qualités de liquidateur judiciaire de la société UNIROSS, réclamant 2.000 € de frais non compris dans les dépens et déclarant s'en rapporter à justice, tout en informant la cour de ce que la créance des ORA est inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société UNIROSS, suite a son admission par ordonnance du 5 mai 2010 du juge commissaire aujourd'hui définitive et estimant 'qu'en raison de la liquidation judiciaire' de cette dernière 'prononcée par jugement du 1er octobre 2012, l'action engagée par Monsieur BERNARD ès qualités est sans objet';

SUR CE, la cour :

Considérant liminairement que :

- d'une part, l'arrêt de cassation a précisé que l'arrêt du 28 juin 2011 de la cour de céans avait exactement retenu que l'opération de réduction de capital à zéro et l'annulation consécutive des ORA touchaient aux conditions d'attribution des titres de capital déterminées au moment de l'émission et en avait déduit à bon droit que l' assemblée générale des obligataires aurait dû être préalablement appelée à statuer sur l'opération,

- d'autre part, contrairement à ce qu'affirme l'appelant ès qualités, la déclaration d'une créance est assimilée à une demande en justice et qu'il s'en déduit que lorsque les voies de recours sont épuisées ou que les délais de recours ont couru, l'ordonnance du juge-commissaire ayant admis la créance obligataire est définitive et a valeur d'une décision de justice ;

Que la tierce opposition, formée par le représentant de la Masse des obligataires à l'encontre du jugement du 15 juin 2009 arrêtant le plan de sauvegarde, tendait essentiellement à la rétractation de la décision ayant arrêté le plan prévoyant la réduction du capital de la société UNIROSS, en ce que les modalités de ladite réduction se faisaient, selon Monsieur BERNARD, au mépris des intérêts des obligataires ;

Que cependant, il est constant qu'entre-temps le plan de sauvegarde litigieux a été résolu par jugement du 3 septembre 2012, de sorte qu'il n'a plus d'effet, et la société UNIROSS a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 1er octobre suivant ;

Considérant que pour maintenir ses demandes initiales devant la cour, l'appelant soutient désormais que si le jugement originel ayant arrêté le plan de sauvegarde critiqué n'est pas réformé, le préjudice, résultant de l'anéantissement des droits de la Masse et du défaut de consultation préalable à l'opération de réduction du capital, ne sera jamais réparé ;

Qu'il estime aussi que la résiliation du plan de sauvegarde et l'inscription des ORA sur la liste des créances n'ont pas fait renaître les droits de la Masse [conclusions page 7] et que le seul moyen de réparer la perte de ses droits sociaux par la Masse , est 'de revenir sur le caractère définitif de l'anéantissement du capital de la société et donc de priver d'effet les décisions de justice qui l'ont consacré en réformant le jugement du 27 septembre 2010 et en rétractant le jugement du 15 juin 2009'[conclusions page 7], dès lors qu'en dépit de la résolution du plan de sauvegarde, 'les jugements des 15 juin 2009 et 27 septembre 2010 demeurent [selon l'appelant] revêtus de l'autorité de la chose jugée à l'égard de la Masse '[conclusions page 8], alors que lesdites décisions auraient entériné une opération irrégulière contraire à l'article L 623-3 du code de commerce prévoyant que les assemblées générales des titulaires de valeurs mobilières donnant accès à terme au capital sont appelées à autoriser toute modification au contrat d'émission et à statuer sur toute décision touchant aux conditions de souscription et d'attribution de titres de capital déterminées au moment de l'émission ;

Mais considérant, outre que, la société UNIROSS étant désormais en liquidation judiciaire, la Masse des obligataires ne démontre pas aujourd'hui la réalité économique effective du préjudice qu'elle allègue résultant de ne pas avoir été en son temps en mesure de transformer les ORA en actions du capital social, qu'en arrêtant le plan prévoyant la réduction à zéro du capital social de la société UNIROSS, suivie d'une augmentation de capital réservée à un nouvel actionnaire, le jugement du 15 juin 2009 n'a nullement dispensé l'auteur du plan proposé du respect de l'article L 623-3 précité du code de commerce, et qu'il appartenait au responsable de la mise en oeuvre du plan de le faire en respectant l'obligation notamment de consultation de l' assemblée de la Masse des obligataires ;

Que dès lors le maintien purement formel de l'existence du jugement du 15 juin 2009 ayant arrêté le plan de sauvegarde critiqué n'a pas les effets aujourd'hui allégués par le représentant de la Masse des obligataires d'autant qu'il a indiqué [conclusions page 7 et pièce n° 9] avoir saisi, le 8 décembre 2011, le tribunal de commerce de Meaux d'une demande d'annulation tant de l' assemblée générale extraordinaire du 29 mai 2009, ayant autorisé l'opération de réduction à zéro du capital, que des délibérations des 17 juin et 3 juillet 2009 du conseil d'administration qui l'a mis en oeuvre et que l'instance est toujours pendante devant le juge du fond ;

Considérant encore qu'en se bornant à demander à la cour de dire 'n'y avoir lieu à statuer sur l'impact sur l'ensemble du plan de sauvegarde d'une annulation des dispositions dudit plan relatives à l'opération de réduction du capital à zéro de la société UNIROSS ', Monsieur BERNARD n'a pas indiqué ès qualités quel était, selon lui, l'impact sur le plan de sauvegarde d'une annulation des seules dispositions relatives à l'opération de réduction du capital à zéro de la société UNIROSS et que le liquidateur judiciaire, désormais seul en charge de la gestion des intérêts patrimoniaux de la société UNIROSS, en faisant valoir 'qu'en raison de la liquidation judiciaire' de la société UNIROSS 'l'action engagée par Monsieur BERNARD ès qualités est sans objet ' ne formule plus une telle interrogation devant la cour de renvoi ;

Qu'il convient dès lors de constater la disparation de l'objet de la tierce opposition et de dire, compte tenu de l'évolution du litige, que l'appel est devenu sans objet à l'encontre du jugement du 27 septembre 2010 du tribunal de commerce de Meaux, ayant rejeté la tierce-opposition à l'encontre du jugement du 15 juin 2009 de la même juridiction ayant elle- même arrêté le plan de sauvegarde de la société UNIROSS ;

Considérant qu'il est équitable de laisser à chaque partie la charge définitive des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel et que l'équité ne commande pas d'allouer des indemnités au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS,

Constate, en fonction de l'évolution du litige, que l'appel est devenu sans objet,

Déboute les parties de leur demande respective au titre des frais irrépétibles,

Laisse à chacune la charge définitive des dépens qu'elle a exposés devant la cour.