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Décisions

Cass. com., 28 janvier 1997, n° 93-21.662

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pasturel

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Foussard, SCP Boré et Xavier, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde

Bourges, du 8 nov. 1993

8 novembre 1993

Attendu, selon l'arrêt déféré (Bourges, 8 novembre 1993), qu'en garantie d'un prêt qu'il a consenti à la société à responsabilité limitée Européenne de communication et d'impression (société ECI) pour l'achat d'un matériel d'équipement professionnel, M. de Saint-Priest a inscrit un nantissement sur ce bien ; que la société Sogiss (la Sogiss), qui a reçu ce matériel en location avec l'accord de M. de Saint-Priest, a été mise en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Caen ; que la société ECI ayant, à son tour, été mise en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bourges, M. de Saint-Priest a demandé au juge des référés de ce tribunal que le matériel lui soit attribué en paiement ; que le juge des référés puis la cour d'appel ont accueilli la demande et condamné les représentants légaux des sociétés ECI et Sogiss à restituer à M. de Saint-Priest le matériel gagé ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le liquidateur judiciaire de la Sogiss reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, que si le tribunal de commerce de Bourges était incontestablement compétent pour statuer sur la demande d'attribution judiciaire du gage dès lors que la société ECI, propriétaire du bien, faisait l'objet d'une procédure d'apurement ouverte par le tribunal de commerce de Bourges, en revanche la demande formulée par M. de Saint-Priest tendant à ce que le liquidateur de la Sogiss fût condamné à restituer le matériel ne pouvait relever, s'agissant d'une procédure ouverte devant le tribunal de commerce de Caen, que de la compétence, et de la compétence exclusive, du tribunal de commerce de Caen, et qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu que les actions qui prennent leur source dans des faits antérieurs à l'ouverture de la procédure collective et sur lesquelles l'état de redressement ou de liquidation judiciaires n'exerce aucune influence échappent aux dispositions de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 et relèvent du droit commun ; que la cour d'appel a donc énoncé à bon droit que le juge des référés du tribunal de commerce de Bourges, qui était compétent pour ordonner l'attribution judiciaire du gage constitué par un bien appartenant à la société ECI, avait ainsi compétence pour ordonner la remise du matériel au créancier gagiste par la Sogiss, tiers détenteur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leurs diverses branches, et réunis :

Attendu que le liquidateur judiciaire de la Sogiss reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que dès lors qu'une contestation était élevée par le liquidateur judiciaire de la Sogiss sur le fondement de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, faute pour M. de Saint-Priest d'avoir revendiqué le matériel dans le délai de 3 mois, la cour d'appel, qui se trouvait en présence d'une difficulté sérieuse, ne pouvait qu'écarter la demande comme échappant au pouvoir du juge des référés et qu'en décidant le contraire, elle a violé l'article 872 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que si le créancier gagiste conserve son droit, par l'effet de la déclaration de créance, dès lors que le bien grevé du gage demeure dans le patrimoine du débiteur, et que la procédure d'apurement concerne le débiteur, il en va différemment lorsque le bien grevé du gage se trouve dans le patrimoine d'un tiers qui fait l'objet d'une procédure d'apurement ; qu'en pareil cas, et comme tout titulaire d'un droit susceptible de faire l'objet d'une revendication, le créancier gagiste, s'il entend conserver son droit, doit agir en revendication, dans le délai de trois mois à compter de l'ouverture de la procédure d'apurement, et que, pour avoir décidé le contraire, les juges du fond ont violé l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, en outre, que le créancier gagiste dispose d'une action en revendication et qu'en affirmant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 2073 et 2078 du Code civil et l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, qu'à supposer même que le créancier gagiste n'ait pas été en mesure d'exercer une action en revendication à la suite du redressement judiciaire de la société Sogiss, faute d'être titulaire d'un droit de propriété, de toute façon, le succès de la demande d'attribution du gage, formée par le créancier gagiste, aurait postulé que la société ECI, débiteur, revendique la propriété du matériel à l'encontre de la Sogiss qui l'avait pris à bail ; que faute de constater qu'une action en revendication avait bien été exercée, dans le délai de trois mois, par la société ECI, les juges du fond ont, en tout état de cause, privé leur décision de base légale au regard des articles 115 de la loi du 25 janvier 1985 et 2078 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que lorsque le créancier gagiste demande l'attribution judiciaire du gage en application de l'article 159, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, il n'agit pas en revendication ; qu'il ne peut donc être reproché à l'arrêt d'avoir violé l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, inapplicable en la cause ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir constaté que M. de Saint-Priest avait autorisé la société ECI à donner à bail le matériel en le revêtant d'une plaque mentionnant le nantissement, la cour d'appel a retenu que le créancier gagiste avait bénéficié d'un droit de suite ; qu'elle en a exactement déduit que la décision judiciaire d'attribution du gage était opposable à la Sogiss, tiers détenteur, dès lors que cette société était dans la cause et que l'absence de revendication par la société ECI était sans influence sur les droits du créancier gagiste ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.