Cass. com., 2 juin 2015, n° 14-12.230
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Schmidt
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
Me Bertrand, Me Foussard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 12 décembre 2013), qu'un jugement ayant condamné M. X..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Laboratoire V2Pharm, à payer à la SCI des Mousquetaires (le créancier) une certaine somme à titre de loyers, celle-ci a fait procéder le 3 septembre 2012 à la saisie-vente de matériels dépendant de la liquidation judiciaire ; qu'un juge de l'exécution a déclaré nul le procès-verbal de saisie-vente par un jugement du 2 avril 2013 dont il a été sursis à l'exécution par une ordonnance du 12 juillet 2013 ; qu'entre-temps, par une ordonnance du 28 septembre 2012 rendue sur requête du même jour du liquidateur, le juge-commissaire a autorisé la vente des matériels dépendant de la liquidation judiciaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance autorisant la vente des biens litigieux et de dire que la saisie-vente fait obstacle à leur cession alors, selon le moyen :
1°/ qu' une décision de justice produit son effet substantiel dès lors qu'elle est rendue et modifie en conséquence la situation juridique des parties qu'elle concerne ; qu'en cas d'annulation d'un acte de saisie, cet acte est anéanti rétroactivement et est censé n'être jamais intervenu ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué, et qu'il est constant, que si le créancier a pratiqué une saisie-vente par acte du 3 septembre 2012, le juge de l'exécution a annulé l'acte de saisie par un jugement du 2 avril 2013 ; que de ce fait, l'acte du 3 septembre 2012 devait être regardé comme rétroactivement anéanti et comme n'ayant jamais existé ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les règles gouvernant l'effet substantiel des décisions de justice, et notamment, en tant qu'ils concernent l'effet substantiel, les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
2°/ qu'il importe peu, au regard de l'effet substantiel, que le jugement ne soit pas définitif ou soit frappé d'un recours ; que pour avoir affirmé le contraire, les juges du fond ont violé les règles gouvernant l'effet substantiel des décisions de justice, et notamment, en tant qu'ils concernent l'effet substantiel, les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
3°/ que, si dans l'hypothèse où le jugement est exécutoire nonobstant appel, le premier président peut en suspendre l'exécution, la décision de suspension n'affecte en rien l'effet substantiel produit par le jugement ; que l'ordonnance du 12 juillet 2013 ordonnant le sursis à exécution du jugement du 2 avril 2013 est indifférente ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué doit être censuré pour violation des règles gouvernant l'effet substantiel des décisions de justice, et notamment, en tant qu'ils concernent l'effet substantiel, les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution que l'ordonnance sursoyant à l'exécution d'une décision du juge de l'exécution ayant annulé un procès-verbal de saisie-vente proroge l'effet d'indisponibilité attaché à la saisie jusqu'à la décision statuant sur l'appel formé contre cette décision ; qu'ayant constaté que le créancier avait interjeté appel du jugement du 2 avril 2013 ayant prononcé la nullité de la saisie-vente et avait obtenu le sursis à exécution de ce jugement, l'arrêt en déduit exactement que l'indisponibilité des actifs mobiliers saisis faisait obstacle à leur cession par le liquidateur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que le liquidateur fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'en cas de vente de gré à gré, le juge-commissaire se borne à autoriser la vente ; qu'en soi, l'autorisation n'emporte pas cession, et a fortiori transfert de propriété ; qu'il était dès lors exclu que les juges du second degré puissent infirmer l'ordonnance du 28 septembre 2012 au seul motif qu'à raison d'une saisie les biens étaient indisponibles ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 642-19 du code de commerce et R. 221-13 du code de procédure civile d'exécution ;
Mais attendu que la vente de gré à gré d'un élément d'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire est parfaite dès l'ordonnance du juge-commissaire qui l'autorise, sous la condition que celle-ci acquière force de chose jugée ; qu'ayant constaté que les biens litigieux avaient été rendus indisponibles par l'effet de la saisie-vente pratiquée par le créancier le 3 septembre 2012, la cour d'appel en a exactement déduit que le juge-commissaire ne pouvait en autoriser la cession au profit d'un tiers ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.