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Décisions

Cass. 1re civ., 6 mars 2001, n° 98-22.384

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

Mme Cassuto-Teytaud

Avocat général :

M. Roehrich

Avocats :

Me Choucroy, Me Garaud

Orléans, du 1 oct. 1998

1 octobre 1998

Sur le premier moyen du pourvoi n° 98-22.384 et du pourvoi n° 98-22.715, qui sont identiques : (Publication sans intérêt) ;

Sur le second moyen du pourvoi n° 98-22.715, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Sodecco fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il lui déclare inopposable la donation reçue le 9 septembre 1989 et celle reçue le 30 octobre 1993 par M. Z..., notaire à Courtenay, et en ce qu'il avait condamné solidairement les époux Y... ainsi que leurs enfants, Mme Béatrice Y..., épouse X..., et M. Frédéric Y..., à verser à la société Sodecco 225 000 francs de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1° que c'est à la date de la demande en révocation que le créancier doit établir que les biens appartenant encore à son débiteur ne sont pas de valeur suffisante pour lui permettre d'obtenir son paiement ; que, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, après avoir pris pour date à laquelle la SA Sodecco devait rapporter la preuve de l'insolvabilité des cautions, celle des donations dont la révocation était poursuivie au lieu de retenir la date de l'introduction de l'instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1167 du Code civil ;

2° que n'inverse pas la charge de la preuve le Tribunal qui constate qu'au créancier affirmant sans être démenti qu'à la date de l'introduction de l'instance en révocation (1995) les cautions ne disposaient plus de biens de valeur suffisante pour permettre de le payer, les cautions se bornent à rétorquer qu'à la date de leur engagement (1988), ils étaient propriétaires de biens suffisants, puis déduit de ses constatations qu'à défaut pour les cautions d'établir que ce qui était vrai en 1988 l'était toujours en 1995, le créancier devait être regardé comme ayant rapporté la preuve qui lui incombait, de sorte qu'en décidant du contraire, la cour d'appel aurait violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que le créancier qui n'est pas investi de droits particuliers sur certains biens de son débiteur ne peut faire révoquer les actes accomplis en fraude de ses droits que s'il établit, au jour de l'acte litigieux, l'insolvabilité au moins apparente du débiteur, outre sa conscience de causer un préjudice au créancier en appauvrissant son patrimoine ; qu'elle en a justement déduit, après avoir constaté que la société Sodecco ne s'expliquait nullement sur l'insolvabilité au moins apparente des époux Y..., que le premier juge avait inversé la charge de la preuve en reprochant à ces derniers de se contenter de simples affirmations sur la consistance de leur patrimoine à cette date, cependant qu'il ressortait d'un questionnaire rempli à l'intention de la société Sodecco qu'ils affirmaient être encore propriétaires de deux biens immobiliers, ce que le créancier pouvait vérifier ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° 98-22.384 des consorts Y..., pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1324, 1356 du Code civil, ensemble les articles 287 et 288 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la seule absence de contestation de sa signature, devant le Tribunal, par le débiteur auquel on oppose son engagement en qualité de caution n'équivaut pas à un aveu judiciaire de l'authenticité de celle-ci et que, dans le cas où la partie à qui l'on oppose un acte sous seing privé en dénie l'écriture ou la signature, il appartient au juge de vérifier lui-même ou de faire vérifier l'acte contesté, à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte ;

Attendu que pour déclarer valable l'engagement de caution de Mme Y... qui contestait l'authenticité de sa signature apposée sur le mandat qu'elle aurait consenti à son mari en vue de conclure cet acte en son nom, la cour d'appel retient que, dans ses écritures devant le Tribunal et dans ses premières écritures devant elle, Mme Y... ne contestait pas l'existence de son engagement, ce qui constituait un aveu judiciaire irrévocable, et qu'elle n'était donc plus fondée à contester sa signature ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle devait procéder à la vérification de la signature contestée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la première branche du deuxième moyen ni sur le troisième moyen du pourvoi n° 98-22.384 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté l'existence d'un aveu judiciaire irrévocable de Mme Y... quant à son engagement de caution et rejeté l'exception de faux soulevée par elle, l'arrêt rendu le 1er octobre 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.