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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. civ., 16 janvier 2020, n° 19/03799

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Latecoere (SA)

Défendeur :

Selarl Vincent Mequinion (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bebon

Conseillers :

Mme Gregori, Mme Sarret

Avocats :

Me Garrigue, Me Laporte, Me Hameau, Me Apollis

TGI Toulouse, du 27 juill. 2016, n° 15/0…

27 juillet 2016

EXPOSE DU LITIGE

Par décision de l'assemblée générale des actionnaires du 25 juin 2010 et du directoire du 12 juillet 2010, la SA Latecoere a émis 4'304'998 bons de souscription d'actions (Y) qui ont été mis sur le marché, mais également attribués gratuitement aux actionnaires historiques à raison d'un Y pour deux actions existantes.

Par décision d'assemblée générale des porteurs de Y du 3 mai 2012, Monsieur H a été désigné représentant la masse des porteurs de Y.

Par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 13 juillet 2015, sur assignation de Monsieur G Z, un des porteurs de Y et en présence de la SA Latecoere, la SELARLVincent Mequinion a été désignée en qualité de représentant de la masse des porteurs de souscription d'actions Y B aux frais de la SA Latecoere, en remplacement de Monsieur H, démissionnaire.

Par courrier en date du 4 juillet 2016, la SELARL Mequinion a saisi le juge, ayant procédé à sa désignation, d'une demande de provision sur honoraires en application des articles R 814-28 du code de commerce et 719 et 704 à 718 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 27 juillet 2016, le président du tribunal de grande instance de Toulouse a rejeté l'intégralité des exceptions soulevées par la SA Latecoere, et condamné cette dernière à payer à la SELARL Vincent Mequinion la somme de 120'000 € TTC à titre de provision sur honoraires.

Par déclaration du 2 août 2016, la SA Latecoere relevé appel de cette décision.

Par arrêt en date du 22 décembre 2016, la cour d'appel de Toulouse a confirmé l'ordonnance, au motif que la rémunération était justifiée par la complexité de la mission et en considérant qu'investie de sa mission par décision judiciaire suivant ordonnance de référé du 13 juillet 2015, la SELARL Mequinion avait à titre occasionnel la qualité d'auxiliaire de justice au sens de l'article 719 du code de procédure civile, que sa rémunération pouvait donc être fixée dans les conditions des articles 720 et suivants du même code, et que sa demande avait été valablement adressée par courrier du 4 juillet 2016 au président du tribunal de grande instance qui l'avait nommée, l'affaire ayant été menée ensuite au contradictoire de l'ensemble des parties.

La SA Latecoere a formé un pourvoi contre cette décision.

Par arrêt en date du 7 mai 2019, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse aux motifs que la rémunération d'un représentant de la masse des porteurs de Y ne pouvait être fixée que dans les conditions prévues par les articles L 228 - 56 et R 228 - 63 du code de commerce.

La cour d'appel de Montpellier désignée comme cour de renvoi a été saisie par la SA Latecoere par deux déclarations successives en date du 3 juin 2019.

Dans ses dernières conclusions du 12 novembre 2019, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la SA Latecoere demande à la Cour de :

- constater que la « demande '' de la Selarl « J F, administrateur judiciaire '' ne répond pas aux prescriptions de l'article 58 du Code de procédure civile ;

- constater que C n'a fait l'objet d'aucune convocation pour l'audience du 21 juillet 2016 en violation des dispositions impératives de l'article 665-1 du Code de procédure civile;

- constater que la «demande '' de la Selarl «J F, administrateur judiciaire '' adressée directement à Madame la Première Vice - Présidente du Tribunal de grande instance de Toulouse n'a fait l'objet d'aucun enregistrement au greffe de la juridiction ;

- constater que le premier juge n'a pas été valablement saisi ;

En conséquence,

- dire l'appel de la société D recevable et bien fondé ;

- prononcer la nullité de la procédure et de l'ordonnance du 27 juillet 2016 ;

- dire qu'il n'y a pas lieu d'évoquer ;

Subsidiairement,

- constater que pour la période du 13 juillet 2015 au 30 juillet 2015, la Selarl Vincent Mequinion, administrateur judiciaire ne justifie ni des diligences qu'il a pu accomplir, ni des frais qu'il a pu exposer rendant impossible - en l'état - la fixation de sa juste rémunération ;

- constater que la mission de représentant de la masse des porteurs de Y, a pris fin le 30 juillet 2015, à l'expiration de la période d'exercice des Y, et en conséquence, débouter la Selarl Vincent Mequinion, administrateur judiciaire de ses demandes, en ce qu'elles concernent une période postérieure au 30juillet 2015 ;

Plus subsidiairement encore,

- constater que les demandes de la Selarl Vincent Mequinion, administrateur judiciaire, concernant la période postérieure au 31 juillet 2015 se heurtent à une contestation sérieuse et le renvoyer à mieux se pourvoir ;

En toutes hypothèses,

- condamner la Selarl « J F, administrateur judiciaire '' à rembourser à D l'intégralité des sommes qu'elle iui a versées en suite de l'ordonnance querellée, avec intérêt au taux légal à compter de la signification qui lui a été faite de l'arrêt de la Cour de cassation ;

- condamner la Selarl  «J F, administrateur judiciaire '' à verser à D I la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la Selarl « J F, administrateur judiciaire '' aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Montpellier Garrigue - Garrigue Laporte, dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 21 octobre 2019, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la SELARL Vincent Mequinion demande à la Cour de :

- constater que la SELARL Vincent Mequinion, qui ne représente plus la masse des porteurs de Y depuis le 23 juin 2017, n'a pas la qualité nécessaire pour répondre des demandes de la société Latecoere ;

En conséquence,

- prononcer sa mise hors de cause;

- déclarer l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Latecoere irrecevables

En tout état de cause, sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner la société Latecoere à payer à la SELARL Vincent Mequinion la somme de cinq mille euros (5.000 euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Latecoere aux entiers dépens.

Messieurs Z et H intimés à la procédure et assignés à personne n'ont pas constitué avocat .

MOTIFS DE LA DECISION

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient de joindre les instances enregistrées sous les n° 19/3808 et 19/3799.

La SELARL Vincent Mequinion soutient que l'appel ne pourrait plus prospérer contre elle, aux motifs qu'elle n'est plus le représentant de la masse des porteurs de Y depuis le 23 juin 2017 et n'a plus qualité pour répondre des demandes de la société.

Mais l'appel de la société Latecoere consistant à obtenir l'annulation et subsidiairement l'infirmation d'une ordonnance de référé qui bénéficie à la SELARLVincent Mequinion en ce qu'elle lui accordait une provision pour exécuter le mandat qui lui était confié pendant un temps déterminé, cette dernière a seule qualité pour être intimée à la procédure, peu important que son mandat soit désormais échu.

Aux termes de l'article L. 228-56 du code de commerce, la rémunération des représentants de la masse telle que fixée par l'assemblée générale ou par le contrat d'émission est à la charge de la société débitrice. À défaut de fixation de cette rémunération, ou si son montant est contesté par la société, il est statué par décision de justice.

En application de l'article R. 228 - 63 du code de commerce, lorsqu'elle n'a pas été déterminée ni par le contrat d'émission ni par l'assemblée générale des obligataires, la rémunération des représentants de la masse est fixée par le président du tribunal de grande instance, statuant sur requête, à la demande de la société ou du représentant de la masse intéressé.

La rémunération de la société J F désignée comme représentante de la masse des porteurs de Y ne pouvait donc être fixée par le président du tribunal de grande instance que dans les conditions prévues par les articles L. 228 - 56 et R. 228 -63 précités rendus applicables à la masse des porteurs de Y par l'article 22-103 du même code.

Il en résulte que le président du tribunal de grande instance ne pouvait être valablement saisi par la SELARL Vincent Mequinion pour répondre à sa demande de rémunération es qualités que par voie de requête enregistrée par le greffe et notifiée à la partie adverse de par sa nature contentieuse spécifique dans les conditions de l'article 665 - 1 du code de procédure civile.

En saisissant sans forme, à savoir par simple courrier en date du 4 juillet 2016 et non par requête enregistrée par le greffe, le président du tribunal de grande instance afin de voir fixer sa rémunération à l'encontre de la société Latecoere , la SELARL Vincent Mequinion n'a pas valablement saisi la juridiction présidentielle et le président ne pouvait se prononcer au contradictoire de la société Lacoetere comme il l'a souhaité le faire en ouvrant un débat entre les parties sans porter la requête à la connaissance de la société défenderesse et sans la faire convoquer par le greffe dans les conditions prévues par l'article 665-1 du code de procédure civile.

Ces irrégularités de fond affectant la validité même de l'acte introductif d'instance et sa notification au défendeur, la nullité de l'ensemble de la procédure est encourue sans qu'il soit besoin pour la société Lacoetere qui invoque ces différents manquements de rapporter la preuve d'un grief.

Il convient en conséquence de constater l'irrégularité de la saisine du premier juge et partant la nullité de l'ordonnance du 27 juillet 2016.

Dans ce cadre, l'effet dévolutif de l'article 562 du code de procédure civile n'a pas lieu à s'appliquer et les parties, dont aucune n'a conclu au fond à titre principal, doivent être renvoyées à mieux se pourvoir pour l'examen de leurs demandes.

Les dépens d'appel seront laissés à la charge de la SELARL Vincent Mequinion qui sera en outre condamnée à verser à la SA Latecoere la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire dans les limites de sa saisine sur renvoi de cassation,

Ordonne la jonction des instances n° 19/3808 et 19/3799 sous le seul numéro 19/3799,

Rejette l'exception d'irrecevabilité,

Constate la nullité de l'acte introductif d'instance,

En conséquence,

Annule l'ordonnance du 27 juillet 2016,

Condamne la Selarl Vincent Mequinion à verser à la SA Latecoere la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la Selarl Vincent Mequinion aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Montpellier Garrigue - Garrigue Laporte, dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.