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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 28 janvier 2020, n° 17/01213

ANGERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Arenes Finance (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Van Gampelaere

Conseillers :

Mme Le Bras, Mme Couturier

Avocats :

Me Chatteleyn, Me Leroux, Me Langlois, Me Roumestant, Me Pericard

T. com. Angers, du 10 mai 2017, n° 15/01…

10 mai 2017

FAITS ET PROCÉDURE

Sur le conseil de la société Arènes Finance, M B a investi la somme de 126 850,15 euros dans le cadre d'un contrat en date du 5 octobre 2010 signé avec la société Solabios par lequel l'épargnant investissait dans une ou des sociétés en participation pour donner en location à la société Solabios des centrales photovoltaïques, laquelle devait revendre l'énergie à EDF et assurer un rendement de 8% par an à l'investisseur.

La société Solabios s'est révélée dans l'incapacité de verser les loyers attendus.

Par ordonnance du 15 mai 2012, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné Maître Z en qualité de mandataire ad hoc de la société Solabios pour assister cette société dans les négociations avec ses partenaires financiers, fournisseurs et clients, et plus particulièrement avec EDF/ERDF afin d'assurer la pérennité de la société.

Sur proposition du mandataire ad hoc, M B a opté pour la conversion des parts qu'il détenait dans les sociétés en participation en obligations convertibles en actions Solabios.

Par jugement du 17 octobre 2013, le tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Solabios, laquelle a été convertie en procédure de redressement judiciaire par jugement de ce même tribunal en date du 20 décembre 2013 désignant Maître Phillipot en qualité d'administrateur provisoire.

L'association des investisseurs Solabios (AIS) a déposé une plainte contre X pour abus de confiance le 6 février 2014 auprès du procureur de la république du tribunal de grande instance de Nice.

Par jugement du 4 février 2015, le tribunal de commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de la société Solabios, puis a ordonné le report de la date de cessation des paiements au 17 avril 2012 par jugement du 13 mai 2015.

Par acte d'huissier de justice en date du 12 août 2015, M. B a fait assigner la société Arènes Finance devant le tribunal de commerce d'Angers aux fins de la voir condamnée à l'indemniser de sa perte financière et de ses gains manqués pour 210 431,34 euros, sur le fondement d'un manquement à son obligation d'information, de mise en garde et de son devoir de conseil.

M. B a déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société Solabios la somme de 124 625,10 euros.

Le tribunal de commerce d'Angers par jugement du 10 mai 2017 a :

- débouté la société Arènes Finance de sa demande d'irrecevabilité de l'action engagée par M B

- débouté M B de toutes ses demandes

- condamné M B à payer à la société Arènes Finance la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M B aux dépens.

Il a été jugé que l'action de M B découle de la seule relation contractuelle entre les parties et ne pouvait être considérée comme faite dans l'intérêt collectif des créanciers, pour un préjudice personnel distinct de celui causé à d'autres créanciers de la société Solabios.

Il n'a pas été retenu de faute de la société Arenes Finance dans son obligation d'information et de conseil, le produit Solabios n'apparaissant pas comme un produit hasardeux ou risqué, les caractéristiques ayant été exactement et complètement exposées. Il a été jugé que la société Arènes Finance ne pouvait avoir connaissance des difficultés à venir, et qu'elle n'a eu aucune responsabilité dans la défaillance de Solabios, l'échec ne découlant pas de l'investissement mais de la mise en oeuvre qui a été faite par les dirigeants de Solabios. L'obligation de la société Arènes Finance a été également jugée remplie lors du choix entre conservation des parts et conversion. Il a enfin été jugé que le fait de percevoir une commission en rémunération de la prestation n'est pas de nature à caractériser une situation de dépendance.

Par déclaration reçue au greffe le 12 juin 2017, M B a interjeté appel total de cette décision.

Une ordonnance du 7 janvier 2019 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe

- le 17 décembre 2018 pour M. B

- le 3 janvier 2019 pour la société Arènes Finance aux termes desquelles les parties forment les demandes qui suivent.

Monsieur B demande à la cour de :

- Dire l'appel bien fondé et y faisant droit,

- Constater que le liquidateur judiciaire de la société Solabios n'a pas qualité à agir dans le cadre de la présente action,

- Dire et juger que le représentant de la masse des obligataires de la société Solabios n'a pas qualité à agir dans le cadre de la présente action,

En conséquence,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Angers en date du 10 mai 2017 en ce qu'il a déclaré que le liquidateur judiciaire de la société Solabios n'a pas qualité à agir et a débouté la société Arènes Finance de sa demande d'irrecevabilité,

- Rejeter la demande d'irrecevabilité soulevée par la SARL Arènes Finance au motif que le représentant de la masse des obligataires de la société Solabios aurait qualité à agir ;

Sur les manquements de la société Arènes Finance :

Vu les articles 1134, 1147 et 1149 du code civil,

Vu l'article L. 111-1 du code de la consommation,

Vu l'article L. 541-8-1 4° du code monétaire et financier,

Vu la jurisprudence versée aux débats,

Vu les pièces versées aux débats,

- Constater que la SARL Arènes Finance a manqué à son obligation d'information et son devoir de conseil, ces manquements étant constitutifs d'une mauvaise exécution de la relation contractuelle unissant les parties,

- Constater que ces manquements constituent des fautes de la part de la SARL Arènes Finance.

- Constater que ces fautes lui ont créé un préjudice,

- Constater le lien de causalité entre les fautes de la SARL Arènes Finance et son préjudice

En conséquence,

- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Angers en date du 10 mai 2017 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à l'encontre de la société Arènes Finance,

- Condamner la SARL Arenes Finance à lui payer la somme de 106.062,01 € au titre de la perte de chance subie ainsi que la somme de 104.369,33 € au titre des gains manqués soit un total de 210.431,34 € à titre de dommages et intérêts,

- Condamner la SARL Arènes Finance à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC,

- Condamner la SARL Arènes Finance aux entiers de première instance et d'appel, recouvrés dans les conditions de l'article 699 CPC

Il dit sa demande recevable au motif qu'il demande l'indemnisation d'une perte de chance de ne pas investir dans le produit Solabios résultant d'une faute du conseiller en gestion de patrimoine, préjudice propre résultant des fautes de la SARL Arènes Finance, totalement indépendant de sa déclaration de créance à la procédure collective; il soutient avoir un intérêt distinct de l'intérêt collectif des créanciers de Solabios et distinct des intérêts communs des obligataires.

Il fonde sa demande sur les articles 1134 et 1147 du code civil, L. 111-1 du code de la consommation, et L. 541-8-1 du code monétaire et financier. Il fait valoir un manquement à l'obligation d'information et de conseil, précise que les risques de l'investissement ne lui ont pas été présentés, (société en participation, faisabilité du projet, tarif de rachat par EDF, faillite de Solabios) alors qu'ils étaient détectables, alors même qu'ils ne s'étaient pas réalisés. Il souligne que la SARL Arènes Finance ne s'est pas informée de ses souhaits d'investissement, n'a effectué aucun suivi de l'investissement, alors même que depuis 2011, des doutes sérieux pèsent sur Solabios; il conteste l'indépendance de la SARL Arènes Finance rémunérée par Solabios par de très importantes commissions. Il conteste le conseil donné lors du choix l'ayant amené à devenir porteurs d'obligations de Solabios.

Il sollicite l'indemnisation de sa perte de chance d'investir qu'il évalue au montant de son investissement, diminué de la TVA perçue et des loyers perçus et des gains manqués qui étaient garantis. Il indique que le préjudice est certain.

La SARL Arenes Finance demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit recevable l'action engagée par M B à son encontre,

- Dire et juger que l'action engagée par M B à son encontre est non seulement irrecevable en raison du monopole d'action dévolu au liquidateur judiciaire mais également en raison du monopole du représentant de la masse des obligataires,

- Débouter en conséquence M B de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre

A titre subsidiaire,

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé qu'elle n'avait pas commis de faute dans l'exercice de ses fonctions de conseil de gestion de patrimoine,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que M B ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un préjudice, ni du lien de causalité entre ce préjudice et les fautes alléguées,

- Débouter en conséquence M B de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre.

En tout état de cause,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M B à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'aux dépens,

- Condamner M B à payer la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que M B a investi 126 850,15 euros TTC, a été informé le 22 décembre 2010 du lieu d'implantation de la centrale que son investissement avait permis d'installer en Corse, et a perçu ses premiers loyers trimestriels.

Elle soutient l'irrecevabilité de l'action de M B sur le fondement de l'article 31 et 122 du code de procédure civile, faisant valoir qu'en sa qualité de créancier, son action s'oppose au monopole du liquidateur judiciaire de Solabios, qui a seule qualité à agir dans l'intérêt collectif des créanciers de ce débiteur, et en tant qu'obligataire de Solabios, il aurait dû agir par l'intermédiaire du représentant de la masse. Elle fait valoir que le préjudice de M B n'est pas individuel et distinct de celui subi collectivement par tous les créanciers, et qu'ayant produit sa créance à la procédure collective, il ne peut exercer d'action individuelle contre un tiers pour obtenir réparation de ses préjudices. Elle souligne que sous couvert d'un préjudice indemnitaire, M B demande le remboursement de la créance déclarée détenue à l'encontre de la société Solabios et que seul le liquidateur peut agir pour reconstituer l'actif social. Elle souligne qu'il demande les sommes confiées à Solabios et les gains manqués soit la créance obligataire de M C X souligne que pour un préjudice découlant du choix de convertir l'investissement en obligations, la responsabilité des conseillers en gestion de patrimoine doit être traitée dans une action initiée par le seul représentant de la masse.

Subsidiairement, elle conteste son défaut d'indépendance, conteste sa faute dans le défaut de lettre de mission, conteste le défaut d'information sur les risques de l'investissement alors que les risques qui se sont réalisés sont exceptionnels, extérieurs à l'investissement et imprévisibles, s'agissant de fautes de gestion, des retards de raccordement et des rendements non atteints et qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir tenu compte d'informations qu'elle n'avait pas, alors que le produit reposait sur un montage économique viable et faisable et qu'aucun élément ne permettait de soupçonner le caractère désastreux de cet investissement.

Elle précise que l'information sur la nature de l'investissement était clair, qu'elle n'avait pas à informer de prétendus risques, qu'elle n'avait pas d'obligation de conseil postérieure à la réalisation de l'investissement, qu'elle n'a commis aucune faute au moment du choix entre le maintien des apports de société en participation et la conversion en obligations. Elle conteste que M B apporte la preuve que le produit n'était pas adapté à sa situation.

Elle indique qu'il n'est pas apporté la preuve d'un préjudice indemnisable en lien de causalité avec les fautes qui lui sont reprochées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la recevabilité de l'action de M B

A. Quant au monopole d'action du liquidateur judiciaire de la société Solabios

L'article L. 622-20 du code de commerce dispose que : 'Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seule qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers...'

L'article L. 641-4 du code de commerce dispose que : 'Les sommes recouvrées à l'issue des actions introduites par le mandataire judiciaire ou, à défaut, par le ou les créanciers nommés contrôleurs, entrent dans le patrimoine du débiteur et sont affectées en cas de continuation de l'entreprise selon les modalités prévues pour l'apurement du passif.'

Il résulte de ces dispositions que seul le représentant des créanciers a qualité pour agir pour demander réparation du préjudice collectivement subi par les créanciers du fait de la procédure collective, et que ce préjudice collectif ne peut donner lieu à une action individuelle d'un créancier.

Un créancier ne peut agir que s'il justifie d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers.

Il convient donc de vérifier si le préjudice invoqué par l'associé est un préjudice personnel distinct de celui de la société et de celui subi par la collectivité des créanciers.

En l'espèce, M B soutient le manquement de la société Arènes qui ne lui aurait pas donné des conseils adaptés à sa propre situation et qui l'aurait incité à investir dans un montage financier, en omettant de l'informer sur les caractéristiques exactes de son engagement, sans lui signaler l'existence de risques pour le capital investi comme pour le versement des revenus garantis. Il soutient également une faute du conseiller de gestion de patrimoine qui n'aurait pas été indépendant des sociétés recevant les fonds.

Le préjudice de M B qui a investi dans une ou des sociétés en participation au regard d'un engagement garanti par la société Solabios est un préjudice distinct de celui de la société Solabios, et de celui des créanciers de cette société, et les fautes soutenues à l'encontre du conseiller en gestion de patrimoine n'ont en aucun cas contribué à la procédure collective de la société Solabios. Son préjudice personnel a régulièrement été déclaré à la procédure collective de Solabios sans que cette déclaration ne donne à son préjudice un caractère collectif.

Le préjudice de M B est donc distinct du préjudice collectif des créanciers dont seul le représentant des créanciers peut demander réparation, et son action est en conséquence recevable.

B. Quant au monopole d'action du représentant de la masse des obligataires de la société Solabios

L'article L. 228-54 du même code dispose que : 'Les représentants de la masse, dûment autorisés par l'assemblée générale des obligataires ont seules qualités pour engager, au nom de ceux-ci, les actions en nullité de la société ou des actes et délibérations postérieurs à sa constitution, ainsi que toutes autres actions en justice ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires, et notamment requérir la mesure prévue à l'article L. 237-14.

Les actions en justice dirigées contre l'ensemble des obligataires d'une même masse ne peuvent être intentées que contre le représentant de cette masse.'

M B reproche un défaut d'information et de conseil de la société Arènes Finance, conseiller en gestion de patrimoine, au moment de réaliser l'option pour la conversion de ses parts de société en participation en obligations de la société Solabios.

Là encore, le préjudice résultant d'un défaut d'information découle de la seule prestation contestée de la société Arènes Finance, et serait constituée par la perte de chance de ne pas avoir converti ses titres ; un tel préjudice n'a rien de commun avec le préjudice collectif des obligataires et constitue un préjudice personnel de M B, même si ce préjudice est révélé par la procédure collective. Il ne peut donc être soutenu que seul le représentant de la masse pourrait agir en réparation du préjudice soutenu par M C

Le jugement qui a dit recevable M B au regard des monopoles des représentants des créanciers et de la masse des obligataires est donc confirmé.

II. Sur la responsabilité de la société Arènes Finances

A. Sur le manquement de la société Arènes Finances à ses obligations

M B soutient que la société Arènes a manqué à son obligation de résultat (conclusions p 42), n'a pas respecté son obligation de s'informer sur sa situation financière, a omis de remplir son obligation de conseil et d'information sur les risques sur le montage proposé, la faisabilité du projet, les risques liés au prix de rachat de l'électricité par EDF, les risques de faillite de Solabios. Il conteste également l'absence d'indépendance de la société Arènes et son défaut de suivi.

= Sur la nature des obligations de la société Arènes Finance

L'obligation du conseil en gestion de patrimoine est une obligation de moyen, en l'absence de toute garantie d'un résultat de rentabilité ou d'absence d'aléa.

La société Arènes Finance a fourni à M B la documentation émise par la société Solabios, mais aussi par son propre document explicatif (pièce 6 M B) ; elle a ainsi présenté le montage financier et indiqué sans réserves que les revenus étaient garantis 20 ans par la société Solabios aux investisseurs dans les sociétés en participation bailleurs du matériel photovoltaïque. Il ne peut être soutenu que la société Arènes était engagée à l'encontre de M B par une obligation de résultat dès lors qu'elle n'a pas pris elle-même un engagement de garantir les revenus du placement proposé.

La société Arènes s'est engagée dans un contrat de conseiller en gestion de patrimoine à l'encontre de M B mettant à sa charge une obligation de conseil et d'information, qui constitue une obligation de moyen. Elle a donc la charge de prouver avoir exécuté cette obligation.

Sur l'obligation de la société Arènes de s'informer sur la situation de M B

Le conseil en gestion de patrimoine est tenu de conseiller à ses clients une opération globale adaptée à leur situation financière, à leur expérience et leurs connaissances ainsi qu'à leurs objectifs. Il a lui-même l'obligation de s'informer de la situation de son client pour l'informer en connaissance de cause.

M B ne peut soutenir l'irrespect des obligations de la société Arènes sur le fondement de l'article L 541-8-1 du code monétaire et financier issu de la Loi 2010-1249 du 22 octobre 2010, qui n'était pas en vigueur au moment de la souscription de son investissement et il ne peut donc soutenir sa responsabilité comme conseiller en investissement financier.

Il appartenait néanmoins à la société Arènes Finance de s'informer de la situation de son client aux fins de lui apporter un conseil adapté.

En l'espèce, il n'est justifié ni d'une lettre de mission, ni d'aucune étude patrimoniale.

Il apparaît donc que la société Arènes Finance ne s'est informée que très sommairement de la situation de son client, et elle n'a en particulier pas relevé si M B acceptait ou non une part de risque dans ses investissements.

A ce titre, il est établi une faute de la société Arènes Finance dans l'exécution de son obligation de conseil en gestion de patrimoine.

= Sur l'obligation de la société Arènes Finance de vérifier le sérieux et la fiabilité du placement proposé

Au moment où la société Arènes Finance a proposé le placement à M B, la situation de Solabios et des sociétés s'y rattachant apparaissait favorable. La presse spécialisée était très positive sur ce placement (Le Moniteur 26 févier 2010, La Tribune le 15 octobre 2010, challenges. fr du 1 juillet 2010 et du 13 octobre 2010, Money week du 28 janvier et du 10 février 2010, le revenu. com 17 novembre 2009), de même que le document pour l'introduction en bourse de Solabios en mai 2010 puis celui établi pour l'admission le 31 mars 2011 sur le marché Nyse Alternex d'Euromes Paris. Il apparaissait alors une situation saine, une confiance générale du milieu professionnel, et des perspectives de croissance positives. Il ne peut être reproché à la société Arènes Finance de ne pas avoir évalué la fragilité de la société Solabios et le montage financier proposé. Elle aurait pu envisager un risque cependant en conséquence de la baisse du prix de rachat de l'électricité par EDF dès lors que celle-ci avait été annoncée précisément le 12 janvier 2010 et aurait en conséquence trouver l'occasion de corriger les documents qu'elle avait elle-même établis pour décrire un investissement sans aucun risque.

Sur l'obligation de conseil et d'information de la société Arènes Finance quant aux placements réalisés

Le conseil en gestion de patrimoine doit guider son client dans le choix des différents placements qui s'offrent à lui, l'éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales de ceux-ci et les risques comparés de tel ou tel investissement.

Il doit informer son client sur les caractéristiques essentielles des produits recommandés, en les présentant de façon claire et exacte, et il doit préciser les risques encourus en conséquence des opérations qu'il préconise si son client n'en est pas lui-même informé.

Celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information ou d'un devoir de conseil doit rapporter la preuve de son exécution.

L'obligation d'information qui pèse sur le professionnel ne peut être considérée comme remplie par la remise du prospectus à l'investisseur dès lors que la publicité ne répond pas à ces exigences.

Il appartient à la société Arènes Finance d'établir la preuve d'avoir délivré une information précise et claire sur les placements proposés, d'avoir averti des risques, et il lui appartient également de prouver que ses clients étaient eux-mêmes avertis pour limiter sa propre obligation d'information.

La société Arènes Finance a remis à M B une documentation présentant le placement Solabios.

Cette plaquette porte sur la première page le titre 'faites vous une ..., investir avec Solabios dans l’énergie photovoltaïque, un engagement eco durable dans un secteur économique porteur'.

Il y est mentionné : 'l'investissement se réalise au travers d'une SEP société en participation art 1871/1874 du code civil. La société en participation est un cadre civil fiscalement transparent, elle n'a pas la personnalité morale et n'est pas soumise à publicité/ ce montage évite les charges et les frais de fonctionnement pour la gestion de ses participants (associés). Solabios va prendre en location les modules photovoltaïques acquis et produire de l'électricité qu'elle va vendre à EDF'... 'un investissement sans contraintes : des revenus garantis et revalorisés pendant 20 ans. Transmissible comme tout autres placement. Solabios d'engage contractuellement à verser à tout investisseur 8% HT pendant 20 ans, ce revenu étant revalorisé chaque année... Solabios propose un rachat des centrales au terme d'une période de 120 mois. La valeur du rachat correspond à 87% de l'investissement. Cet engagement est contractuel par une promesse de rachat '

Ainsi que l'a relevé l'autorité des marchés financiers (AMF), dans sa décision du 23 juillet 2013, 'la teneur des documents communiqués au public ne pouvait permettre aux potentiels investisseurs de prendre une décision en connaissance des caractéristiques et des risques présentés par le 'produit'.' Il a été souligné que ce document 'n'attirait pas l'attention sur la responsabilité indéfinie et solidaire des associés d'une SEP, sur le caractère non liquide de l'investissement, sur sa durée, et ne donnait une information sur le taux de rendement pouvant être considérée comme trompeuse' et que 'l'affirmation selon laquelle le placement était sans contrainte et transmissible comme tout autre placement est inexacte'.

Il apparaissait donc indispensable que le conseil en gestion de patrimoine précise ces informations et les corrige pour expliquer l'existence d'un risque réel dans la constitution de société en participation amenant à créer un actif indivis et un passif commun dont chaque associé devenait indéfiniment et solidairement responsable. Il appartenait également de préciser que la garantie de revenus n'était pas absolue et supposait le succès économique de la société Solabios.

La société Arènes finance a établi un document pour présenter l'investissement où elle a indiqué :

'Un investissement durable qui vous rapporte 8% pendant 20 ans !' 'Les investisseurs achètent donc un équipement industriel et en aucun cas un 'produit financier'. Les investisseurs louent cet équipement indus triel à Solabios SA. En retour ils perçoivent un LOYER qui est CONTRACTUELLEMENT défini comme tel montant du loyer annuel 8%HT du montant HT investi, indexation du loyer 1,5% l'an', 'le contrat offre à l'investisseur la possibilité de se faire racheter ses équipements par Solabios SA après 120 mois de location...' il apparaît souligné que 'le contrat signé avec EDF l'est pour 20 ans' et que l'investisseur qui est allé au terme des 20 ans a totalement converti son investissement en rentes élevées et très peu fiscalisées 'il a récupéré environ trois fois sa mise de base HT'. Il est décrit le montage tripartite entre investisseurs dont Solabios SA, le propriétaire du bâtiment et Solabios SA, et affirmé que 'les trois parties sont gagnantes'. Il est souligné que le troisième pilier de l'opération est :'le contrat d'assurance : il pérennise l'exploitation'.

La société Arènes Finance ne justifie pas ainsi avoir donné une information exacte sur la portée de l'investissement ; au contraire, elle a donné une information imprécise en laissant penser que l'investissement consistait en une acquisition de matériel photovoltaïque, au lien d'insister sur l'acquisition de parts de société en participation.

De plus, elle a insisté sur le caractère garanti du revenu attaché à l'investissement, écartant ainsi tout doute possible sur la sécurité du placement. Ainsi, elle a écrit : 'le produit de Solabios SA est à ce jour le seul qui permet à tout investisseur d'atteindre un tel niveau de rendement dans un cadre totalement SÉCURISE et décarrelé des marchés financiers ! L'originalité de ce produit phare et ses performances en font une alternative de CHOIX à des placements conventionnels de type assurance vie en fonds euros ! C'est LE produit IDÉAL pour des gens qui veulent titrer des revenus trimestriels à partir d'un capital'.

Elle a également exagéré la durée de garantie en l'annonçant acquise pour 20 ans alors que le contrat prévoyait cette garantie pour 10 ans.

Même s'il ne peut être soutenu qu'elle devait informer ses clients des risques liés à la faillite de la société Solabios, qui n'étaient pas prévisibles au moment de l'investissement, il lui appartenait de rappeler l'aléa normal de tout investissement dans une activité économique privée, et de désigner le risque attaché à l'acquisition de parts de SEP. La société Arènes Finance a au contraire communiqué des informations en laissant penser que le placement était 'totalement sécurisé' quant au versement d'intérêts par la société Solabios, et quant au capital par l'engagement de rachat des parts pour 87% du montant investi. Il en résulte que l'information donnée par la société Arènes finance s'apparente à un argumentaire publicitaire dénué de toute nuance, exclusif de toute réserve sur un quelconque risque de l'investissement.

Il est donc établi un manquement à l'obligation d'information et de conseil sur les caractéristiques du placement et ses risques par la société Arènes à l'encontre de M B au moment de son investissement.

= Sur l'obligation de conseil en cours d'investissement

M B soutient le défaut d'information par la société Arènes Finance une fois l'investissement réalisé, et notamment sur l'opportunité d'une conversion de ses parts en obligations.

La société Arènes Finance ne peut soutenir, même en l'absence de lettre de mission, ne pas être tenue de cette obligation de suivi, alors même qu'il est justifié précisément de courriels par lesquels elle a informé M B du devenir du placement et l'a conseillé au moment de la conversion (pièce 12 M B).

L'AMF, le 21 février 2011, a entrepris une enquête 'sur le respect par la société Solebios des règles relatives à l'offre de titres financiers au public ou aux intermédiaires en biens divers à compter du

1er janvier 2009, ainsi que le respect des obligations législatives et réglementaires par toute personne physique ou morale ayant commercialisé ou conseillé la souscription de tout produit par la société Solabios...'

M B ne peut soutenir sur ce seul fondement que la liquidation judiciaire de la société Solabios était alors prévisible et que la société Arènes Finance devait alors l'alerter.

Cependant, les informations officielles données en 2010 sur l'évolution des tarifs d'électricité étaient de nature à permettre de douter utilement de la possibilité pour Solabios de maintenir un niveau de revenu aussi élevé que ce qui avait été prévu, et cette information était de nature à justifier une information et un conseil de la société Arènes Finance sur l'évolution de ses actifs. La société Arènes Finance qui ne justifie d'aucune diligence sur ce point a manqué à son obligation de conseil.

Par contre, il a été proposé par le mandataire ad hoc de la société Solabios à M B de convertir ses parts de société en participation en obligations convertibles de la société Solabios.

M Z, mandataire ad hoc, avait indiqué le 27 septembre 2012 que la conversion de l'investissement permettrait à nouveau un taux de rendement de 8% et une réduction du délai de gel des revenus.

De plus, il n'apparaît pas que la non-conversion aurait limité la perte que M B enregistre puisqu'il aurait gardé une responsabilité indéfinie et solidaire de nature à l'exposer à une perte plus grave que le montant de son investissement.

M B est donc mal fondé à soutenir que la société Arènes Finance a commis sur ce point une faute en ne le conseillant pas de ne pas choisir la conversion de leurs parts.

= Sur le manque d'indépendance de la société Arènes Finance

M B affirme que si le conseil en gestion de patrimoine peut se faire rémunérer au travers de commissions, le fait que Solabios ait perçu 12 % des sommes investies établit son absence d'indépendance.

Cependant le fait que la société Arènes ait pu faire souscrire plusieurs clients à ce même investissement et que sa rémunération soit supérieure à la moyenne de la rémunération obtenue pour le placement d'assurance vie n'est pas suffisant pour établir une 'collusion' du conseiller en gestion de patrimoine avec la société Solabios au détriment des investisseurs.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que des fautes de la société Arènes Finance dans l'exécution de ses obligations de conseil et d'information sont établies à l'encontre de M B, et le jugement du tribunal de commerce d'Angers du 10 mai 2017 est sur ce point infirmé.

B. Sur l'exonération de responsabilité de la société Arènes Finance

La société Arènes Finance soutient que les risques réalisés ont le caractère de force majeure et qu'elle n'avait aucun moyen de les suspecter.

Cependant, il résulte des pièces produites et en particulier de la lettre de M Z, mandataire ad hoc (pièce 9 M B) que les difficultés de la société Solabios résultent d'une part de fautes de gestion, et d'autre part, de retards dans le raccordement des équipements, de rendements inférieurs à ce qui était attendu, dans un contexte aggravé par le contexte évolutif des tarifs d'électricité annoncé à compter de 2010. De telles difficultés ne sont pas d'un caractère imprévisible car toute difficulté relative à la gestion crée un aléa sur l'investissement dans une société privée et sur sa future rentabilité.

La société Arènes Finance devait tenir compte de la potentialité de risques de toute nature, susceptible d'affecter la sécurité des placements conseillés et à ce titre, devait prévenir des risques les consorts A avant que ceux-ci ne s'engagent dans l'investissement conseillé, que ce placement n'était pas sans aléa, alors qu'elle a souligné et insisté sur le caractère 'totalement sécurisé' laissant penser qu'il n'existait aucun risque. Il doit être rappelé que la société Arènes finance n'apporte pas la preuve que M B acceptait que son placement soit affecté d'une part de risque.

Le fait que les difficultés résultent de détournements des dirigeants n'est pas de nature à constituer un cas de force majeure, car il s'agit d'un risque exceptionnel mais qui n'est pas un risque imprévisible.

La société Arènes Finance ne peut soutenir qu'elle ne pouvait prévoir l'existence de risques et elle est donc mal fondée à soutenir être exonérée de sa responsabilité par la nature des difficultés rencontrées par la société Solabios.

C. Sur le préjudice de M B

La victime d'un manquement du conseiller en gestion de patrimoine à ses obligations professionnelles à droit à réparation intégrale du préjudice subi. Elle doit, toutefois, établir la preuve d'un préjudice certain, direct et personnel.

Celui qui acquiert des titres au vu d'informations inexactes perd une chance d'investir ses capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé.

M B soutient que son préjudice est une perte de chance subie qu'il fixe au montant de son investissement après déduction de la TVA reçue, au montant de ses gains manqués qu'il évalue à 8% pendant 10 ans majorés du prix de rachat au terme de dix ans.

Il y a lieu de retenir que le préjudice résultant du manquement à l'obligation d'information sur les caractéristiques exactes du placement a fait perdre une chance réelle à M B de ne pas réaliser ce placement et d'en choisir un autre et, qu'à ce titre, il a subi un préjudice certain qui est constitué par la perte de chance de ne pas avoir investi l'intégralité de leur capital. Le préjudice ne se confond pas avec l'intégralité du capital investi, mais s'évalue à la perte de chance de 85% ne pas avoir choisi ce placement en étant conscient des risques, soit 85% du montant des sommes investies.

M B demande également l'intégralité des gains manqués à savoir l'ensemble des revenus annoncés garantis, ainsi que le rachat des parts pour la valeur annoncée au terme de 10 ans.

Cependant, un tel préjudice n'est pas celui qui résulte de l'inexécution de l'obligation de conseil de la société Arènes Finance puisqu'il n'a pas de lien de causalité avec la perte de chance de ne pas investir ou d'investir différemment, le conseil en gestion de patrimoine n'ayant ici pris aucun engagement de rémunération des investissements et n'étant pas tenu d'une obligation de résultat.

Il en résulte que la perte de chance de M B s'élève à 85% de son placement dont il doit être déduit le montant de la TVA qui leur a été remboursé soit : 85% (126 850,15 - 20 788,14) = 106 062,01 euros.

La société Arènes Finance est donc condamnée au paiement de la somme de 106 062,01 euros à M C

III. Sur les frais et dépens

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M B l'intégralité des frais exposés pour la présente procédure. La société Arènes Finance est donc condamnée au paiement de la somme de 1800 euros à M B pour les procédures de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la société Arènes Finance est condamnée au paiement de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement :

Infirme le jugement du tribunal de commerce du 10 mai 2017sauf en ce qu'il a débouté la société Arènes Finance de ses demandes d'irrecevabilité ;

Statuant de nouveau :

Condamne la société Arènes Finance au paiement de la somme de 106 062,01 euros à M B ;

Déboute M B du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Arènes Finance au paiement de la somme de 1800 euros à M B sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel, et la déboute de ses demandes sur ce fondement ;

Condamne la société Arènes Finance au paiement des dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.