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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 28 janvier 2016, n° 14/00675

DIJON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Gorrias (ès qual.)

Défendeur :

Marie Brizard Wine & Spirits (SA), Maitre (ès qual.), Selafa Mandataires Judiciaires Associés (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ott

Conseillers :

M. Wachter, Mme Brugere

Avocats :

Me Soulard, Me Gerbay, Me Bes

T. com. Dijon, du 27 mars 2014, n° 13/00…

27 mars 2014

Par ordonnance en date du 27 mars 2014, statuant suite à la contestation de la créance déclarée pour un montant de 7 330 807,14 € par Me Gorrias, désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dijon en date du 3 juillet 2012 en qualité de représentant de la masse des obligataires titulaires d'obligations référencées sous le code ISIN FR0010304782 (masse des obligataires B), dans le cadre de la vérification du passif, le juge commissaire du tribunal de commerce de Dijon, désigné dans la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la SA Belvédère a :

ordonné que la créance soit définitivement admise,

constaté que la créance de la masse des obligataires B s'élevait à l'origine de la procédure à la somme de 7 330 816,14 € à titre chirographaire définitif,

donné acte aux parties que la créance totale OBSAR a été convertie en BSA OS, dit que la conversion a, de facto, éteint la créance OBSAR, dit que la créance convertie n'est pas opposable au plan et ainsi n'entre pas dans la distribution des dividendes au plan.

Pour statuer ainsi, le juge commissaire a rappelé que la masse des obligataires B disposait sur la SA Belvédère d'une créance totale initiale de 7 330 807,14 € à titre chirographaire définitif ; que 'suite à la signature d'un protocole transactionnel en date du 04/02/2013, entre la société Belvédère et certains de ses créanciers, celle-ci a procédé en décembre 2013 à la transformation de sa dette OBSAR en Bons de souscription d'actions BSA de telle sorte que la créance des obligataires n'est pas opposable au plan'.

Par déclaration formée le 9 avril 2014, Me Stéphane Gorrias, pris en qualité de représentant de la masse des obligataires titulaires d'obligations référencées sous le code ISIN FR0010304782, désigné à ces fonctions par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dijon du 3 juillet 2012, a interjeté appel de l'ordonnance rendue le 27 mars 2014.

Par ordonnance en date du 20 novembre 2014, le conseiller de la mise en état a débouté les intimés de leur incident et a déclaré Me Gorrias, ès qualité, recevable en son appel.

La cour d'appel de Dijon, par arrêt en date du 31 mars 2015, a sur déféré confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état.

Par ses dernières écritures du 15 octobre 2015, Me Gorrias, ès qualité, demande à la cour de :

admettre la créance des obligataires de type B pour un montant de 7 330 816,14€, outre intérêts au taux nominal annuel de 7,692 %, et à titre chirographaire,

débouter la SA Belvédère devenue SA Marie Brizard wine & spirit, Me Philippe Maitre et la SELAFA MJA de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

condamner la SA Belvédère devenue SA Marie Brizard wine & spirit à payer à Maître Stéphane Gorrias es qualité de représentant de la masse des obligataires titulaires d'obligations référencées sous le code ISIN FR 0010304782, la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du CPC,

condamner la SA Belvédère devenue SA Marie Brizard wine & spirit aux entiers dépens.

Par leurs dernières écritures du 22 septembre 2015, la SA Marie Brizard wine & spirit, Me Philippe Maitre ès qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SA Belvédère devenue SA Marie Brizard wine & spirit, et la SELAFA MJA, ès qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SA Belvédère devenue SA Marie Brizard wine & spirit, demandent à la cour de :

Constatant que l'admission de la créance dont se prévaut l'appel est d'ores et déjà

intervenue et ne demeure pas litigieuse,

dire Maître Gorrias, ès qualités, irrecevable en son action pour défaut de droit d'agir, défaut de qualité et défaut d'intérêt et plus généralement en raison du fait qu'il n'est plus en fonction,

Subsidiairement, sur le fond,

dire l'appelant infondé en son appel.

Encore plus subsidiairement,

dire n'y avoir lieu à prononcer une admission d'ores et déjà intervenue et constater le cas échéant l'admission définitive de la créance litigieuse,

Statuant ce que droit sur les motifs surabondants de l'ordonnance déférée en relevant qu'en cause d'appel Maître GORRIAS, ès qualités, refuse qu'il soit donné acte de ces faits dont il n'est pas établi en l'état qu'ils ne demeureraient pas constants,

En toute hypothèse,

condamner Maître Gorrias, ès qualités, à payer à Maître Philippe Maitre, ès qualités, à la SELAFA MJA, ès qualités, et à la SA Belvédère, devenue SA Marie Brizard wine & spirit, la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner l'appelant aux entiers dépens de la procédure d'appel distraits au profit des avocats de la cause.

Par réquisitions communiquées selon la voie électronique le 5 mai 2015, le Ministère Public conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise et demande à la cour d'admettre la créance des obligataires de type B pour un montant de 7 330 816,84 €, outre intérêts au taux nominal de 7,692 %, et à titre chirographaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2015.

SUR CE :

Vu les dernières écritures des parties auxquelles la Cour se réfère ; vu les pièces ;

Attendu que par application de l'article L. 622-25 du code de commerce, la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances ;

qu'il s'ensuit que le montant de la créance à admettre doit être celui existant au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, indépendamment des paiements effectués postérieurement entre les mains du créancier ou de toute autre cause qui postérieurement au jugement d'ouverture aurait éteint la créance ou en aurait réduit le quantum ;

Attendu qu'il sera à titre liminaire observé que si les intimés s'interrogent dans leurs conclusions sur le grief que peut causer à l'appelant l'ordonnance entreprise, il a déjà été statué sur la recevabilité de l'appel, consacrée par arrêt de cette cour statuant sur déféré en date du 31 mars 2015, de sorte que la recevabilité de l'appel ne saurait à nouveau être discutée ;

sur le pouvoir à agir :

Attendu que les intimés concluent à l'irrecevabilité de la demande de Me Gorrias, en premier lieu pour défaut de pouvoir d'agir en justice, dans la mesure où l'ordonnance l'ayant nommé en 2012 le désigne pour assurer la représentation de la masse des obligataires dans les opérations de redressement judiciaire de la SA Belvédère mais ne lui donne pas un pouvoir général de représentation ad litem, de sorte que l'action est intentée par Me Gorrias ès qualité au-delà de la mission qui lui est confiée, d'autant plus que la créance se trouve définitivement admise ;

Mais attendu que par ordonnance en date du 3 juillet 2012, le président du tribunal de commerce de Dijon a désigné Me Gorrias en qualité de représentant de la masse des obligataires titulaires d'obligations référencées sous le code ISIN FR0010304782, aux fins 'd'assurer la représentation de la

masse des obligataires dans les opérations de redressement judiciaire de la société Belvédère' et 'd'en déclarer la créance entre les mains du mandataire judiciaire' ;

que cette ordonnance ne fait que reprendre la mission du représentant de la masse des obligataires définie par l'article L. 228-85 du code de commerce au cas de désignation d'un mandataire par le président du tribunal de commerce à défaut de déclaration par les représentants de la masse ;

qu'il sera rappelé que par application de l'article L. 228-83 du code de commerce, en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires de la société, les représentants de la masse des obligataires sont habilités à agir au nom de celle-ci ;

qu'il s'ensuit que le mandataire, désigné aux mêmes fonctions, a les mêmes pouvoirs, notamment quant à la procédure de vérification des créances consécutive à la déclaration de créance, dont il a expressément la charge, et qui fait partie intégrante des opérations de redressement judiciaire visées par les textes précités ;

que dès lors ainsi que le fait observer l'appelant que le mandat comporte celui de veiller à l'admission de la créance déclarée ' sauf à prétendre que le créancier qui déclare sa créance au passif d'une procédure collective ne rechercherait pas l'admission de sa créance ' , Me Gorrias, ès qualité de la masse des obligataires B, a bien pouvoir d'agir aux fins de poursuivre l'admission de la créance de la masse qu'il représente ;

sur la qualité à agir :

Attendu que les intimés concluent à l'irrecevabilité de la demande de Me Gorrias, en deuxième lieu pour défaut de qualité à agir, dans la mesure où Me Gorrias représente une masse d'obligataires qui n'existe plus au jour où la cour statue, puisqu'en exécution du plan de redressement judiciaire qui a emporté conversion en capital de l'ensemble de la dette FRN et remise de bons de souscription d'actions pour les créanciers obligataires, la masse a été dissoute, l'ensemble des BSA ayant compensé les obligations subordonnées dans les formes et délai du plan ;

Mais attendu qu'il suffit de renvoyer à la lecture du jugement du tribunal de commerce de Dijon en date du 19 mars 2013 ayant arrêté le plan de redressement de la SA Belvédère ;

qu'aux termes du dispositif de cette décision, le tribunal a arrêté le plan de redressement, tel qu'il a été présenté dans le rapport de l'administrateur judiciaire en date du 24 janvier 2013, et qui comprend les dispositions, notamment la suivante ici reproduite :

'(ii) paiement des créanciers obligataires par la remise, à la date de maturité des BSAR, de bons de souscription d'actions ouvrant droit, au total, à 10% du capital social de la société (les BSA OS S2), avant exercice des BSAR et des différents bons de souscription émis dans le cadre de la restructuration, étant précisé que :

a Les BSA OS 2 seront souscrits par compensation avec les créances des obligations subordonnées.

b Dans l'hypothèse où les obligations subordonnées seraient remboursées préalablement à l'émission des BSA OS S2, le pourcentage du capital social de la société auquel donneront droit les BSA OS S2 sera réduit à due proportion.

c Le prix total d'exercice des BSA OS S2 correspondra à 105% du prix de souscription FRN S2.

d Les BSA OS S2 auront une date de maturité fixée au 31 décembre 2016. Ils seront exerçables, en numéraire uniquement, à tout moment jusqu'à leur maturité.' ;

qu'il ne peut être déduit de ces seules mentions la dissolution, effective au jour où statue la cour, de la masse des obligataires B représentée par Me Gorrias, d'autant que les intimés produisent en pièce 6 le procès-verbal des délibérations de l'assemblée unique des obligataires du 17 avril 2013 (pour les obligations A, A nouvelles, et B), dont il ressort qu'ont été soumises à leur vote des propositions de modification du plan de redressement arrêté le 19 mars 2013 en ce qui concerne les modalités d'apurement des obligations subordonnées ;

qu'il convient en conséquence de rejeter la fin de non-recevoir opposée en vain par les intimés ;

sur l'intérêt à agir :

Attendu que les intimés concluent à l'irrecevabilité de la demande de Me Gorrias, en troisième lieu pour défaut d'intérêt à agir dans la mesure où il n'existe plus de litige, puisque la créance totale d'OBSAR a été convertie en BSA et que la conversion a, de facto, éteint la créance OBSAR, de sorte que la créance convertie n'est pas opposable au plan et n'entre pas dans les distributions du plan ;

Mais attendu qu'il ressort suffisamment de ces explications répétées par les intimées que la conversion invoquée ne peut intervenir, en tout état de cause, qu'en conséquence de l'arrêté du plan de redressement, qui d'évidence est postérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective et n'a pas à être pris en considération par le juge commissaire ;

qu'en réalité, au prétexte du prétendu défaut d'intérêt à agir, les intimés qui ne peuvent plus soutenir le défaut d'intérêt comme cause d'irrecevabilité de l'appel puisque cela a déjà été tranché par la cour, contestent le bien-fondé de la demande de Me Gorrias qu'il convient maintenant d'examiner, l'ensemble des fins de non-recevoir soulevées par les intimés étant écarté ;

au fond :

Attendu que c'est par la même argumentation, déclinée précédemment sous d'autres qualification, que les intimés soutiennent que l'appel est mal fondé et sans objet ;

Attendu qu'il sera encore une fois renvoyé aux dispositions l'article L. 622-25 du code de commerce quant à la créance existant au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, les circonstances postérieures pouvant affecter la créance n'ayant pas à être prises en compte par le juge commissaire ;

que nonobstant ce que soutiennent les intimés comme quoi les motifs surabondants de l'ordonnance du juge commissaire ne causeraient pas grief, force est de rappeler que c'est par le dispositif de son ordonnance que le juge commissaire a statué en ordonnant certes l'admission définitive de la créance ( sans toutefois en préciser le montant) pour ensuite, toujours aux termes de son dispositif, donner acte aux parties que la créance OBSAR a été convertie en BSA OS et a dit que 'la conversion a, de facto, éteint la créance OBSAR' ;

que par ailleurs les intimés ne sont pas fondés à soutenir qu'il n'existe pas de litige en raison de l'accord des parties, alors que la cour, déjà dans son arrêt sur déféré, avait relevé que ni les écritures déposées devant le juge commissaire ni la note d'audience ne font état du prétendu accord donné par Me Gorrias ;

qu'en effet la fiche d'audience tenue par le greffier lors des débats devant le juge commissaire, figurant au dossier de première instance, fait apparaître que le représentant de Me Gorrias a maintenu la déclaration de créance et que la conversion et ses conséquences n'ont été soutenues que par le conseil de la SA Belvédère ;

que surtout figure au dossier la note en délibéré, adressée par Me Gorrias conformément à

l'autorisation donnée lors des débats par le juge commissaire, note dans laquelle Me Gorrias reprend, sur la question de savoir si l'ordonnance doit porter mention d'un accord postérieur à l'ouverture de la procédure qui modifierait le montant de la créance des obligataires de type B au jour du 20 mars 2012 (ouverture du redressement judiciaire), les arguments développés lors des débats, renvoie ainsi aux dispositions de l'article L.622-25 du code de commerce et demande expressément au juge commissaire d'admettre la créance pour le montant de '7 330 816,14 €, outre intérêts, à titre chirographaire, soit 6 637 064,35 € au titre de l'encours nominal et 693 751,79 € au titre de l'encours coupon au 20 mars 2012, sans autre mention' ;

Attendu enfin que les intimés ne peuvent s'opposer à la demande de Me Gorrias en arguant de l'admission définitive de la créance, portée à l'état des créances déposé au greffe, signé par le juge commissaire et publié au BODACC ;

qu'en effet, il ressort de l'état des créances , produit en pièce n°11, portant le cachet du greffe du 1er janvier 2013, visé par le juge commissaire le 5 mars 2013, qui seul fait l'objet de la publication au BODAAC du 24 septembre 2013, qu'est mentionné, s'agissant de la créance de Me Gorrias ès qualité : 'masse obligations Belvédère B (ISIN FR0010304782)

Contestation de 7 330 816,14 € Renvoi devant le juge commissaire' ;

que ce n'est que sur un état des créances rectifié, du 27 novembre 2014, ne comportant ni cachet du greffe du tribunal de commerce ni visa du juge commissaire, (pièce n°8) qu'est mentionné pour cette créance: 'admission après contestation', ce qui renvoie nécessairement à l'ordonnance querellée du juge commissaire, laquelle précisément n'est pas définitive ;

Attendu qu'il ressort suffisamment de ce qui vient d'être exposé, la créance devant être admise pour le montant existant au jour de l'ouverture de la procédure collective, que le juge commissaire n'avait pas à ajouter par son ordonnance à la décision pure et simple d'admission à titre chirographaire pour prendre en considération des circonstances postérieures au jugement d'ouverture ;

que l'ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée, la créance étant admise à titre chirographaire pour le montant de 7 330 816,14 €, outre intérêts au taux nominal annuel de 7,692 %, à titre chirographaire ;

sur les autres demandes :

Attendu que les intimés qui succombent sur l'appel doivent être condamnés aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel ;

Attendu que l'équité n'exige pas la mise en oeuvre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Vu l'arrêt de la cour en date du 31 mars 2015 ayant statué sur la recevabilité de l'appel

Rejette les fins de non-recevoir opposées par les intimés pour défaut de pouvoir à agir, défaut de qualité à agir et défaut d'intérêt à agir ;

Déclare Me Gorrias, ès qualité de représentant de la masse des obligataires titulaires d'obligations référencées sous le code ISIN FR0010304782 (masse des obligataires B) désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dijon en date du 3 juillet 2012, recevable et bien fondé en sa demande ;

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 27 mars 2014 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Dijon désigné dans la procédure de redressement judiciaire de la SA Belvédère ;

Statuant à nouveau :

Admet à titre chirographaire, pour le montant de 7 330 816,14 €, outre intérêts au taux nominal annuel de 7,692 %, la créance de Me Stéphane Gorrias, en sa qualité de représentant de la masse des obligataires titulaires d'obligations référencées sous le code ISIN FR0010304782 (masse des obligataires B), désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dijon en date du 3 juillet 2012 ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA Marie Brizard wine & spirit, Me Philippe Maitre, ès qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SA Belvédère devenue SA Marie Brizard wine & spirit, et la SELAFA MJA, ès qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SA Belvédère devenue SA Marie Brizard wine & spirit, aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.