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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 11 janvier 2018, n° 16/10056

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

A La Marée (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Picard

Conseillers :

M. Franchi, Mme Rossi

Avocats :

Me Etevenard, Me Brenner, Me Bouzidi-Fabre, Me Breuil, Me Mestre, Me Ingold, Me Lunel

T.com. Créteil, du 22 mars 2016, n° 2009…

22 mars 2016

La société La Marée des Pêcheurs a été transformée en société anonyme en juin 1988, devenue la SA "A La Marée" au capital de 368.000 euros. Elle exploite un fonds de commerce de restauration situé à Rungis. Elle réalise un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 4.000.000 euros.

Les principaux actionnaires en étaient à cette date: F… : 11.492 actions, D… : 2.300 actions, C… : 9.200 actions, soit un total de 23.000 actions.

En janvier 1992, C…, qui portait les parts de E…, a cédé l'ensemble de ses titres soit 5 actions à A… et 9.195 actions à F…. Lors de l'assemblée générale du 30 juin 1992, A… a été convoquée et a signé la feuille de présence pour 5 actions. Le 30 juin1997, A… a cédé ses 5 actions à G…, fils de F…, avec date de jouissance au 1er janvier 1997.

Par lettre du 27 mars 2008 adressée à la société A La Marée, le conseil de A…, s'étonnait de ce que sa cliente, actionnaire de la société, ne soit plus convoquée aux assemblées et mettait en demeure la société de lui faire parvenir les documents sociaux sur les années 1997 à 2007.

Suivant assignation du 23 avril 2009 de la société A La Marée devant le tribunal de commerce de Créteil, A… s'est prévalue d'un ordre de mouvement à son profit de 9.195 actions en date du 1er janvier 1992 signé de F…. La société A La Marée a contesté la qualité d'actionnaire de A…, en précisant que cet ordre de mouvement, qui n'a jamais été présenté à la société n'avait pas été inscrit sur le registre des mouvements de titres.

F… qui était intervenu volontairement à l'instance de référé, a reconnu avoir signé ce document mais a contesté l'avoir signé au bénéfice de A….

Selon ordonnance du 6 mai 2009, le Président du tribunal de commerce de Créteil, statuant en référé, s'est déclaré incompétent en raison d'une contestation sérieuse et a renvoyé l'affaire devant les juges du fond.

A… a saisi le tribunal de commerce au fond afin de faire valoir ses droits d'associée de la société A La Marée, demandant que les actions qu'elle dit posséder soient inscrites sur le compte individuel d'actionnaire et sur le registre des mouvements de titres. Elle demandait également la communication sous astreinte d'un certain nombre de documents de la société A La Marée (lettres de convocations aux assemblées, feuille de présence), ainsi que la désignation d'un expert pour le calcul des dividendes dont elle aurait été privée.

Selon exploit du 3 novembre 2009, la SA A La Marée a assigné en intervention Messieurs F… et H….

H… a sollicité sa mise hors de cause et a affirmé que s'il a été l'un des actionnaires fondateurs de la SA A La Marée, il en n'est plus actionnaire depuis 1992.

La société A La Marée s'opposait aux demandes de A… aux motifs qu'elle n'avait plus la qualité d'actionnaire depuis le 30 juin 1997 car elle ne figurait pas sur le registre des associés, dans la mesure où, en ce qui concerne la propriété des 5 actions, elle les avait cédées à G…, fils de F… et pour les 9195 actions, celles-ci ne pouvaient être opposées à la société A la Marée pour ne pas avoir été inscrites sur le registre des mouvements de titre, et ne pouvaient être opposées à F… dans la mesure où ce dernier avait déclaré que s'il était bien signataire de cet ordre de mouvement, il n'avait jamais cédé ni voulu céder les 9105 actions lui appartenant à A….

F… a exposé que l'ordre de mouvement dont A… se prévaut, était un ordre de mouvement qu'il avait établi dans le cadre de sa succession personnelle, sans indication de date ni de bénéficiaire se réservant de l'utiliser ultérieurement, que cet ordre de mouvement avait été conservé dans son bureau et qu'il ne s'en était plus inquiété depuis. C'est à l'occasion de l'action engagée par A… qu'il a constaté que cet ordre de mouvement ne se trouvait plus à l'endroit où il l'avait laissé mais se trouvait en la possession de A… et que la date et le nom du bénéficiaire avaient été ajoutés à la main. Il déposait le 11 mai 2010 une plainte pénale pour recel de vol de document et faux en écriture et usage faux contre A….

A… a également déposé plainte à son tour pour faux en écriture, contestant avoir cédé les 5 actions à G….

Suivant décisions du 11 novembre 2011 et du 10 avril 2012, le tribunal de commerce de Créteil décidait de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale et ordonnait la mise des 9.195 actions revendiquées sous séquestre.

Une ordonnance de non-lieu était rendue le 19 janvier 2015 suite à la plainte déposée par Z… et une ordonnance de non-lieu était également rendue suite à la plainte déposée par A….

Par jugement du 22 mars 2016 par le tribunal de Commerce de Créteil a :

- dit irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société A La Marée et F…,

- ordonné la levée du séquestre pour l'inscription au compte de Y… des actions ayant fait l'objet de la décision de séquestre,

- condamné la société A La Marée à inscrire sur le registre des mouvements de titres l'ordre de mouvement daté du 01/01/1992, transférant 9.195 actions de F… au bénéfice de Y…, et à inscrire sur le compte individuel d'actionnaire de Y… la mention des 9.195 actions,

- débouté Y… de sa demande de communication de documents,

- débouté Y… de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire,

- débouté Y… de sa demande de provision,

- mis hors de cause E…,

- condamné solidairement F… et la société A La Marée à payer à Y… la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- débouté Y… du surplus de sa demande,

- débouté la société A La Marée et F… de leur demande formée de ce chef,

- condamné la société A La Marée à payer à E… la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- débouté E… du surplus de sa demande,

- condamné solidairement F… et la société A La Marée aux dépens comprenant les frais et honoraires de la SCP Meunier Gendron Di Peri au titre du séquestre des titres.

F… et A… ont interjeté appel de ce jugement. A… a assigné en intervention forcée H….

Les parties ayant fait connaître leur accord pour rechercher une solution amiable au conflit qui les oppose, un médiateur judiciaire a été désigné suivant arrêt du 1er décembre 2016. La médiation échouait et l'affaire était réaudiencée.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2016, Z… demande à la Cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau au visa des articles 1582, 1583 et 1591 du Code Civil, de l'article 228-1 du code de commerce, de l'article L 211-16 du Code Monétaire et Financier, des articles 1315, 1341 et 1347 du Code Civil, des articles 554, 555, 564 et 700 du Code de Procédure Civile, de':

- 'déclarer recevable et bien fondé l'appel de F… ;

- 'y faisant droit

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- ordonné la levée du séquestre pour l'inscription en compte de Y… des actions ayant fait l'objet de la décision de séquestre,

- condamné la société A La Marée à inscrire sur le registre des mouvements de titres l'ordre de mouvement daté du 01/01/1992, transférant 9.195 actions de F… au bénéfice de Y…, et à inscrire sur le compte individuel d'actionnaire de Y… la mention des 9.195 actions,

- condamné solidairement F… et la société A La Marée à payer à Y… la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- condamné solidairement F… et la société A La Marée aux dépens comprenant les honoraires de la SCP Meunier Gendron Di Pieri au titre du séquestre des titres,

Et statuant à nouveau,

- Dire que Y… ne rapporte pas la preuve d'une convention régulière au terme de laquelle elle aurait acquis les 9.195 actions de la société A La Marée sitôt leur acquisition par F…,

- Dire que F… n'a jamais transféré les 9.195 actions à Y…,

- Dire et juger que A… n'est pas fondée à demander l'inscription des 9 195 actions à un compte individuel d'actionnaire a` son nom,

- Dire que la demande formée par Y… au titre de la nullité des cessions qui auraient été faites par F… est nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile et est par conséquent, irrecevable,

- Dire que l'intervention forcée de H… est irrecevable,

En conséquence,

- Rejeter l'ensemble des demandes de Y…,

- Dire et juger que F… est seul légitime propriétaire des 9.195 actions de la société A La Marée,

- Ordonner purement et simplement la levée du séquestre des 9.195 actions afin que F… retrouve la libre disposition de ses actions,

- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Y… de toutes ses demandes au titre de sa prétendue qualité d'actionnaire de la société A La Marée et notamment de :

- sa demande de communication de documents,

- sa demande de désignation d'un administrateur provisoire,

- sa demande de provision a` hauteur de 100.000 euros au titre des droits dont elle aurait été privée,

- Condamner Y… à verser à F… la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel, outre celle de 3.000 euros au titre de l'instance devant le tribunal de commerce,

- Condamner Y… aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Etevenard conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 mars 2016, Y… demande à la Cour, au visa des articles 1134 et suivants du Code Civil, du Code Monétaire et Financier en ses articles L 221- 8 al.6 - l'article L 211-15, de la Loi nº 81-1160 du 30 décembre 1981, art. 94-I, des articles 330 et 554 et 700 du Code de Procédure Civile, et vu l'assignation en intervention forcée délivrée à E… en cause d'appel en suite des conclusions de la Sa A La Marée du 8 septembre 2016 qui constitue au niveau du droit une modification des données juridiques du litige intervenue postérieurement au jugement dont appel :

- De déclarer les conclusions de E… recevables,

- De juger à titre principal que la Sa A La Marée n'est pas recevable à contester la qualité d'actionnaire de A… car nul ne plaide par procureur,

- De juger à titre subsidiaire que la Sa A La Marée est mal fondée à contester la qualité d'actionnaire de A…,

Elle sollicite de la Cour la confirmation du Jugement dont appel en ce qu'il a condamné la Sa La Marée :

1º/ 'A inscrire sur son compte individuel d'actionnaire que l'ordre de mouvement daté du 01/01/1992 au terme duquel F… lui a transféré 9.195 actions soit inscrit.

2º/ 'A inscrire sur le registre des mouvements de titres, l'ordre de mouvement daté du 01/01/1992 au terme duquel Z… lui a transféré 9.195 actions.

Ces condamnations seront prononcées sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 07 jours à compter de la date de l'arrêt à intervenir.

- De déclarer nulles les cessions faites par F… en violation des droits de A….

- D'infirmer le jugement dont appel sur ce point et que statuant à nouveau de condamner la Sa A La Marée à communiquer à A… la copie des documents suivants :

L'intégralité des registres de la société depuis sa constitution jusqu'à ce jour (PV AG et feuilles de présence),

L'ensemble des cessions d'actions intervenues depuis la constitution de la société jusqu'à ce jour. L'ensemble des versions des statuts de la société depuis sa constitution jusqu'à ce jour.

- D'ordonner cette communication, ce sous astreinte en application des dispositions des articles 138 et suivant du Code de procédure civile.

- De prononcer les demandes de condamnation sous astreinte 5.000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 07 jours à compter de la date de l'arrêt à intervenir,

- D'infirmer le Jugement dont appel sur ce point et que statuant à nouveau de désigner tel administrateur provisoire qu'il lui plaira de nommer de la Sa « A La Marée » ' société anonyme au capital de 368.000 euros - (RCS Créteil 692 040 348 ) société propriétaire d'un fonds de commerce de restauration situé à Rungis sise à Créteil, Place des Pêcheurs MIN RUNGIS - 94150 Rungis, et fixer sa mission comme suit :

1º/ Convoquer l'assemblée générale d'Approbation des comptes de l'exercice clos le 31/12/2016 et établir : rapport de gestion du gérant, approbation des comptes de l'exercice social clos le 31 décembre 2016, affectation du résultat de l'exercice, questions diverses, pouvoirs pour l'accomplissement des formalités ;

2º/ 'Dire que l'administrateur désigné devra rendre compte, dans le mois de sa nomination, de l'état de la société et des perspectives d'évolution de sa situation et en tout état de cause établira un compte rendu à la fin de sa mission ;

3º/ 'Autoriser l'administrateur désigné à se faire assister de toute personne compétente de son choix ;

4º/ 'Dire qu'en cas d'empêchement, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête ;

5º/ 'Fixer la rémunération de l'administrateur désigné qui devra être prise en charge par la société ;

6º/ 'Dire qu'à la diligence de l'administrateur désigné, un extrait de l'ordonnance sera publié, conformément à la loi, dans un journal d'annonces légales et que les mentions correspondantes seront portées au registre du commerce et des sociétés ;

7º/ 'Communiquer à A… les documents que celle-ci est en droit de réclamer en sa qualité d'associé de la Sa A La Marée.

- D'ordonner cette mesure conservatoire qui préservera les droits des parties.

- De condamner solidairement F… et la SA A La Marée à payer à A… une provision d'un montant de 100.000 euros au titre des droits dont elle a été privée.

- De condamner solidairement F… et la Sa A La Marée à payer à A… une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Bouzidi avocat aux offres de droit,

- de dé bouter F… et la SA A La Marée de toutes leurs demandes contraires au dispositif des présentes conclusions comme étant non fondées.

***

Dans ses dernières concluions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2016, la société A La Marée, intimée, demande à la Cour au visa des articles L228-1 et R 228-10 du code de Commerce, de l'article L 211-16 du code Monétaire et Financier, des articles 554, 555, 564 du Code de Procédure Civile, de':

- Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- ordonné la levée du séquestre pour l'inscription au compte de Y… des actions ayant fait l'objet de la décision de séquestre,

- condamné la société A La Marée à inscrire sur le registre des mouvements de titres l'ordre de mouvement daté du 01/01/1992, transférant 9.195 actions de F… au bénéfice de Y…, et à inscrire sur le compte individuel d'actionnaire de Y… la mention des 9.195 actions,

- condamné solidairement F… et la société A La Marée à payer à Y… la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- condamné la société A La Marée à payer à E… la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- condamné solidairement F… et la société A La Marée aux dépens comprenant les frais et honoraires de la SCP Meunier Gendron Di Peri au titre du séquestre des titres.

Et statuant a nouveau :

- dire et juger A… mal fondée dans ses demandes à l'encontre de la société A La Marée et l'en débouter,

- dire et juger que A… ne justifie pas de sa qualité d'actionnaire,

- dire et juger que A… n'est pas fondée à demander l'inscription des 9 195 actions a` un compte individuel d'actionnaire à son nom,

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu pour la société A La Marée de maintenir le séquestre des 9 195 actions sur un compte spécial,

- dire et juger irrecevable l'intervention forcée de E…, partie en première instance,

- en toute hypothèse, le déclarer irrecevable en toutes ses demandes nouvelles,

- confirmer pour le surplus, le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Y… de ses demandes de communication de documents, de désignation d'un administrateur provisoire et d'une provision de 100 000 euros,

- condamner A…, sur le fondement de l'article 700 du CPC, à payer à la société A La Marée la somme de 10.000 euros au titre de la procédure devant d'appel, outre celle de 5.000 euros au titre de l'instance devant le Tribunal de Commerce,

- condamner E…, sur le fondement de l'article 700 du CPC, à payer à la société A La Marée la somme de 5.000 euros au titre de la procédure devant la cour d'appel,

- condamner A… aux entiers dépens tant de première instance que d'appel et qui comprennent les frais d'expertise dont distraction au profit de Maître Frédérique Etevenard, avocat, aux offres de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique par H…, partie intervenante, déclare avoir été partie devant le Tribunal et ne pouvoir être assigné qu'en qualité d'intimé provoqué suivant les articles 549 et suivants du code procédure civile et demande à la Cour de le déclarer recevable en ses conclusions pour appuyer toutes les demandes de A….

SUR CE

Sur l'intervention forcée de H…

A… a assigné en intervention forcée E…, en suite des conclusions de la société A La Marée qui constituent au niveau du droit une modification des données juridiques du litige intervenue postérieurement au jugement dont appel. Z… soulève l'irrecevabilité de l'intervention forcée car contraire aux dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile, en ce que E… est intervenu en première instance et qu'il n'est donc pas un tiers.

Selon l'article 554 du Code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elle y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité et selon l'article 555 du même code, ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

En l'espèce, E… a été assigné en intervention forcée diligentée le 9 novembre 2009 par la société A La Marée afin qu'il fournisse au tribunal de commerce de Créteil toutes explications. E… a sollicité sa mise hors de cause pure et simple, comme n'étant plus actionnaire de la société A La Marée depuis 1992 et déclarant être totalement étranger au litige opposant A… à la société A La Marée. Le tribunal, ayant constaté l'absence de contestation des parties sur ces déclarations, a mis hors de la cause E…. A… dit être dans l'obligation d'assigner E… en cause d'appel dans la mesure où les conclusions de la Sa A La Marée constituent au niveau du droit une modification des données juridiques du litige.

Dans ce contexte, il ne ressort pas des débats qu'une évolution du litige ait été démontrée. En outre, l'intervention volontaire en cause d'appel est subordonnée à la condition d'un intérêt à agir de l'intervenant volontaire, E…, appelé en première instance, ayant déclaré n'avoir aucun lien avec le litige, n'invoque, devant la cour, aucun droit propre distinct à agir. Il s'ensuit que l'intervention volontaire de E… au soutien des prétentions de A… sera déclarée irrecevable aux regards des articles 554 et 555 du code de procédure civile.

Sur l'intervention comme intimé provoqué de H…

H… reconnaît avoir été partie devant le tribunal et ne pouvoir être assigné qu'en qualité d'intimé provoqué suivant les articles 549 et suivants du code procédure civile et demande à la Cour de le déclarer recevable en ses conclusions pour appuyer toutes les demandes de A… à la Cour.

Cependant, si selon l'article 549 du code de procédure civile, l'appel incident peut également émaner, sur l'appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance, il ne ressort des débats évoqué par E… aucun élément permettant de caractériser un appel incident. En outre, il ne justifie d'aucun intérêt légitime à agir. Il s'ensuit qu'il sera déclaré irrecevable en son intervention comme intimé provoqué.

Sur les demandes de A… à l'encontre de Z… et de la société A La Marée

A… soutient être propriétaire de 9.200 actions de la société A La Marée. Cette propriété résulte d'un ordre de mouvement daté du 1er janvier 1992 au terme duquel Z… lui a transféré 9.195 actions et d'un ordre de mouvement daté également du 1er janvier 1992 au terme duquel C… lui a transféré 5 actions. Elle sollicite la cour, comme le tribunal de commerce de Créteil l'a fait, de tirer les conséquences de l'ordonnance de non-lieu intervenue le 19 janvier 2015 et de dire que l'ordre de mouvement de 9.195 actions de la société A La Marée est parfaitement valide et opposable à Z… et à la société A La Marée';

Tandis que Z… et la société A La Marée qui, en cause d'appel, développe pour l'essentiel les arguments de Z…, font valoir que contrairement à ce qu'a retenu le jugement, A… ne pouvait pas détenir l'ordre de mouvement litigieux de bonne foi. Le tribunal n'a pas tranché la question essentielle relative à l'existence de la cession qui serait intervenue entre Z… et A… le 1er janvier 1992, laquelle a toujours été contestée par Z…. En effet, contrairement au postulat de A…, l'ordonnance de non-lieu n'a jamais établi que le mouvement de cession de titre désignant A… comme propriétaire des 9.195 actions de la société A La Marée est parfaitement valide et opposable à Z… et à la société A La Marée. Dès lors que l'ordre de mouvement est contesté et non inscrit en compte, il appartient à A… de rapporter la preuve, selon les dispositions des articles 1353, 1359 et suivants du code civil, d'une convention régulière au terme de laquelle elle aurait acquis les 9.195 actions appartenant à Z….

Le tribunal, sur la simple considération de l'ordonnance de non-lieu rendu le 19 janvier 2015, en a conclu que A… est détentrice de bonne foi de l'ordre de mouvement qu'elle produit et a condamné la société A La Marée à inscrire sur le registre des mouvements des titres, l'ordre de mouvement contesté au nom de A…. Cependant, il convient de relever qu'une ordonnance de non-lieu, faute de charges suffisantes contre quiconque, est motivée en fait, et n'a qu'une autorité de chose jugée relative et provisoire, ne se fondant pas sur des preuves stricto sensu mais sur des charges et n'entendant donc pas énoncer des faits avérés. En outre, l'ordonnance de non-lieu n'a autorité ni sur le pénal, ni sur le civil. Dès lors, le tribunal qui a méconnu le sens et la portée de l'ordonnance de non-lieu, s'est déterminé par une motivation inopérante et a privé sa décision d'une base légale.

Cependant, A… ne peut se fonder sur la simple détention de l'ordre de mouvement pour se prévaloir de la qualité de propriétaire depuis le 1er janvier 1992 des 9.195 actions de la société A La Marée. En effet, l'article 2276 du code civil aux termes duquel en fait de meubles, la possession vaut titre, ne s'applique pas aux valeurs mobilières dématérialisées dont la transmission obéit à un régime particulier. A… est soumise au formalisme s'appliquant aux titres dématérialisés qui est effectué en trois moments': l'ordre de mouvement signé et daté par l'actionnaire cessionnaire, indiquant le nom du bénéficiaire et adressé à la société ; l'inscription de la transaction sur le registre des mouvements ; l'inscription dans le compte d'actionnaire de la titularité des titres.

En l'espèce, A… déclare être propriétaire depuis le 1er janvier 1992 de 9.195 actions, dont Z… estime être le propriétaire. Elle présente un ordre de mouvement qui ne mentionne que le nom du vendeur, l'indication du bénéficiaire et de la date ayant été ajoutée de la main de A…, ce qui est confirmé par l'instruction pénale. Cet ordre de mouvement n'est pas inscrit sur le registre des mouvements, seul un aspect du formalisme a donc été effectué.

Z… conteste les prétentions de A… et se déclare titulaire depuis le 1er janvier 1992 de 9.195 actions cédées à lui-même par C… et présente l'ordre de mouvement du 1er janvier 1992 à son profit, le registre des mouvements qui indique la vente à son profit à cette même date des 9.195 actions, une quittance du 29 décembre 1992 du prix de vente et les feuilles de présence des assemblées générales de 1992 à 1996 apportant la preuve de sa participation aux assemblées générales pour 9.195 actions achetées à C…. Ces éléments sont confortés par le fait que lors des assemblées générales qui suivent l'année 1992, A… signe la feuille de présence au titre de 5 actions, tandis que Z… indique toujours la propriété de 9.195 actions.

A partir de ces constatations, l'ordre de mouvement produit par A… qui est contesté et non inscrit en compte, ne peut pas constituer un écrit faisant la preuve par lui-même de son droit de propriété.

Il s'ensuit qu'il appartient à A… de rapporter la preuve, selon les dispositions des articles 1353 et 1359 du code civil, de l'existence d'une convention régulière au terme de laquelle elle aurait acquis les 9.195 actions appartenant à Z….

Il convient de relever que, tout au long de l'instance devant le tribunal saisi au fond, A… a fourni différentes explications sur le fondement juridique de son action en revendication. Tout d'abord, devant le magistrat instructeur, elle a expliqué que les actions cédées par C… à Z… lui auraient été immédiatement recédées comme prête-nom, mais qu'elle ne souhaitait pas officialiser la cession pour éviter les pressions des banquiers à la recherche de garanties sur son patrimoine dans le cadre de son activité professionnelle, alors que dans une société anonyme, les actionnaires sont anonymes. Ensuite, elle a prétendu que l'ordre de transfert était manuscrit du fait de l'incertitude et de l'accord de Z… et E… sur le bénéficiaire, alors qu'il a été établi que les 9.195 actions avaient été cédées à titre onéreux le jour même à Z…. C'est alors que devant le tribunal saisi au fond et devant la cour, elle revendique une convention de portage et elle déclare porter les actions de E…, alors que dans le portage, le porteur acquiert des actions pour le compte d'un associé, le donneur d'ordre, et se fait promettre par ce dernier que ces actions lui seront rachetées au terme d'une période déterminée selon des modalités, dont notamment le prix, fixées dès l'origine. Une telle opération est formalisée par une convention. En l'espèce, aucune pièce n'est produite. E…, attrait dans la cause en 1ère instance par la société A La Marée afin de fournir toute explication utile, a demandé à être mis hors de cause et a déclaré avoir cédé ses actions à C… et ne plus être actionnaire de la société A La Marée depuis plus de 18 ans et être totalement étranger au litige opposant A… à la société A La Marée. Ce faisant, E… a reconnu qu'il n'était pas le donneur d'ordre, il ne peut donc y avoir de portage entre A… et lui-même.

Toutefois, il ressort que de nombreuses pièces au débat attestent que les 9.195 actions avaient été cédées à titre onéreux par C… à Z…. Aussi, quelque soient les prétentions émises par A…, pour que ses demandes soient susceptibles d'être accueillies favorablement, elle doit démontrer la réalité de la cession des 9.195 actions à son profit par Z…, n'ayant pu justifier comment Z… qui avait acquis ses actions de C… en payant le prix aurait pu, le jour même de son acquisition, les transmettre à A… sans aucune contrepartie.

Suivant l'article 1353 al'1er du code civil, il incombe donc à A… qui prétend avoir acquis la propriété des actions de la société A La Marée, de prouver la convention de cession lui ayant transmis lesdites actions. Selon l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite dès qu'on est convenu de la chose et du prix. Or, Z… conteste avoir donné son consentement à la cession au profit de A… et l'inscription sur l'ordre de mouvement du nom du bénéficiaire par elle-même ne permet pas d'établir avec certitude ce consentement. Par ailleurs, selon l'article 1583 du code civil, le prix constitue un élément essentiel de la cession. Or, A… ne rapporte à aucun moment la preuve d'un paiement des actions revendiquées, ni par les mentions de l'ordre de mouvement, ni par l'existence d'un prix. Ainsi, l'absence de prix interdit au prétendu acquéreur d'établir la réalité de la cession en se fondant sur la détention de l'ordre de mouvement.

Dès lors, le tribunal qui a déduit de la seule détention matérielle de l'ordre de mouvement contesté et non inscrit en compte, que celle-ci emportait transfert des 9.195 actions de Z…, a fait une mauvaise application des dispositions légales.

Enfin, la revendication de A… se heurte également à une règle importante en matière d'actions de société anonyme que le tribunal de commerce de Créteil a méconnue. En effet, selon l'article L 211-16 du code monétaire et financier, nul ne peut revendiquer pour quelque cause que ce soit un titre financier, dont la propriété a été acquise de bonne foi par le titulaire du compte-titres dans lequel les titres sont inscrits. Or, en l'espèce, la cession des 9.195 actions litigieuses au profit de Z… a bien été inscrite régulièrement tant sur le registre de mouvements de titres de la société A La Marée, qu'au compte individuel d'actionnaire de celui-ci le 1er janvier 1992. Z… bénéficie donc en qui concerne les 9.195 actions litigieuses d'une présomption de propriété.

Par ailleurs, à la condition préalable, savoir que Z… soit inscrit sur le registre des mouvements des titres, la présomption de propriété dont bénéficie Z… se trouve confortée par les éléments versés au débat, lesquels établissent une possession durable, paisible et sans équivoque des 9.195 actions depuis le 1er janvier 1992': l'ordre de mouvement de 9.195 actions à son profit, l'inscription en compte et les feuilles de présence aux assemblées générales.

De plus, Z… s'est comporté tout au long de ces années, comme le seul détenteur de ces 9.195 actions, en exerçant pleinement ses droits économiques et politiques, assistant à toutes les assemblées générales. Au contraire, A…, durant plus de 18 ans, s'est complètement désintéressée de la marche de la société, n'a jamais exercé, ni même cherché à exercer les prérogatives imparties aux actionnaires, ni n'a réclamé de partager les bénéfices par le paiement des dividendes attachées aux actions revendiquées.

Au regard de ces éléments, il convient de constater que A… n'établit à aucun moment la réalité de ses prétentions à détenir à titre de propriétaire les 9.195 actions litigieuses. Il doit être admis au contraire qu'il n'existe aucune équivoque sur la qualité de la possession de Z…, de sorte qu'il convient de reconnaître que celui-ci se trouve propriétaire des 9.195 actions de la société A La Marée depuis le 1er janvier 1992.

Ainsi, le tribunal, qui, sur la simple considération de l'ordonnance de non-lieu rendu le 19 janvier 2015, en a conclu que A…, dès lors qu'elle se prévalait d'un ordre de mouvement de 9.195 actions de la société A La Marée, était détentrice de bonne foi, et a tiré les conséquences de cette détention, a violé les articles 1353, 1359 et 1583 du code civil et l'article L 211-16 du code Monétaire et Financier et devra être infirmé en ce qu'il a ordonné la levée du séquestre pour l'inscription au compte de Y… des actions ayant fait l'objet de la décision de séquestre, condamné la société A La Marée à inscrire sur le registre des mouvements de titres l'ordre de mouvement daté du 01/01/1992, transférant 9.195 actions de F… au bénéfice de Y…, et à inscrire sur le compte individuel d'actionnaire de Y… la mention des 9.195 actions ; condamné solidairement F… et la société A La Marée à payer à Y… la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et condamné solidairement F… et la société A La Marée aux dépens comprenant les honoraires de la SCP Meunier Gendron Di Pieri au titre du séquestre des titres.

En conséquence, la Cour dira A… mal fondée en ce qu'elle revendique les 9.195 actions de la société A La Marée qui sont la propriété de Z… et rejettera donc les demandes de A… visant à faire condamner la société A La Marée à inscrire sur le compte individuel d'actionnaire les 9.195 actions et à inscrire sur le registre des mouvements de titres, l'ordre de mouvement du 1er janvier 1992. La cour rejettera également toutes les autres demandes dérivées de la qualité d'actionnaire de la société A La Marée formulées par A…. La Cour fera droit à la demande de Z… quant à la reconnaissance de ses titres de propriété sur les 9.195 actions de la société A La Marée et ordonnera la levée du séquestre de ces actions.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

A…, partie perdante, supportera les entiers dépens et sera condamnée en équité à verser à Z… la somme de 10.000 euros et à la société A La Marée la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

E… sera condamné à verser à Z… la somme de 3.000 euros et à la société A La Marée la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement rendu le 22 mars 2016 par le tribunal de commerce de Créteil sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société A La Marée et F… et en ce qu'il a débouté Y… de ses demandes de communication de documents, de désignation d'un administrateur provisoire et d'une provision de 100.000 euros,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l'intervention volontaire de H…,

Déclare irrecevable l'intervention comme témoin provoqué de H…,

Déboute Y… de l'ensemble de ses demandes,

Dit F… seul propriétaire légitime des 9.195 actions de la société A La Marée depuis le 1er janvier 1992,

Ordonne la levée du séquestre des 9.195 actions de la société A La Marée,

Condamne Y… à payer à Z… la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ,

Condamne Y… à payer à la société A La Marée la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne E… à payer à la société A La Marée la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne E… à payer à Z… la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Y… aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Condamne Y… aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Etevenard conformément aux dispositions de l'article 699 du code procédure civile.