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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 29 novembre 2016, n° 16/06634

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cymbeline Forever (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hebert Pageot

Conseillers :

Mme Rohart Messager, M. Bedouet

Avocats :

Me Moreau, Me Chassin, Me Gillet

T. com. Melun, du 8 mars 2016, n° 2015L0…

8 mars 2016

Par jugement du 9 mai 2014, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire, convertie le 12 novembre 2014 en liquidation judiciaire, à l'égard de l'Eurl Cymbeline Boutiques, exerçant une activité de vente de robes de mariées, la Scp Christophe Ancel, étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Le 27 novembre 2014, M. L. a présenté une offre de reprise portant sur deux fonds de commerce exploités par l'Eurl Cymbelines Boutiques, à Paris et Lyon, puis l'a complétée en y intégrant les éléments du fonds de commerce de la boutique de Toulouse.

Par ordonnance du 15 décembre 2014, le juge commissaire a autorisé la cession des trois fonds de commerce au bénéfice de M. L., moyennant le prix global de 140.000 euros, avec faculté de substitution qu'il a exercée au profit de la Sas Cymbeline Forever, le cessionnaire s'était engagé à reprendre six des salariés affectés à ces fonds.

La Sas Cymbeline Forever et M. L. sont entrés en jouissance des trois fonds de commerce le 16 décembre 2014.

Mme S., salariée attachée au fonds de commerce de Lyon, repris par M. L., auquel s'est substitué Cymbeline Forever, ayant fait valoir son droit à retraite à effet du 31 décembre 2014, il lui a été versé une indemnité de départ en retraite d'un montant de 10.153,96 euros.

Par requête du 29 mai 2015, la Sas Cymbeline Forever et M. L. ont demandé la prise en charge de cette indemnité par la liquidation judiciaire.

Suivant ordonnance du 6 juillet 2015, le juge commissaire a rejeté cette demande aux motifs que M. L., lors de sa proposition d'acquisition du fonds, ne pouvait ignorer que Mme S. était âgée de soixante ans et avait formulé son offre en toute connaissance de cause.

Par jugement du 7 mars 2016, faisant suite à l'opposition de la société Cymbeline Forever et de M. L., le tribunal de commerce de Melun a confirmé l'ordonnance du juge commissaire et condamné solidairement les opposants au paiement de 1.000 euros à la Scp Christophe Ancel, ès qualités, et à Mme J. en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, considérant que le dossier de présentation du mandataire liquidateur, établi par l'administrateur judiciaire et communiqué aux candidats repreneurs, précise qu'ils sont appelés à procéder à tous audits, vérifications et confirmations externes qu'ils estimeraient nécessaires avant de déposer leur offre, qu'en améliorant son offre par deux fois, M. L. a démontré son intérêt et sa connaissance du dossier, qu'il a maintenu la reprise de six salariés, qu'il avait toute latitude pour se rapprocher de l'administrateur afin d'étudier les postes qu'il avait choisi de reprendre et les éventuelles particularités des contrats des salariés attachés à ces postes, qu'une cession dans le cadre liquidatif constitue une vente par autorité de justice et revêt un caractère forfaitaire et aléatoire et qu'une fois le périmètre de la cession défini par le cessionnaire, celui-ci en accepte toutes les conséquences, notamment le maintien des contrats des salariés repris.

M. L. et la Sas Cymbeline Forever ont relevé appel de cette décision selon déclaration du 18 mars 2016 et demandent à la cour, dans leurs conclusions signifiées le 9 septembre 2016, à titre principal, de condamner la liquidation judiciaire de l'Eurl Cymbeline Boutiques au paiement de la somme de 10.153,96 euros, correspondant au montant de l'indemnité de départ en retraite versée à Mme S., dont le fait générateur se situe antérieurement à la date d'entrée en jouissance du cessionnaire, à titre subsidiaire, de juger que leur demande est recevable à l'encontre de la dirigeante de la société sous procédure collective, Mme J., de dire qu'elle a commis une faute séparable de ses fonctions en dissimulant une information essentielle aux organes de la procédure, de la condamner au paiement de la somme de 10.153,96 euros, et, en tout état de cause, d'infirmer le jugement et de condamner Mme J. à payer à la société Cymbeline Forever et à M. L. 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, que Maître Moreau pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Scp Christophe A., ès qualités, et Mme J. demandent à la cour dans leurs conclusions signifiées le 2 septembre 2016, de les déclarer recevables et bien fondées de débouter la société Cymbeline Forever et M. L. de leur appel, de déclarer irrecevables leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées contre Mme J. et de les débouter de toutes leurs prétentions, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de condamner la société Cymbeline Forever et M. L. au paiement de la somme à chacun d'eux de 5.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens, que Maître Chassin pourra recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

- Sur la demande principale

La Sas Cymbeline Forever et M. L. soutiennent que la décision de Mme S. de faire valoir son droit à retraite et donc le fait générateur de l'indemnité de départ à la retraite sont antérieurs à l'entrée en jouissance des cessionnaires, que le dossier de présentation mis à la disposition des candidats repreneurs par les organes de la procédure n'indiquait pas que Mme S. était âgée de plus de 60 ans, ce dossier ne contenant qu'une liste anonyme par catégories professionnelles des effectifs salariés à la date d'ouverture de la procédure, sur laquelle ne figure pas l'âge des salariés concernés, de sorte que leur offre n'a pas été formulée en toute connaissance de cause.

La Scp Christophe Ancel, ès qualités et Mme J. répliquent que la cession d'une unité de production dans le cadre d'une procédure collective est une vente par autorité de justice, qui présente un caractère forfaitaire et aléatoire, exclusif de toute garantie de droit commun, de sorte qu'il est inopérant que le cessionnaire ait ou non été dans l'ignorance de la situation de Mme S..

Ainsi que l'a exactement jugé le tribunal de commerce, la cession d'un fonds de commerce intervenant dans le cadre d'une procédure collective sur autorisation du juge commissaire, constitue une vente par autorité de justice et revêt un caractère forfaitaire et aléatoire, le cessionnaire étant tenu dans les limites du périmètre de son offre de reprise d'en accepter toutes les conséquences et tous les risques et charges découlant de l'exploitation du fonds.

Ce dossier établi par l'administrateur judiciaire à l'attention des candidats repreneurs fait état de 42 salariés, classés par catégories professionnelles, informations nécessairement non nominatives.

Le dossier de présentation, qui ne comporte aucune indication sur la situation personnelle de chacun des salariés n'a pas induit en erreur les candidats repreneurs sur la situation de Mme S. attachée à la boutique lyonnaise et aucun manquement de loyauté n'est établi à l'encontre des organes de la procédure.

Il appartenait à M. L., qui s'est substitué la société Cymbeline Forever, ainsi que l'y invitait le dossier de présentation, à procéder par lui-même, avec le concours éventuel de son conseil à tous audits qu'il estimerait nécessaires avant de déposer son offre. Est en conséquence, inopérant le moyen pris de ce que Mme S. a fait état de son projet de départ en retraite avant que la cession n'intervienne au profit des appelants, étant en outre observé que M. L. n'était pas étranger à l'Eurl Cymbeline Boutiques, ayant par le passé été actionnaire et dirigeant de la Sas Cymbeline dont Cymbeline Boutiques était la filiale.

Ainsi, M. L. et la Sas Cymbeline Forever avaient les moyens de se renseigner sur la situation des salariés repris.

Il appartient donc au cessionnaire de prendre en charge le montant de l'indemnité de départ en retraite dû en décembre 2014 à la salariée reprise, Mme S..

Il s'ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la Sas Cymbeline Forever et M. L. de leurs prétentions.

- Sur la demande subsidiaire

La Sas Cymbeline Forever et M. L. exposent que Mme J., dirigeante de l'Eurl Cymbeline Boutiques a été informée dès le mois de septembre 2014, soit préalablement au dépôt des offres, que Mme S. faisait valoir ses droits à la retraite, qu'elle a délibérément dissimulé cette information aux organes de la procédure, qui n'ont pu eux-mêmes la transmettre aux candidats repreneurs, qu'elle a en conséquence commis une faute intentionnelle d'une particulière gravité devant être considérée comme séparable de ses fonctions, engageant sa responsabilité à l'égard des cessionnaires.

Cependant, Mme J. et la Scp Christophe A., ès qualités, opposent à juste titre, les dispositions de l'article 564 du code de procédure civil, selon lesquelles les parties ne peuvent à peine d'irrecevabilité soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. La faculté donnée aux parties par l'article 565 du même code, de soumettre à la cour des demandes tendant aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, implique qu'une demande ait été formée en première instance. Tel n'est pas le cas en l'espèce, le juge commissaire, pas plus que le tribunal statuant sur opposition, n'ayant été saisi d'une action en responsabilité contre Mme J., demande qui au demeurant ne relevait pas du juge commissaire.

Il s'ensuit que la demande subsidiaire est irrecevable en cause d'appel.

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

M. L. et la Sas Cymbeline Forever, parties perdantes seront condamnés in solidum aux dépens et à verser à la Scp Christophe Ancel, ès qualités, une indemnité de 1.000 euros, au titre des frais exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité ne commandant pas d'allouer en appel à Mme J. une indemnité au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande subsidiaire dirigée contre de Mme J.,

Condamne in solidum M. L. et la Sas Cymbeline Forever aux dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer une indemnité de 1.000 euros à la Scp Christophe Ancel, ès qualités, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme J. de sa demande au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en appel.