CA Douai, 8e ch. sect. 3, 28 mai 2020, n° 19/03973
DOUAI
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collière
Conseillers :
Mme Billières, Mme Bimba Amaral
Par acte notarié en date du 12 juillet 2016, M. Rodolphe-Henri L. et Mme Marie-Christine L. ont donné à bail à Mme Sarah E. et M. Paul L. un immeuble à usage d'habitation sis [...], moyennant un loyer mensuel de 980 euros outre 220 euros de provision sur charges. Le loyer a été actualisé par la suite à la somme de 985 euros et le montant de la provision pour charges à celle de 200 euros.
Le bail a été résilié le 30 juin 2018 et les locataires ont quitté les lieux;
Le 12 novembre 2018, les époux L. ont fait signifier à Mme E. et à M. L. un acte intitulé ' Injonction et Commandement ' les sommant de leur verser une somme totale de 462,21 euros ce en vertu du contrat de bail notarié du 12 juillet 2016.
Le 8 janvier 2019, les époux L. ont fait procéder à une saisie-attribution des comptes bancaires de M. L. et de Mme E. ouverts dans les livres de la banque populaire du Nord pour le recouvrement de la somme de 416,74 euros et ce en vertu du contrat de bail notarié du 12 juillet 2016. Cette saisie-attribution fructueuse à hauteur de 15 697,16 euros (solde bancaire insaisissable à déduire) a été dénoncée à M. L. et Mme E. le 14 janvier suivant.
Par acte en date du 14 février 2019, M. L. et Mme E. ont attrait les époux L. devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Lille aux fins de voir annuler la saisie-attribution pratiquée le 8 janvier 2019.
Par jugement du 1er juillet 2019, le juge de l' exécution a :
- débouté M. Paul L. et Mme Sarah E. de leur demande tendant à voir annuler la saisie-attribution pratiquée par M. Rodolphe-Henri L. et Mme Marie-Christine L. entre les mains de la banque populaire du Nord suivant procès-verbal du 8 janvier 2019 ;
- dit n'y avoir lieu à cantonner les causes de la saisie ;
- condamné in solidum M. Paul L. et Mme Sarah E. à payer à M. Rodolphe-Henri L. et Mme Marie-Christine L. ensemble la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. Paul L. et Mme Sarah E. de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum M. Paul L. et Mme Sarah E. aux dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 12 juillet 2019, M. L. et Mme E. ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 juillet 2019, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et en conséquence
de :
- annuler la saisie-attribution dont ils ont fait l'objet ;
- dire et juger que les époux L. ne sont titulaires d'aucune créance à leur encontre ;
- condamner les époux L. à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer comme de droit quant aux dépens.
A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir qu'à leur sortie des lieux, ils ont sollicité un compte détaillé et justifié des sommes qu'ils devaient, que les débats devant le premier juge ont permis de révéler que les époux L. leur avait adressé ce décompte dans un courrier recommandé avec accusé de réception qui leur a été adressé le 25 juillet 2018, soit pendant leurs congés annuels, raison pour laquelle ils ne l'ont pas reçu puisque ledit courrier est revenu à l'expéditeur avec la mention 'avisé - non réclamé'. Ils exposent qu'ils se sont donc acquittés des sommes dues dès réception du commandement de payer, déduction faite des frais de commandement qu'ils considèrent comme injustifiés. Ils en concluent que la saisie-attribution a été pratiquée dans le seul but de recouvrer les frais d'huissier qu'ils n'ont pas à supporter puisque le principal a été réglé en temps et en heure.
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 1er octobre 2019, les époux L. demandent à la cour de confirmer le jugement querellé et de :
- condamner in solidum M. Paul L. et Mme Sarah E. à leur régler la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. Paul L. et Mme Sarah E. au paiement de tous frais et dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile ;
- débouter M. Paul L. et Mme Sarah E. de l'ensemble de leurs demandes.
A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir que les frais retranchés par les appelants correspondent au coût du commandement et aux droits proportionnels engendrés par l'acte qui s'est avéré nécessaire face à leur carence et ce alors qu’ils avaient été sollicités amiablement pour le paiement des sommes dues. Ils exposent que M. L. et Mme E. ne démontrent pas en quoi la pratique de la saisie-attribution est excessive et qu'ils ne s'expliquent toujours pas sur leur résistance à régler les sommes dues au titre du bail notarié du 12 juillet 2016 ainsi que les frais du commandement de payer dont ils reconnaissent eux-mêmes qu'il les a déterminés à régulariser le principal de la dette.
MOTIFS
Sur la saisie attribution
L'article L.121-2 du code des procédures civiles d' exécution prévoit que le juge de l' exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.
Selon l'article L. 111-8 alinéa deux du même code, les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, sauf s'ils concernent un acte dont l'accomplissement est prescrit par la loi au créancier.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats qu'à la suite du départ des consorts L./E. de l'immeuble qui leur avait été donné à bail par les époux L., ces derniers leur ont adressé, le 25 juillet 2018, par courrier électronique ainsi que par lettre recommandée avec accusé de réception qui est revenue non réclamée, le décompte des sommes dues à savoir : le loyer du mois de juin 2018, les charges du mois de juin 2018, la taxe sur les ordures ménagères pour la période allant de janvier à juin 2018 ainsi que la moitié du coût de l'état des lieux de sortie établi par huissier de justice (et ce conformément au contrat de bail notarié) soit une somme de 1 466,50 euros. De cette somme, les époux L. ont déduit le montant de la caution réglée par les locataires de sorte que ces derniers restaient devoir pour solde de tout compte une somme totale de 486,50 euros.
Les consorts L./E. n'ont procédé à aucun versement à la suite de ces envois, raison pour laquelle les époux L. leur ont fait signifier le 12 novembre 2018 un acte intitulé 'Injonction et Commandement' aux termes duquel ils les sommaient d'avoir à leur payer la somme de 462,21 euros (cette somme comprenant les frais de cet acte d'huissier à hauteur de 85,71 euros)
Durant le mois de décembre 2018, M. L. et Mme E. ont réglé aux intimés la somme de 376,50 euros correspondant aux sommes réclamées à l'exception des frais engendrés par l'acte d'huissier du 12 novembre 2018.
La saisie-attribution querellée a donc été pratiquée en recouvrement du solde de la créance correspondant au coût et droits proportionnels le l'acte délivré le 12 novembre 2018.
Or, force est de constater que cet acte intitulé ' Injonction et Commandement' n'a pas été délivré aux appelants le 12 novembre 2018 préalablement à la mise en oeuvre d'une voie d' exécution forcée exigeant un commandement préalable, de sorte qu'il ne peut être considéré comme un acte d' exécution forcée ou engageant une telle mesure. Le recouvrement de la créance aurait pu être mis en oeuvre dès le 12 novembre 2018 par la voie de la saisie-attribution telle qu'elle a été pratiquée le 8 janvier 2019 et ce d'autant que les anciens bailleurs avaient nécessairement connaissance des coordonnées bancaires des consorts L. - E.. Dès lors, il convient de constater que l'acte délivré le 12 novembre 2018 était inutile de sorte que son coût et le droit proportionnel en découlant ne peuvent être mis à la charge des consorts L.-E.. Par suite et puisqu'il est acquis aux débats que la créance en principal a été réglée par les appelants aux époux L. au cours du mois de décembre 2018, la mesure de saisie-attribution pratiquée le 8 janvier 2019 aux seules fins d'obtenir le paiement d'un acte inutile n'était pas justifiée, raison pour laquelle il convient d'ordonner sa mainlevée et non sa nullité comme sollicité par les appelants. Le jugement querellé sera donc infirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, les époux L. seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande également de les condamner à verser à M. L. et Mme E. ensemble la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les demandes formulées par les époux L. sur ce même fondement pour la première instance et celle d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 8 janvier 2019 sur les comptes bancaires de M. Paul L. et de Mme Sarah E. ouverts dans les livres de la banque populaire du Nord et dénoncée le 14 janvier 2019 ;
Rejette les demandes de M. Rodolphe-Henri L. et de Mme Marie-Christine L. formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et celle d'appel ;
Condamne M. Rodolphe-Henri L. et Mme Marie-Christine L. à payer à M. Paul L. et Mme Sarah E. ensemble, la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. Rodolphe-Henri L. et Mme Marie-Christine L. aux dépens de première instance et d'appel.