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Décisions

Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-17.978

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Contamine

Avocat général :

M. Dabacq

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Delvolvé et Trichet

Versailles, du 20 mars 2014, n° 12/06860

20 mars 2014

Sur le moyen unique, après avis de la chambre sociale :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 mars 2014), que Mme X... a été engagée le 9 juillet 2001 par la société anonyme Smart up, devenue Novedia solutions, en qualité de directrice d'agence ; qu'elle a ultérieurement exercé les fonctions de directrice commerciale ; que le 17 janvier 2006, Mme X... s'est vu attribuer gratuitement, en application des dispositions de l'article L. 225-197-1 du code de commerce, 5 128 actions de la société Smart up qui, après leur émission, se sont ajoutées aux 1 001 actions qu'elle détenait déjà ; que le 3 avril 2006, la société Smart up finance, devenue Novedia, société mère de la société Smart up dont elle détenait plus de 97 % du capital, a conclu avec Mme X..., "en présence" de la société Smart up, un pacte d'associés prévoyant, notamment, que Mme X... promettait irrévocablement de céder la totalité de ses actions en cas de perte de sa qualité de salariée pour quelque cause que ce soit, les modalités de détermination du prix de cession variant selon les circonstances dans lesquelles prendrait fin le contrat de travail ; qu'il était ainsi stipulé qu'en cas de cessation pour cause de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix serait fixé à dire d'experts dégradé du coefficient 0.5 ; que Mme X... a été licenciée le 25 mars 2009 par la société Novedia solutions ; qu'elle a contesté ce licenciement devant la juridiction prud'homale, qui l'a déclaré sans cause réelle et sérieuse ; qu'elle a par ailleurs saisi le président du tribunal de commerce aux fins de désignation d'un tiers estimateur qui a évalué ses actions à 155 276 euros ; que Mme X... ayant demandé paiement de cette somme à la société Novedia, celle-ci, déclarant faire application de la décote de 50 % prévue dans le pacte d'actionnaires, lui a remis un chèque d'un montant de 77 638 euros ; que Mme X... l'a assignée en paiement de la même somme au titre du solde du prix qu'elle estimait lui être dû ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que tout pacte extra-statutaire d'actionnaires étant soumis aux règles de formation des contrats, sa validité est subordonnée à l'existence d'un consentement libre de parties ; qu'il en est ainsi, en particulier, lorsque le salarié devenue actionnaire s'est engagé, aux termes d'un tel pacte, à céder ses titres à un prix largement dégradé en cas de licenciement ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir que le pacte litigieux revêtait une force obligatoire, sans rechercher, comme elle y avait été expressément invitée, si sa qualité de salariée de la société Smart up, signataire de ce pacte aux côtés de son actionnaire majoritaire, la société Smart up finance, n'avait pas placée Mme X... dans un lien de subordination qui lui avait interdit d'exprimer librement son consentement aux modalités d'évaluation des droits sociaux promis à la cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1101 du code civil, ensemble l'article 1134 de ce même code ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des conventions qui leur sont soumises ; qu'en l'espèce, il ressort des termes clairs et précis du pacte d'associés litigieux non seulement que l'employeur de Mme X... était intervenu à sa signature aux côtés de son actionnaire majoritaire, la société Smart up finance, mais qu'il avait la qualité de partie ; qu'en retenant néanmoins que Mme X... avait exclusivement contracté avec la société Novedia (venant aux droits de la société Smart up finance), qui n'était pas son employeur, la cour d'appel a dénaturé le pacte litigieux et violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que l'obligation contractée sans cause ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite est dépourvue d'effet ; que la licéité de la cause s'apprécie au regard des mobiles ayant déterminé l'engagement des parties ; qu'en l'espèce, l'engagement de Mme X..., salarié et actionnaire de la société Smart up, de rétrocéder ses titres à un prix dégradé en cas de démission ou de licenciement trouvait sa cause dans l'imputabilité de la rupture contractuelle envisagée, ce qui supposait qu'elle fût licite ; qu'en retenant néanmoins que l'engagement litigieux trouvait sa cause dans l'équilibre général recherché par les parties dans leurs relations contractuelles, de sorte que la licéité du licenciement envisagé était sans effet sur la validité de cet engagement, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code ;

4°/ qu'en vertu du droit de propriété attaché aux parts sociales, tout actionnaire a le droit d'en négocier librement le prix de cession ; qu'en l'espèce, en retenant que Mme X... avait pu valablement s'engager à céder ses parts à un prix dégradé en cas de licenciement, qu'il fût fondé ou non sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a méconnu le principe de libre négociabilité des parts sociales et violé l'article 544 du code civil, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ qu'est prohibée, à l'encontre du salarié, toute sanction pécuniaire non prévue par la loi ; que le fait pour un employeur d'obtenir d'un salarié, auquel il avait été attribué gratuitement des parts sociales à titre de complément de rémunération, l'engagement de rétrocéder ses parts à moindre prix en cas de licenciement, fût-il illicite, constitue incontestablement une sanction pécuniaire déguisée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à retenir que l'engagement litigieux avait été contracté par Mme X... à l'égard de la société Smart Up finance qui n'était pas son employeur ; qu'en se déterminant par ce seul motif, sans rechercher, comme elle y avait été expressément invitée, si cet engagement litigieux, en ce qu'il contraignait la salarié à céder ses parts sociales à moindre prix en cas de licenciement fût-il illicite, ne constituait pas une sanction pécuniaire déguisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1331-2 du code du travail ;

Mais attendu, de première part, que Mme X... ayant fait valoir que son statut de salariée lui avait interdit de négocier librement les clauses qui lui avaient été soumises, non à l'appui d'une demande d'annulation pour vice du consentement de la convention du 3 avril 2006, qu'elle n'a pas formée, mais au soutien de son argumentation tendant à voir juger que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil étaient applicables, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;

Attendu, de deuxième part, que Mme X... ayant soutenu "qu'en réalité", le pacte d'associés avait été conclu entre deux personnes entre lesquelles existait un lien de subordination et qu'elle s'était vu imposer la clause de l'article 6.2.2 du pacte d'associés par son employeur, c'est sans dénaturer la convention litigieuse que la cour d'appel, qui n'a pas dit que Mme X... avait "exclusivement contracté avec la société Novedia", a relevé qu'elle soutenait à tort qu'elle était dans un lien de subordination avec cette dernière, qui n'était pas son employeur ;

Attendu, de troisième part, qu'ayant relevé que la clause prévoyant la décote de la valeur des actions en cas de licenciement participait de l'équilibre général du contrat et s'inscrivait dans un processus d'amélioration de la rémunération de l'intéressée mais également d'association à la gestion et d'intéressement au développement de la valeur de l'entreprise, en contrepartie de son activité au profit de cette entreprise, la cour d'appel en a justement déduit que la cause de la convention litigieuse n'était pas illicite ;

Attendu, encore, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que Mme X... ait soutenu devant la cour d'appel que son engagement était incompatible avec le principe de libre négociabilité des actions et les dispositions visées par la quatrième branche ; que ce grief est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Et attendu, enfin, que la clause d'un pacte d'actionnaires passé entre un salarié, détenant des actions de la société qui l'emploie, dont partie lui a été remise à titre gratuit, et la société mère de son employeur, en présence de ce dernier, prévoyant que le salarié promet irrévocablement de céder la totalité de ses actions en cas de perte de cette qualité, pour quelque raison que ce soit, et qu'en cas de cessation des fonctions pour cause de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix de cession des titres serait le montant évalué à dire d'expert dégradé du coefficient 0,5, ne s'analyse pas en une sanction pécuniaire prohibée, en ce qu'elle ne vise pas à sanctionner un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, dès lors qu'elle s'applique également dans toutes les hypothèses de licenciement autre que disciplinaire ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués par la cinquième branche, l'arrêt se trouve justifié ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.