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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 10 décembre 2020, n° 19/21808

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

BIOPHYTIS (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, Mme Agnès MAITREPIERRE

Conseiller :

Mme Sylvie TRÉARD

Avocat :

Me Martin T.

Commission des sanctions de l'Autorité d…

1 octobre 2019

Vu la décision de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 13 du 1er octobre 2019 ;

Vu la déclaration de recours formée contre cette décision, déposée au greffe de la Cour le 3 décembre 2019 par la société Biophytis et M. V. ;

Vu la déclaration de recours incident formé par le président de l'Autorité des marchés financiers contre la décision susvisée « en tant qu'elle a prononcé à l'encontre de la société Biophytis et de M. V. des sanctions pécuniaires limitées à, respectivement, 100 000 euros et 20 000 euros », ainsi que les moyens développés au soutien de ce recours, déposés au greffe de la Cour le 28 janvier 2020 ;

Vu les observations sur le recours principal, déposées au greffe de la Cour par l'Autorité des marchés financiers le 18 mai 2020 ;

Vu le mémoire récapitulatif en réplique déposé au greffe de la Cour par la société Biophytis et M. V. le 14 septembre 2020 ;

Vu l'avis du ministère public en date du 7 octobre 2020, communiqué le même jour aux requérants et à l'Autorité des marchés financiers ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 8 octobre 2020, en leurs observations orales, les conseils de la société Biophytis et M. V., le représentant du président de l'Autorité des marchés financiers, de l'Autorité des marchés financiers et le ministère public, les parties ayant été mises en mesure de répliquer.

 

SOMMAIRE

FAITS ET PROCÉDURE 4

Rappel des différentes étapes avant la mise sur le marché d'un médicament 4

L'activité de la société Biophytis lors de son introduction en bourse 5

La procédure en cause 5

MOTIVATION 7

I. SUR LE CARACTÈRE PRIVILÉGIÉ DE L'INFORMATION EN CAUSE

7

A. Sur le caractère précis de l'information 7

B. Sur le caractère non public de l'information 16

C. Sur l'influence sensible de l'information sur le cours si celle-ci était rendue publique 22

II. SUR L'OBLIGATION DE COMMUNIQUER DÈS QUE POSSIBLE L'INFORMATION PRIVILÉGIÉE 25

III. SUR LA SANCTION 26

IV. SUR LA DEMANDE D'ANONYMISATION 32

V. SUR LES DEMANDES FONDÉES SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET SUR LES DÉPENS 33

 

FAITS ET PROCÉDURE

1.Le 18 juin 2015 , la société Biophytis a déposé auprès de l'AMFet publié un document de base en vue de l'admission de ses titres à la négociation sur le marché Euronext Growth Paris (anciennement Alternext), laquelle est intervenue le 13 juillet 2015 .

2.Cette société anonyme de biotechnologie, spécialisée dans le développement de candidats-médicaments destinés à traiter des incapacités causées par les maladies dégénératives liées à l'âge, a pour co-fondateur M. V., qui en est le président depuis sa création en 2006 et en est également le directeur général depuis le 22 mai 2015 .

3.' cette époque, son activité portait principalement sur deux programmes de développement de candidats-médicaments visant à traiter, respectivement, la sarcopénie (dégénérescence musculaire) et la dégénérescence de la rétine liée à l'âge (ci-après « DMLA »).

Rappel des différentes étapes avant la mise sur le marché d'un médicament

4.Il est constant que le programme de développement d'un candidat médicament débute par une phase préclinique, réalisée le plus souvent sur des animaux.

5.' son issue, et lorsque les résultats obtenus le permettent, des essais cliniques suivent, qui s'effectuent en principe en trois phases:

' la phase 1 est celle au cours de laquelle le candidat-médicament est administré à des volontaires sains afin d'en évaluer la tolérance et l'absence d'effets indésirables, ce qui constitue une étape préliminaire à l'étude d'efficacité d'un médicament ;

' la phase 2, également appelée « étude pilote », correspond à celle au cours de laquelle un nombre limité de patients est concerné afin d'obtenir une première preuve d'efficacité du médicament, de déterminer sa posologie et d'évaluer la tolérance aux doses efficaces. Il n'est pas contesté que les essais de phase 2 sont parfois subdivisés en deux phases': la phase 2a, qui évalue l'efficacité de la molécule sur un nombre limité de malades (de 100 à 200), et la phase 2b, qui détermine la dose thérapeutique sur une plus grande échelle (de 100 à plus de 300 malades) ;

' la phase 3, également appelée « étude pivot », correspond au stade où le candidat-médicament est administré à un plus grand nombre de malades et comparé à un placebo ou à un traitement de référence, ce qui constitue l'étude comparative d'efficacité proprement dite.

6.La mise en œuvre de chaque phase est soumise à une autorisation préalable des autorités compétentes, l'Agence nationale française de sécurité du médicament et des produits de santé (ci-après, l' « ANSM ») étant l'autorité compétente en France.

7.Cette autorisation, une fois obtenue, est suivie de plusieurs étapes, notamment :

' d'abord, de recrutement des personnes qui participeront à l'étude ;

' ensuite de mise en œuvre du protocole clinique sur ces personnes ;

' puis d'analyse des informations collectées, de rédaction d'un rapport d'étude et de sa publication.

8.L'autorisation de mise sur le marché en médecine humaine d'un candidat-médicament intervient en principe à l'issue de ces trois phases successives de l'étude clinique.

L'activité de la société Biophytis lors de son introduction en bourse

9.La société Biophytis a élaboré, notamment, des candidats-médicaments de première génération (BIO101 et BIO201) basés sur le développement d'une molécule active naturelle extraite d'une plante médicinale comme principe actif pharmaceutique.

10.' la fin de l'année 2015 , ces deux produits étaient en phase 1 d'étude clinique.

11.L'introduction en bourse de la société Biophytis, qui est intervenue le 13 juillet 2015 , a été réalisée afin de financer la phase 2 de l'étude clinique des candidats-médicaments BIO101 et BIO201.

12.Le document de base établi en vue de cette introduction en bourse, à destination d'un public européen, indiquait que « [l]es deux programmes les plus avancés visent la sarcopénie (dégénérescence musculaire) et la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ; ils entrent en Phase 2b au deuxième semestre 2015 » (document de base page 48, cote D105).

13.Il comprenait également les calendriers prévisionnels suivants :

' concernant le planning prévisionnel de l'étude du produit BIO101 (page 79, cote D136) :

« - Mars - Décembre 2015 : design, lots cliniques et dossier réglementaire

- Décembre 2015 : autorisation ANSM

- Janvier - Juin 2016 : recrutement

- Juillet - Décembre 2016 : investigation

- Janvier - Mars 2017 : résultats et rapport

- Avril - Juin 2017 : présentation-publication étude » ;

' concernant le planning prévisionnel de l'étude du produit BIO201 (page 98, cote D155) :

« - Mars - Décembre 2015 : design, lots cliniques et dossier réglementaire

- Décembre 2015 : autorisation ANSM

- Janvier - Juin 2016 : recrutement

- Juillet 2016 - Juin 2017 : investigation

- Juillet 2017 - Juin 2018 : résultats et rapport

- Juillet - Septembre 2018 : présentation-publication étude ».

14.Courant novembre 2015 , la société Biophytis, assistée par la société SGS Life Sciences Services (ci-après « SGS »), prestataire de services de recherche clinique, a sollicité un avis consultatif de l'Agence fédérale belge des médicaments et des produits de santé (l'« AFMPS ») portant sur plusieurs questions préalables à l'entrée en phase 2 du produit BIO101, à la suite de l'évolution de sa molécule active et des questions apparues concernant la classification réglementaire du produit.

15.L'avis consultatif de l'AFMPS concernant BIO 101, rendu le 11 février 2016 (annexe 5-7 au rapport), a été transmis le 4 mars 2016 à la société Biophytis, qui l'a annoncé au public par un communiqué du 11 mars 2016 (cotes D767-D768).

16.Par un nouveau communiqué de presse (cote D769) du 29 avril 2016 annonçant le dépôt du document de référence 2015 le même jour, il a été annoncé « un renforcement qualitatif et quantitatif des études cliniques ayant pour conséquence un décalage de 12 à 18 mois du calendrier ».

La procédure en cause

17.Le 14 juin 2016, le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (ci-après l'«AMF ») a décidé l'ouverture d'une enquête portant sur l'information financière de la société Biophytis à compter du 18 juin 2015 , puis, le 15 septembre 2016, a étendu cette enquête au marché du titre Biophytis pour la même période.

18.Le 31 août 2017, la direction des enquêtes et des contrôles de l'AMF a adressé à la société Biophytis et M. V. une lettre les informant de manière circonstanciée des faits éventuellement susceptibles de leur être reprochés au regard des constats des enquêteurs.

19.L'enquête a donné lieu à un rapport daté du 25 janvier 2018.

20.Des notifications de griefs ont été adressées à la société Biophytis et à M. V. le 18 avril 2018, ce dernier étant poursuivi en sa qualité de dirigeant à l'époque des faits.

21.Il leur a été fait grief d'avoir manqué à leur obligation de communiquer au marché dès que possible l'information privilégiée relative au décalage sensible de planning prévisionnel concernant le développement de ses deux candidats-médicaments dénommés Sarconeos(BIO101) et Macuneos (BIO201), par rapport au calendrier prévisionnel communiqué dans le document de base du 18 juin 2015 , cette information étant connue en interne le 31 décembre 2015 au plus tard, mais ayant été révélée au marché par communiqué de presse seulement le 29 avril 2016, soit avec près de quatre mois de retard, en méconnaissance des dispositions de l'article 223-2 du règlement général de l'AMF (ci-après le « RGAMF »).

22 .Le 28 juin 2019, le rapporteur désigné par la présidente de la Commission des sanctions a déposé son rapport.

23.Par la décision n° 13 du 1er octobre 2019 (ci-après la « décision attaquée ») la Commission des sanctions de l'AMF a :

' prononcé une sanction pécuniaire de 100 000 euros à l'encontre de la société Biophytis et de 20 000 euros à l'encontre de M. V. ;

' ordonné la publication de la décision sur le site internet de l'AMF et fixé à cinq ans, à compter de la date de la décision, la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

24.Par leur recours, la société Biophytis et M. V. demandent à la Cour :

' à titre principal, de réformer la décision attaquée et les mettre hors de cause ;

' à titre subsidiaire, de réduire le quantum des sanctions et ordonner la publication de la décision et de l'arrêt à intervenir sous forme anonymisée ;

' en tout état de cause, de condamner l'AMF à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

25.Par son recours incident, le président de l'AMF demande à la Cour que les sanctions infligées à la société Biophytis et à M. V. soient portées, respectivement, à 150'000 et 50'000 euros.

26.Dans leur dernier mémoire récapitulatif la société Biophytis et M. V. demandent également à la Cour de rejeter les demandes du président de l'AMF.

27.' l'audience, sur question de la Cour, toutes les parties ont confirmé l'existence d'une erreur matérielle affectant la date qui figure sur le communiqué de presse (cote D769), annonçant la publication du document de référence de la société Biophytis et le décalage de calendrier précité, cette date n'étant pas le 29 « mars » 2016, comme l'indique le document, mais le 29 avril 2016.

 

MOTIVATION

I. SUR LE CARACTÈRE PRIVILÉGIÉ DE L'INFORMATION EN CAUSE

28.Aux termes de l'article 223-2 du RGAMF « [t]out émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l'article 621-1 et qui le concerne directement ».

29.L'article 621-1 du RGAMF, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 12 novembre 2004, applicable à l'époque des faits, non modifiée sur ces points dans un sens moins sévère jusqu'à son abrogation par l'arrêté du 14 septembre 2016 portant homologation de modifications du RGAMF, dispose que :

«'Une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ['].

Une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ['].

Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ['] est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement. [']'».

30.Pour caractériser le manquement en cause, la Commission des sanctions a retenu, dans la décision attaquée, le caractère privilégié de l'information relative au décalage du calendrier prévisionnel de l'entrée en phase 2 des produits BIO101 et BIO201 au 31 décembre 2015 ,considérant qu'à compter de cette date elle était précise, non publique et susceptible d'avoir une influence sur le cours du titre Biophytis (§54 de la décision attaquée).

31.La société Biophytis et M. V. contestant cette qualification, il convient de rechercher si l'ensemble de ces éléments sont réunis en l'espèce.

A. Sur le caractère précis de l'information

32.La société Biophytis et M. V. font tout d'abord valoir que :

' le conseil d'administration du 23 septembre 2015 n'a pas acté de changement dans les programmes cliniques des candidats médicaments BIO101 et BIO201 ;

' la société Biophytis n'avait pas identifié de décalage sensible du planning prévisionnel de développement desdits produits à la fin de l'année 2015 ;

' les programmes cliniques des produits BIO101 et BIO201 ont été redéfinis en mars/avril 2016, à la suite de l'avis rendu par l'AFMPS.

33.Ils exposent ensuite que plusieurs circonstances les ont conduits, en novembre 2015 , à solliciter l'avis préalable' de l'AFMPS :

' des questions sont apparues concernant la classification réglementaire du produit, à la suite du processus de purification de la molécule active du produit BIO101 mis au point par le directeur des opérations recruté par la société en août 2015 aux fins de production des lots cliniques ;

' des études cliniques de phase 2 concernant des candidats-médicaments concurrents du produit BIO101 se sont soldés par un échec dont la société Biophytis a été informée à l'automne 2015 . Il est apparu plus prudent d'interroger l'AFMPS, d'une part, sur le point de savoir si les données recueillies lors de la phase 1 (soit antérieurement à l'entrée en bourse) étaient suffisantes pour lancer la phase 2b, et d'autre part, sur la pertinence du critère envisagé par la société Biophytis pour la réalisation des études cliniques, à savoir la mobilité des patients.

34.Ils indiquent ne pas avoir identifié de risque de retard significatif dans la mise en œuvre des plannings prévisionnels :

' ni en raison de la saisine de l'AFMPS, compte tenu de sa réputation de rendre ses avis dans des délais plus courts que l'ANSM et de ce que la SGS espérait obtenir cet avis dès novembre/décembre 2015 ;

' ni en raison de la préparation d'études complémentaires de sécurité et de pharmacocinétique concernant les produits BIO101 et BIO201 entreprises à partir de novembre 2015 , suscitées par l'évolution de la composition chimique de la molécule active des produits et du risque de se voir opposer une insuffisance des données collectées en phase 1. Ces études complémentaires de phase 1 (nommées par la suite SARA-PK et MACA-PK) n'avaient en effet vocation à porter que sur un nombre limité de patients, pouvaient être mises en œuvredans des délais brefs et étaient indissociables des études de phase 2b dont la préparation était également engagée.

35.Ils soulignent que, dans le document de base enregistré en juin 2015 , le début de la phase d'investigation des deux études (correspondant à l'inclusion des premiers patients) était prévu en juillet 2016 et considèrent que les documents de présentation de la société intitulés «'Slideshow Biophytis'» communiqués entre octobre et décembre 2015 , principalement destinés à des interlocuteurs américains, identifiaient, comme début de la phase 2b, non pas la phase de préparation de l'étude, mais l'inclusion du premier patient dans l'étude. Ils relèvent que l'analyste de LifeSci a d'ailleurs indiqué dans sa note d'initiative de couverture publiée le 20 janvier 2016 que le commencement des phases d'investigation était prévu mi-2016 pour les deux produits, de sorte que ces documents de présentation ne caractérisent aucun décalage de calendrier.

36.Ils soutiennent qu'avant la communication de l'avis de l'AFMPS, en mars 2016, il était difficile, voire impossible, d'évaluer avec précision l'importance du retard sur le calendrier annoncé au public en juin 2015 . Selon la nature des recommandations susceptibles d'être émises par cette agence belge, ils considèrent que les retards constatés fin 2015 pouvaient aussi bien s'accroître que se résorber, de sorte que tant le principe même du retard que son importance restaient incertains. Ils invoquent la décision EADS du 27 novembre 2009 (SAN-2009-33) par laquelle la Commission des sanctions a admis que des retards ou des difficultés industrielles qui peuvent être compensés ne constituent pas une information précise au sens de l'article 621-1 du RGAMF. Ils en concluent que l'information en cause n'était pas précise tant que les instances dirigeantes de la société Biophytis n'avaient pas, à la lumière de cet avis, redéfini le programme clinique des produits.

37.Ils ajoutent que des retards de quelque mois dans la conduite de programmes cliniques sont extrêmement fréquents, ne sont pas considérés comme de nature à affecter leurs chances de succès ni la valeur de la société qui les conduit. Ils estiment que le décalage qui avait été identifié par la société Biophytis ' de 2-3 mois pour Sarconeos et de 3-6 mois pour Macuneos ' ne peut pas davantage être qualifié de « sensible » compte tenu de la durée prévisionnelle des études de phase 2, qu'ils évaluent à 30 mois pour le produit BIO101 (de mars 2015 à septembre 2017) et 42 mois pour le produit BIO201 (de mars 2015 à septembre 2018) soit un retard représentant respectivement 10 et 14 % des durées prévisionnelles.

38.Ils en déduisent que ce type de retard ne peut être regardé comme une information susceptible d'avoir une potentielle influence sur le cours.

39.Ils précisent également que le retard de quelques mois seulement dans l'obtention des autorisations pour les études de phase 2b n'était pas identifié dans le document de base comme un facteur de risques, les risques identifiés concernaient en effet des retards correspondant à des hypothèses différentes (difficultés de recrutement des patients, exigences imprévisibles des autorités réglementaires...).

40.L'AMF rappelle préalablement la jurisprudence européenne et nationale ayant jugé qu'une information peut être précise même si elle est provisoire (CJUE, 11 mars 2015 , Lafonta, C-628/13 ; CA Paris 24 mars 2016, RG n° 15/11472, confirmé par Com., 7 mars 2018, n° 16-17.691) et estime que cette solution est transposable au non respect d'un délai, quand bien même le décalage ne serait que provisoire et susceptible de s'aggraver.

41.Elle fait valoir, en premier lieu, qu'il ressort de la présentation « Tear Sheet » envoyée au directeur administratif et financier de la société Biophytis par M. V. le 16 décembre 2015 , du calendrier figurant dans le compte rendu de la réunion du comité de direction du 17 décembre 2015 et de la présentation intitulée « use of proceeds » adressée à M. V. par le directeur administratif de la société Biophytis le 22 décembre 2015 , que cette dernière prévoyait l'obtention des autorisations réglementaires de démarrer la phase 2 au cours du premier trimestre 2016 pour le produit BIO101 et au cours du premier semestre 2016 pour le produit BIO201.

42.Elle relève également que, bien que cela n'ait pas été prévu au moment de l'introduction en bourse, la société Biophytis a sollicité un avis consultatif de l'AFMPS, par l'intermédiaire de SGS, et que, si elle espérait au départ l'obtenir dès novembre/décembre 2015 , le compte-rendu de réunion du comité de direction du 17 décembre 2015 mentionne que le rendez-vous avec l'autorité belge a été finalement planifié pour le 11 février 2016. Elle rappelle que l'avis n'a enfin été reçu par la société Biophytis que le 4 mars 2016. Elle observe, concernant la situation d'incertitude alléguée par les requérants, qu'aux termes de l'exposé de leurs moyens, ces derniers ne contestent pas que, dès décembre 2015 , il était certain que le calendrier de démarrage des études cliniques de phase 2 des produits BIO101 et BIO201, tel qu'annoncé dans le document de base de juin 2015 , ne serait pas respecté et admettent que les retards constatés en décembre 2015 pouvaient, selon l'avis rendu par l'AFMPS, être revus très substantiellement à la hausse. Elle constate que cet avis a d'ailleurs conduit la société Biophytis à modifier substantiellement le programme clinique des produits BIO101 et BIO201.

43.Elle déduit de l'ensemble de ces éléments qu'au 31 décembre 2015 :

' la société Biophytis savait que l'avis scientifique demandé à l'AFMPS ne serait pas rendu avant le mois de février 2016 et que la réception de l'avis de l'AFMPS conditionnait le dépôt des demandes d'autorisations réglementaires de débuter la phase 2 d'études cliniques pour les deux produits BIO101 et BIO201';

' le délai d'instruction par l'ANSM d'une demande d'autorisation d'étude clinique ne peut excéder 60 jours à la réception du dossier complet selon l'article R.1123-32 du code de la santé publique, dans sa version applicable à l'époque des faits (transféré depuis à l'article R.1123-38 du même code), de sorte que dans le cas où l'AFMPS se satisfaisait du dossier clinique en l'état et rendait à la fin du mois de février 2016 un avis ne nécessitant pas de modification de son protocole d'étude de phase 2, le dépôt de la demande d'autorisation auprès de l'ANSM à cette date impliquait qu'elle avait alors jusqu'à 60 jours, soit jusqu'à la fin du mois d'avril 2016 pour l'instruire et, le cas échéant, lui délivrer l'autorisation de démarrer la phase 2 ;

' la société Biophytis avait anticipé en interne un calendrier selon lequel les autorisations de démarrer la phase 2 d'études cliniques seraient obtenues au premier trimestre 2016 pour BIO101 et au premier semestre 2016 pour BIO2011, ce qui constituait un décalage de 3 mois pour BIO101 et de 6 mois pour BIO201 par rapport au calendrier annoncé dans le document de base en juin 2015 .

44.Elle soutient, en deuxième lieu, que le calendrier annoncé par la société Biophytis dans le document de base enregistré en vue de son introduction sur Alternext le 18 juin 2015 ,concernant la phase 2 de l'étude clinique, établissait une durée totale de 17 mois pour le BIO101 et de '33 mois pour le BIO201. Elle précise que le point de départ du début de l'étude ne peut être le mois de mars 2015 , qui est antérieur à l'obtention de démarrer cette étude de phase 2, mais, ainsi que la décision attaquée l'a retenu, le mois de décembre 2015 , correspondant au calendrier indiqué pour l'obtention de l'autorisation de l'ANSM.

45.Elle souligne l'importance du retard pris, rapporté à la durée totale de l'étude envisagée dans le document de base de juin 2015 , débutant à partir de l'obtention de l'autorisation ANSM et non à partir des études pré-cliniques qui ne sont pas intégrées à la phase 2 proprement dite.

46.Elle en déduit que les proportions identifiées montrent que ces décalages, loin de constituer de « légers retards », étaient sensibles par rapport à la durée totale des études envisagées en juin 2015 .

47.Elle relève, en troisième lieu, compte tenu de l'importance des autorisations de l'ANSM de démarrer la phase 2 d'essais cliniques pour la poursuite du développement des candidats-médicaments, qu'il était possible de tirer de l'information relative au décalage sensible du calendrier prévisionnel en cause une conclusion quant à l'effet sur le cours.

48.Elle précise qu'il n'est pas reproché à la société Biophytis et à son dirigeant de ne pas avoir communiqué une durée précise de retard de lancement de la phase 2 des produits BIO101 et BIO201 mais d'avoir laissé le marché dans l'ignorance de ce qu'un tel décalage, sensible, était certain au 31 décembre 2015 .

49.Elle déduit de l'ensemble de ces éléments que cette information constituait au 31 décembre 2015 une information précise au sens de l'article 621-1 du RGAMF.

50.Le ministère public souscrit à cette analyse.

Sur ce, la Cour,

51.Il résulte d'une jurisprudence constante que l'information est considérée comme précise, au sens de l'article 621-1 du RGAMF, dès lors, d'une part, qu'elle concerne un événement qui s'est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu'il se produira, d'autre part, qu'il peut en être tiré une conclusion quant à l'effet possible sur les cours de l'instrument financier concerné.

52.Il est constant en l'espèce que l'introduction en bourse de la société Biophytis, intervenue en juin 2015 , était destinée à financer la phase 2 de l'étude clinique relative aux deux candidats-médicaments BIO101 et BIO201.

53.Comme cela a déjà été indiqué, le document de base établi en vue de cette introduction en bourse, à destination d'un public européen, indiquait que « [l]es deux programmes les plus avancés visent la sarcopénie (dégénérescence musculaire) et la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ; ils entrent en Phase 2b au deuxième semestre 2015 » (document de base page 48, cote D105).

54.Il comprenait également les calendriers prévisionnels reproduits au paragraphe 13 du présent arrêt.

55.Il convient de relever que ce document n'a manifestement pas entendu fixer le démarrage, stricto sensu, de la phase 2 d'étude clinique des deux candidats-médicaments au stade des travaux préparatoires dénommés « design, lots cliniques et dossier réglementaire », dès lors que ces travaux préparatoires étaient mentionnés comme ayant débuté en mars 2015 , alors que l'introduction en bourse effectuée en juin 2015 avait précisément pour objet de financer le démarrage de la phase 2, qui n'avait pas encore eu lieu.

56.Il n'a par ailleurs été fourni aucun élément de nature à remettre en cause le fait que la mise en œuvre de chaque phase d'une étude clinique est soumise à une autorisation préalable des autorités réglementaires compétentes.

57.C'est donc à juste titre que la Commission des sanctions a retenu, sur la base des différentes indications portées sur le document de base, qu'il a été annoncé au public que la phase 2 d'étude clinique devait commencer pour les deux produits BIO101 et BIO201 en décembre 2015 une fois obtenue l'autorisation de l'ANSM, cette étude étant mentionnée comme s'achevant en juin 2017 pour le premier et en septembre 2018 pour le second.

58.Il importe peu en l'occurrence que « les sociétés de biotechnologies communiquent (...) différemment sur le franchissement des phases d'un protocole clinique selon qu'elles s'adressent au marché européen ou au marché américain », dans la mesure où il est ici question, sans ambiguïté, d'une information destinée au marché européen faisant débuter l'entrée des produits en phase 2b au deuxième semestre 2015 et précisant que l'autorisation de l'ANSM est prévue en décembre 2015 .

59.Il est tout aussi constant qu'à l'occasion du communiqué de presse publié le 29 avril 2016 (cote D769) annonçant le dépôt du document de référence 2015 , la société Biophytis a informé le public de son souhait de « se développer fortement aux États-Unis, premier marché biotech, en développant ses candidats médicaments : Sarconeos (alias BIO101) et Macuneos(alias BIO201) sur les marchés européen et américain », insistant, notamment, sur les éléments suivants :

' Augmentation significative de la taille des études cliniques : SARA (dans la sarcopénie) et MACA (dans la DMLA), en recrutant un groupe de patients additionnel aux États-Unis, pour augmenter leur puissance et leur valeur ;

' Réalisation d'études cliniques complémentaires avec Sarconeos (SARA-PK et SARA-OBS) et avec Macuneos (MACA-PK et MACA-OBS) chez le sujet âgé pour mieux caractériser ces indications nouvelles sans référence thérapeutique ;

' Renforcement qualitatif et quantitatif des études cliniques ayant pour conséquence un décalage de 12 à 18 mois du calendrier.

60.Le document de référence 2015 (cote D494), publié le même jour, précisait, en page 56, que « Biophytis poursuit le développement clinique et réglementaire de Sarconeos et Macuneos dans la perspective de démarrer les études de phase 2b respectivement en 2017 et 2018 ».

61.Cette communication ayant été considérée comme révélatrice d'un manquement à l'obligation faite à tout émetteur de porter à la connaissance du public, dès que possible, toute information privilégiée qui le concerne directement, il convient de rechercher tout d'abord, si l'information relative au décalage du calendrier prévisionnel pour l'entrée en phase 2 des produits Sarconeos (BIO101) et Macuneos (BIO201), était précise dès le 31 décembre 2015 , ensuite si à cette date il pouvait en être tiré une conclusion quant à l'effet sur le cours, comme l'a retenu la décision attaquée.

62.S'agissant de la nature de l'information connue au 31 décembre 2015 , il convient préalablement d'observer que la société Biophytis fait état d'une accumulation d'événements en fin d'année 2015 dont il doit être tenu compte pour déterminer si l'information relative au décalage de calendrier était suffisamment précise à cette date :

' le processus de purification de la molécule active de BIO 101, mis au point par le directeur des opérations recruté par la société en août 2015 aux fins de production des lots cliniques, a abouti à un produit soulevant des questions concernant la classification réglementaire du produit et notamment sur le point de savoir s'il « constituait toujours un extrait de plantes ou s'il était désormais assimilable à une molécule chimique », situation qui a rendu « opportun de consulter l'AFMPS sur ce point » ;

' courant novembre 2015 , la société Biophytis, par l'intermédiaire de son prestataire de services de recherche clinique SGS, a en conséquence sollicité un avis consultatif de l'AFMPS portant sur plusieurs questions préalables à l'entrée en phase 2 du produit BIO101 ;

' à l'automne 2015 , la société Biophytis a également été informée de l'échec d'études cliniques de phase 2 concernant des candidats-médicaments concurrents du BIO101, situation officiellement confirmée en décembre 2015 .

63.Il résulte de ces événements qu'à la fin de l'année 2015 , la société Biophytis estimait nécessaire de mieux préciser les critères cliniques en cause et de s'assurer que les données recueillies lors de la phase 1 étaient suffisantes pour lancer la phase 2b. Or, les vérifications et études complémentaires requises impliquaient également un délai supplémentaire, ce que la société Biophytis, en sa qualité de professionnelle, ne pouvait ignorer.

64.Le statut d'un produit (« chemical product » ou « Herbal medicinal product ») déterminant, comme l'indique l'AFMPS (réponse à la question 11 des enquêteurs, cote D954), « les différentes directives scientifiques spécifiques à appliquer par la firme dans son plan de développement afin d'assurer et/ou, de confirmer lors de l'évaluation, la qualité et la sécurité du produit », la société Biophytis était également, nécessairement, dans l'attente de la réponse de l'AFMPS pour préparer efficacement le démarrage de ses essais cliniques de phase 2, lequel était par ailleurs subordonné à l'autorisation de l'ANSM pour les essais en France.

65.Quelque soit la rapidité de l'AFMPS, sa saisine pour avis en novembre 2015 ne permettait pas d'envisager sérieusement qu'en décembre 2015 la société Biophytis serait déjà en mesure de disposer d'une autorisation de l'ANSM pour trois raisons au moins.

66.Tout d'abord, entre l'introduction en bourse intervenue en juin 2015 et la date du 31 décembre 2015 , la société Biophytis n'avait fait aucune démarche auprès de l'autorité française, alors qu'elle était nécessaire au démarrage de la phase 2b annoncée en juin 2015 . Or le traitement d'une telle demande impliquait un certain délai. Comme le rappelle l'AMF, le délai d'instruction d'une demande d'autorisation d'étude clinique par l'ANSM ne peut excéder 60 jours à la réception du dossier complet en application de l'article R.1123-32 du code de la santé publique, dans sa version applicable à l'époque des faits (transféré depuis à l'article R.1123-38 du même code). L'ANSM a indiqué pour sa part aux enquêteurs que les autorisations sont, en pratique, délivrées dans un délai de 60 jours, porté à 90/180 jours pour les essais portant sur des médicaments de thérapie innovante (annexe 5-5 du rapport d'enquête, réponse à la question 1), ce que la société Biophytis ne pouvait davantage ignorer compte tenu de sa qualité de professionnelle.

67.Ensuite, en sollicitant l'avis de l'AFMPS, la société Biophytis s'est placée en situation d'attente jusqu'à ce que ce dernier soit rendu. Cet avis a été établi le 11 février 2016, sans qu'il soit démontré que ce délai excède le temps de traitement habituel, et donc le délai prévisible pour l'obtenir.

68.Enfin, comme l'a précisé l'AFMPS (cotes D954 et D955) cet avis scientifique « n'est pas une assurance d'approbation lors des étapes ultérieures des processus de demande d'essai clinique ou des demandes d'autorisation de mise sur le marché », il ne constitue pas une « (pré)-évaluation ou une (pré)-approbation formelle du futur dossier ».

69.Le respect de la date annoncée pour l'obtention de l'autorisation de l'ANSM qui conditionnait l'entrée en phase 2 (décembre 2015 ) étant d'ores et déjà impossible à satisfaire et la poursuite de l'étude clinique restant de facto suspendue jusqu'à ce que l'avis de l'AFMPS soit rendu ' dés lors qu'il était de nature à modifier les études en cours ou à en allonger la durée selon le contenu de ses recommandations ' la société Biophytis a nécessairement identifié, à la fin du mois de décembre 2015 , un décalage par rapport au planning prévisionnel annoncé en juin 2015 , peu important qu'à ce stade l'évaluation fine de son ampleur soit encore tributaire de nombreux aléas.

70.Par ailleurs, et comme l'a également relevé la Commission des sanctions :

' le 8 décembre 2015 , un collaborateur de SGS a informé la société Biophytis que la réunion attendue avec l'AFMPS était reportée. La société Biophytis indique à cet égard, dans ses écritures, avoir été informée, à cette date, que « cet entretien n'aurait pas lieu avant février 2016, de sorte que l'avis ne serait sans doute pas rendu avant la fin février 2016 » ;

' le 16 décembre 2015 , M. V. a envoyé au directeur administratif et financier de la société Biophytis une présentation qui indique, notamment, « BIO101 Démarrage phase II : 2S2016 (premiers patients recrutés) / BIO201 Démarrage phase II : 3S2016 (premiers patients recrutés) », qui traduisait un décalage avec les informations du document de base indiquant un recrutement à compter de janvier 2016 pour BIO101 (cote D136) comme pour BIO201 (cote D155)

' le 17 décembre 2015 , une réunion du comité de direction de la société Biophytis s'est tenue, dont le compte-rendu (annexe 4-19 du Rapport d'enquête) établit plus précisément que la société Biophytis anticipait de débuter le recrutement des patients à compter de mai 2016 (pour BIO 101 « Phase 1: 05-07/16 ») et de juin 2016 (pour BIO201 « Phase 1: 06-09/16 ») avec un démarrage de phase d'investigation et d'admission des patients dans l'étude, respectivement, en août 2016 (« Phase 2 : 08/16 (premier patient) ») et décembre 2016 (« Phase 2 : 12/16 (premier patient) ») ; et les premiers résultats en juillet 2017 pour BIO101 et juillet 2018 pour BIO201.

' le 22 décembre 2015 (cote 1440), le directeur administratif et financier de la société Biophytis a envoyé à M. V. une présentation qui comprenait les calendriers des projets BIO101 et BIO201, fixant au 1er trimestre 2016 le développement pharmaceutique et l'approbation du plan clinique (AFMPS) prévu pour le premier, et au 1er - 2ème trimestre 2016 le développement pharmaceutique et l'approbation du plan clinique (ANSM) prévu pour le second.

71.Compte tenu du fait qu'aucun essai clinique ne peut débuter en France sans l'autorisation préalable de l'ANSM et des délais pour la délivrance d'une telle autorisation, déjà évoqués, les priorités et planning définis dans ces échanges confirment que la société Biophytis avait une connaissance précise du caractère, pour partie irréversible, du décalage du calendrier prévisionnel annoncé en juin 2015 , qu'elle admet d'ailleurs avoir alors évalué à « 2-3 mois » pour le produit Sarconeos et « 3-6 mois » pour le produit Macuneos.

72.Il résulte d'une jurisprudence constante qu'une information peut être précise même si elle est provisoire, seul important qu'elle « soit suffisamment concrète ou spécifique pour pouvoir constituer une base permettant d'évaluer si l'ensemble de circonstances ou l'événement qui en est l'objet est susceptible d'avoir un effet sur les cours des instruments financiers auxquels elle se rapporte » (CJUE, 11 mars 2015 , Lafonta, C-628/13, point 31). Elle peut ainsi être précise même en présence d'aléas quant à la réalisation effective de l'événement qui en est l'objet, dès lors qu'il a des chances raisonnables de survenir (voir, notamment, Com. 26 novembre 2013, pouvoi n°12-21361). Tel était bien le cas concernant le décalage de calendrier relatif à l'entrée en phase 2, inhérent à l'attente de l'avis de l'AFMPS et à ses répercussions sur le dépôt de la demande d'autorisation auprès de l'ANSM et la date à partir de laquelle celle-ci pouvait être escomptée.

73.Il convient donc d'écarter le moyen des auteurs du recours principal, selon lequel l'incertitude entourant la portée de l'avis de l'AFMPS ne permettait pas d'évaluer avec précision, en décembre 2015 , l'importance du retard pris sur le calendrier annoncé en juin 2015 et ses conséquences pour la société et excluait par voie de conséquence le caractère précis de l'information en cause tant que le comité directeur de la société n'avait pas redéfini le programme clinique conformément à l'avis de l'autorité consultée.

74.Par suite, la Commission des sanctions était fondée à retenir qu'à la fin de l'année 2015 , et plus précisément au 31 décembre 2015 , la société Biophytis savait que l'avis scientifique de l'AFMPS, qui constituait un préalable à sa demande d'autorisation d'entrée en phase 2 d'étude clinique pour les motifs déjà exposés, ne serait rendu qu'après la réunion prévue avec cette agence et qu'elle escomptait un démarrage de la phase 2 d'étude clinique présentant un décalage de plusieurs mois (3 mois pour BIO101 et 6 mois BIO201) par rapport au calendrier prévu dans le document de base du 18 juin 2015 , qui prévoyait que cette phase 2 devait commencer en décembre 2015 avec l'obtention de l'autorisation de l'ANSM.

75.S'agissant du caractère sensible du décalage de calendrier, il convient de rappeler que toute appréciation en la matière s'effectue en tenant compte de l'activité de l'émetteur et du contexte propre à chaque affaire.

76.Si la Commission des sanctions a pu admettre, dans le cadre d'autres instances, que des retards imputables à des difficultés industrielles et qui peuvent être compensés ne constituent pas une information précise au sens de l'article 621-1 du RGAMF (décision du 27 novembre 2009, SAN-2009-33), cette solution n'est pas pour autant transposable au cas d'espèce. En effet, outre la différence de secteur d'activité, il ressort de la chronologie précitée que le décalage dont il s'agit ici, qui concerne l'entrée en phase 2 de l'étude clinique stricto sensu, était irréversible au 31 décembre 2015 .

77.Compte tenu du stade auquel intervient ce décalage, il est approprié, pour apprécier son caractère sensible, de comparer son importance par rapport à la durée totale de l'étude qui a été envisagée dans le document de base de juin 2015 , comme l'a fait la Commission des sanctions.

78.' cet égard, la société Biophytis et M. V. ne peuvent valablement soutenir qu'une étude de phase 2 ne débute pas avec l'autorisation délivrée par l'autorité réglementaire mais avec les travaux préparatoires ' pour prétendre y intégrer les 10 mois de délais fixés pour les travaux préparatoires incluant la fabrication des lots cliniques (projetés de « mars à décembre 2015 ») ' alors qu'il est établi que la production des lots cliniques pour BIO101 a débuté le 21 septembre 2015 (pièce n°4). En outre, ceux-ci admettent qu'au 31 décembre 2015 la phase 2 n'avait encore débuté pour aucun des produits, le document de référence publié en avril 2016 annonçant même au marché une entrée en phase 2b respectivement en 2017 et 2018 pour BIO101 et BIO201.

79.Par suite, et comme le fait justement observé l'AMF, un retard de 3 mois sur une étude de phase 2 prévue sur 17 mois pour BIO101 représentait plus de 17 % de sa durée et un retard de 6 mois sur les 33 mois que devait durer l'étude de phase 2 pour BIO201 représentait plus de 18 % de sa durée.

80.Il importe peu à cet égard que le temps de développement d'un médicament en santé humaine soit le plus souvent supérieur à 10 ans, dès lors que le décalage de calendrier dont il s'agit concerne uniquement l'entrée en phase 2 et son incidence sur la valorisation du titre au 31 décembre 2015 . Or, le décalage prévisible et escompté au 31 décembre 2015 , relatif au calendrier relatif à l'entrée en phase 2, était bien sensible, compte tenu de la durée globale des calendriers annoncés en 2015 relatifs à cette phase de développement des candidats-médicaments.

81.S'agissant de la possibilité de tirer de ce décalage de calendrier une conclusion quant à l'effet possible sur le cours du titre Biophytis, il convient de relever, tout d'abord, que les autorisations de démarrer la phase 2 d'une étude clinique constituent une étape déterminante du processus permettant l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché et que la valorisation d'un titre fluctue à chaque étape.

82.L'analyste entendu par les enquêteurs, qui a couvert l'introduction en bourse de la société Biophytis (cote D963), a ainsi indiqué qu'«[e]ntre la phase 1 et la phase 2, on peut espérer un doublement du cours du titre ».

83.Il n'est en conséquence pas contestable que la valorisation du cours d'un titre est fonction du stade des recherches et de la probabilité de commercialisation du médicament sur lequel la société travaille. Si un décalage de calendrier ne compromet pas nécessairement la probabilité de commercialisation d'un médicament, il traduit en revanche, pour l'investisseur, une immobilisation potentiellement plus longue de son capital avant les premiers retours sur investissement et, pour l'émetteur, une consommation de trésorerie nécessairement plus importante que celle escomptée. L'information relative à un décalage sensible de calendrier n'est donc pas anodine pour le marché.

84.Contrairement à ce que soutiennent la société Biophytis et M. V., le fait que cet analyste a émis une recommandation « neutre » en attendant l'autorisation réglementaire de démarrer la phase 2b, ne démontre pas qu'un retard dans le calendrier est une circonstance indifférente pour le marché, mais traduit au contraire une attitude prudente jusqu'à ce que l'incertitude entourant la délivrance de l'autorisation soit levée, étant observé qu'au 7 décembre 2015 , date de la seconde note, l'autorisation était toujours réputée intervenir en fin de mois.

85.Il convient par ailleurs de souligner que cet analyste a également précisé, concernant le planning prévisionnel de la société Biophytis qui prévoyait un démarrage des essais cliniques de phase 2b d'ici fin 2015 et le fait qu'il n'a tiré aucune conséquence de cette situation, qu'à la date de sa note de couverture « Je n'ai pas eu de communiqués. Tant que je n'ai pas d'éléments objectifs d'information, je ne dis rien, donc ma confiance demeure ». (même source, réponse à la question 13). Il est donc inexact de prétendre, comme le font la société Biophytis et M. V., que cet analyste a affirmé sa confiance dans leur titre peu important le retard affectant le calendrier, puisqu'il était en réalité en attente d'informations pour se positionner et qu'au 7 décembre 2015 rien n'était publiquement avéré. L'absence de référence au retard dans une note de couverture de janvier 2016, émanant d'un autre analyste, n'est pas plus probante quant à l'indifférence du marché concernant cette question. Les échanges publiés sur le site « Boursorama » (pièce de la société Biophytis n° 40) établissent d'ailleurs que l'incertitude concernant cette situation n'était pas indifférente pour les investisseurs, ' florida7 écrivait ainsi le 8 février 2016 ' (...) maintenant on attend les autorisations des agences pour retrouver de la confiance et ' bibic62 évoquait également ' (...) une perte de confiance des investisseurs ajoutez une conjoncture catastrophique ça fait un cours qui s'effondre chaque jour un peu plus .

86.Par ailleurs, si, comme le relèvent la société Biophytis et M. V., le document de base identifiait effectivement en facteurs de risques les retards liés à des difficultés de recrutement des patients et/ou à des exigences imprévisibles des autorités réglementaires, il y est également question, au point 4.1.1, « Risques liés aux produits de la société », du processus de développement d'un candidat-médicament « long et onéreux se déroulant en plusieurs phases distinctes, chacune étant coûteuse et pouvant conduire à un échec ou un retard dans l'obtention de l'autorisation et de la commercialisation du produit » et au point 4.2.1, « Risques liés à un cadre réglementaire contraignant et évolutif » au fait que le processus d'autorisation est« long et coûteux, pouvant prendre plusieurs années, avec un résultat restant imprévisible », « les autorités de santé, et notamment l'ANSM, l'EMA ou la FDA, ont imposé des exigences de plus en plus lourdes en termes de volume de données demandées afin de démontrer l'efficacité et la sécurité d'un produit. Ces exigences accrues ont ainsi réduit le nombre de produits autorisés par rapport au nombre de dossiers déposés » et indique enfin que « [l]a réalisation de l'un ou de plusieurs de ces risques pourrait avoir un effet défavorable significatif sur l'activité, les perspectives, la situation financière, les résultats et le développement de la société » (Cote D0074, document de base pages 17 et 25).

87.C'est précisément l'hypothèse de l'espèce, concernant un décalage de calendrier survenu à la suite de l'évolution de la molécule active résultant du processus de purification entrepris à la fin de l'été 2015 , conduisant l'émetteur, en fin de phase 1, à consulter l'AFMPS, ce qui n'avait pas été envisagé lors de l'introduction en bourse, et d'en attendre l'avis avant tout dépôt du dossier de demande d'autorisation auprès de l'ANSM compte tenu de l'incertitude dans laquelle il était concernant plusieurs questions préalables au passage en phase 2. Il s'en déduit qu'il était ainsi possible de tirer de ce décalage une conclusion quant à un effet possible sur le cours du titre, compte tenu de la situation de la société Biophytis.

88.À cet égard, l'existence d'articles scientifiques relatant le retard fréquemment pris dans la réalisation des études de développement de médicaments, tenant en particulier aux délais effectifs de recrutement des patients (pièces de la société Biophytis n° 54, 55, 57, 58 et 59), est indifférente pour apprécier l'effet possible de l'information en cause sur le titre Biophytis, compte tenu de la situation propre à chaque émetteur.

89.C'est en conséquence à juste titre que la Commission des sanctions a retenu, sur la base de l'ensemble des éléments précités, que les autorisations de démarrer la phase 2 de l'étude clinique constituaient une étape déterminante du processus pouvant aboutir à l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché et qu'il était donc possible de tirer une conclusion quant à l'effet sur le cours de l'action de l'information en cause et qu'elle en a déduit, qu'au 31 décembre 2015 , l'information était précise au sens de l'article 621-1 du RGAMF.

B. Sur le caractère non public de l'information

90.La société Biophytis et M. V. font valoir que l'information n'est pas restée secrète jusqu'au communiqué du 29 avril 2016 dès lors que, dès le 3 février 2016, M. V. a donné des informations dans une interview publiée sur le site www.labourseetlavie.com, puis s'est à nouveau exprimé sur le calendrier des programmes cliniques dans une interview donnée au magazine ' Biotech Finances le 4 février 2016 et dans le journal ' Le Revenu le 9 février 2016 (pièce de la société Biophytis n° 39).

91.Ils relèvent que ces trois entretiens, émanant du représentant légal, étaient directement accessibles aux investisseurs 'pour avoir été publiés sur des sites internet régulièrement consultés par ces derniers et pour avoir également été relayés sur le site internet de la société Biophytis' et que les informations divulguées n'étaient ni parcellaires, ni éparses, dès lors qu'elles indiquaient, sans ambiguïté l'absence d'obtention des autorisations réglementaires à cette date et le report de l'entrée en phase opérationnelle à la fin de l'année 2016. Ils soutiennent que ce sont les faits matériels et objectifs portés à la connaissance du public par le dirigeant de la société Biophytis qui constituent l'information privilégiée et non la conséquence mécanique qui en découle. Ils font valoir que s'il n'était pas mentionné expressément un « retard » ou un « décalage sensible par rapport au calendrier annoncé dans le document de base », celui-ci était le corollaire immédiat et nécessaire des informations susvisées. Ils considèrent que tout investisseur moyennement attentif, profane ou avisé, pouvait, sans effort, constater ce décalage par rapprochement des informations rendues publiques et du calendrier prévisionnel. Ils observent que ces interviews ont donné lieu à un fil de conversation sur le forum « Boursorama » dans le cadre duquel des investisseurs s'étonnaient que l'autorisation de l'ANSM n'ait pas été obtenue à la fin de l'année 2015 ,comme annoncé lors de l'introduction en bourse, et concluaient à l'existence d'un retard par rapport au calendrier initial. Ils ajoutent que le « décalage sensible de calendrier » ne constituait pas en lui-même un « événement qui s'est produit », au sens de l'article 621-1 du RGAMF qui aurait dû faire l'objet d'une communication spécifique.

92.Ils estiment qu'ils ressortaient également des communiqués de presse de la société Biophytis des 11 et 17 mars 2016 que les autorisations pour la réalisation de l'étude 2b du produit BIO101 ne seraient pas obtenues avant plusieurs mois et que cette étude était toujours en préparation mi-mars 2016. Ils ajoutent que le décalage de calendrier n'était pas quantifié dans ces communiqués car les travaux de redéfinition des programmes cliniques venaient de débuter et que les nouveaux calendriers n'avaient pas encore été arrêtés. Ils déduisent de ces éléments qu'à compter du 3 février 2016 et au plus tard à compter de la publication de ces communiqués, l'information selon laquelle les études de phase 2b pour les produits BIO101 et BIO201 n'avaient pas encore débuté et les autorisations réglementaires n'avaient pas été obtenues était publique.

93.L'AMF fait valoir que ni la diffusion d'éléments épars ou parcellaires, ni une diffusion implicite, ne peuvent rendre publique une information privilégiée. Elle invoque en ce sens la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris , comme celle du Conseil d'État (notamment, CA de Paris , 22 janvier 2015 , RG n° 13/18202 , CE, 12 juin 2013, req n° 349185). Elle rappelle que pour être considérée comme publique une information doit avoir été diffusée dans des conditions susceptibles d'attirer l'attention des investisseurs et qu'il faut donc qu'elle ait été expressément et précisément mentionnée.

94.Elle en déduit que c'est à juste titre que la Commission des sanctions a retenu que l'information n'avait été rendue publique qu'avec la communiqué annonçant la publication du document de référence et le décalage d'entrée en phase 2 des études relatives aux produits BIO101 et BIO201.

95.Le ministère public partage la même analyse, estime la décision attaquée parfaitement motivée et invite la Cour à rejeter le moyen.

Sur ce, la Cour,

96.Il résulte des éléments de la procédure et des productions, qu'au cours du mois de février 2016, plusieurs interviews du dirigeant de l'émetteur ont été publiées sur le site de la société Biophytis et diffusées sur les sites des organes de presse qui les ont réalisées (pièce n° 39 de la société Biophytis).

97.La première correspond à une interview du 3 février 2016 donnée par ce dirigeant au site Internet www.labourseetlavie.com.

98.Il est constant, comme le relèvent les auteurs du recours, que le dirigeant fait état au cours de cet entretien d'une situation d'attente concernant les autorisations réglementaires et évoque le calendrier des études cliniques, notamment, en ces termes :

' « (...) nous attendons les réponses dans les prochaines semaines de l'avis scientifique d'une agence belge sur le plan de développement clinique de SARBO BIO101. » ;

' « maintenant il faut que nous avancions dans le design définitif, le choix des sites définitifs et l'obtention des autorisations réglementaires en France et en Europe, et que ce soit compatible avec les exigences américaines. (') » ;

' « Nous sommes tous engagés avec nos partenaires pour un atteindre ce milestone, lancer ces études, avoir le premier patient recruté en 2016 pour les deux études. (') » ;

' « Nous allons avoir en termes de newsflow des annonces progressives sur l'obtention des autorisations auprès des agences nationales pour la sarcopénie l'agence belge, ensuite ce qu'on appelle l'IMPD, l'agence européenne et ensuite la FDA, tout cela est en train d'être construit, et puis ensuite il va y avoir l'implication des cliniciens et les premiers patients qui vont être inclus. Tout cela va rythmer 2016 ».

99.Il doit toutefois être tenu compte de la teneur de l'article dans son ensemble pour apprécier si l'information privilégiée relative au décalage sensible du calendrier prévisionnel concernant l'autorisation de l'ANSM et l'entrée en phase 2 d'étude clinique a fait l'objet d'une communication au public. Or les autres indications fournies dans cet entretien n'indiquent, ni ne suggèrent, une telle situation :

' « (...) Vous allez développer les deux en parallèle [sarcopénie et DMLA] sur vos études, comment ça va se passer ' (...) Nous avons annoncé l'an dernier le partenariat avec Patheonpour produire les lots cliniques. Nous avons aussi à l'époque contractualisé avec une société suisse, CRO, spécialisée dans l'obtention des autorisations réglementaires l'an dernier. Nous avons donc déposé les premiers dossiers et nous attendons les réponses dans les prochaines semaines de l'avis scientifique d'une agence belge (...) sur le plan de développement clinique de (...) BIO101. » ;

' « De votre point de vue, ce calendrier de phase 2B s'éclaircit ou se met en place ' Progressivement oui. A l'IPO nous avions annoncé que nous allions lancer les études en 2016 Nous avons un calendrier plus précis maintenant avec le lancement en 2016 de ces deux études, qui sont de grosses études, internationales, et nous respecterons le calendrier qui est de les terminer en 2017 pour SARCOB BIO101 et en 2018 pour MACULIA BIO201(') » ;

' « La levée de fonds de 2015 va permettre de mettre en place ce calendrier de phase 2b en 2016 ' Tout à fait (...) » ;

' « On a pu lire ici ou là des inquiétudes à propos de cela. Vous dites qu'il n'y a pas d'interrogations à avoir, c'est en 2016 que ça va se produire ' Non, nous n'avons aucun élément qui nous laisserait penser que nous ne serons pas capables de lancer ces études en 2016. Nous sommes à fond pour obtenir ces autorisations réglementaires (...) et avoir les premiers patients qui prendront les produits en 2016, comme proposé lors de l'IPO (...) » (soulignements ajoutés par la Cour).

100.L'allusion au dépôt des « premiers dossiers » ' qui ne concerne pas, la demande d'autorisation de l'ANSM nécessaire à l'entrée en phase 2 visée dans le document de base ' la référence à l'annonce faite à l'introduction en bourse (ci-dessus « IPO », c'est-à-dire Initial Public Offering) et l'affirmation du respect du « calendrier », pour le moins ambigue, entretiennent une certaine confusion concernant l'avancée exacte des étapes réglementaires d'entrée en phase 2. Dans ces conditions, les termes de cette interview ne permettent pas de retenir que l'information privilégiée relative au décalage sensible précité a été communiquée au public le 3 février 2016.

101.Une deuxième interview a été donnée le 4 février 2016 au magazine « EEI-Biotech Finances ». Il est constant que le dirigeant de l'émetteur fait état, au cours de cet entretien, des programmes scientifiques en cours et des objectifs de la société Biophytis :

' « (...) Où est-ce que vous en êtes de vos programmes scientifiques ' (...) l'effort que l'on fait depuis l'IPO (...) est, en fait de prendre en compte de manière plus approfondie que prévu à l'IPO le marché des États-Unis » ;

' « (...) Est-ce que vous pouvez nous donner une vision de vos programmes 2016 et de la bonne tenue de vos programmes pour l'année en cours ' 2016, c'est une nouvelle année qui va être extraordinaire pour nous puisque ça va être enfin le lancement de ces deux études cliniques Sarcob et Maculia, avec avant la fin de l'année le recrutement des premiers patients sur ces deux études (...) nous avons encore un chemin réglementaire important à passer, en obtenant des autorisations européennes et aussi américaines de telle manière à pouvoir lancer ces études. Donc l'année 2016 va être ponctuée d'informations aux investisseurs sur nos avancées à la fois en termes d'obtention des autorisations réglementaires sur l'étude clinique Sarcob et sur l'étude clinique Maculia, mais aussi de l'avancement du lancement de ces études » ;

' « Le feu vert de la FDA vous l'attendez pour quelle époque à peu près, vous êtes confiant '(...) Cette validation de la conformité, vous avez une échéance ' Vous pensez clairement à quelle date ' Nous savons quand nous soumettons les dossiers, nous ne savons pas toujours quand est-ce que nous avons les réponses. (...) Sur le projet Sarcob, nous travaillons depuis l'an dernier avec une CRO suisse qui travaille pour nous à l'obtention des autorisations réglementaires et qui conduira cette étude clinique (...) cette société a déposé pour nous les premiers dossiers l'an dernier sur Sarcob. Nous attendons par exemple l'avis scientifique d'une agence nationale, l'agence belge, pour le protocole que nous avons déposé. Ce sera un premier pas. Les pas suivants sont évidemment les avis et autorisations au niveau européen, de l'EMA et, ensuite évidemment un avis de la FDA. Tout cela viendra progressivement au premier semestre pour Sarcob » ;

' « On avance sur les études dès maintenant. (...) l'étude, comme je l'ai signalé au départ, se conduira essentiellement en 2017, pour fin 2017 avoir le résultat de ces études. (...) il y a deux points d'inflexion: le premier est l'obtention des autorisations et le lancement avec les premiers patients en 2016, et pour Sarcob, les résultats de cette première étude en 2017, et pour Maculia les résultats en 2018 » (soulignements ajoutés par la Cour).

102.Il convient de relever que cette communication est principalement axée sur la dimension internationale qu'a pris le projet depuis l'IPO et le positionnement de l'autorité réglementaire américaine (« Food and drug Administration » dite « FDA » ). Elle est en revanche totalement taisante sur le retard escompté par rapport au calendrier prévisionnel annoncé lors de l'IPO ' qui était fondé sur une étude de phase 2 débutant avec l'autorisation de l'autorité réglementaire française (l'ANSM) au 31 décembre 2015 ' retard né de son choix de différer le dépôt de sa demande d'autorisation auprès de l'ANSM dans l'attente de l'avis consultatif demandé à l'autorité belge, non prévu lors de l'IPO.

103.Comme la précédente, cette communication entretient une certaine ambiguïté, tant sur la nature « des premiers dossiers déposés » en 2015 , qui ne correspondent pas à la demande d'autorisation de l'ANSM mentionnée dans le document de base, que sur l'état d'avancement des études cliniques (annonçant que « l'année 2016 va être ponctuée d'informations aux investisseurs sur nos avancées à la fois en termes d'obtention des autorisations réglementaires sur l'étude clinique Sarcob et sur l'étude clinique Maculia, mais aussi de l'avancement du lancement de ces études » tout en indiquant dans le même temps « On avance sur les études dès maintenant »).

104.Cette communication est ainsi insuffisamment précise pour constituer une communication de l'émetteur relative à l'information privilégiée qu'il détenait depuis le 31 décembre 2015 concernant le décalage sensible du calendrier relatif au démarrage de la phase 2 que l'introduction en bourse avait eu pour objet de financer.

105.Force est d'ailleurs de constater que les messages échangés sur le forum de discussion du site Internet « Boursorama », loin de confirmer qu'une information claire a été donnée au marché à ce sujet, traduisent l'incertitude dans laquelle se trouvaient les investisseurs, après la publication de cette interview, concernant le respect du calendrier annoncé lors de l'IPO (pièce de la société Biophytis n° 40) chacun débattant sur la réalité du retard affectant ce calendrier, notamment, à titre d'exemples :

' « gentil10 » écrit, dans un message publié le « 07 février - 22 :10 » : « Je ne suis pas d'accord. Il y a du retard » ;

' « Ludo » précise, dans un message publié le « 08 février - 01:08 » : « (...) ne pas confondre retard et changement de stratégie (...) » ;

' « bibic 62 » écrit, dans un message publié le « 08 février - 7:53 » : « Il y a bel et bien du retard c'est évident. Sur les infos IPO le recrutement aurait déjà du commencer et dans la dernière itw Mr Veillet E. un début de recrutement fin 2016 (...) Si on compare les infos données à l'IPO et la réalité, le retard est déjà présent (...) Cela ne change rien aux fondamentaux mais ça créé une perte de confiance des investisseurs (...) Le problème que nous n'avons plus de repères (news avec date butoire) pour créer une dynamique acheteuse et ça c'est regrettable » (soulignements ajoutés par la Cour).

106.Les termes de la plainte d'un actionnaire, adressée le 8 février 2016 à l'AMF (annexe 7-1 au rapport), qui estimait avoir été trompé, en procédant par déduction ' « le newsflow attendu pour fin 2015 n'étant à ce jour par respecté » ' comparaison ' « des communiqués en version anglaise sont différents de celui fait en français » ' et extrapolations ' « le silence de la société en décembre et janvier était tout simplement pour permettre aux institutionnels de sortir après la période du lockup » ' ne permet pas davantage de considérer que par son interview le dirigeant de la société Biophytis a clairement informé le marché du décalage sensible escompté.

107.Dans la troisième interview donnée le 9 février 2016, au journal « Le Revenu TV », le dirigeant de l'émetteur fait à nouveau référence au fait que son partenaire « a constitué les dossiers réglementaires pour obtenir les autorisations dans les pays concernés, la France et la Belgique au niveau européen et il est aussi chargé de faire en sorte que ces autorisations soient compatibles avec les demandes et exigences de la FDA » et indique à la question « Vous allez la lancer quand cette étude ' », la réponse suivante : « En 2016. C'est l'engagement de Biophytis, c'est l'engagement qu'on a pris à l'IPO et c'est une opportunité majeure pour nous. Ça fait de nombreuses années qu'on travaille sur cette étude ».

108.Cette troisième communication, qui n'est pas plus précise que les deux précédentes, entretient à nouveau une certaine ambiguïté concernant la nature des dossiers réglementaires constitués et leur stade d'avancement, et ne peut davantage constituer une communication de l'émetteur relative à l'information privilégiée qu'il détenait depuis le 31 décembre 2015 concernant le décalage sensible du calendrier relatif au démarrage de la phase 2.

109.S'agissant de l'ensemble de ces communications, il est vain de prétendre que la juxtaposition des différentes données fournies dans ces interviews permettaient de reconstituer l'information privilégiée, puisqu'il incombe à l'émetteur de porter à la connaissance du public l'information privilégiée elle-même, de manière complète et sans aucune ambiguïté, et non des éléments épars lui permettant, le cas échéant, d'en déduire l'existence et la nature.

110.Il convient d'ajouter, que c'est tout aussi vainement que la société Biophytis et M. V. soutiennent qu'« il n'est pas d'usage pour une société de biotechnologie de communiquer spécifiquement sur le fait qu'elle reste dans l'attente de [l'autorisation réglementaire], cette information n'ayant pas d'intérêt particulier pour le marché », puisque les échanges intervenus sur le forum de discussion et la plainte, précités, démontrent que les investisseurs déploraient, en février 2016, une absence de communication concernant une situation dont ils ne parvenaient pas à identifier l'exacte nature ni à définir l'incidence sur le calendrier prévisionnel. À cet égard, la Cour relève également qu'il n'était pas ici question d'une situation banale concernant l'attente inhérente à l'instruction d'un dossier de demande d'autorisation qui aurait été déposé dans les conditions du calendrier prévisionnel, mais d'un retard pris au stade préparatoire ' consécutif à l'évolution de sa molécule active ' procédant des choix de l'émetteur d'ajouter une étape supplémentaire (avis de l'AFMPS) qui n'avait jamais été envisagé dans le document de base et d'attendre cet avis avant toute démarche auprès de l'ANSM.

111.Le communiqué de presse de la société Biophytis du 11 mars 2016 relatif à l'avis consultatif de l'AFMPS (annexe 3-6 au rapport d'enquête) indique pour sa part, notamment :

« Le plan de développement réglementaire et clinique de SARCOB BIO101 proposé a reçu un avis favorable des experts de l'AFMPS, sollicités par BIOPHYTIS en novembre 2015 . Il comprend la réalisation d'études complémentaires préalables proposées par BIOPHYTIS, en particulier une étude de pharmacocinétique après administration multiple chez le volontaire sain âgé, qui sera conduite cet été en Belgique par SGS Life Science.

Cet avis scientifique favorable, est la première étape du processus d'approbation réglementaire du développement de SARCOB BIO101, qui doit conduire dans les prochains mois aux autorisations des agences concernées (ANSM, EMA, FDA). BIOPHYTIS conduit la préparation de l'étude de phase 2B de SARCOB BIO101, qui impliquera 180 patients sarcopéniques répartis sur une dizaine de centres d'investigation clinique en France et en Belgique » (soulignements ajoutés par la Cour).

112.Dans le communiqué de presse du 17 mars 2016, annonçant ses résultats financiers annuels 2015 , la société Biophytis indique :

' les événements de l'année 2015 : « Lancement des travaux préparatoires aux deux études cliniques de phase 2B: production des lots cliniques et constitution des dossiers cliniques pour soumission aux agences réglementaires » ;

' puis les déclarations de son président : « 2015 a été une année charnière et riche de promesses pour l'avenir de Biophytis (...) Notre objectif est maintenant d'obtenir les autorisations réglementaires préalables à la réalisation des deux études cliniques » ;

' enfin, mentionne l'avis de l'AFMPS concernant le plan de développement clinique et réglementaire de SARCOB 101, cet avis étant présenté comme « la première étape du processus d'approbation réglementaire du développement de SARCOB BIO1O1, qui doit conduire en 2016 aux autorisations des agences concernées : AFMPS (Belgique), ANSM (France), EMA (Europe), FDA (USA). Biophytis conduit la préparation de l'étude de phase 2b de Sarcob BIO101 (...) ».

113.Force est de constater, tout d'abord, qu'aucun de ces deux communiqués n'évoque la situation d'ensemble des deux études BIO101 et BIO201 par rapport au calendrier prévisionnel annoncé lors de l'IPO. L'évolution de l'étude BIO201 n'est d'ailleurs pas abordée.

114.Si le premier communiqué situe en amont du processus d'approbation réglementaire relatif au développement de SARCOB BIO101 l'avis scientifique reçu et indique qu'il doit conduire « dans les prochains mois » aux autorisations des agences concernées en visant explicitement l'ANSM, en revanche, il ne signale pas que cet avis de l'autorité belge, non prévu dans le document de base, est purement consultatif et qu'il s'est intercalé dans le processus d'approbation réglementaire annoncé au marché, ni ne précise que les « études complémentaires préalables » qu'il comprend n'avaient pas été envisagées lors de l'IPO, ces deux éléments étant pourtant, pour un investisseur raisonnablement attentif, des indicateurs du retard d'ores et déjà pris, mais également de celui qui pouvait être escompté par la société Biophytis.

115.Le deuxième communiqué mentionne pour sa part que la société Biophytis conduit « la préparation » de l'étude de phase 2b de Sarcob BIO101, sans plus de précision et se borne à évoquer « en 2016 » les autorisations des agences concernées.

116.À la différence du communiqué de presse du 29 avril 2016 dévoilant au public sa stratégie de développement à l'occasion de la publication de son document de référence 2015 ,la société Biophytis ne fait explicitement état d'aucun « décalage » par rapport au calendrier initial, auquel elle ne fait référence dans aucun de ces deux communiqués .

117.Pour satisfaire à son obligation de porter à la connaissance du public l'information privilégiée en cause, qui concerne le décalage sensible du calendrier prévisionnel d'entrée en phase 2 des deux produits BIO101 et BIO201, l'émetteur ne pouvait se contenter de communiquer de manière implicite ou par diffusion d'éléments parcellaires, peu important à cet égard que le rapprochement des différents éléments communiqués puisse, le cas échéant, permettre à des investisseurs professionnels ou particulièrement attentifs de tirer leurs propres déductions. Comme il a été dit concernant les interviews données par le dirigeant, le communiqué de presse de l'émetteur doit être effectuée dans des conditions susceptibles d'attirer l'attention des investisseurs, ce que ne permet pas la diffusion d'éléments épars qui nécessite un effort de reconstitution pour identifier l'information en cause. Il convient d'ajouter qu'en l'espèce l'information a été non seulement morcelée, mais également lacunaire dès lors que la communication a été essentiellement axée sur l'étude clinique relative au produit BIO101.

118.C'est donc à juste titre que la Commission des sanctions a retenu que ce n'est qu'à l'occasion du communiqué de presse du 29 avril 2016 annonçant la mise à disposition de son document de référence et le décalage de son calendrier de lancement des études de phase 2 des deux produits BIO101 et BIO201, que l'information privilégiée, confidentielle au 31 décembre 2015 , a été rendue publique dans des conditions susceptibles d'attirer l'attention des investisseurs. Le moyen n'est pas fondé.

C. Sur l'influence sensible de l'information sur le cours si celle-ci était rendue publique

119.La société Biophytis et M. V. rappellent que le temps de développement d'un médicament en santé humaine est long, souvent supérieur à 10 ans, de sorte que le retard précité est insignifiant et n'est pas de nature à compromettre la commercialisation rentable du produit. Ils observent que si tout franchissement d'étape est accueilli favorablement par le marché, il ne s'en déduit pas pour autant qu'un simple décalage de calendrier entraîne une réaction défavorable du marché, d'autant que ce décalage n'est pas dû à une nouvelle négative de nature scientifique, financière ou réglementaire. Ils font valoir que les notes d'analyse établies au moment des faits confirment que l'information en cause n'était pas de nature à avoir une influence sensible sur le cours, l'analyste entendu par les enquêteurs (annexe 1.4 du rapport d'enquête) ayantmaintenu sa recommandation à « neutre » et mentionné à la question 13 des enquêteurs « ma confiance demeure ». Ils en déduisent que l'existence d'un léger retard dans le dépôt des demandes d'autorisation était une circonstance indifférente. Ils observent qu'aucun des deux analystes suivant la société Biophytis n'a pris en compte ces retards dans la détermination de son objectif de cours (annexe 6-3 au rapport d'enquête et pièce n°30).

120.Ils estiment par ailleurs que les frais de fonctionnement de la société étaient peu élevés à l'époque et font observer que ceux qui ont été mentionnés par la Commission des sanctions intégraient les frais de cotation, de sorte que sa consommation de trésorerie est substantiellement inférieure et que le décalage n'entraînait pas « nécessairement une consommation de trésorerie non anticipée » comme l'a retenu la Commission des sanctions. Ils ajoutent qu'en décembre 2015 la société Biophytis disposait des fonds suffisants pour conduire les études de phase 2 à leur terme et avait engagé la production des lots cliniques de ses produits.

121.Ils rappellent que le rapporteur avait identifié une situation comparable à celle de la société Biophytis et dont le cours n'a pas varié de manière significative lors de l'annonce d'un décalage de 3 mois par rapport au calendrier initial dans la mise en œuvre d'une étude clinique de phase 2 (rapport page 31). Ils font valoir trois autres exemples (pièces 51, 52 et 53) tendant à établir l'absence d'incidence sur le cours de l'annonce, par une société de biotechnologie, d'un retard de quelques mois dans la réalisation d'une étude clinique. Ils relèvent que ces exemples ne se différencient pas significativement de son cas et que l'autorité de poursuite n'a pour sa part versé au dossier aucun contre-exemple concernant un cas similaire. Ils ajoutent qu'une étude réalisée aux États-Unis en 2012 révèle que 80 % des études cliniques accusent des retards principalement liés aux difficultés de recrutement des patients (pièce n°56) et que cette situation, qui n'a donc rien d'inhabituelle et n'est pas de nature à inquiéter les investisseurs, a fait l'objet de nombreux articles (pièces n° 54, 55, 57, 58 et 59).

122.Enfin, ils font également valoir qu'un retard de quelques mois dans l'obtention des autorisations réglementaires, dû non pas à une difficulté scientifique ou financière mais à la décision de l'émetteur de recueillir, par précaution, l'avis consultatif d'une autorité avant de déposer ses dossiers d'autorisation, ne peut être regardé comme une information susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours du titre.

123.L'AMF rappelle que l'influence sensible de l'information sur le cours doit être appréciée ex ante et de manière concrète, en fonction des données propres à chaque émetteur et du contexte économique et financier dans lequel il s'inscrit. Elle estime que la Commission des sanctions s'est inscrite dans la droite ligne de la jurisprudence européenne comme nationale.

124.Elle relève que, pour évaluer la sensibilité de l'influence qu'aurait eue sur le cours, au 31'décembre 2015 , l'information en cause, la Commission des sanctions a parfaitrementanalysé':

' les facteurs de risque qu'avait identifiés Biophytis dans son document de base';

' l'effet qu'a eu sur le cours de Biophytis la seule autre annonce relative au développement de ses produits BIO101 et BIO201 qui avait fait l'objet d'un communiqué de presse entre juin et décembre 2015 ';

' la situation d'autres sociétés de biotechnologie, qualifiées de comparables à Biophytis par les requérants';

' des études statistiques relatives aux sociétés de biotechnologie produites par les requérants';

' les conséquences prévisibles du décalage sensible constaté au 31'décembre 2015 sur la trésorerie dont disposait Biophytis à cette date'; et

' l'opinion des analystes financiers qui suivaient le titre Biophytis.

125.Elle ajoute que la force probante des comparaisons proposées par les requérants est très limitée dans la mesure où la potentielle influence sensible d'une information doit, selon une jurisprudence bien établie, être appréciée en fonction des éléments de contexte propres à chaque émetteur, qui comprennent notamment l'historique de cette société, l'existence de succès antérieurs, mais aussi le marché sur lequel elle est cotée et le domaine dans lequel elle exerce son activité. Elle considère qu'il en est de même concernant les articles et l'étude réalisée aux États-Unis en 2012 produite relatifs aux retards liés aux difficultés de recrutement des patients. Elle relève que le fait que ces retards soient fréquents ne signifie pas qu'ils sont indifférents pour les investisseurs.

126.Elle relève qu'au 31 décembre 2015 , la société Biophytis avait moins de 6 mois d'existence boursière et n'avait rencontré à cette date aucun succès clinique qui aurait été annoncé aux investisseurs, de sorte que l'absence de réaction des investisseurs à l'annonce d'un décalage de calendrier par d'autres sociétés du même secteur ne présage nullement de la réaction qu'aurait eu le marché à une telle annonce de la société Biophytis seulement quelques mois après son introduction en bourse, étant donné les différences existant entre ces sociétés.

Sur ce, la Cour,

127.L'aptitude d'une information à influer de manière sensible sur le cours d'un titre s'apprécie, a priori, à la lumière du contenu de l'information en cause et du contexte dans lequel elle s'inscrit.

128.Il n'est donc pas pertinent de se référer à la réaction du marché observée à la suite de l'annonce, par des sociétés de biotechnologie, d'un décalage de calendrier d'envergure comparable, dès lors que les exemples fournis correspondent à des sociétés et situations différentes (retards relatifs au recrutement des patients au cours de l'essai clinique final de phase 3, report d'une étude de phase 1ou encore report d'une étude de phase 3), pour certaines cotées sur un autre marché et pour la plupart cotées depuis plus longtemps, ainsi que l'a justement relevé la Commission des sanctions. Il y a lieu d'ajouter qu'à la différence des sociétés concernées par ces exemples ou des retards observés dans l'étude américaine invoquée (pièce n°56), au 31 décembre 2015 , la société Biophytis n'était introduite en bourse que depuis quelques mois seulement et le décalage de calendrier dont il s'agissait affectait le démarrage de la phase d'étude que cette cotation avait précisément pour objet de financer. Ce retard n'était pas lié aux difficultés usuelles de recrutement des patients mais à une situation spécifique, déjà évoquée aux paragraphes 87 et 64 du présent arrêt, qui était de nature à avoir une incidence sur le programme de développement des candidats-médicaments. Les comparaisons proposées sont donc inopérantes.

129.Ainsi que cela a déjà été relevé, l'existence d'articles scientifiques relatant le retard fréquemment pris dans la réalisation des études de développement de médicaments (pièces de la société Biophytis n° 54, 55, 57, 58 et 59) est indifférente pour apprécier l'influence sensible d'une information à l'égard des titres d'un émetteur précis, compte tenu du contexte qui lui est propre. Ces articles sont d'autant moins pertinents à l'égard de la société Biophytis, que celle-ci avait, comme cela a été relevé au paragraphe 86 du présent arrêt, identifié dans le document de base certains facteurs de risque recouvrant partiellement la situation en cause. Elle avait, à cet égard, indiqué que « [l]a réalisation de l'un ou de plusieurs de ces risques pourrait avoir un effet défavorable significatif sur l'activité, les perspectives, la situation financière, les résultats et le développement de la société » (Cote D0074, document de base pages 17 et 25, soulignement ajouté par la Cour).

130.La Cour relève également qu'en dépit du « caractère habituel des retards » dans ce secteur, invoqué par les auteurs du recours principal, le cours du titre Biophytis a enregistré une baisse de 11,32 % à l'annonce du décalage du calendrier prévisionnel le 29 avril 2016. Si l'ampleur de la baisse s'explique par la teneur des nouveaux programmes communiqués dans le document de référence et des retards de « 12 à 18 mois » annoncés, plus importants que ceux identifiés au 31 décembre 2015 ' de sorte qu'il ne peut en être déduit qu'au 31 décembre 2015 la réaction du marché aurait été de même envergure ' il s'en évince néanmoins qu'un retard dans la mise en œuvre d'une étude clinique, même habituel pour le secteur d'activité concerné, est de nature à susciter l'inquiétude des investisseurs selon l'émetteur et le contexte dans lequel il intervient, de sorte'qu'elle est susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours'du titre.

131.Ensuite, et comme le rappelle avec constance la jurisprudence, « il n'est donc pas nécessaire, afin de déterminer si une information est privilégiée, d'examiner si sa divulgation a effectivement influé de façon sensible sur le cours des instruments financiers auxquels elle se rapporte » (CJUE, 23 décembre 2009 - C-45/08).

132.Force est de constater qu'à l'annonce, en septembre 2015 , du démarrage de la commercialisation des lots cliniques de BIO 101 présentée comme une « première étape » pour le lancement des essais cliniques de phase 2, le cours de l'action a augmenté de 27%, de sorte que c'est à juste titre que la Commission des sanctions a retenu que cet élément établit que les investisseurs sont attentifs au stade d'avancement des études cliniques.

133.Au 24 septembre 2015 , l'analyste précité a indiqué dans une note d'initiation de couverture que « [d]ans l'immédiat, notre valorisation s'établit à 11,9 €, sensiblement supérieure à celle de l'IPO [Initial Public Offering ou introduction en bourse] en raison d'un WACC [weighted average cost of capital ou coût moyen pondéré du capital ] de 13,8% vs 15,3%. Nous sommes NEUTRE en attendant I'autorisation de démarrer les essais de phase Il b d'ici mi 2016 ».

134.Au 7 décembre 2015 , celui-ci réitérait sa recommandation, indiquant que « dans l'immédiat, nous ne changeons pas nos estimations 2015 , ce qui aurait de toute façon peu d'impact sur notre valorisation. Celle-ci s'établit en baisse à 11€ vs 11,9 € précédemment, en raison d'un WACC de 14,8% vs 13,8%, la prime de risque ayant augmenté depuis notre dernière publication. Nous restons NEUTRE en attendant l'autorisation de démarrer les essais de phase II-b d'ici mi-2016 ».

135.Contrairement à ce que soutiennent la société Biophytis et M. V. et pour les motifs déjà évoqués, le fait que cet analyste a émis une recommandation « neutre » en attendant l'autorisation réglementaire de démarrer la phase 2b, ne démontre pas qu'un retard dans le calendrier est sans importance pour le marché.

136.Cet analyste, spécialisé dans les « Biotech/Medtech », a d'ailleurs indiqué, sans ambiguïté que « [l]'anticipation de succès de la phase IIB ne vaut que si cette phase est commencée. C'est la raison pour laquelle, dans le cas de Biophytis, j'ai gardé mon avis à 'Neutre' et j'ai même révisé mes objectifs de cours à la baisse car le temps qui passe consomme de la trésorerie » (annexe 1-4 au rapport, audition du 5 janvier 2017, réponse à la question 5).

137.À cet égard, si les frais de fonctionnement de la société Biophytis pouvaient ne pas être très élevés à l'époque, compte tenu de sa taille (8 salariés), et si des fonds avaient été levés lui permettant de réaliser le programme présenté au marché en juin 2015 , il n'en demeure pas moins constant qu'un retard traduit nécessairement des coûts supplémentaires, non prévus au budget initial, qu'un investisseur raisonnable prend en compte.

138.Les échanges publiés sur le site « Boursorama » (pièce de la société Biophytis n° 40) confirment également que l'incertitude concernant cette situation n'était pas dépourvu d'influence potentiellement sensible sur le cours, ' florida7 écrivait ainsi le 8 février 2016 ' (...) maintenant on attend les autorisations des agences pour retrouver de la confiance et ' bibic62 évoquait également ' (...) une perte de confiance des investisseurs ajoutez une conjoncture catastrophique ça fait un cours qui s'effondre chaque jour un peu plus .

139.Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, c'est encore à juste titre que la Commission des sanctions a retenu que l'information relative au décalage du calendrier prévisionnel pour l'entrée en phase 2 des produits BIO101 et BIO201 était susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours du titre Biophytis au 31 décembre 2015 et en a déduit, en conséquence, que cette information a présenté, à compter du 31 décembre 2015 et jusqu'au 29 avril 2016, les caractéristiques d'une information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF.

140.Le moyen est rejeté.

II. SUR L'OBLIGATION DE COMMUNIQUER DÈS QUE POSSIBLE L'INFORMATION PRIVILÉGIÉE

141.Aux termes de l'article 223-2 I du RGAMF, dans sa version du 20 janvier 2007 au 24 septembre 2016, en vigueur à la date des faits : « Tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l'article 621-1 et qui le concerne directement. ».

142.Pour caractériser un manquement à cette obligation, la Commission des sanctions a retenu, dans la décision attaquée, qu'en ne publiant que le 29 avril 2016 l'information précitée qui était privilégiée depuis le 31 décembre 2015 et qui l'est demeurée jusqu'à la publication du document de référence et du communiqué annonçant sa mise à disposition le 29 avril 2016, la société Biophytis n'avait pas porté à la connaissance du public dès que possible cette information et n'invoquait aucun intérêt légitime justifiant de différer sa publication.

143.Elle a également retenu, sans que ce point ne soit discuté par M. V., que ce manquement lui était également imputable en sa qualité de dirigeant de la société Biophytis à la date des faits, conformément au dernier alinéa de l'article 221-1 du RGAMF, dans sa version applicable depuis le 3 mars 2007 qui prévoit que : « ['] / 2° Le terme : « personne » désigne une personne physique ou une personne morale. / Les dispositions du présent titre [titre II du livre II du règlement général de l'AMF] sont également applicables aux dirigeants de l'émetteur, de l'entité ou de la personne morale concernée ».

144.La société Biophytis et M. V. soutiennent qu'à compter du 3 février 2016 et au plus tard à compter de la publication des communiqués des 11 et 17 mars 2016, l'information selon laquelle les études de phase 2b pour les produits BIO101 et BIO201 n'avaient pas encore débuté et les autorisations réglementaires n'avaient pas été obtenues était publique. Ils en déduisent qu'ils n'ont pas communiqué avec retard et que cette situation doit conduire la Cour à réformer la décision et à les mettre hors de cause.

145.L'AMF fait valoir que, dans la mesure où il a été établi que l'information relative au décalage sensible du calendrier prévisionnel d'entrée en phase 2 des produits BIO101 et BIO201 était privilégiée au 31 décembre 2015 et qu'elle l'est demeurée jusqu'au 29 avril 2016, il apparaît que la société Biophytis et son dirigeant ont attendu près de quatre mois pour diffuser cette information, sans que les requérants n'invoquent d'intérêt légitime qui aurait justifié de différer la publication de l'information en cause.

146.Le ministère public conclut au rejet du moyen.

Sur ce, la Cour,

147.Il résulte des motifs de la Cour qui précèdent que l'information en cause, relative au décalage sensible du calendrier prévisionnel d'entrée en phase 2 des produits BIO101 et BIO201 était privilégiée dès le 31 décembre 2015 et qu'elle l'est demeurée jusqu'au 29 avril 2016. C'est donc à juste titre que la Commission des sanctions a retenu, en présence d'une communication intervenue près de quatre mois plus tard et alors qu'aucun intérêt légitime n'est établi, ni même allégué, pour justifier de différer la publication de l'information en cause, dans les conditions posées par le II de l'article 223-2 du RGAMF, que le manquement à l'obligation prévue à l'article 223-2 I de ce règlement était caractérisé à l'encontre de la société Biophytis.

148.L'imputabilité de ce manquement à M. V., pris en sa qualité de président et directeur général de la société Biophytis au moment des faits n'étant pas discutée, il convient d'adopter les motifs pertinents de la décision attaquée des paragraphes 61 à 64.

149.Le moyen est rejeté.

III. SUR LA SANCTION

150.Par son recours incident le président de l'AMF demande à la Cour de réformer la décision attaquée en élevant le montant des sanctions prononcées contre la société Biophytis et M. V., respectivement, à 150 000 et 50 000 euros.

151.Il invoque, en premier lieu, le caractère dissuasif nécessaire à la sanction d'un manquement à la bonne information du public.

152.Sur ce point, il rappelle l'article 14 et le considérant 38 de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché, dont l'article 223-2 du RGAMF est issu, qui tous deux se réfèrent à la nécessité d'appliquer des sanctions suffisamment dissuasives. Il relève ensuite que le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014, dit « règlement MAR », qui a abrogé la directive précitée, mentionne également, au considérant 77, un ensemble de sanctions administratives et autres mesures afin de « renforcer leur effet de dissuasion ». Il ajoute que la jurisprudence de la Cour a également rappelé qu'il doit être tenu compte du caractère punitif et dissuasif de la sanction au même titre que des facultés contributives de la personne sanctionnée (CA de Paris , 24 novembre 2016, RG n° 2015 /15347).

153.Il fait valoir, en second lieu, que deux des critères rappelés au III ter de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, tenant à la gravité du manquement ainsi qu'à la situation et à la capacité financière de la personne en cause, justifient la réformation demandée.

154.Il soutient ainsi, tout d'abord, que la décision attaquée a, sans justification, fait abstraction de la gravité du manquement retenu et observe qu'aucun motif n'y est consacré. Il fait valoir la gravité intrinsèque du manquement en cause, l'obligation méconnue ayant pour objectif de garantir la transparence des marchés et prévenir les manquements d'initiés, ainsi qu'il ressort des considérants n° 24 de la directive 2003/6/CE et n° 49 du règlement MAR précités, comme la gravité particulière au cas d'espèce. Il relève à cet égard que les investisseurs ont fait le choix de souscrire des actions dans le cadre de l'introduction en bourse de la société Biophytissur le fondement des éléments publiés dans son document de base et notamment du calendrier prévisionnel d'obtention des autorisations de démarrer la phase 2 d'études cliniques des produits BIO101 et BIO201. Il estime que le fait que le manquement s'est produit seulement quelques mois après l'introduction en bourse est un facteur de gravité du manquement dans la mesure où les investisseurs, d'une part, avaient peu de recul pour évaluer la fiabilité des annonces de cette société et ses capacités à anticiper correctement son calendrier, d'autre part, n'avaient aucune raison d'anticiper un décalage sensible de calendrier seulement quelques mois après son annonce.

155.Il ajoute que l'aveu des insuffisances de cette société concernant son manque d'expérience des marchés boursiers et de la communication financière ne saurait justifier une clémence de la Cour. Il relève que la société et son dirigeant ont reconnu que les obligations en cause ont été appréhendées avec une légèreté incompatible avec les objectifs de transparence des marchés et de prévention des opérations d'initiés poursuivis par l'article 223-2 du règlement précité et considère que cet élément de gravité n'a pas été pris en compte par la Commission des sanctions.

156.Il observe que le démarrage des études cliniques de phase 2, qui était envisagé en décembre 2015 par la société Biophytis, n'a toujours pas été autorisé en France et qu'en tout état de cause les évolutions postérieures à la période litigieuse ne peuvent servir à minimiser la gravité du manquement.

157.Il reproche ensuite à la décision attaquée d'avoir tenu compte de la perte nette figurant dans les comptes annuels de la société Biophytis, sans analyser les raisons de cette perte, ni préciser les autres ressources, notamment obligataires, de la société.

158.Il rappelle que cette dernière est structurellement déficitaire compte tenu du modèle économique sur lequel elle repose, consistant à engager des dépenses jusqu'à ce qu'elle ait atteint un stade de développement suffisant pour conclure des accords de licence avec des laboratoires pharmaceutiques portant sur le développement réglementaire jusqu'au lancement commercial qui permettra de réaliser un chiffre d'affaires. Il souligne que la perte nette figurant dans ses comptes correspond à des charges d'exploitation liées à son développement et à sa progression et non à des événements défavorables et ne permet pas d'appréhender la trésorerie potentielle dont la société peut bénéficier à sa discrétion.

159.Il signale que le 23 août 2019, la société Biophytis a conclu un contrat de financement obligataire pouvant atteindre 24 millions d'euros avec un fonds d'investissement basé aux Emirats arabes unis, financement étendu en huit tranches de 3 millions d'euros chacune sur une durée totale de 4 ans, ayant d'ores et déjà donné lieu au tirage de deux tranches de 3 millions d'euros chacune les 23 août 2019 et 10 janvier 2020. Il relève que la société dispose ainsi d'un financement potentiel déjà négocié de 18 millions d'euros.

160.Il déduit de l'ensemble de ces éléments qu'en faisant simplement état de la perte nette réalisée, sans autre analyse, la Commission des sanctions n'a pas fait une juste appréciation de la situation financière et patrimoniale de la société Biophytis.

161.Concernant M. V., il observe que si le cours du titre, évalué à 0,21 euros au 20 janvier 2020, a eu pour effet de réduire son patrimoine mobilier, la sanction de 20 000 euros est néanmoins très faible par rapport à ses revenus et à son patrimoine. Il rappelle les éléments figurant dans sa déclaration d'impôt sur le revenu de 2018 et observe que la sanction représente à peine la moitié de son imposition annuelle. Il ajoute qu'il ressort des rapports financiers 2018 et 2019 que la rémunération de M. V. s'est accrue de 20 000 euros entre les deux exercices. Il estime qu'une sanction si faible ne permet pas de garantir l'effectivité de la mise en œuvre des dispositions de l'article 223-2 du RGAMF.

162.La société Biophytis et M. V. font valoir que les sanctions prononcées doivent être significativement réduites en tenant compte des différents critères énoncés à l'article L.621-15 du code monétaire et financier.

163.Concernant la gravité et la durée du manquement en cause, ils se prévalent du fait que les décalages de calendrier «'d'une ampleur modérée'» (§ 52 de la décision attaquée) «'n'étaient dus à aucune nouvelle de nature financière, réglementaire ou scientifique que la société aurait voulu dissimuler'» (§71 de cette décision) ni aucune volonté d'abuser les investisseurs. Ils relèvent également que l'information a été rendue publique quelques jours seulement après la modification des programmes cliniques et que la durée du manquement poursuivi, évaluée à 4 mois par l'AMF, est relativement peu importante.

164.Concernant le critère relatif aux pertes subies par des tiers du fait du manquement, ils considèrent qu'il peut être raisonnablement admis que les investisseurs n'en ont subi aucune, d'autant que l'état d'avancement du programme clinique des produits de la société a été porté à la connaissance du marché début février 2016, à l'occasion des interviews données par son dirigeant.

165.Concernant le critère relatif aux gains ou avantages obtenus,' ils rappellent qu'il a été admis (§ 72 de la décision attaquée) qu'ils n'avaient réalisé aucun profit ni évité aucune perte du fait du manquement poursuivi et qu'ils n'en ont tiré aucun avantage de quelque nature que ce soit.

166.Concernant le degré d'implication des personnes en cause, ils relèvent que 'M. V. n'a pas personnellement participé, à l'époque des faits litigieux, à la définition de la politique de communication de la société, laquelle avait été arrêtée par le directeur financier de la société et l'agence de communication Milestones. Ils soulignent que c'est en particulier cette dernière qui a suggéré au dirigeant de donner des interviews, début février 2016, à divers journaux et sites web spécialisés afin d'informer le public sur l'avancement des programmes cliniques. Ils font valoir que M. V. n'a donc pas personnellement décidé de ne pas communiquer sur le décalage de calendrier constaté fin décembre 2015 et est mis en cause du seul fait de ses fonctions de président, responsable en tant que tel du respect des règles en matière d'information financière.

167.Concernant la coopération avec l'AMF, ils font observer qu'ils ont coopéré avec diligence à l'enquête, en fournissant sans difficulté l'ensemble des documents et explications demandés, et lors des auditions, en répondant de manière précise et circonstanciée aux questions des enquêteurs et du rapporteur.

168.Concernant le critère relatif à l'existence d'autres manquements commis, ils relèvent que ni la société Biophytis ni son président ne se sont vus reprocher d'autres manquements depuis l'admission de la société aux cotations, en juillet 2015 .

169.Concernant les mesures prises pour améliorer la communication financière de la société, ils rappellent que les faits litigieux sont survenus entre 3 et 10 mois après l'introduction en bourse de la société et qu'à cette époque celle-ci ne comptait que 8 salariés, ne disposait pas d'un service de communication interne et que ses dirigeants n'avaient aucune expérience ni des marchés boursiers ni de la communication financière. Ils précisent que si un certain temps a été nécessaire à la société et à son président pour se familiariser avec les règles et contraintes inhérentes à son statut de société cotée, ainsi que pour se structurer en conséquence, la société n'a pas pour autant appréhendé ses obligations en matière de communication financière « avec une légèreté incompatible avec l'objectif de transparence des marchés » comme l'allègue l'AMF, de façon non étayée. Ils ajoutent avoir pris les mesures nécessaires depuis mai 2016 et constatent que la Commission des sanctions a pris acte de ce que « les mis en cause ont déclaré se professionnaliser dans leur maîtrise de la communication financière et avoir désormais recours à des agences de communication pour les y assister » (§ 74 de la décision attaquée).

170.Concernant leur situation financière et patrimoniale, ils rappellent la nature structurellement déficitaire de la société et les pertes nettes enregistrées au cours des exercices 2018 et 2019 (14 millions d'euros, décision, § 72 et de 17,78 millions d'euros, pièce n° 60, §2.2.1.1, p. 15).

171.Ils précisent que le projet d'introduction de la société sur le marché américain Nasdaq s'est soldé par un échec à l'été 2019 et que la société Biophytis a, en conséquence, dû souscrire en août 2019 une ligne de financement de 24 millions d'euros auprès d'un investisseur. Ils ajoutent qu'un litige survenu avec cet investisseur a conduit la société à dénoncer la ligne de financement, et à lui substituer, début avril 2020, une ligne de financement similaire souscrite auprès d'un autre investisseur. Ils confirment qu'à ce jour, seules deux tranches ont été tirées depuis août 2019.

172.Ils estiment que, contrairement à ce que prétend l'AMF, la situation financière de la société s'est dégradée au cours de l'année 2019.

173.S'appuyant sur le rapport financier 2019 (pièce n° 60, § 2.15, p. 11), ils soulignent que':

' les capitaux propres sont négatifs (-7.526K€) au 31 décembre 2019, alors qu'ils s'élevaient à + 7.006K€ un an plus tôt ';

' la trésorerie active de la société s'élève à 6.337 K€ au 31 décembre 2019, contre 14.406K€ au 31 décembre 2018, ce qui représente une baisse de près de 55 %, étant précisé que les frais de recherche et de développement de la société seront en 2020 nettement supérieurs à 10 millions d'euros ';

' le passif financier s'élève à 15.344K€ (ce qui représente 300 % des capitaux propres) au 31 décembre 2019, alors qu'il n'était que de 8.199K€ un an plus tôt.

174.Ils estiment que l'augmentation de capital réalisée début février 2020, puis celles réalisées fin juin et début juillet 2020 d'un montant total de 10 millions d'euros, si elles permettent de financer la poursuite des programmes cliniques, n'ont pas substantiellement modifié cette situation. Ils ajoutent que dans le cadre du litige qui l'oppose à Negma, la société Biophytis a été condamnée en référé, courant avril 2020, à verser à celle-ci une provision et à lui livrer des actions Biophytis, Negma réclamant, au fond, une somme totale de 910 900 euros.

175.S'agissant de M. V., ils signalent qu'en tant qu'actionnaire historique, celui-ci s'est vu contraint de participer aux opérations de recapitalisation qui ont eu lieu au cours du premier semestre 2020, afin de susciter la confiance des investisseurs et d'en assurer le succès et a dû convertir l'intégralité d'une « créance de 630.000 euros » qu'il détenait sur la société (pièces n° 61 à 62). Ils ajoutent que si ces souscriptions ont permis à M. V. de maintenir sa participation dans la société, elles le placent dans une situation financière difficile, car la créance susvisée devait lui permettre de rembourser le solde d'un prêt professionnel de 500.000 euros qu'il avait contracté en 2017 auprès de la banque Neuflize et qui est venu à échéance en avril 2020 (pièce n° 63). Ils indiquent qu'il a, pour cette raison, dû demander à la direction générale des finances publiques un report de paiement de la sanction prononcée à son encontre par la Commission des sanctions de l'AMF (pièce n° 64).

176.Rappelant l'état d'avancement des différentes études en cours, ils précisent que les programmes cliniques progressent de manière très encourageante, les résultats obtenus à ce jour laissant entrevoir une possibilité sérieuse de conclure, à l'issue des études de phase 2, des accords de licence avec des laboratoires pharmaceutiques pour les candidats médicaments Sarconeos et Macuneos, conformément à l'objectif annoncé lors de l'entrée en bourse en juin 2015 , aussi bien dans leurs indications principales que dans leurs indications secondaires. Ils en déduisent que les investisseurs qui ont fait confiance à la société Biophytis et à ses dirigeants en juillet 2015 n'ont ainsi pas de motif de s'en plaindre et qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances, les sanctions prononcées à leur encontre apparaissent excessivement sévères.

177.Le ministère public souscrit à l'analyse du président de l'AMF et invite la Cour à faire droit à son recours.

Sur ce, la Cour,

178.Il n'est pas contesté, en premier lieu, que le manquement en cause, qui est de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs, est passible d'une sanction sur le fondement du II c) de l'article L.621-15 du code monétaire et financier.

179.Par ailleurs et conformément au III de l'article L. 621-15 du même code, dans sa version en vigueur du 5 décembre 2015 au 4 juin 2016, non modifiée dans un sens moins sévère depuis, « [l]es sanctions applicables sont : ['] c) Pour les personnes autres que l'une des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c à g du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public. ».

180.En l'espèce, la société Biophytis et M. V. n'ayant réalisé aucun profit du fait du manquement en cause, la sanction encourue par chacun d'eux ne peut excéder 100 millions d'euros.

181.Il s'ensuit que les sanctions de 100 000 et 20 000 euros qui leur ont été respectivement infligées sont inférieures au plafond légal.

182.Il convient de rappeler, en second lieu, qu'aux termes du III ter de l'article L.621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 11 décembre 2016, «[d]ans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis il est tenu compte notamment :

' de la gravité et de la durée du manquement ;

' de la qualité et du degré d'implication de la personne en cause ;

' de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s'agissant d'une personne physique de ses revenus annuels, s'agissant d'une personne morale de son chiffre d'affaires total ;

' de l'importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ;

' des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ;

' du degré de coopération avec l'Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l'avantage retiré par cette personne ;

' des manquements commis précédemment par la personne en cause ;

' de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement. ».

183.Il doit être observé, s'agissant du premier critère pertinent, que si la Commission des sanctions ne se réfère pas explicitement à la gravité et à la durée du manquement dans les motifs qu'elle consacre à la sanction, il ressort néanmoins du paragraphe 71 de la décision attaquée, qu'elle a apprécié à sa juste valeur la gravité particulière du manquement en examinant sa nature propre et son contexte, relevant notamment qu'il n'était dû à aucune nouvelle de nature financière, réglementaire ou scientifique que la société aurait voulu dissimuler et qu'il concernait un décalage de 3 mois pour le calendrier relatif au produit BIO101 et de 6 mois pour le produit BIO201, dont elle avait préalablement admis l'ampleur modérée (§52).

184.Y ajoutant, la Cour relève que si l'information privilégiée a été communiquée le 29 avril 2016 dans des conditions susceptibles d'attirer l'attention de l'ensemble des investisseurs, soit avec près de quatre mois de retard, il doit être tenu compte des conditions et circonstances dans lesquelles cette communication au public est intervenue. Celle-ci fait suite à plusieurs interviews données par le dirigeant de l'émetteur et communiqués de presse publiés entre le 3 février et le 17 mars 2016 traduisant le souci de l'émetteur de porter à la connaissance du public un certain nombre d'éléments le concernant et intéressant les investisseurs. Si l'inexpérience en matière de communication financière de la société Biophytis, structure de petite taille nouvellement cotée en bourse, et de son dirigeant M. V., ingénieur de formation, explique les imperfections des communications précitées, elle ne saurait exonérer ces derniers de leurs obligations, ni justifier une réduction de la sanction infligée qui prend déjà, implicitement, en compte cet élément en relevant qu'ils entendaient désormais « se professionnaliser dans leur maîtrise de la communication financière », elle ne peut davantage caractériser une « légèreté incompatible avec les objectifs » de la réglementation comme le soutient le président de l'AMF, ni un facteur aggravant tenant au fait que le manquement s'est produit très peu de temps après l'introduction en bourse, compte tenu des circonstances déjà relevées.

185.Sans méconnaître la gravité intrinsèque du manquement à l'obligation faite aux émetteurs de communiquer dès que possible toute information privilégiée les concernant, il convient de retenir que le manquement en cause est, de par les circonstances particulières qui ont été rappelées, d'une gravité certaine, mais modérée, comme l'a fait ressortir la décion attaquée, de sorte que ce critère ne justifie pas de réformer le montant des sanctions infligées, à la hausse comme à la baisse.

186.S'agissant de la situation et de la capacité financière des mis en cause, il est constant que, par la nature de ses activités, une société de biotechnologie est structurellement déficitaire dans les premières années de développement de ses études cliniques. L'existence de pertes nettes dans les comptes annuels de la société Biophytis ne traduit donc pas, en elle-même, une situation obérée justifiant une réduction de la sanction infligée.

187.Comme le révèle par ailleurs le rapport financier 2019, le passif est en lien, et en cohérence, avec la progression des frais relatifs aux essais cliniques et aux dépenses de recherche, de même que l'accroissement des frais généraux est à rapprocher des coûts engendrés par le projet de cotation des actions de la société au Nasdaq, de l'expansion de la société aux États-Unis et de l'ouverture d'un bureau dans le Massachussetts (pièce de la société Biophytis n° 60, rapport page 17). Ils traduisent, ensemble, une progression positive de l'activité de la société cotée.

188.De même, l'évolution négative des capitaux propres en 2019 ne saurait permettre de faire abstraction de l'augmentation des actifs non circulants qui incluent des quotes-parts de brevets et des réserves de trésorerie (même rapport page 15) ni des augmentations de capital réalisées au cours de l'année 2020 successivement de 3,3 millions d'euros et 10 millions d'euros.

189.Au regard de l'ensemble de ces éléments la sanction de 100 000 euros infligée à la société Biophytis n'est pas, comme elle prétend, disproportionnée ni particulièrement lourde pour sa trésorerie.

190.Concernant les éléments avancés par le président de l'AMF au soutien de sa demande de réformation, il n'est pas contesté que la société Biophytis a conclu un contrat de financement obligataire en août 2019, lui permettant de disposer d'un financement potentiel de 24 millions d'euros, ayant déjà donné lieu à deux tirages en août 2019 et janvier 2020, représentant une somme globale de 6 millions d'euros.

191.La société Biophytis indique, sans être contredite sur ce point, qu'un litige avec cet investisseur l'a conduite à dénoncer cette ligne de financement et à lui substituer début avril 2020 une ligne de financement similaire souscrite auprès d'un autre investisseur et que le litige précité a été porté devant les autorités judiciaires, conduisant à sa condamnation à paiement d'une provision de 378 067 euros et à livraison de 2 050 000 actions de la société Biophytis.

192.Si cette ligne de financement, comme les augmentations de capital intervenues en 2020 pour un montant total de 10 millions d'euros excluent toute précarité de l'émetteur, il convient de relever que le niveau de ses ressources est en concordance avec le niveau élevé des frais et charges inhérents au développement des programmes cliniques en cours, des recherches et des études complémentaires entreprises, de sorte qu'il n'est pas pertinent de faire état du financement potentiel de la société sans tenir compte des charges auquel il doit faire face.

193.À l'égard de M. V., la Commission des sanctions a pris en compte (§78 de la décision attaquée) le montant des rémunérations qu'il a perçues en 2018 ainsi que la part qu'il détenait dans le capital de la société Biophytis, évaluée à 10,91 % soit 1 469 271 actions valorisées à un cours de 0,58 euro à la fin du mois de juillet 2019, outre les bons de souscription d'actions et bons de souscription de parts de créateur d'entreprise détenus.

194.M. V. produit une lettre de la banque Neuflize en date du 9 avril 2020 établissant que la position de son compte « n'a pas permis le paiement intégral de l'échéance du 06/04/2020 d'un montant de 353 280,32 EUR » relative au crédit professionnel initial de 500 000 euros consenti en date du 4 avril 2017 (pièce n° 63), ainsi que le courrier adressé à la Direction générale des finances publiques dans lequel il évoque la négociation du rééchelonnement de ce prêt. Force est de constater qu'aucun élément n'est produit concernant l'exigibilité actuelle de cette créance, ni sur les garanties qui ont nécessairement été offertes à la banque pour s'assurer de son recouvrement. Il n'est, notamment, fourni aucun élément concernant le patrimoine immobilier de M. V..

195.Il est établi en revanche que le 20 mai 2020, M. V. a choisi de libérer le montant de sa souscription par imputation d'une créance liquide et exigible détenue à l'encontre de la société (pièce n°61) pour un montant de 453 600 euros et souscrit 1 680 000 actions (pièce n° 62), en toute connaissance de ce passif et de la décision de sanction prononcée le 1er octobre 2019.

196.Comme l'observe le président de l'AMF, la baisse du cours à 0,21 euros au 20 janvier 2020 a effectivement eu pour effet de réduire le patrimoine mobilier de M. V.. Ses ressources lui permettent néanmoins de faire face au paiement de la sanction qui représente moins de la moitié de son imposition annuelle sur le revenu 2018.

197.Au regard de l'ensemble de ces éléments et contrairement à ce que soutient M. V., la sanction de 20 000 euros qui lui a été infligée n'est pas disproportionnée.

198.Si les données brutes précitées, décorrélées de leur contexte, sont de nature à justifier l'élévation du montant des sanctions infligées à la société Biophytis et à M. V., au regard de la fonction dissuasive de la sanction, il ne peut toutefois être fait abstraction des autres critères pertinents qui doivent être pris en compte pour assurer son caractère proportionné.

199.En l'occurrence, la décision attaquée a justement tenu compte du fait qu'aucun profit n'avait été réalisé, ni aucune perte évitée, du fait du manquement en cause et que l'émetteur et son dirigeant avaient désormais recours à des agences de communication pour les assister dans leur communication financière, ayant ainsi mis en œuvre des mesures pour éviter toute réitération du manquement.

200.Sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres critères indicatifs prévus par l'article L.621-15 III ter du code monétaire et financier, peu pertinents concernant des mis en cause normalement coopératifs et n'ayant pas commis d'autres manquements, et compte tenu de l'ensemble des éléments qui viennent d'être développés, il n'y a pas lieu à réformation de la décision attaquée. Les recours sont rejetés.

IV. SUR LA DEMANDE D'ANONYMISATION

201.La société Biophytis et M. V. demandent de réformer la décision attaquée en ce qu'elle a ordonné la publication sans anonymisation et demandent à la Cour de tenir compte des circonstances de cette affaire, et en particulier de la bonne foi de la société Biophytis et de son dirigeant, qui n'ont jamais eu aucune intention d'abuser le marché sur les activités de la société et n'ont tiré aucun profit direct ou indirect des retards allégués de communication.

202.Nul autre n'a déposé d'observations ou avis sur ce point.

Sur ce, la Cour,

203.Aux termes de l'article L.621-15 V du code monétaire et financier :

« La décision de la Commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées.

La Commission des sanctions peut décider de reporter la publication d'une décision ou de publier cette dernière sous une forme anonymisée ou de ne pas la publier dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes :

a) Lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d'une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données personnelles ;

b) Lorsque la publication serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, de même que le déroulement d'une enquête ou d'un contrôle en cours. ».

204.Comme l'a justement relevé la décision attaquée, la bonne foi, l'absence de profit et l'absence de caractère intentionnel du manquement retenu sont des éléments impropres à justifier la nécessité d'une publication sous forme anonymisée.

205.La société Biophytis et M. V. ne fournissant aucun élément ni explication établissant que l'une des circonstances énoncées à l'article L.621-15, V, du code monétaire et financier justifierait, en l'espèce, l'anonymisation qu'ils sollicitent, leur demande est rejetée.

V. SUR LES DEMANDES FONDÉES SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET SUR LES DÉPENS

206.La société Biophytis et M. V. succombant en leur recours, il y a lieu de rejeter leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

207.Le président de l'AMF succombant également dans son recours incident, il convient de laisser à chaque partie la charge de ses dépens.

 

PAR CES MOTIFS

REJETTE les recours de la société Biophytis et de M. V., ainsi que du président de l'AMF, contre la décision de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 13 du 1er octobre 2019 ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens.