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Décisions

Cass. com., 15 décembre 2009, n° 08-20.840

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouin-Palat et Boucard

Aix-en-Provence, du 20 août 2008

20 août 2008

Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2007 :

Vu l'article 978, alinéa 1, du code de procédure civile ;

Attendu que la déclaration de pourvoi faite le 17 novembre 2008 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2007 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'a pas été suivie du dépôt au secrétariat-greffe de la Cour de cassation, dans le délai prévu par le texte susvisé, du mémoire contenant l'énoncé des moyens invoqués ; qu'il s'ensuit que la déchéance du pourvoi est encourue ;

Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 20 août 2008 :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 août 2008), que la société de droit luxembourgeois Erice est propriétaire de la nue-propriété de parts de deux sociétés civiles immobilières, elles-mêmes propriétaires de biens immobiliers à Saint-Tropez ; que l'administration fiscale lui a notifié, le 9 décembre 2002, un redressement au titre de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles détenus en France par les personnes morales, instituée par les articles 940 D et suivants du code général des impôts, puis, le 13 février 2004, un avis de mise en recouvrement ; qu'après rejet de sa réclamation, la société Erice a assigné le directeur des services fiscaux du Var devant le tribunal de grande instance afin d'obtenir la décharge de la taxe litigieuse ;

Attendu que la société Erice fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que la restriction apportée à la liberté du choix de la forme d'une société ayant son siège dans un État membre et exerçant son activité dans un autre État membre constitue une violation de la liberté d'établissement garantie par les articles 43 et 48 du Traité instituant la Communauté européenne ; qu'une telle restriction résulte de l'obligation faite à une société anonyme de droit luxembourgeois dont le capital est constitué de titres au porteur d'instaurer un mécanisme permettant l'identification des porteurs de titres et, à plus forte raison, de choisir une autre forme sociale afin que la société soit en mesure de fournir à l'administration fiscale française l'identité et l'adresse de ses actionnaires, en vue de pouvoir bénéficier de l'exonération de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales prévue par l'article 990 D 2° (en réalité 990 E 2°) du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en la cause ; qu'en imposant à la société Erice de droit luxembourgeois, dont le capital était, conformément à la législation de cet État membre, constitué de titres au porteur, d'instaurer un mécanisme permettant l'identification des porteurs de titres ou de choisir une autre forme sociale pour pouvoir être exonérée de la taxe en cause, la cour d'appel a violé les stipulations susvisées du Traité instituant la Communauté européenne ;

2°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société Erice soutenait dans ses conclusions récapitulatives (p. 2, § 2) que son capital était constitué d'actions au porteur, en conformité avec la loi luxembourgeoise du 10 août 1915, comme le démontrait la photocopie de deux titres établis le 15 décembre 1999 et signés par deux administrateurs, document qu'elle produisait devant la cour d'appel (pièce n° 9) ; que chacun de ces deux titres donnait droit à 625 actions au porteur au prix de 1 000 francs luxembourgeois chacune, de sorte qu'ils représentaient la totalité du capital social fixé à 1 250 000 francs luxembourgeois ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que la société Erice n'établissait pas que son capital était entièrement constitué d'actions au porteur, pour en déduire que celle-ci ne pouvait bénéficier de l'exonération sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales prévue par l'article 990 D 2° (en réalité 990 E 2°) du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en la cause, sans viser ni examiner les pièces produites par la société, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que la restriction apportée à la liberté du choix de la forme d'une société ayant son siège dans un État membre et détenant une participation dans une société propriétaire de biens immobiliers dans un autre État membre constitue une violation de la liberté de circulation des capitaux garantie par l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne ; qu'une telle restriction résulte de l'obligation faite à une société anonyme de droit luxembourgeois dont le capital est constitué de titres au porteur d'instaurer un mécanisme permettant l'identification des porteurs de titres et, à plus forte raison, de choisir une autre forme sociale afin que la société soit en mesure de fournir à l'administration fiscale française l'identité et l'adresse de ses actionnaires, en vue de pouvoir bénéficier de l'exonération de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales prévue par l'article 990 D 2° (en réalité 990 E 2°) du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en la cause ; qu'en l'espèce, en refusant néanmoins de décharger la société Erice des droits et pénalités résultant de l'application de cette taxe, au prétexte qu'il appartenait à cette société de droit luxembourgeois, dont le capital était, conformément à la législation de cet Etat membre, constitué de titres au porteur, d'instaurer un mécanisme permettant l'identification des porteurs de titres ou de choisir une autre forme sociale pour pouvoir être exonérée de la taxe en cause, la cour d'appel a violé les stipulations susvisées du Traité instituant la Communauté européenne ;

Mais attendu, en premier lieu, que les dispositions des articles 43 et 48 du Traité instituant la Communauté européenne n'ont pas vocation à s'appliquer aux sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la société Erice souligne qu'elle n'a aucun revenu, que le fait que toutes ses actions puissent être au porteur ne lui interdit nullement de mettre en place un mécanisme lui permettant d'identifier les porteurs de ses titres, l'arrêt retient qu'il appartenait à celle-ci de se donner les moyens de remplir complètement la déclaration prévue par l'article 990 E 2° du code général des impôts, en fournissant le nom de ses actionnaires, pour bénéficier de l'exonération de la taxe litigieuse et qu'elle ne justifie pas d'une impossibilité de le faire ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit l'absence de discrimination à l'égard de la société Erice ;

D'où il suit qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la deuxième branche, le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

CONSTATE la déchéance du pourvoi dirigé contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2007 ;

Rejette le pourvoi dirigé contre l'arrêt rendu le 20 août 2008.