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Décisions

Cass. 1re civ., 9 juillet 2003, n° 00-16.291

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Riom, 2e ch., du 26 mai 1998

26 mai 1998

Attendu que Maurice X... est décédé le 16 janvier 1985, en laissant pour recueillir sa succession, d'une part, sa veuve, née Lucie Y..., avec laquelle il était marié depuis 1927 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, et à laquelle il avait fait donation le 24 mai 1972 de la plus large quotité disponible en présence d'enfants, d'autre part, leur fille, Mme Yvonne X... épouse Z... ; qu'après avoir opté pour la totalité en usufruit, Mme X... a, lors de la déclaration de succession établie le 13 novembre 1985, demandé avec sa fille à la Caisse de Crédit agricole mutuel du Puy-de-Dôme de "porter l'ensemble des comptes, livrets, bons, titres ou autres valeurs ayant dépendu originairement de la communauté ayant existé entre M. X... et Mme Y..., et de la succession de M. X... à un compte indivision dont l'ensemble des revenus devra être remis à Mme X...-Y... ;

que, le 16 juin 1995, Mme Lucie Y... veuve X... a assigné sa fille en partage de la succession, en demandant notamment de dire que, "tant en vertu de son droit d'usufruit sur la succession de son mari que de ses propres droits dans la communauté", elle pourra dès à présent disposer de l'ensemble des sommes versées au compte indivision du Crédit agricole ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de cette demande, alors selon le moyen :

1 / que le quasi-usufruit confère à l'usufruitier le droit de disposer librement des biens consomptibles par le premier usage sur lesquels porte l'usufruit, de sorte qu'en décidant le contraire, au motif inopérant pris du transfert des fonds dépendant de la succession sur un compte indivision, la cour d'appel a violé les dispositions d'ordre public de protection de l'usufruitier de l'article 587 du Code civil ;

2 / qu'en s'abstenant de constater l'existence d'un acte positif, par lequel Mme Y... veuve X... aurait manifesté d'une façon non équivoque sa volonté de renoncer à son droit de disposer librement des biens consomptibles par le premier usage sur lesquels porte l'usufruit, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de ce texte ;

3 / qu'en déboutant Mme Y... veuve X... de sa demande tendant à se voir accorder "la possibilité de disposer de l'ensemble des sommes versées sur le compte ouvert au Crédit agricole", après avoir constaté qu'il résultait de l'acte du 13 novembre 1985 que l'usufruitière était en droit de percevoir "les revenus" des biens composant le compte d'indivision, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 587 du Code civil ;

Mais attendu que l'usufruit ne revêt la forme d'un quasi-usufruit que lorsqu'il porte sur les deniers qui existaient dans la succession au jour du décès et que les dispositions de l'article 587 du Code civil ne sont pas applicables à l'usufruit portant sur des titres au porteur, qui ne sont pas consomptibles par le premier usage; qu'après avoir exactement relevé, d'une part, que la demande de Mme X... portait sur des "bons, titres ou autres valeurs" ayant dépendu de la succession de son mari, d'autre part, qu'en ordonnant que les autres fonds en dépendant soient placés de telle sorte qu'elle n'en perçoive que les revenus, elle avait ainsi renoncé à disposer du capital, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que les dispositions de l'article 587 du Code civil ne pouvaient recevoir application ;

Mais sur la quatrième branche :

Vu l'article 815 du Code civil, ensemble l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, dont l'application est relevée d'office dans les conditions de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour débouter Mme X... de sa demande tendant à obtenir la faculté de disposer des fonds correspondant à ses droits dans la communauté, l'arrêt attaqué se borne à énoncer que la convention signée entre les parties, le 13 novembre 1985, doit continuer à s'appliquer ;

Attendu qu'en imposant ainsi à Mme X... le maintien d'une convention d'indivision, alors que l'action en partage par elle engagée commandait, ainsi que l'admettait l'autre partie, de déterminer la part de communauté lui revenant, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives au maintien intégral de la convention du 13 novembre 1985, l'arrêt rendu le 26 mai 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.