Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 7 avril 1998, n° 96-14.694

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Chartier

Avocat général :

M. Sainte-Rose

Avocat :

SCP Ryziger et Bouzidi

Aix-en-Provence, ch. réun., du 9 févr. 1…

9 février 1996

Attendu que les consorts X..., agissant aux droits de Jean X..., décédé, ont agi en revendication de 11334 actions représentant 38 % du capital social d'une société dénommée "Marseille industrie" contre les consorts E..., héritiers de Henri E... et son épouse B... Brunon, autres associés décédés, soutenant que ces actions avaient été remises, dans le courant de l'année 1956, à Henri E... par l'intermédiaire de Mme Marthe E... ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 février 1996), rendu après cassation, d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen, que, d'une part, nul ne peut se constituer de preuve à lui-même, et qu'en considérant que la déclaration de Mme Marthe E..., seule personne encore vivante qui a été témoin des faits, exclut que les actions aient été remises à titre de dépôt et implique une remise en règlement définitif d'une dette, la cour d'appel, qui retient le seul témoignage de l'une des parties litigantes en faveur de cette même partie, a violé l'article 1315 du Code civil; alors que, d'autre part, en écartant les témoignages de Mme Nicole E... et de M. Z..., qui constituaient un commencement de preuve par écrit motif pris que la charge de la preuve pesait sur les consorts X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et les articles 1315 et 1347 du Code civil; alors que, en outre, pour justifier la possession des titres, les consorts E... alléguaient le remboursement d'une dette de l'auteur des consorts D..., qu'il leur appartenait, dès lors, d'en apporter la preuve et que, sur ce point, les juges du fond, qui n'ont pas constaté la preuve de l'existence de cette dette alléguée leur permettant de justifier d'une possession utile, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2229 et suivants et 2279 du Code civil, ainsi que de l'article 1315 du même Code; alors que, en outre, les consorts X... faisaient valoir que la possession a toujours été viciée, et qu'en ne se prononçant pas sur leur moyen faisant valoir qu'ils contestaient un document produit en copie selon lequel Jean X..., leur auteur, aurait démissionné du conseil d'administration de la société le 20 septembre 1956, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors que, enfin, en ne recherchant pas s'il ne ressortait pas de la non-utilisation des titres lors des assemblées générales la preuve d'une possession équivoque et, partant, viciée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2279 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel rappelle exactement que, s'agissant de titres faisant preuve par eux-mêmes des droits du porteur, les dispositions de l'article 2279 du Code civil ont vocation à s'appliquer, de sorte que la présomption qui s'attache à la possession des valeurs au porteur dispense le possesseur de rapporter la preuve de son titre d'acquisition et impose au revendiquant la charge de prouver que cette possession est viciée ou que les titres sont en réalité détenus pour une autre cause, c'est-à-dire en l'espèce un dépôt, ainsi qu'il est allégué; que, dès lors, le moyen est inopérant en ses première et troisième branches, la déclaration de Mme E..., au demeurant recueillie au cours d'une comparution personnelle, n'étant pas nécessaire à établir au bénéfice des consorts E... une preuve qui ne leur incombe pas ;

Attendu, en deuxième lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a jugé que les affirmations de deux des parties à l'instance n'étaient pas de nature à fonder une solution contraire ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et de s'expliquer sur un moyen inopérant ;

Et attendu, enfin, que c'est ici encore souverainement que la cour d'appel relève que les consorts X... n'établissent pas que la possession de titres aurait été entre 1956 et leur conversion en titres nominatifs viciée d'une manière quelconque, les pièces du dossier démontrant au contraire que ces titres ont nécessairement été utilisés de manière publique et avec les prérogatives attachées à leur propriété ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et, sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les consorts X... reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen, que, d'une part, ils faisaient valoir que les relations exceptionnelles entre Marthe E... et son oncle Jean X... expliquaient que ce dernier n'ait exigé aucun écrit pour établir la promesse de celle-ci de lui restituer les actions ultérieurement, et qu'en se contentant d'affirmer que les consorts X... sont mal fondés à soutenir qu'il aurait existé une réelle impossibilité morale de recourir à un écrit entre Jean X... et son beau-frère Henri E..., cependant que l'impossibilité morale était invoquée dans les rapports de Jean X... et de sa nièce E... à laquelle il avait remis en dépôt les titres, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur ce moyen, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors que, d'autre part, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si une telle impossibilité morale existait, a privé sa décision de base légale ;

Mais attendu que les consorts X... ayant soutenu que les actions avaient été remises "à M. Henri E... par l'intermédiaire de Mme Marthe E...", c'est sans violer le texte visé à la première branche que la cour d'appel, justifiant légalement sa décision, a statué comme elle l'a fait;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.